"Le gouvernement britannique devrait annoncer cette semaine la mise en chantier de deux porte-avions, pour un contrat d'une valeur totale de 3,8 milliards de livres (4,7 milliards d'euros). Alors que de nombreuses négociations ont eu lieu sur l'opportunité d'un partenariat avec la France, le programme britannique sera donc lancé sans attendre la décision de Nicolas Sarkozy sur l'avenir du deuxième porte-avions français. Cette décision, qui met fin à près d'une décennie de discussions et d'hésitations, devrait permettre au Royaume-Uni de rester un au niveau mondial, pour reprendre les mots de l'amiral sir Jonathon Bond, plus haut gradé de la Royal Navy.
Malgré la signature imminente, certains hauts gradés britanniques doutent encore de l'intérêt d'un tel investissement qui risque d'entraîner le sacrifice d'autres programmes militaires. D'après le Times, le chef d'état-major adjoint a envoyé un courrier à tous les généraux et amiraux du ministère de la Défense leur demandant s'il était vraiment nécessaire pour le Royaume-Uni d'avoir de nouveaux porte-avions. L'inquiétude vient surtout de la Royal Air Force, qui craint de devoir abandonner ses projets d'hélicoptère Super Lynx et de modernisation des chasseurs Eurofighter.
Le premier ministre Gordon Brown est en tout cas décidé d'aller de l'avant. Il soutient depuis longtemps ce programme, même à l'époque où il était ministre des Finances et bataillait ferme pour mettre fin à certains programmes trop coûteux comme l'Eurofighter. Ce soutien inconditionnel n'est sûrement pas étranger au fait que la construction des deux porte-avions devrait donner du travail à près de 10.000 personnes en Grande-Bretagne, dont un grand nombre dans les chantiers navals écossais qui bordent la circonscription dont il est député.
Le contrat qui sera signé avec BAE Systems prévoit la construction de deux navires de 65.000 tonnes et 284 mètres de long, d'une classe intermédiaire entre le "petit" Charles-de-Gaulle et les géants américains de classe Nimitz (100.000 tonnes). En revanche, les navires, qui seront baptisés HMS Queen Elizabeth et HMS Prince of Wales ne seront pas à propulsion nucléaire. Ces bâtiments marquent surtout un changement d'échelle par rapport à ceux qu'ils remplaceront à partir de 2014. Les HMS Illustrious et Ark Royal actuellement en service sont des porte-aéronefs légers qui emportent des chasseurs Harrier à décollage vertical et ne font qu'un tiers du tonnage des nouveaux bâtiments. Avec des porte-avions plus lourds et plus grands, la Royal Navy pourra emporter un plus grand nombre d'avions, mais se laisse aussi la possibilité d'y faire décoller des appareils qui ne sont pas à décollage vertical.
À ce stade, les dernières critiques ne portent plus sur les choix techniques, mais bien sur le coût total du projet. Le budget de la défense britannique souffre du poids des deux opérations militaires en cours, en Irak et en Afghanistan. "Le ministère de la Défense n'a pas les moyens d'acheter ces deux porte-avions, affirmait au Times Andrew Brookes de l'Institut international d'études stratégiques (IISS) à Londres. Il y a un trou noir de 15 milliards de livres dans le budget militaire depuis dix ans, et avec les grands programmes d'équipement en cours comme l'Eurofighter et l'avion de transport A400M, on se demande d'où va bien pouvoir provenir l'argent?"
Source : Theatrum Belli / Le Figaro