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Diplomacy & Defense Think Tank News

Conseil de l'Europe, Réunion de la Commission de Venise

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
Les experts de la Commission de Venise, organe consultatif en droit constitutionnel du Conseil de l'Europe se sont réunis les 11 et 12 mars. Ils ont adopté des avis intérimaires sur des projets de loi relatifs à l'influence des oligarques en Ukraine, Géorgie et R Moldavie. Ils ont adopté un avis conjoint sur un projet de loi concernant l'évaluation externe des juges et procureurs en Moldavie et un projet d'avis conjoint sur les partis politiques en Azerbaïdjan. Ils sont aussi revenus sur les suites données à deux de leurs avis sur des projets de loi sur le système judiciaire du Monténégro et de la Géorgie.

Etudes/Rapports, Hausse des importations d'armes en Europe

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
D'après les données publiées le 13 mars par l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les importations d'armes majeures par les États européens ont augmenté de 47 % entre les périodes 2013-2017 et 2017-2022. Selon les mêmes données, l'Ukraine est devenue le troisième importateur mondial d'armes en 2022, derrière le Qatar et l'Inde.

Culture, Semaine de la Francophonie

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
A l'occasion de la Semaine de la langue française et de la Francophonie, du 18 au 26 mars, près de 1 500 évènements sont organisés dans 80 pays, parmi lesquels un gala d'humoristes à la mémoire de Raymond Devos, un colloque sur l'enrichissement de la langue ou encore des rencontres francophones à la Bibliothèque nationale de France à Paris.

Culture, Fête de la Saint Patrick en Irlande

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
Du 16 au 19 mars se tiennent les festivités de la Saint Patrick en Irlande. Cette fête est célébrée en l'honneur de Saint Patrick, missionnaire qui a converti l'Irlande au christianisme. Dublin est la capitale des festivités avec de nombreux concerts, spectacles et autres activités. La plus grande parade jamais organisée par la ville est prévue le 17 mars.

Culture, Paul Smith revisite Pablo Picasso

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
Le musée Picasso à Paris organise une exposition, jusqu'au 27 août, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la disparition de Pablo Picasso. Le designer Paul Smith, qui est le directeur artistique de l'exposition, apporte un regard contemporain sur les chefs-d'œuvre les plus emblématiques de l'artiste.

Culture, Herman Han à Varsovie

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
Le Palais Royal de Varsovie consacre, jusqu'au 23 avril, une exposition à Herman Han, principalement connu pour ses œuvres religieuses. L'exposition cherche à mettre en lumière un pan moins connu de la carrière de l'artiste qui a aussi exploré des thèmes profanes et le genre du portrait.

La Finlande a-va-t-elle virer à droite lors des élections législatives du 2 avril prochain ?

Fondation Robert Schuman / Publication - Mon, 13/03/2023 - 01:00
Le 2 avril prochain, les Finlandais sont appelés aux urnes pour renouveler les 200 membres de l'Eduskunta/Riksdag, chambre unique du Parlement. Les électeurs qui résident dans le pays et qui le souhaitent pourront remplir leur devoir civique par anticipation entre le 22 et le 28 mars, et entre le 22...

Culture, Lucie Rie : L'aventure de la poterie à Cambrige

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
Jusqu'au 25 juin, une exposition au Kettle's Yard à Cambrige offre l'occasion de découvrir le travail de Lucie Rie, l'une des céramistes les plus influentes du XXe siècle. Julie Rie a été la figure de proue du nouvel art céramique qui s'est développé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en s'affranchissant de la tradition qui dominait la discipline.

Etat de droit : le pari incertain de la conditionnalité

Fondation Robert Schuman / Publication - Mon, 13/03/2023 - 01:00
L'année 2023 sera-t-elle l'année où la Hongrie et la Pologne rentrent dans le rang des États membres qui respectent les valeurs de l'Union européenne ? Rien n'est moins sûr car, à Budapest comme à Varsovie, les réformes demandées par l'Union se font attendre. Le président polonais, Andrzej Duda, a r...

Culture, Photographies de Duane Michals à Helsinki

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
Jusqu'au 21 mai, le musée finlandais de la photographie à Helsinki organise une exposition intitulée "The Portraitist", consacrée à Duane Michals, célèbre photographe ayant rompu avec la tradition de la photographie documentaire.

Culture, Peinture figurative à Montpellier

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
Jusqu'au 7 mai, le MO.CO à Montpellier accueille une exposition consacrée à la jeune peinture figurative française. L'exposition met à l'honneur des artistes nés entre les années 1970 et 1990 qui revisitent le style figuratif.

Culture, Nouvelles expositions à l'Institut KW à Berlin

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
L'Institut KW pour l'art contemporain à Berlin accueille trois expositions jusqu'au 14 mai. La première est consacrée à Martin Wong, peintre sino-américain. La deuxième exposition rassemble des peintures, dessins, collages et vidéos de l'artiste colombo-américaine Karen Lamassonne. Enfin, le plasticien américain Win McCarthy présente une série de photogrammes consacrés à la vie quotidienne et représentant des scènes à la fois personnelles et universelles?

Culture, De Maurizio Cattelan à Lynette Yiadom-Boakye au palais Strozzi

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
Jusqu'au 18 juin, la fondation du Palais Strozzi accueille une exposition mettant à l'honneur certains des artistes contemporains italiens et internationaux les plus importants, comme Maurizio Cattelan et Lynette Yiadom-Boakye. L'exposition propose, à travers plus de 70 œuvres, de réfléchir sur le présent et l'avenir de l'art.

Culture, Oskar Kokoschka au musée Guggenheim de Bilbao

Fondation Robert Schuman / Actualités - Mon, 13/03/2023 - 01:00
Jusqu'au 3 septembre, le musée Guggenheim de Bilbao organise une exposition consacrée à Oskar Kokoschka et intitulée "Un rebelle de Vienne". Artiste réputé inclassable du fait de sa versatilité, il n'a reconnu de son vivant que le qualificatif d'expressionniste pour décrire son art, considérant qu'il ne faisait rien qu'autre "qu'exprimer la vie".

« En matière de féminisme, l’Europe est un fer de lance mais peut mieux faire »

IRIS - Sun, 12/03/2023 - 10:12

Les démissions récentes de Jacinda Ardern et Nicola Sturgeon sont-elles comparables ? Faut-il s’inquiéter de voir ainsi deux dirigeantes féministes renoncer à leurs fonctions ?

Il faut toujours être très précautionneux, on ne peut pas faire de généralités à partir de deux cas seulement. Mais en l’occurrence, Nicola Sturgeon et Jacinda Ardern, qui sont d’ailleurs assez proches en âge (respectivement 53 et 43 ans, ndlr), nous rappellent à travers leurs démissions respectives qu’il n’y a pas qu’une seule manière de faire de la politique. Elles nous montrent que l’activité politique n’est pas censée être une carrière, mais un moment de la vie très précis dévoué à l’intérêt général. En cela, elles déjouent le stéréotype de l’homme politique fort, viril, qui dort peu la nuit et qui résiste à tout. Il en ressort une réalité que l’on avait sans doute un peu tendance à oublier : les fonctions politiques sont généralement très prenantes et très stressantes, au point qu’elles peuvent éreinter celles et ceux qui les exercent. Selon moi, leur attitude est donc plus rassurante qu’inquiétante, car elle représente un leadership politique plus moderne.

Ces dernières années, il est devenu évident pour beaucoup que le féminisme était un enjeu social, un enjeu économique, ou encore un enjeu écologique. En quoi le féminisme est-il aussi un enjeu géopolitique ?

Le féminisme est un enjeu géopolitique parce que tous les thèmes à l’agenda de la diplomatie et des relations internationales sont concernés par le féminisme et les questions de genre. On ne peut pas aborder les sujets d’éducation, de conflits ou encore de migrations en faisant l’économie d’une approche consciente des enjeux de genre. D’une part, les hommes et les femmes ne vivent pas de la même manière les crises, les guerres et les migrations, comme l’a montré la pandémie de Covid-19. D’autre part, les droits des femmes et des minorités  sexuelles sont au cœur des relations diplomatiques. Le langage même des relations internationales peut être très genré (généralement viriliste).

Par ailleurs, on a très longtemps sous-estimé le rôle que jouent les femmes à l’international, à la fois dans les guerres mais aussi  dans la diplomatie au sens routinier du terme. Entre autres mobilisations, le mouvement #MeToo nous a invités à ouvrir notre regard et à considérer qu’en matière de féminisme, il existe une circulation très grande des influences – que ce soit au niveau des revendications, des modes d’action ou encore des priorités en matière de politiques publiques. Depuis son émergence, on ne peut plus dire qu’il y aurait, d’un côté, un féminisme occidental et, de l’autre,d’autres formes de mobilisations plus aléatoires. #MeToo  nous a obligés à regarder ce qui se passe dans le monde, à nous décentrer. Avoir un regard aveugle aux questions de genre, c’est par ailleurs se priver d’une partie de la réalité et envisager des solutions inadaptées.

En octobre 2022, on apprenait que le nouveau gouvernement conservateur de la Suède décidait d’abandonner sa « diplomatie féministe ». Que signifie au juste mettre en œuvre une « diplomatie féministe » ?

Il n’y a pas de définition canonique de ce que serait une diplomatie féministe. Chaque pays ou organisation internationale a sa propre vision de ce que cela doit signifier. Jusqu’à aujourd’hui, on est beaucoup dans le registre du branding, du slogan et des bonnes intentions. Dans les faits, cela ne change pas grand chose. Or une diplomatie féministe doit s’inscrire dans le temps long. Il y a à la fois un enjeu de gouvernance (aller vers davantage de parité, lutter contre l’entre-soi dans les postes à responsabilité) et un enjeu de politiques publiques – prendre en compte le fait que 80 % des déplacés climatiques dans le monde sont des femmes, comme le dit l’ONU, par exemple.

Il s’agit également de s’intéresser au rôle des femmes sur le terrain : quels sont leurs besoins, leurs attentes en termes de diplomatie ? Il convient de s’appuyer sur les savoir-faire locaux afin de ne pas plaquer des modèles pré-établis. Dans une grande partie du monde, on ne se reconnaît d’ailleurs pas forcément dans l’étiquette « féministe », qui est vue comme un terme occidental. Mais cela ne veut pas dire que dans ces pays-là les femmes ne luttent pas pour leurs droits.

La guerre en Ukraine a redéfini les équilibres géopolitiques mondiaux. Quelle lecture féministe peut-on faire de l’invasion russe ?

Il faut éviter d’essentialiser les choses : cela n’a pas de sens de penser que les dirigeants masculins sont forcément « enclins à la guerre », à rebours de dirigeantes féminines qui seraient « par nature pacifistes ». En Europe, on voit d’ailleurs très bien comment les mouvements d’extrême droite cherchent à s’appuyer sur des figures féminines pour casser leur image « dure ».

Ceci étant dit, l’invasion de l’Ukraine est fondée depuis le départ sur une rhétorique d’écrasement et de domination de la part de Vladimir Poutine. Ce dernier voit dans le peuple ukrainien un pion perverti de l’Occident, sur fond de stéréotypes homophobes et sexistes. C’est l’idée selon laquelle l’Occident voudrait mettre en péril les valeurs russes ancestrales en imposant son « idéologie » LGBT et féministe. Poutine parle d’ailleurs de « prostituée de l’Europe » à propos de l’Ukraine. Cette manière de justifier le conflit est très marquée par une approche genrée des relations internationales.

Enfin, il faut noter qu’une partie du discours médiatique a présenté la résistance ukrainienne comme étant essentiellement masculine, en négligeant le rôle des femmes, surtout au début du conflit. Même si ce sont, de fait, surtout des femmes et des enfants qui fuient le pays, aujourd’hui, l’Ukraine dispose de l’une des armées les plus féminisées au monde avec environ un quart d’effectifs féminins, sans compter la résistance féminine très forte que l’on observe sur le terrain.

Dans le livre, vous pointez par ailleurs l’émergence d’un discours « fémonationaliste », y compris en France . De quoi s’agit-il ?

Le fémonationalisme consiste notamment à instrumentaliser le féminisme pour le renverser à des fins nationalistes. L’extrême droite a bien compris que le féminisme était dans l’air du temps, et donc qu’elle avait tout intérêt à l’utiliser à ses propres fins. D’où ces discours sur la crainte des migrations et du cosmopolitisme en lien avec l’idée du contrôle des naissances : dans la tête des leaders nationalistes, la natalité devient un moyen de lutter contre les migrations. On retrouve ce discours-là chez l’extrême-droite américaine, mais aussi française, polonaise, hongroise… Il est également fait allusion à cette rhétorique dans le camp de la droite plus traditionnelle, par exemple lorsqu’on entend dire que pour pallier le déficit des retraites ou les pénuries de main d’œuvre, il faudrait augmenter les naissances. La lutte contre l’avortement s’inscrit précisément dans cette dynamique.

Un autre exemple est celui de la récupération des idées écologistes, et notamment l’idée du « retour à la nature » contre la science et la technique. Il s’agit de glorifier la nature féminine, sur la base de ce vieux stéréotype « femme = nature, homme = culture ». In fine, cela sert surtout à justifier la fragilisation des droits reproductifs des femmes (contraception, avortement, etc.). Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il est remis au goût du jour par le prisme de l’actualité écologique.

Et qu’en est-il de ce que vous appelez les « résistances masculinistes » ? Qu’est-ce que ces différentes formes de résistance à travers le monde ont en commun ?

Depuis quelques années, on observe une plus grande visibilité des mouvements féministes, pas forcément parce qu’ils sont plus puissants mais surtout parce qu’ils sont plus visibles qu’avant. Les réseaux sociaux et la presse permettent de diffuser des images, des slogans, des mobilisations. Cela a été le cas en Iran, au Chili, en Argentine… À chaque fois, ces mouvements occasionnent des résistances très fortes de la part des opposants, soit parce que ceux-ci comprennent bien les privilèges qu’ils pourraient perdre, soit parce que d’une manière générale les États autoritaires ne tolèrent aucune contestation.

C’est particulièrement le cas lorsque ces revendications s’étendent aux sphères culturelle et médiatique, avec la sortie de documentaires et de livres notamment. Ces contenus culturels se confrontent au pouvoir que détiennent encore majoritairement les hommes. Mais outre l’hostilité, il faut parler de l’indifférence au sort des femmes : en France, on observe encore une relative négligence vis-à-vis des violences faites aux femmes, par exemple. Le phénomène est assez intéressant à observer précisément parce qu’il n’est pas spécifique aux régimes non-démocratiques. On le voit beaucoup aussi sous nos yeux. Ces deux forces s’opposent dans tous les pays du monde, avec un continuum d’oppression qui va de l’indifférence aux crimes en passant par la violence verbale. Même si le curseur est évidemment positionné différemment selon les pays et les cultures.

En ce moment, l’Union européenne mène une campagne de communication autour de certaines « valeurs » qui seraient attachées au Vieux Continent : les droits humains, l’indépendance énergétique, mais aussi l’égalité femmes-hommes. Comment l’UE peut-elle espérer peser sur la scène internationale en matière de féminisme ?

L’Union européenne fait beaucoup de choses, et parfois plus que les États qui la composent, en matière de lutte pour l’égalité femmes-hommes. Cette priorité est inscrite dans un nombre de domaines assez important : programmes de recherche, politiques sportives… Mais il y a encore des progrès à faire, ne serait-ce que parce que le droit à l’avortement n’est pas inscrit dans la charte des droits fondamentaux de l’UE. De même, on pourrait s’attendre à davantage de soutiens aux Afghanes ou aux Iraniennes qui souffrent de violence, par exemple en termes de sanctions et de fonds. Une décision prise récemment, ce mardi 7 mars, va d’ailleurs dans ce sens.

Ceci étant dit, on voit bien dans les discours de certains dirigeants à travers le monde à quel point la rhétorique anti-féministe peut s’appuyer sur la critique de l’Europe. Précisément pour cette raison-là : aux yeux de certains dirigeants d’Afrique et du Moyen-Orient, l’Union européenne est une puissance pervertie par le féminisme et les causes LGBT. Cela veut bien dire que dans une grande partie du monde, l’Europe est perçue comme défendant ces droits. Pour résumer, je dirais qu’en matière de féminisme, l’Europe est un fer de lance qui peut toujours mieux faire.

 

Propos recueillis par Pablo Maillé pour Usbek & Rica.

Accord irano-saoudien : quelles causes, quelles conséquences ?

IRIS - Sat, 11/03/2023 - 10:21
Comment interpréter l’annonce surprise du rétablissement des relations entre l’Iran et l’Arabie saoudite?

Ce n’est pas totalement une surprise. Le rapprochement avait débuté en avril 2021 à Bagdad, en Irak, sous les auspices de l’ancien Premier ministre, Moustapha Al-Kazimi, à l’occasion d’une première réunion non-officielle entre le chef des services de renseignements saoudiens, le général Khaled ben Ali Al Humaidan, et des responsables iraniens mandatés par le chef du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne, l’amiral Ali Chamkhani. Une demi-douzaine de sessions s’étaient tenues par la suite jusqu’au milieu de l’année 2022. En juillet 2022, était même annoncée une réunion prochaine des ministres des Affaires étrangères respectifs des deux pays qui s’était fait attendre du fait des aléas géopolitiques régionaux et de la situation intérieure de l’Iran confrontée à une vague inédite de contestation à partir de septembre 2022. Au point de lancer un avertissement à Ryad en termes explicitement menaçants.

L’Iran, pourtant demandeuse, probablement du fait de son isolement accru, d’un rétablissement des relations rompues avec les pays du CCG en janvier 2016, avait averti les pays de la région, notamment l’Arabie Saoudite, qu’il riposterait aux actions de déstabilisation supposées, visant la République islamique :  » Je voudrais dire à l’Arabie Saoudite que notre destin et celui d’autres pays de la région sont liés les uns aux autres en raison de notre voisinage « , avait ainsi déclaré, le 9 novembre 2022, le ministre iranien des Renseignements, Esmaïl Khatib.  » Pour l’Iran, toute instabilité dans les pays de la région est contagieuse, et toute instabilité en Iran peut être contagieuse pour les pays de la région « , avait-il mis en garde. Et d’ajouter :  » si la République islamique décide de punir ces pays, leurs palais de verre s’effondreront et ils ne connaîtront plus la stabilité « .

Une rencontre entre le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal ben Farhane et son homologue iranien, Hossein Amir-Abdollahian , allait tout de même avoir lieu, le 21 décembre 2022, en marge de ladite  » deuxième conférence de Bagdad  » tenue à Amman en Jordanie. Les deux parties se déclarant prêtes à poursuivre le dialogue. Hossein Amir-Abdollahian, avait même annoncé, le 12 janvier 2023, avoir conclu un accord avec l’Arabie saoudite, lors de la récente conférence dite Bagdad II, tenue le mois précédent en Jordanie, pour mener un dialogue bilatéral en vue de la normalisation des relations entre les deux pays. Le ministre iranien des Affaires étrangères avait déclaré, le 29 janvier, que l’Iran et l’Arabie saoudite allaient bientôt reprendre leurs pourparlers sur la normalisation de leurs relations. Des négociations qui ont débouché sur l’annonce spectaculaire du 10 mars 2023 qui referme le cycle de conflictualité ouverte en janvier 2016 même si le contentieux est loin d’être apuré.

Il demeure que l’Arabie saoudite a considéré qu’il en allait malgré tout de son intérêt, notamment pour ne pas hypothéquer en interne la réalisation du fameux  » Plan Vision 2030  » lancé par le prince héritier Mohammed ben Salmane, laquelle est indissociable, pour attirer les investissements nécessaires, d’une forme d’apaisement de la conflictualité régionale.

Quel impact cette annonce peut avoir sur la région, notamment sur les dossiers libanais, yéménites et syriens ?

Ce sont notamment ces dossiers régionaux qui constituaient des points de blocage pour Ryad dans la perspective d’une éventuelle normalisation des relations avec Téhéran, régulièrement accusé de s’ingérer dans les affaires arabes via ses proxys: au Liban avec le poids du Hezbollah sur l’échiquier politique, en Syrie depuis l’engagement résolu dès 2013 auprès de Damas pour sauver le régime alaouite de Bachar al-Assad, menacé par les insurgés, et, au Yémen, avec leur soutien de plus en plus avéré à la milice zaydite houthie qui n’hésite pas à cibler le royaume saoudien depuis la frontière méridionale du royaume, au point d’être stigmatisée par Ryad comme un Hezbollah-bis.

L’objectif stratégique de l’Arabie saoudite consiste à s’efforcer de réduire l’empreinte iranienne dans la région. N’y étant pas parvenu par la confrontation, l’Arabie saoudite estime qu’une logique transactionnelle serait susceptible d’être plus efficiente avec la prise en compte d’un intérêt bien compris par les deux parties: réduire son isolement croissant pour Téhéran, assurer une forme de stabilité régionale pour Ryad, condition sine que non pour garantir le succès de la réalisation de son « Plan Vision 2030 ».

La Chine a-t-elle influé sur ce réchauffement des relations ?

Pékin, où a été faite l’annonce, a incontestablement joué un rôle important, même s’il n’est pas exclusif, dans la finalisation de ce rapprochement entre les deux rivaux géopolitiques régionaux. Et cela parce que la Chine, gourmande en produits énergétiques, se targue d’entretenir de bonnes relations avec chaque partie prenantes. Dans leur communiqué commun, l’Iran et l’Arabie saoudite ont, de fait, ostensiblement remercié « la République d’Irak et le sultanat d’Oman d’avoir accueilli des pourparlers entre les deux parties en 2021 et 2022, ainsi que les dirigeants et le gouvernement de la République populaire de Chine pour avoir accueilli et soutenu les pourparlers menés dans ce pays ».

Dans son exercice d’équilibrisme géopolitique pour des raisons géoéconomiques, la Chine, premier client pétrolier officieux (30 % des exportations iraniennes) et 2ème fournisseur officiel de l’Iran (25 % des importations iraniennes), entretient des relations étroites avec Téhéran, qui a d’ailleurs signé en mars 2021 un vaste accord de partenariat stratégique sur 25 ans, largement au profit de Pékin dans des domaines aussi variés que l’énergie, la sécurité, les infrastructures et les communications.

Cet accord est devenu à la faveur de la visite du président iranien Ebrahim Raïssi à Pékin, du 14 au 16 janvier 2023, un « partenariat stratégique global ». Dans le même temps, le voyage du président chinois Xi Jinping à Ryad le 8 décembre 2022 a montré à Téhéran que Pékin considérait le royaume saoudien comme un partenaire énergétique essentiel. Celui-ci est devenu le premier fournisseur pétrolier de Pékin qui a fait du royaume de l’or noir le premier récipiendaire des IDE chinois (20 % du montant total) dans la région. Cette visite avait d’ailleurs donné lieu à la signature de pas moins d’une vingtaine de  » Memorandum of Understanding  » (protocole d’accord). La Chine entend désormais tenir le rôle de  » honest broker  » (honnête courtier) et se substituer à la puissance américaine en se prévalant auprès de ses interlocuteurs régionaux de n’avoir aucun passé colonialiste. Elle semble pour l’instant y parvenir même si cela demande à être confirmé en cas de crise majeure, par exemple, un échec total des négociations sur le nucléaire iranien.

Le séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie a permis un nouveau rapprochement entre Damas et les pays du Golfe. Cela peut-il avoir joué sur le réchauffement entre Téhéran et Riyad ?

De manière peut être indirecte, dans le sens où Téhéran constate qu’il y a des velléités de normalisation avec le régime de Damas après une décennie de guerre. C’est le cas notamment de la part des Émirats arabes unis qui ont rouvert, fin décembre 2018, avec Bahreïn, leur ambassade à Damas. Ils pratiquent aujourd’hui, avec d’autres pays arabes comme l’Irak ou l’Égypte, voire la Jordanie, une forme de lobbying pour réintégrer la Syrie dans la grande « famille arabe » que constitue l’organisation de la Ligue arabe. Les conséquences humanitaires du séisme en Syrie ont justifié la réactualisation d’une certaine solidarité arabe avec le régime syrien. Une situation dont il joue d’ailleurs, avec une certaine limite néanmoins, car cela n’est pas censé se faire au détriment de l’Iran dont il est débiteur. Il demeure que cette réintégration, tant espérée par Damas, ne pourra se faire sans l’aval saoudien. Or, du point de vue arabe, cette normalisation est largement conditionnée par une prise de distance de Damas vis-à-vis de Téhéran. C’est là que l’on retrouve les attendus incertains de l’annonce du rétablissement des relations entre Ryad et Téhéran.

Propos recueillis par Rémi Amalvy pour Ici Beyrouth.

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