Dans l’édition du Monde du 6 avril, Marc Semo et Frédérick Lemaître analysent la position diplomatique de la France et de l’Allemagne à la suite du 18e Conseil des ministres franco-allemand. Il cite l’article d’Hans Stark , « De la question allemande à la question européenne », paru dans le n°1/2016 de Politique étrangère.
Le dix-huitième conseil des ministres franco-allemand, jeudi 7 avril à Metz, permettra-t-il de sauver les apparences ? Entourés d’une quinzaine de ministres – soit la quasi-totalité du gouvernement allemand et la moitié du gouvernement français –, François Hollande et Angela Merkel devaient, selon la présidence française, évoquer de nombreux sujets, qui ont permis parfois de montrer leurs discordes : la sécurité et la lutte contre le terrorisme, la crise des réfugiés, l’économie, la croissance, l’emploi et l’avenir de la zone euro.
Recherche d’une positon commune sur l’intégration des migrants
L’Allemagne s’était sentie bien seule quant à l’immigration et avait négocié directement avec Ankara pour trouver une solution. Heureusement, il y a l’intégration. En mars 2015, le président de la République et la chancelière avaient demandé à l’ancien premier ministre et pas encore ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, et à Annegret Kramp-Karrenbauer, ministre-présidente (CDU) de la Sarre, de produire un rapport sur l’intégration des personnes issues de l’immigration dans chacun des deux pays.
Remis jeudi, ce document devrait préconiser la création d’un conseil franco-allemand de l’intégration composé d’élus, de chercheurs, d’associations et de l’Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ). Il devrait surtout permettre à François Hollande et Angela Merkel de montrer que les deux pays travaillent ensemble face à un sujet que l’afflux de réfugiés rend encore plus brûlant. En espérant faire oublier les critiques émises à Munich début février par le premier ministre Manuel Valls à l’encontre de la politique d’accueil des réfugiés d’Angela Merkel, ainsi que la répartition pour le moins inégale de la charge entre les deux pays : plus d’1 million de réfugiés d’un côté du Rhin, 80 000 demandes d’asile de l’autre. […]
« Impossible de diluer dans l’Europe la puissance allemande »
Encore plus pessimiste, Hans Stark, spécialiste des questions franco-allemandes à l’Institut français des relations internationales (IFRI), juge dans la revue Politique étrangère de janvier qu’« il y a aujourd’hui à nouveau une question allemande en Europe (…). Elle vient de l’impossibilité de diluer dans l’ensemble européen la puissance de ce pays qui découle aussi bien de sa situation économique que de sa centralité géographique et de son système ordolibéral ». Il rappelle néanmoins que « cette domination allemande n’est que l’écho de l’absence du projet européen, de sa remise en question par ses membres eux-mêmes du fait de l’effacement des grands acteurs européens, nationaux, communautaires ».
Lire l’article en intégralité cliquez ici.
Pour lire l’article d’Hans Stark, cliquez ici.
Le blog Reflets du Temps, qui consacre une large place aux questions internationales et des recensions de qualité, a publié le 2 avril dernier un article mettant à l’honneur le numéro de printemps (1/2016) de Politique étrangère, et plus particulièrement son Contrechamps, consacré au retour de la question allemande.
«Dans le numéro de Printemps de la revue Politique Étrangère, le dossier premier est consacré aux migrations en Afrique (et non venant d’Afrique). Passionnant et riche comme d’habitude, mais c’est au dossier contrechamps que Reflets du temps s’intéressera cette fois-ci, puisque dévolu à une problématique de premier plan : le retour de la question allemande ; celle-là même qu’on avait crue close aux lendemains de l’unification, en 1990… « Fixant les frontières de l’Allemagne, pour la première fois depuis 1806, confirmant son ancrage à l’Ouest, les principes démocratiques et libéraux qui la fondent ; l’unification allant de pair avec la fin de la Guerre Froide en maintenant le pays dans l’OTAN ».
C’est ainsi que démarre l’article de Hans Stark, enseignant la civilisation allemande contemporaine à la Sorbonne, chargé de l’étude des relations franco-allemandes à l’IFRI. Le titre-problématique est clair : « De la question allemande à la question européenne ». Articulation incontournable.
De quoi s’agit-il ? La place du pays en Europe, géographique, géopolitique ; ses relations avec ses partenaires ; son rôle européen dans l’espace international. La façon dont elle joue de sa force – énorme – économiquement, mais si particulière dans d’autres domaines ; militaire, par exemple. La manière dont elle doit faire varier les représentations qui entourent son Histoire. L’Allemagne « en » Europe ; l’Allemagne « et » l’Europe, où en est-on ?
Centralité, toujours en balancement ; tentations, sinon tentatives de se tourner presque naturellement vers le Nouvel Est, des pays anciennement communistes entrés dans l’Union. Outils de domination implicite du reste de l’Union ; en termes de puissance, d’influence et de présence massive dans les institutions : ce que d’aucuns dénoncent comme un constant défi à ses partenaires. Les débats sur la réalité ou les risques d’une « Europe allemande » alimentent maints débats actuellement. Et, non moins, maints fantasmes. Particulièrement vifs, on l’a vu, au moment de l’été 2015 de la Crise Grecque.
L’article reprend utilement le déroulé historique depuis la chute du Mur : la façon dont Mitterrand, et bien plus, Thatcher, ont « accepté, contraints, l’unification » ; Maastricht qui, selon Hans Stark, est le point d’achoppement du système Europe, précipitant l’arrivée de l’Euro, pour mieux ficeler le Deutsche Mark, et fixer par cela l’Allemagne elle-même ; poussant en avant une Europe, unie « ni politiquement ni économiquement », se lançant dans la course des élargissements selon le principe du « spillover » (« chaque pas en avant en matière d’intégration devant se solder par des progrès ultérieurs en matière de politique communautaire »), mécanisme, à terme, peu efficient. Pour autant, surfant sur les différences se creusant entre elle et les pays du sud de l’Union, et même la France, sa partenaire historique et naturelle, l’Allemagne a installé une image de pays leader, au modèle vécu comme obligatoire, d’une démocratie libérale, forte et « validée bonne élève » ; ce « modèle allemand » qui semblait destiné à une pérennité quasi éternelle. Leadership accompagné souvent, notamment récemment, par des décisions unilatérales, de facto imposées (ou fermement recommandées) à des partenaires européens en situation – non de soumission – mais d’inégalité notoire. Toutefois, si Berlin domine, c’est « que le vide à Paris, Londres, Bruxelles lui a ouvert un boulevard ». La rencontre des Crises économiques de cette dernière décennie a largement changé la donne – Schröder, par exemple et son abandon de l’harmonisation des politiques européennes, accouchant de fait des problèmes liés à la dette souveraine, du credo de l’austérité et du décrochage Nord/Sud en Europe, que l’approche ordo-libérale ne fait qu’augmenter.
Regard sévère, donc, de l’auteur de l’article sur le tableau allemand/européen obtenu. C’est la fin d’une sorte de mythe ; celui d’une Allemagne dominatrice, gagnante, modélisable à souhait. Préconisations fermes en conclusion de l’article : Alors que l’implosion de L’Europe menace, il faut chercher à « obtenir une Allemagne européenne », appuyée par et sur davantage d’adhésion de ses citoyens, et un cadre institutionnel à plusieurs vitesses. Autrement dit, plus d’Europe et autrement. « Une Allemagne européenne et non une Europe allemande » comme disait Thomas Mann.
« L’Allemagne du vivre ensemble » que signe Stephan Martens, spécialiste lui aussi de civilisation allemande, résonne d’entrée pour le lecteur, qui voit défiler les masses de réfugiés de Syrie, la terrible nuit de Cologne et ses interprétations, et, la montée des populismes électoraux. On n’oubliera pas non plus la germanophobie grandissante. Prise de conscience des citoyens allemands : « le monde n’est pas loin, à l’extérieur, mais ici ». En bute avec les menaces terroristes, et les solidarités nécessaires avec ses partenaires européens, dont la France, l’Allemagne est face au monde et à une globalisation qui a fait sa fortune économique. A. Merkel s’est du reste avec un certain panache, posée à ce titre en « remboursement » d’une dette, en accueillant le million de réfugiés ; position humanitaire mais aussi intérêt démographique face au vieillissement de la population (d’ici 2050, la population active pourrait se contracter d’un tiers). Sinistre pendant à ces mouvements de populations à l’intérieur du territoire, les populismes d’Extrême Droite se haussent du col (Cologne, et les dernières élections).
Le rôle international allemand avait, depuis la fin de la guerre, été cantonné dans des aides diverses, du type, conseils techniques. Rôle humanitaire et non militaire interventionniste. La Bundeswehr était à la tête d’une « puissance réticente » à « la culture de la retenue », laissant à d’autres armées européennes le soin des interventions armées à l’extérieur du continent. Actuellement, ce pivot essentiel, dans la réalité, mais surtout dans les mentalités allemandes et européennes, tend à changer. « Cet éternel traumatisme : la guerre et les Allemands » varie. Les gouvernants au pouvoir, ces temps-ci, de la Grande Coalition, réaffirment leur volonté de peser à l’international, « non, en solitaire, mais en concert », rassurant ainsi les jeunes que l’image d’un pays martial rebute toujours. Pour autant, l’opinion allemande demeure réservée en ce domaine sensible et le leadership du pays est préféré économique plutôt que militaire. Une sorte de « grande Suisse », en somme.
Dernier mot sera laissé à la jeunesse – certes non majoritaire, mais on peut l’espérer, influente – redoutant de plus en plus la xénophobie, n’étant plus par contre que « 37% à souhaiter une restriction de l’immigration, et considérant que l’Allemagne est devenue leader dans son engagement pour un vivre ensemble civilisé ». »
Martine L. Petauton
Retrouvez l’article en intégralité sur le blog Reflets du temps.
S’abonner à Politique étrangère.
Dans l’édition des Échos du 30 mars, Jacques-Hubert Rodier analyse la position diplomatique de la Turquie. Il cite l’article d’Aurélien Denizeau , « La Turquie entre stabilité et fragilité », paru dans le n°1/2016 de Politique étrangère.
Dans un paradoxe de l’Histoire, l’Union européenne et la Turquie ont dû se rapprocher pour faire face à la crise des réfugiés syriens. Un rapprochement qui semblait improbable il y a peu, tant les deux entités semblaient s’éloigner l’une de l’autre. Il intervient au moment où le président Recep Tayyip Erdogan glisse de plus en plus vers l’instauration d’un régime autoritaire marqué à la fois par une répression accrue contre les journalistes, les universitaires et l’instauration lente de la charia. Mais la guerre civile en Syrie et l’exode massif de Syriens fuyant à la fois les bombardements du régime de Bachar Al Assad et les exactions de l’État islamique sont en train de rebattre les cartes géopolitiques. Après avoir boudé la Turquie, l’Europe a finalement accepté d’ouvrir un nouveau chapitre des négociations d’adhésion qui font du surplace depuis 2005. De plus, Bruxelles a accepté d’examiner l’une des demandes d’Ankara : la suppression des visas pour les ressortissants turcs circulant dans l’espace Schengen. Deux promesses qui semblent faire partie d’un jeu de dupes. Sur les 35 chapitres prévus dans le processus d’adhésion, quinze sont ouverts aux négociations, mais un seul (le 25e, sur la science et la recherche) a été à ce jour refermé. Et la non-reconnaissance de la République de Chypre continue de bloquer l’évolution des négociations. De même, la Turquie doit répondre à 72 critères pour la levée des visas, dont la généralisation du passeport biométrique. On en est loin. En échange, l’arrangement entré en vigueur dimanche 20 mars prévoit de renvoyer en Turquie les migrants rentrés illégalement en Grèce depuis lors ; et pour chaque Syrien renvoyé des îles grecques un autre Syrien sera réinstallé légalement dans l’Union européenne depuis la Turquie, qui accueille 2,7 millions de réfugiés. Le « marchandage » de Bruxelles, qui a déjà conduit à un certain tarissement du flot de réfugiés vers la Grèce, a comme principale conséquence de remettre au centre du jeu diplomatique une Turquie de plus en plus isolée, par rapport à ses alliés traditionnels, américains et européens ou à ses rivaux comme la Russie et l’Iran.
Pourtant après quatorze années de pouvoir de l’AKP (le Parti de la justice et du développement), la Turquie aurait dû être l’un des acteurs clefs de la stabilisation au Moyen-Orient. La nouvelle victoire aux élections législatives anticipées de novembre du parti fondé par Recep Tayyip Erdogan, président de la République depuis 2014 après avoir été Premier ministre pendant dix ans, donne certes une impression de stabilité politique. « Le parti et ses dirigeants peuvent compter sur la fidélité d’un bloc électoral qui leur assure à chaque scrutin un seuil minimum de quelque 40 % », note ainsi Aurélien Denizeau dans la revue de l’Ifri « Politique étrangère » du printemps 2016. Mais on est loin de la stabilité espérée au niveau régional.
[…]
Pour lire la suite de l’article, cliquez ici.
Pour lire l’article d’Aurélien Denizeau, cliquez ici.