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Diplomacy & Crisis News

UN food agencies urge Governments to step up food action in African countries facing famine

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
Unless urgent action is taken to feed people in north-east Nigeria, Somalia, South Sudan and Yemen, more than 20 million people will not find enough food to eat, the heads of the United Nations food agencies today warned.

Accurate occupational data vital to save lives, says UN labour agency on World Day

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
Even though more than 2.3 million fatalities and 300 million accidents resulting in injuries are estimated to occur in workplaces around the globe each year, the actual impact remains largely unknown, the United Nations International Labour Organization has warned, highlighting the need to &#8220vastly&#8221 improve national occupational safety and health data (OSH).

UN rights office troubled by accelerated executions in US with expiring drug a factor

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
The United Nations human rights office today expressed deep concern about the executions of four men in the United States state of Arkansas, which were reportedly done within the span of eight days to make use of an expiring lethal injection drug.

Returning from Mali, senior UN relief official spotlights country's complex challenges

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
Concluding a three-day mission to Mali, a senior United Nations relief official has underlined the need to keep the humanitarian needs of its people in the international spotlight.

Young Syrian refugees don't want pity; respect their rights and empower them – UNICEF Advocate

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
Concluding a visit to Syrian refugee camps in Jordan where he met with young people displaced from their homes, an advocate for the United Nations Children&#39s Fund (UNICEF) underlined the need to respect their rights and empower them so that they can grow to their full potential.

With two executions of minors looming, UN rights experts urge Iran to halt death penalty

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
At least 90 people on death row in Iran are under the age of 18, United Nations human rights experts today said, urging authorities to abide with international law and immediately stop these executions.

UN calls for restraint following violence in former Yugoslav Republic of Macedonia

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
The United Nations today called for restraint and calm in the former Yugoslav Republic of Macedonia following violence directed at democratic institutions and elected officials.

UN releases $500,000 for fuel purchase to address power outages in Gaza Strip

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
The United Nations has approved the allocation of $500,000 for the purchase of emergency fuel to maintain the delivery of essential services at hospitals and other emergency medical facilities in the Gaza Strip of the Occupied Palestinian Territory, following severe power outages.

Le choc des mémoires au mépris de l'histoire

Le Monde Diplomatique - Fri, 28/04/2017 - 01:34

Dans plusieurs pays d'Europe centrale et orientale, la crise démographique et le pourrissement des questions sociales nourrissent le terreau des négationnistes. De façon de plus en plus ouverte, les nationalismes bâtis sur une réécriture de l'histoire font office de programmes politiques. De Stepan Bandera en Ukraine aux oustachis en Croatie, les criminels redeviennent des héros.

Mikhail Bozhiy. – « Vladimir Ilyich Lenin Standing » (Lénine debout), 1959-1961 © Odessa Fine Arts Museum, Ukraine / Bridgeman Images

Les Balkans produisent-ils vraiment « plus d'histoire qu'ils ne peuvent en consommer », selon la célèbre formule attribuée à Winston Churchill ? Durant l'été 2016, la Serbie et la Croatie ont encore polémiqué sur ce terrain. Belgrade accuse Zagreb de procéder à une réhabilitation du régime fasciste des oustachis (1941-1944), qui élimina en masse Juifs, Roms et Serbes. Tous les gouvernements nationalistes de la région utilisent, déforment ou manipulent les faits historiques afin de justifier ou d'asseoir leur propre pouvoir. Tous tentent de reformuler des récits nationaux qui éludent ou relativisent la mémoire de la lutte antifasciste, fondement de la Yougoslavie socialiste et fédérale (1945-1991). Vingt-cinq ans après l'éclatement de l'ancien État commun, ce processus s'emballe à nouveau.

Le 22 juillet 2016, la cour d'appel de Zagreb annulait le verdict de 1946 qui reconnaissait le cardinal Alojzije Stepinac (1898-1960) coupable de collaboration avec l'État indépendant croate (Nezavisna Država Hrvatska, NDH), créé en 1941 par les oustachis sous la protection de l'Allemagne nazie. Mgr Stepinac, nommé archevêque de Zagreb en 1937, est une figure hautement controversée. Resté en place tout au long de la guerre, il cautionna ce régime, même si ses partisans rappellent qu'il condamna les politiques raciales dans certaines de ses homélies et affirment que son procès aurait été diligenté par les communistes pour réduire le poids de l'Église catholique en Yougoslavie. Emprisonné à Lepoglava, puis assigné à résidence dans sa bourgade natale de Krašić, près de Zagreb, où il mourut, il fut élevé au rang de cardinal en 1952 par le pape Pie XII et béatifié en 1998 par Jean Paul II. Le Vatican retarde cependant l'avancée de son procès en canonisation afin de ne pas compromettre le dialogue avec le monde orthodoxe, priorité du pape François.

Une étrange et tardive « révolution nationale » est en cours en Croatie. Lors de son accession à l'indépendance et durant la guerre (1991-1995), sous la houlette du très nationaliste président Franjo Tuđman et de son parti, la Communauté démocratique croate (HDZ), la Croatie avait effectué une première mise à distance de l'héritage symbolique et idéologique de la résistance antifasciste de la seconde guerre mondiale. Certaines unités combattantes croates se revendiquaient ouvertement des oustachis, notamment en Bosnie-Herzégovine. Quant au gouvernement, il fit le choix de donner moins de relief à la commémoration annuelle de l'insurrection des détenus du camp de concentration de Jasenovac, le 22 avril 1945, tout en officialisant celle du massacre de Bleiburg. En mai 1945, près de cette petite bourgade, dans les collines du sud de l'Autriche, les partisans de Tito encerclèrent les cadres civils et militaires de l'État oustachi en déroute. Plusieurs dizaines de milliers de personnes furent tuées (1). Chaque année, la célébration des deux événements ravive une guerre des mémoires interne à la Croatie. La présence des officiels à l'une ou l'autre cérémonie suscite d'intenses commentaires : en 2016, la présidente de la République, Mme Kolinda Grabar-Kitarović (HDZ), a ainsi été « empêchée » de se rendre à Jasenovac, mais elle était présente à Bleiburg…

Néanmoins, le régime oustachi n'a jamais fait l'objet d'une reconnaissance officielle. Au contraire : la Constitution de la Croatie indépendante revendique l'héritage de l'« antifascisme ». Cette ambivalence s'explique en partie par la position personnelle de Franjo Tuđman, ancien général des partisans devenu cadre du régime yougoslave avant de virer nationaliste au début des années 1970. En somme, la Croatie indépendante rejetait les expériences yougoslaves — la Yougoslavie royale de l'entre-deux-guerres et la Yougoslavie socialiste de Tito — mais revendiquait la résistance comme élément de sa propre histoire. Un pas nouveau a été franchi avec le retour de la droite au pouvoir à l'issue des élections du 8 novembre 2015. La Coalition patriotique, dirigée par le HDZ, qui regroupe toutes les chapelles de l'extrême droite croate, a dû s'allier au « mouvement citoyen » Most (« pont »), dont les dirigeants sont très proches de la hiérarchie catholique, tandis que le poste de premier ministre revenait à un homme d'affaires croato-canadien, M. Tihomir Orešković, « sans étiquette » mais fortement lié à l'Opus Dei. L'attelage n'a tenu que jusqu'en juin 2016, ce qui a conduit à de nouvelles élections le 11 septembre dernier, après des mois de polémiques sur fond de révisionnisme.

Ministre de la culture et figure très populaire de ce gouvernement, l'historien négationniste Zlatko Hasanbegović, ancien militant du groupuscule d'extrême droite Pur Parti croate du droit (HČSP) passé au HDZ, rejette l'héritage de l'antifascisme. Il s'agit selon lui d'un « concept vide de sens » avancé par les « dictatures bolcheviques ». Dans ses travaux scientifiques, il tente de relativiser les politiques d'extermination mises en œuvre par le régime oustachi. Musulman de Zagreb, le ministre est issu d'une tradition politique hypermarginale : celle des musulmans de Bosnie-Herzégovine qui rallièrent les oustachis et s'engagèrent pour certains dans la 13e Waffen SS Handschar, répondant à l'appel à la collaboration du mufti de Jérusalem, Mohammed Amin Al-Husseini. « Le discours du gouvernement met sur un même pied la collaboration et les crimes du communisme, explique l'historien Tvrtko Jakovina. Il prétend renvoyer dos à dos les deux totalitarismes, le communisme et le fascisme. Dans la pratique, ce discours permet de stigmatiser l'“ennemi intérieur”, à commencer par les “communistes” et tous les nostalgiques de la Yougoslavie, sans oublier les Serbes et les autres minorités nationales, mais aussi les mauvais catholiques, les féministes et les minorités sexuelles. »

« La collaboration n'est pas un crime »

Ce révisionnisme croate participe d'une nouvelle tendance qui affecte toute l'Europe centrale. Sous la houlette de M. Ivo Sanader, premier ministre de 2003 à 2009, le HDZ avait engagé un net recentrage dans la perspective de rejoindre l'Union européenne. Après l'adhésion, actée le 1er juillet 2013, le parti s'est réorienté à droite toute. « L'un de ses dirigeants m'a confié : “Nous avons atteint un premier objectif avec l'indépendance, un second avec l'intégration européenne ; il est maintenant temps de créer un État vraiment national” », expliquait début mai le député Milorad Pupovac, président du conseil national de la communauté serbe de Croatie. Une fois la Croatie admise en son sein, l'Union a perdu une bonne part des moyens dont elle disposait du temps du processus d'intégration pour prévenir ou sanctionner les dérives idéologiques. La Croatie, qui a les yeux de Chimène pour ses voisins du très conservateur groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie), estime que cette caution européenne lui donne les moyens d'affirmer son « identité nationale », et même une vision très droitière de celle-ci.

Le révisionnisme n'épargne pas la Serbie. Le 22 décembre 2004, le Parlement de Belgrade votait une loi octroyant les mêmes droits à la retraite aux anciens partisans et aux anciens tchetniks (2). La loi avait été proposée par M. Vojislav Mihailović, député du Mouvement serbe du renouveau (SPO, monarchiste) et petit-fils de Dragoljub Draža Mihailović (1893-1946), le chef de l'Armée yougoslave dans la patrie, qui regroupait durant la seconde guerre mondiale les unités de francs-tireurs connues sous le nom de tchetniks. Ce mouvement « légaliste », fidèle au gouvernement royal en exil à Londres, s'est d'abord engagé dans la lutte contre les occupants (nazis, bulgares, italiens), contre leurs collaborateurs serbes du Gouvernement de salut national et contre le régime oustachi. Puis une partie de ses unités ont choisi la collaboration, préférant combattre la résistance communiste des partisans de Tito, dont l'influence croissante lui valut le soutien du Royaume-Uni à partir de 1943 (3). Traqué dans les montagnes de Bosnie orientale, Draža Mihailović fut arrêté le 12 mars 1946, jugé à Belgrade et fusillé. Au terme d'un procès ouvert en 2006, il a été définitivement réhabilité le 14 mai 2015. Si les historiens reconnaissent l'ambivalence du mouvement nationaliste tchetnik, qui fut un authentique mouvement de résistance avant de verser partiellement dans la collaboration, cette réhabilitation pose d'autres questions : si Draža Mihailović était innocent, son exécution fut un crime, commis par le régime communiste yougoslave.

Une étape supplémentaire a été franchie avec l'ouverture, en mai 2015, du procès en réhabilitation du général Milan Nedić (1878-1946). Chef d'état-major de l'armée yougoslave de 1934 à 1935, nommé ministre de l'armée et de la flotte en 1939, il fut contraint un an plus tard à démissionner de cette charge par le prince Paul, régent du royaume, en raison de ses sympathies affichées pour l'Allemagne nazie. Tenu pour l'un des responsables de l'effondrement de la défense yougoslave face à l'invasion des forces de l'Axe en avril 1941, il prit le 29 août 1941 la tête du Gouvernement de salut national, qui ne fut qu'un simple outil administratif au service des nazis dans la Serbie occupée. Sous la férule du gouverneur militaire allemand, les troupes de Nedić contribuèrent à l'arrestation, à la déportation et à la mise à mort de milliers de Juifs et de résistants. « La collaboration n'est pas un crime. La collaboration n'est qu'une forme de coopération avec l'occupant », affirmait, à l'ouverture du procès, l'un des plus chauds partisans de la réhabilitation du « Pétain serbe », l'historien Bojan Dimitrijević, par ailleurs membre de la direction du Parti démocratique (DS), une organisation rattachée à l'Internationale socialiste (4).

Avant lui, le Parti libéral serbe, une petite formation disparue en 2010, avait également milité pour la réhabilitation du général. Cet engouement ne procède pas d'un soutien à l'idéologie nazie, mais d'un rejet tellement vif du communisme yougoslave que tous ses adversaires s'en trouvent légitimés. Le régime de Tito est rejeté par les libéraux en tant que système social et en tant que projet fédéral et multinational qui aurait étouffé le peuple serbe. La Serbie, monarchie parlementaire dès le milieu du XIXe siècle, ce qui fait d'elle l'une des plus anciennes démocraties d'Europe, aurait été empêchée de suivre son évolution naturelle. Les intellectuels révisionnistes serbes estiment se battre contre la vision monolithique de l'histoire imposée par le régime communiste ; ils dénoncent le « mythe » de la fraternité et de l'unité des peuples yougoslaves, credo central du régime titiste.

Ce débat a été considérablement obscurci durant le régime de Slobodan Milošević, qui, au pouvoir de 1989 à 2000, excellait dans l'art de jouer sur les deux tableaux. D'une part, l'ancien chef de la Ligue des communistes de Serbie se présentait comme le défenseur de l'héritage yougoslave mis à mal par la sécession des autres républiques fédérées ; de l'autre, il réhabilitait le nationalisme serbe dans ses variantes les plus conservatrices et orthodoxes.

Depuis 2014, le pays est dirigé par le très libéral Parti progressiste serbe (SNS). Directement issu de l'extrême droite nationaliste, celui-ci a effectué en 2008 un aggiornamento radical et professe depuis des convictions proeuropéennes à toute épreuve. Ancien jeune loup du Parti radical serbe (SRS), connu pour ses appels au meurtre des musulmans dans les années 1990, le premier ministre Aleksandar Vučić essaie de cultiver une image lisse de technocrate. Poursuivant un programme de réformes ultralibérales tout en favorisant le culte effréné de sa propre personne, il se garde de trop investir le terrain mémoriel. Son discours exalte une « Serbie de l'avenir » qui devrait rompre avec les fantômes de son passé, solder les comptes de son histoire — notamment à propos du Kosovo, dont Belgrade, sans le dire, reconnaît progressivement l'indépendance, proclamée en 2008.

Dans le regard occidental, les Balkans sont toujours spontanément associés à une histoire touffue, confuse. L'argument de la « complexité » permet de refuser tout travail d'intelligibilité et s'inscrit dans un dispositif idéologique que l'historienne bulgare Maria Todorova (5) qualifie de « balkanisme », dans un sens proche de celui donné à l'orientalisme par Edward W. Said.

La perspective d'entrer dans l'Union européenne après la décennie de guerre des années 1990 était censée offrir à la région le moyen de rompre avec la supposée répétition d'un passé tragique. En quelque sorte, cette intégration devait lui garantir une forme de « sortie de l'histoire », inhérente au processus d'européanisation. L'exemple croate montre bien la vanité de ces prétentions. Mais, alors que le processus d'élargissement n'est plus à l'ordre du jour, nombre de diplomates européens s'accommodent fort bien du discours désidéologisé de M. Vučić, dont la principale qualité serait sa capacité à garantir la stabilité de la Serbie. Ce faisant, ils oublient les excès nationalistes du premier ministre, pardonnés comme des « péchés de jeunesse ». Il est vrai que l'échec du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a permis aux anciens « chiens de guerre » de rester sur le devant de la scène politique. L'égalité postulée en Croatie entre oustachis et partisans, l'« indifférence historique » professée par les autorités serbes ont pour objectif commun d'effacer et de dénigrer la singularité de la résistance yougoslave, qui associait un projet socialiste à une volonté de vivre ensemble et à une promesse d'égalité entre les peuples.

En Macédoine, cet effacement de la mémoire prend une forme plus singulière. À Skopje, l'impressionnant Musée du combat macédonien pour un État indépendant reconstitue depuis 2011 la geste des combattants nationalistes macédoniens, traqués par les Turcs, puis par les Serbes et les Bulgares et enfin par les communistes yougoslaves. La Macédoine, enfin « réconciliée (6) » sous la houlette de l'Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure - Parti démocratique pour l'unité nationale macédonienne (VMRO-DPMNE), oublie ainsi les blessures et les divisions de son histoire, alors même que sa naissance en tant qu'État remonte précisément à la résistance antifasciste. C'est ce moment particulier qu'il faut faire disparaître. Les jets d'eau colorés du monument tiennent lieu d'analyse historique, et collaborateurs des nazis comme résistants ne sont plus que les figures hiératiques d'un carrousel privé de sens.

(1) Jozo Tomasevich, War and Revolution in Yugoslavia, 1941-1945 : Occupation and Collaboration, Stanford University Press, 2002.

(2) Cf. Sonja Drobac, « Serbie : égalité pour les anciens partisans et les anciens tchétniks de la seconde guerre mondiale », Le Courrier des Balkans, 10 janvier 2005.

(3) Sur le mouvement tchetnik, l'ouvrage récent le plus objectif est celui de Roland Vasić, Mihailović entre révolution et restauration. Yougoslavie 1941-1946, L'Harmattan, Paris, 2009. Cf. aussi les Mémoires de l'émissaire de Winston Churchill auprès de Tito, Fitzroy Mclean, Dangereusement à l'Est (1936-1945), Viviane Hamy, Paris, 2015.

(4) Cf. Ljudmila Cvetković, « Nazisme et collaboration en Serbie : l'inacceptable réhabilitation de Milan Nedić », Le Courrier des Balkans, 30 décembre 2015.

(5) Maria Todorova, Imaginaire des Balkans, Éditions de l'EHESS, Paris, 2011.

(6) Lire « La Macédoine à la dérive », Le Monde diplomatique, mai 2016.

Assisting Famine

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Fri, 28/04/2017 - 00:00
(Own report) - This Sunday, Chancellor Angela Merkel is expected in the Saudi capital Riyadh for talks on the wars in Syria and Yemen, according to the Saudi media. Her talks in the Golf monarchy will therefore focus not only on expanding economic relations but on the proxy wars, Saudi Arabia is currently waging against Iran. Berlin supports Riyadh in these proxy wars - politically but also with the supply of weapons proven to have been used in Yemen. Saudi Arabia is strongly criticized for its war in Yemen, which is causing numerous civilian casualties. In addition, Riyadh's maritime blockade of Yemeni ports is causing a famine. 2.2 million children are malnourished, including half a million who are severely malnourished and at imminent risk of death. In March, Berlin authorized the delivery of supplementary German patrol boats to Saudi Arabia, in spite of them being used to enforce the maritime blockade. Aid organizations are sounding the alarm.

« Le Parisien » enchaîné

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:07

Début 2016, peu après son rachat par le groupe LVMH de M. Bernard Arnault, Le Parisien avait interdit la publication d'articles sur le film de François Ruffin Merci patron !, qui tournait en ridicule le nouveau propriétaire. Au printemps 2017, la nouvelle cible se nomme Jean-Luc Mélenchon, qualifié de « marchand de rêves » dans un éditorial (16 avril 2017). À l'avant-veille du premier tour (21 avril 2017), une double page assimilait son mouvement, La France insoumise, au Front national : « Ils appartiennent à une droite et à une gauche pour le moins radicales, allergiques l'une et l'autre à l'Allemagne, à l'Europe, au monde qui, tout autour de nous, bouge et avance. Quoi qu'on en dise, les populismes quels qu'ils soient sont un rabougrissement des idées et des ambitions qui pourrait mettre la France en état de congélation. » Contrairement au courant d'air vivifiant qu'insuffle le journalisme de faits divers.

Pour préciser le fond de sa pensée, le quotidien a sollicité un expert impeccablement neutre, présenté comme « directeur de la Fondapol » : Dominique Reynié, en réalité candidat Les Républicains aux régionales de 2015 dans le Languedoc-Roussillon. « Ces deux extrémismes sont-ils identiques ? », interroge la journaliste. « Quelle est la force qu'a cherché à mobiliser Mélenchon la semaine dernière lors de son meeting à Marseille lorsqu'il a fait huer l'État d'Israël ?, rétorque le militant grimé en politologue. Il y a toujours eu dans l'extrême gauche un vieux fond antisémite contre lequel elle se défend en insistant sur la différence, qui n'est qu'un leurre, entre “antisémitisme” et “antisionisme”. » On attend désormais que Le Parisien fasse commenter la politique étrangère américaine par Élizabeth Teissier, présentée comme géopoliticienne.

Quelque part au sud de Paris

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

Isolé au fond d'une zone industrielle bordée par la forêt de Sénart, l'hôtel de Tigery connaît ce jour-là une forte agitation. M. François Laballe, chargé de mission au Secours populaire de l'Essonne, au sud de Paris, et quelques bénévoles déchargent leur camion de vivres et de vêtements. Quelques tables sont rapidement dressées dans l'épais brouillard matinal. Plusieurs dizaines de personnes, des femmes, principalement, et quelques enfants, sortent du hall de l'hôtel. Cinquante-quatre familles, cent vingt personnes, sont hébergées ici dans soixante-quatre chambres. Immigrés économiques ou réfugiés, détenteurs de cartes de séjour ou en situation irrégulière. « En à peine deux ans, nous avons constaté l'augmentation des besoins concernant les migrants et les réfugiés dans notre département, explique Mme Annie Grinon, responsable fédérale de l'association. Les hôtels sont mal desservis par les moyens de transport et n'offrent donc pas de possibilité de rejoindre l'une de nos permanences. Nous venons donc jusqu'à eux. Bientôt, nous pourrons utiliser un nouveau bus, le Solidaribus, avec une partie réfrigérée et un espace d'accueil, capable de se rendre dans ces zones. »

Face aux premiers gestes d'impatience, M. Laballe rappelle les règles : d'abord donner son numéro de chambre, auquel correspond un panier alimentaire élaboré en fonction de la composition de la famille. « Il y a une participation de tous de 50 centimes par personne hors bébé, rappelle-t-il. Concernant le vestiaire, c'est 50 centimes pour les vêtements d'occasion et 1 euro pour le neuf. » Christine, l'une des bénévoles, reprend à peine son souffle. « Il y a un litre de lait par personne, des boîtes de conserve, un kilo de pâtes, du riz, des fruits, des légumes, de l'huile, de la viande ou des plats cuisinés. » Les produits frais proviennent principalement des collectes effectuées auprès des grandes enseignes du département ; ceux à conservation plus longue, du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD).

Tous ont été orientés jusqu'ici par le pôle hébergement et réservation hôtelière (PHRH) du Samu social de Paris dont ils dépendent, souvent après de multiples séjours, parfois brefs, dans la constellation d'hôtels de la région. Trente-cinq mille personnes sont accueillies chaque nuit dans les hôtels d'Île-de-France, selon la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement. Elles sont quatre mille par nuit dans le seul département de l'Essonne. Mme Marie Diakité, 26 ans, a composé le 115, comme tout le monde appelle ici, le numéro du Samu social. « Je suis d'abord allée dans une structure pour femmes pendant deux semaines, puis dans des hôtels à Cergy pendant quelques jours, puis à Paris, dans le 18e arrondissement, pendant une nuit, et encore à Cergy-Préfecture pendant trois ou quatre nuits, avant, enfin, d'arriver ici il y a un mois. »

Car l'hôtel de Tigery est, selon la terminologie officielle, un « hôtel de stabilisation ». « Le processus peut durer longtemps, explique M. Laballe. D'abord quelques jours, quelques semaines, puis quelques mois. Chaque fois que la composition de la famille change, ils doivent aussi changer d'hôtel. Ils font des allers-retours. » Carine, 29 ans, vit ici depuis un an avec ses deux enfants. Elle occupe une étroite chambre de quatorze mètres carrés. Un lit superposé, sur lequel s'est assoupie sa fille de 3 ans, fait face à une petite salle de bains et à une colline de sacs qu'elle a accumulés. Son itinéraire ressemble à celui de nombre de ses voisins de chambre. Carine a d'abord affronté la route des migrants. « Je viens de Côte d'Ivoire, raconte-t-elle Je suis originaire de l'ouest du pays, de la région de l'ancien président Laurent Gbagbo, et j'ai perdu mon emploi lorsqu'il a perdu le pouvoir. Je suis d'abord allée en Turquie, pendant dix mois. Le choix de la route dépend des contacts que tu as. En ce qui me concerne, c'est un Ivoirien que je connaissais qui a joué les intermédiaires avec des Nigérians en Turquie. Ensuite, je suis passée par la Grèce, la Bulgarie, la Hongrie, et enfin la France. »

Les familles se plaignent surtout de l'isolement et des difficultés à rejoindre leur lieu de travail ou, pour les enfants, leur établissement scolaire. À la défaillance du réseau de transports (quasi absents de la zone industrielle) s'ajoute son coût pour ceux qui n'ont pas la couverture maladie universelle (CMU). « Beaucoup des personnes hébergées ne bénéficient que de l'aide médicale de l'État [AME]. Or, depuis une décision du conseil régional d'Île-de-France en janvier 2016, celle-ci ne prend plus en charge le prix des billets de train ou de bus », nous explique M. Laballe.

Errements de la politique migratoire de Bruxelles

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

L'arrivée de migrants (0,2 % de la population européenne) a créé une « crise des réfugiés », qui n'est pas autre chose qu'une crise de l'Europe elle-même et de sa capacité à fédérer les États autour des droits fondamentaux.

Face à l'arrivée de migrants et de réfugiés, la réaction des États et de l'Union européenne consiste uniquement à tout mettre en œuvre pour éviter un nouvel « afflux » de population, sans engager leur responsabilité, fût-ce au prix de nombreuses violations des droits humains et du droit des réfugiés. Ils ont ainsi développé diverses techniques allant du renforcement matériel des frontières — y compris par la construction de murs ou de camps destinés à parquer et à trier les migrants — jusqu'au développement de mécanismes juridiques plus subtils, qui exacerbent les ambiguïtés du projet européen (1).

La politique migratoire commune est officiellement née avec l'adoption du traité de Lisbonne, en 2008. Toutefois, seuls certains aspects des migrations ont pu être pris en charge, notamment la politique d'asile et celle des visas de court séjour, ou l'harmonisation des conditions de renvoi des étrangers ressortissants d'États tiers en situation irrégulière.

En réalité, face au besoin de protection ressenti contre des étrangers dépeints comme des délinquants, des criminels ou des terroristes dans un contexte de crise économique, les États membres jouent un double jeu. D'un côté, ils rejettent les normes et institutions communes qui les contraignent à accepter les réfugiés et d'autres migrants. Ils ont ainsi refusé le plan de la Commission qui souhaitait imposer des quotas de réfugiés à réinstaller en Europe et une relocalisation au sein de l'Union des demandeurs d'asile arrivés en Grèce et en Italie. Mais, d'un autre côté, ils renforcent ces normes et institutions quand elles servent leurs desseins. Ainsi ont-ils accepté le développement de réseaux de fichiers de données et métadonnées permettant de contrôler les déplacements des étrangers (mais aussi des Européens), ou le renforcement de l'agence Frontex par la création d'un corps de gardes-frontières et de gardes-côtes disposant d'une autonomie et de pouvoirs plus grands (2).

Mais, entre fermeture et ouverture, entre autonomie et subordination aux États membres, les institutions européennes font elles aussi preuve d'ambiguïté. Le président de la Commission, M. Jean-Claude Juncker, semble lui-même marquer le pas lorsqu'il estime, dans son discours sur l'état de l'Union de 2016, que le devoir de solidarité ne peut pas être imposé. Le Conseil de l'Union (ministres) ne cesse, pour sa part, de proroger des autorisations données à certains États de maintenir des contrôles sur une partie de leurs frontières intérieures à l'espace Schengen. Quant à la Cour de justice de l'Union, elle affirme que les États ne sont pas obligés d'accorder un visa humanitaire à des personnes souhaitant se rendre sur le territoire européen pour demander l'asile.

Par ailleurs, les États membres et les institutions européennes cherchent à échapper à leurs responsabilités en recourant à l'externalisation des contrôles migratoires, technique empruntée au management des entreprises commerciales. Il s'agit de délocaliser les contrôles hors du territoire européen et de sous-traiter leur exercice à d'autres acteurs, essentiellement les États d'origine et de transit des migrants.

Cette technique est utilisée aux mêmes fins que l'externalisation des opérateurs économiques : ménager les finances en transférant à d'autres la surveillance de l'immigration, quitte à allouer aux États tiers une indemnisation symbolique, de plus en plus souvent déguisée en aide au développement. L'Union et ses États membres se prémunissent également contre le risque juridique d'être condamnés en repoussant les contrôles loin des yeux du public et des juges européens.

L'arrangement du 18 mars 2016 entre la Turquie et l'Union n'est qu'un aspect de ce phénomène général, qui conduit à de nombreuses violations des engagements européens en matière de droits humains et de droit des réfugiés. Avec Ankara, comme avec d'autres pays (Libye, Soudan), il s'agit, à force de « mesures incitatives » et de menaces de sanctions économiques, de bloquer les migrants à leurs frontières ou de les contraindre à réadmettre les étrangers en situation irrégulière identifiés sur le territoire des États membres.

On sous-traite encore à des États tiers qui ne reconnaissent pas le droit d'asile le soin de statuer sur les demandes de protection des étrangers qu'ils ont retenus. Il en va ainsi de la Turquie, qui est certes partie à la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, mais qui a déclaré ne l'appliquer qu'aux personnes devenues des réfugiés à la suite d'événements survenus en Europe, ce qui exclut donc les Syriens. Quant à la Libye déchirée, elle n'est pas partie à la convention de 1951. Et que dire encore des discussions avec le Soudan — dont le président, M. Omar Al-Bachir, fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale —, l'Égypte et l'Érythrée ? Sans que cela soit assumé par l'Union et par ses membres, l'Europe est de moins en moins une terre d'asile.

(1) Cf. « L'espace Schengen : crise et méta-crise », Migrations sans frontières, 11 décembre 2016.

(2) Règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 relatif au corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes.

Mondialisons la solidarité !

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

Le grand public connaît bien les activités du Secours populaire français dans le domaine alimentaire en France — 180 millions de repas sont en effet distribués chaque année. Il connaît bien également ses grandes campagnes organisées à l'occasion des vacances ou des fêtes de fin d'année, notamment les « Pères Noël verts », pour aider les personnes en difficulté à y prendre part.

En revanche, ses activités dans le monde sont moins connues. Et pourtant ! Chaque année, le Secours populaire vient en aide, au-delà de nos frontières, à plus de 450 000 personnes dans une cinquantaine de pays, avec un réseau de 150 associations locales. Sans parler de la construction du grand mouvement d'enfants Copain du monde, créé il y a vingt-cinq ans, et qui est la traduction sur le terrain des beaux textes de la convention internationale des droits de l'enfant. Que de bonnes intentions ! Mais cela ne suffit pas. D'où l'organisation, cette année, d'une trentaine de villages « Copain du monde » pour apprendre à s'aimer les uns les autres, et non à se détester, apprendre à se rencontrer plutôt qu'à se fuir.

Mais il faut également répondre à ce drame inhumain d'une ampleur encore jamais rencontrée : ce flot d'enfants et de familles réfugiés venus du Proche-Orient ou d'Afrique, tentant de fuir les guerres, les violences, la famine et la misère. Le Secours populaire se mobilise ici et là-bas pour leur venir en aide.

Aujourd'hui, les bénévoles ou les donateurs sont les bienvenus. Ils font œuvre utile dans ce monde où tant de personnes sont confrontées à des situations dramatiques.

Le fantôme de la guerre d'Espagne

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

À la fin des années 1930, face à la guerre qui ravage leur pays, de nombreux Espagnols cherchent l'asile en France. Tandis que le Front populaire, arrivé au pouvoir en 1936, impose un accueil solidaire des réfugiés, les derniers gouvernements de la IIIe République mettent en place une législation restrictive qu'utilisera le régime de Vichy.

Dans les années 1920, la France, touchée par la première guerre mondiale et les pertes d'hommes jeunes, est amenée à recruter des travailleurs étrangers et à accueillir des réfugiés. Elle devient, à l'aube des années 1930, le premier pays d'immigration du monde. Des travailleurs entrés individuellement ou recrutés collectivement par la Société générale d'immigration, créée par le patronat, se mêlent aux réfugiés. Mais les effets de la crise économique de 1929 provoquent une poussée de xénophobie.

De l'été 1936 au printemps 1938, les premiers bombardements de l'histoire de villes européennes et les représailles exercées par les franquistes provoquent l'arrivée de plusieurs vagues de réfugiés espagnols. Souvent suivis de retours, ces flux représentent plus de 150 000 personnes. Quarante-huit heures après le putsch de Francisco Franco, à la mi-juillet 1936, le gouvernement du Front populaire recommande de pratiquer à l'égard des réfugiés un accueil conforme à la « tradition ». Le 18 août 1936, il est demandé aux préfets des départements situés entre Garonne et Loire de procéder à un recensement des locaux susceptibles de recevoir les démunis. Une « Instruction générale sur l'hébergement des réfugiés espagnols », édictée en mai 1937, détermine la liste des départements concernés et synthétise les prescriptions en matière de conditions d'accueil.

Après la chute du gouvernement de Léon Blum, en juin 1937, il se produit une inflexion restrictive sensible. Le 27 novembre, il est décidé qu'en dehors des femmes, des enfants, des vieillards et des malades, qui peuvent encore être hébergés aux frais des collectivités publiques, les réfugiés doivent pouvoir subvenir à leurs besoins.

Le gouvernement d'Édouard Daladier, constitué en avril 1938, marque un net changement dans la politique d'admission des étrangers. On considère désormais que les réfugiés sont trop nombreux et menacent la sécurité nationale. Le 14 avril, le ministre de l'intérieur réclame « une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser notre pays des éléments indésirables trop nombreux qui y circulent ». Le 2 mai, un décret prévoit que, si un étranger frappé par un arrêté d'expulsion ne parvient pas à obtenir le visa qui lui permettrait de quitter la France, le ministère de l'intérieur « pourra assigner à l'intéressé une résidence déterminée qui rendra sa surveillance possible ». Le 12 novembre de la même année, un décret estime que, pour les « indésirables » qui « sont dans l'impossibilité de trouver un pays qui les accepte », l'assignation à résidence prévue en mai représente une « liberté encore trop grande » : ils seront dirigés vers des « centres spéciaux » où ils feront l'objet d'une surveillance permanente.

En janvier et février 1939, face à l'exode d'un demi-million de personnes consécutif à la conquête de la Catalogne par les franquistes, la principale préoccupation du gouvernement est d'assurer l'ordre et la sécurité, tout en incitant les arrivants à repartir en Espagne. Malgré les avertissements répétés des diplomates, rien n'a été prévu pour préparer le moindre hébergement. L'asile est certes consenti ; mais, dépassés par des événements qu'ils n'ont pas su ou voulu anticiper, les pouvoirs publics gèrent le grand exode de 1939 de manière sécuritaire.

La séparation des familles, quand elles ont pu partir groupées, s'effectue dès la frontière : les femmes, les enfants et les personnes âgées sont généralement évacués vers des centres d'hébergement en province où ils sont tant bien que mal accueillis. Quant aux combattants et aux hommes jeunes, ils sont conduits sous bonne escorte dans des camps aménagés à la hâte sur les plages du Roussillon. Ces camps sont dits alors « de concentration » dans les textes administratifs, au sens où l'on entend « concentrer », afin de les surveiller, ceux que l'on juge « indésirables ». Les réfugiés se retrouvent dispersés sur tout le territoire pour de longs mois, voire des années.

Chaos et improvisation dominent : les premiers camps poussent sur les plages du Roussillon, à Argelès-sur-Mer et à Saint-Cyprien, dans les Pyrénées-Orientales. Ce sont de simples espaces délimités par des barbelés, sans baraquements ni installations sanitaires, placés sous la surveillance de corps de troupe (gendarmerie, gardes mobiles, troupes coloniales). Les réfugiés doivent, en plein hiver, s'enfouir dans le sable pour se protéger des intempéries. Des épidémies se répandent, tant ces populations sont affaiblies par des mois de guerre et par de longues marches.

Ces camps se révèlent vite insuffisants ; les autorités en ouvrent d'autres : au Barcarès, non loin, pour les réfugiés en instance de rapatriement ; à Bram, dans l'Aude, à Agde, dans l'Hérault, à Septfonds, en Tarn-et-Garonne, puis au Vernet d'Ariège et à Gurs, près de Pau. En février 1939, quelque 275 000 Espagnols sont internés. Fin mars 1939, des réfugiés parviennent à gagner l'Algérie, où les autorités, souvent profranquistes, les accueillent rudement ; des camps précaires, tels Morand (à Boghari) et Suzzoni (à Boghar), attendent les combattants près d'Alger.

Les autorités françaises incitent les internés à retourner en Espagne, malgré les risques encourus, ou à s'engager dans la Légion étrangère. Les autres se retrouvent, de gré ou de force, employés à la fortification des frontières ou embarqués dans l'économie de guerre : enrôlement dans les compagnies de travailleurs étrangers, militarisées, et, sous Vichy, dans les groupements de travailleurs étrangers.

Les Espagnols attendront 1945 pour bénéficier du statut de réfugiés politiques, après avoir participé en grand nombre à la guerre et à la Résistance. Entre-temps, ces camps et d'autres nouvellement créés — comme celui de Rivesaltes — auront été utilisés par le régime de Vichy, qui en aura fait les instruments de sa politique d'exclusion à leur égard et à celui d'autres « indésirables », notamment des Juifs. Le sécuritaire avait toutefois pris le pas sur l'humanitaire dès la fin de la IIIe République.

La Grèce en première ligne

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05
Bruce Clarke. – « Home Boy » (Frère),2016 Bruce Clarke / ADAGP

En visite officielle en Grèce, le 3 mars dernier, le premier ministre français Bernard Cazeneuve a trouvé quelques instants, entre deux rendez-vous consacrés à la dette, pour s'adresser aux réfugiés en partance pour la France. Chaque mois, quatre cents personnes prennent le chemin de l'Hexagone, où elles demandent l'asile tant espéré. Sélectionnées sur dossier par les autorités grecques, elles n'obtiennent l'éventuel accord final qu'une fois arrivées sur le sol français. Entre-temps, elles apprennent les rudiments de la langue et s'informent sur la vie quotidienne qui les attend. Ce programme, instauré par M. Cazeneuve lui-même en septembre 2015, lorsqu'il était ministre de l'intérieur, arrivera à son terme en septembre prochain. Pour l'instant, aucune suite n'est prévue.

Le camp de Malakasa, à une heure de route à peine à l'ouest d'Athènes, accueille principalement des Afghans et des Iraniens. Mais, aux yeux du Secours populaire français (SPF) et de son partenaire local Solidarité populaire, la nationalité ne revêt que peu d'importance dans un monde sous tension. Tous les migrants appellent un geste de solidarité, sans distinction d'origine.

Ce jour de mars, un camion du SPF arrive de France, chargé de vivres. Pour les bénévoles, la première étape consiste à préparer des sacs : huile, sauce tomate, pâtes, légumineuses, confiture, mais aussi des douceurs, comme du sirop de citron ou des bonbons, pour offrir un peu de plaisir aux petits. Chacune des deux cents familles hébergées dans le camp a droit à deux sacs remplis à ras bord.

« Nous sommes des électrons libres »

Trois clowns nous approchent. Trois femmes. Prenant le contrepied de la xénophobie qui monte dans son pays d'origine, les Pays-Bas, l'une d'elles se montre particulièrement joyeuse : « Je suis venue vous dire que je suis bien heureuse que tous mes compatriotes ne soient pas des salauds. » Juditth L. habite Amsterdam, elle est clown et, comme ses deux collègues, elle vient en Grèce aussi souvent que possible pour rendre le sourire aux enfants comme aux adultes. « Nous sommes des électrons libres, nous n'appartenons à aucune organisation », précise-t-elle avant de nous embrasser puis de poursuivre le tour du camp.

Les organisations et les « électrons libres » sont si nombreux qu'en dresser la liste se révèle malaisé. Fragmentées et confuses, les données changent en outre continuellement depuis le début de la crise migratoire, en 2015, le va-et-vient des associations variant avec l'afflux des personnes. En septembre 2016, le ministère de la politique migratoire grec recensait 170 associations, dont il était cependant impossible de savoir si elles avaient simplement foulé le sol du pays ou si elles inscrivaient leur action dans la durée. Aucune information ne permettait de préciser le rôle des unes et des autres, les objectifs poursuivis, le statut juridique et le pays d'origine, ni les budgets alloués…

L'impossibilité de réaliser un état des lieux découle principalement de l'implication de plusieurs ministères : les organisations non gouvernementales (ONG) dont la raison sociale est le sauvetage en mer sont enregistrées au ministère des ports ; celles qui s'investissent dans des actions de solidarité sociale, au ministère du travail et de la solidarité sociale ; celles qui fournissent des soins médicaux rendent des comptes au ministère de la santé ; et les ONG étrangères sont censées se faire connaître du ministère des affaires étrangères. « Si les autorités compétentes parviennent à avoir une vision assez complète de la présence des ONG dans le pays, il n'existe pas de registre officiel répertoriant tous les acteurs, confirme un ex-cadre du ministère de la politique migratoire qui préfère garder l'anonymat. Le ministère donne son accord à toutes les organisations qui le demandent, mais, en dehors des camps proprement dits, il est difficile de savoir qui fait quoi. »

La situation devrait s'éclaircir une fois finalisé le registre national des organisations non gouvernementales (RNONG), sur lequel les associations devaient s'inscrire avant le 30 mars 2017. Seules celles qui seront dûment enregistrées pourront avoir accès aux réfugiés et bénéficier des fonds européens. Le ministère n'exercera pas de contrôle sur elles, mais il pourra encadrer leurs activités en spécifiant les règles d'accès aux migrants afin de coordonner leur action. Établi par le gouvernement grec, le RNONG contiendra les informations financières, fiscales, administratives concernant chaque organisme. Il précisera également le type de service fourni et le statut du personnel (bénévole ou rémunéré).

Une collaboration harmonieuse

Le sommet européen de mars 2016 a autorisé la Commission à distribuer directement les fonds communautaires aux ONG, mettant le gouvernement grec devant le fait accompli. Depuis, c'est Bruxelles qui gère une manne sur laquelle Athènes n'exerce plus aucun contrôle. Pour les ONG internationales, intervenir dans un pays industrialisé qui n'a pas subi de catastrophe naturelle ou qui ne se trouve pas en état de guerre constitue une première. Si, dans un premier temps, la collaboration avec les autorités a été harmonieuse, quelques incidents provoquant une certaine tension sont survenus. Par exemple, dans les îles du sud-est de la mer Égée, des associations ont cimenté un terrain sans autorisation ; d'autres ont molesté un photojournaliste dont les clichés portaient, selon elles, atteinte au respect de la vie humaine. D'autres encore se sont spontanément installées sur des plages, sans coordination, suscitant des tensions avec la population locale.

Seul le RNONG pourra décider de la répartition des financements et préciser les activités de ces organisations. Sa création a été jugée d'autant plus nécessaire que maintes rumeurs circulent, certaines proches des théories du complot, d'autres reposant sur des dépôts de plaintes à l'encontre d'ONG soupçonnées de tirer avantage des réfugiés. Un rapport confidentiel de Frontex, l'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne, mentionne le premier cas avéré impliquant une ONG de trafiquants conduisant illégalement des réfugiés vers l'Italie. Les migrants avaient « reçu avant leur départ des indications claires sur la route précise à suivre pour arriver à des bateaux appartenant aux ONG (1».

Ces tensions ont déplacé le débat sur le terrain politique. L'opposition accuse le gouvernement de M. Alexis Tsipras de manquer de transparence et de se laisser dépasser par les événements. Les élus locaux montent au créneau. M. Spyros Galinos, maire de Lesbos, une des îles qui accueillent le plus de réfugiés — sa population est passée de 90 000 à 450 000 habitants en 2015 —, exprime souvent sa reconnaissance envers les ONG.

Mais toutes ne sont pas si vertueuses : « Beaucoup d'ONG sont venues sans prendre la peine de s'enregistrer, sans chercher à coopérer avec notre municipalité, déplore l'élu local. Elles suscitent le doute et la méfiance parmi les résidents de Lesbos. Je dirais que leur présence est plus perturbatrice qu'utile (2).  » Outre les trente associations dûment enregistrées dans l'île, une quarantaine travailleraient de manière autonome.

L'Union des médecins du secteur public de Lesbos exprime, pour sa part, ses inquiétudes dans un communiqué de presse : l'encadrement des réfugiés et la distribution des soins médicaux de base ont été délégués à des ONG « qui ne disposent pas d'un seul pédiatre pour les camps de Moria et de Kara Tepe (3)  ».

C'est donc l'hôpital de Lesbos qui traite tous les cas, alors même que ce sont les ONG qui disposent des financements. « Ils ont lamentablement échoué à assurer des conditions humaines pour les réfugiés », concluent les médecins. Mais ce n'est pas le seul sujet de préoccupation.

Un magnat controversé

La multiplication des intervenants pose de redoutables défis de coordination. En effet, on distingue quatre catégories. En premier lieu, les grandes organisations internationales : l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). En deuxième lieu, les ONG financées par la direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes de la Commission européenne (ECHO). Il y a ensuite les ONG financées par des dons, comme la Croix-Rouge, ou par des fonds privés, tel l'International Rescue Committee (IRC), fondé par Albert Einstein pour aider les opposants à Adolf Hitler. En Grèce, l'IRC reçoit des dons, entre autres, de la Fondation Stavros-Niarchos. Enfin, certaines ONG puisent dans leurs propres fonds, comme Solidarity Now (« Solidarité maintenant »), financée par Open Society Foundations (OSF), du magnat controversé George Soros. À cette liste déjà longue pourraient s'ajouter d'autres associations, plus petites mais exerçant elles aussi dans le secteur caritatif sur le sol grec. Faute d'être enregistrées, celles-ci échappent à tout repérage.

Les grandes ONG parviennent à travailler dans une certaine harmonie les unes avec les autres. Par exemple, les organisations françaises Médecins sans frontières et Médecins du monde assurent la médecine générale, Save the Children s'occupe principalement des enfants, l'IRC distribue des coupons d'alimentation et prend soin de la sécurité et de l'hygiène, le Centre pour le développement des réfugiés (Refugee Development Center, RDC) se concentre sur la gestion et la distribution des produits non alimentaires, etc.

Après les tensions des premiers mois, la plupart des ONG tentent de tirer les leçons de l'expérience dans leurs relations avec les populations locales. Elles cherchent notamment à mettre en valeur l'économie grecque. Par exemple, les repas, qui étaient à l'origine distribués par des traiteurs, le sont désormais en collaboration avec des cuisines communautaires. Conçues soit par les ONG, soit par les réfugiés eux-mêmes, celles-ci utilisent des produits locaux.

Selon les chiffres de la Commission européenne, depuis le début de 2015, 481,9 millions d'euros ont été alloués à la Grèce au titre du Fonds asile, migration et intégration (AMIF) et du Fonds pour la sécurité intérieure (ISF), sur un total de 1 059 millions engagés jusqu'à l'année 2020. Cependant, au-delà des annonces et des engagements dans les livres de comptes, qu'en est-il exactement ? Comme tout financement européen, le décaissement dépend de procédures compliquées et longues. En ce début d'année 2017, les chiffres demeurent imprécis quant à l'argent réellement parvenu aux réfugiés, l'Union manifestant une tendance à les gonfler et les bénéficiaires à les sous-estimer. Les récipiendaires, tant l'État grec que les organismes internationaux ou européens et les ONG, doivent déposer des dossiers et attendre qu'ils soient acceptés.

On sait en revanche qu'une « aide extraordinaire » de 352 millions d'euros a bien été débloquée. Elle se décompose de la manière suivante : 178 millions d'euros alloués à l'État et à ses ministères — la défense, la police et les gardes-côtes se taillent la part du lion — et 174 millions d'euros à d'autres organismes (OIM, HCR, Bureau européen d'appui en matière d'asile, etc.).

En outre, le commissaire européen chargé de l'aide humanitaire et de la gestion des crises, le Chypriote Christos Stylianides, a pu attribuer une enveloppe de 198 millions d'euros prélevée sur le fonds d'aide d'urgence de l'Union européenne pour 2016. Ce montant — versé aujourd'hui à 94 % — est consacré à une série d'actions spécifiques : l'amélioration des logements existants et des conditions d'hygiène, la construction de nouveaux camps avant l'hiver, la fourniture d'une assistance directe aux réfugiés, l'accès des enfants réfugiés à l'éducation et l'assistance aux mineurs non accompagnés.

Contrôle sévère des fonds

En janvier 2017, le ministre de la politique migratoire, M. Yannis Mouzalas, a réclamé à la Commission européenne un contrôle sévère des fonds alloués aux ONG. Ce médecin-gynécologue de formation ne mâche pas ses mots. « Avec moins d'argent que ce qu'ont reçu les ONG et les organisations internationales, nous avons satisfait plus de 70 % des besoins dans des camps », a-t-il déclaré lors d'un voyage à Lesbos en compagnie du responsable européen du financement des ONG, M. Philippe de Broers, et du commissaire chargé de l'immigration, M. Dimitris Avramopoulos (4). Ce dernier a appelé les ONG à « gérer l'argent disponible dans la transparence » et à « intensifier leurs efforts pour fournir une aide immédiate aux personnes dans le besoin dans les îles » (5).

On imagine aisément les frictions entre l'État grec et les ONG, chacun ayant sa part de responsabilité. Le bras de fer qui a opposé les pouvoirs publics à l'association allemande Arbeiter-Samariter-Bund (ASB) début 2015 en fournit un bon exemple. Il s'agissait d'aménager les bâtiments d'une usine de papier toilette désaffectée appartenant à la société Softex. Les locaux accueillaient des dizaines de réfugiés depuis plusieurs mois dans des conditions précaires. C'est pourquoi ASB a proposé de consacrer 1,5 million d'euros à améliorer les installations. L'État a formulé une contre-proposition, plus ambitieuse mais aussi plus chère. Finalement, l'absence d'accord a conduit au statu quo : les bâtiments sont restés en l'état, c'est-à-dire inadaptés pour permettre à leurs occupants d'affronter un hiver particulièrement rigoureux. Des situations semblables se retrouvent dans la plupart des camps de réfugiés.

Loin de tout financement européen ou national, parfois même sans statut juridique, regroupant de simples citoyens désireux de manifester leur soutien aux réfugiés, on trouve ceux qu'on surnomme les « solidaires ». Ils agissent spontanément, par de petits gestes. Ils ne figurent dans aucun registre, mais la plupart collaborent sans heurts avec les autorités grecques ou les ONG.

C'est dans cette perspective d'une solidarité concrète que travaille le collectif Solidarité populaire, partenaire du Secours populaire français. L'association s'est installée dans un coin tranquille du centre d'Athènes. « C'est un don, nous ne payons pas de loyer, l'espace appartient à un ami », précise le trésorier, M. Haïk Apamian, un Français installé en Grèce depuis plus de vingt ans. Plusieurs de ses membres sont francophones, et son président, M. Frédéric Bendali, est français lui aussi, d'où les liens avec le SPF. Comme l'explique M. Ismaïl Hassouneh, secrétaire national, à la tête de la délégation venue de Paris, le SPF privilégie les partenariats locaux plutôt que la création de bureaux propres à l'étranger. De même, une partie des aliments distribués provient de France, l'autre étant achetée sur place.

L'action solidaire est non seulement la passion, mais aussi la raison de vivre de la plupart des membres de Solidarité populaire. « Une fois l'accueil initial organisé et les actions urgentes assurées (nourriture, soins), nous nous préoccupons de l'insertion des réfugiés dans la société », explique le secrétaire Edouardos Georgiou. Les enfants font l'objet d'une attention particulière. Des « matinées créatives » leur sont proposées en fin de semaine, ainsi que des escapades d'une journée à la campagne.

Un matin, nous partons tôt à Malakasa pour participer à la distribution organisée par le SPF et Solidarité populaire avant le déjeuner. Les bénévoles n'ont pas fini de remplir les sacs destinés aux réfugiés que déjà les premiers bénéficiaires approchent. Ce sont surtout des jeunes de 15-17 ans. Ils sont accompagnés d'un réfugié d'une cinquantaine d'années qui garde le silence, car il ne parle pas anglais. Karim, son fils, nous explique le rôle de chacun : « Nous pouvons vous aider à organiser la distribution, mais il faut que mon père nous surveille. Ainsi, nous serons acceptés par les autres migrants. » Mais nous sommes suffisamment nombreux pour assurer l'ensemble des tâches. D'autres jeunes s'approchent. « Il faut faire attention, insiste notre interlocuteur, il y a des gens qui vont essayer de passer deux ou trois fois. Après, ils essaieront de vendre les aliments pour acheter de la drogue. »

Tensions avec la Turquie

Les réfugiés font tranquillement la queue, serrant dans leur main les tickets attribués par la direction du camp. Elena, qui supervise les distributions au sein de la direction du camp, vient nous saluer au nom de tous les travailleurs de Malakasa. Elle nous laisse rapidement : connaissant les bénévoles de Solidarité populaire, elle sait qu'aucun problème ne surgira. Elle vaque donc à d'autres tâches. Beaucoup d'enfants demandent un bonbon de plus aux militants du SPF. Heureusement, l'association française en a apporté plus qu'assez pour tout le monde.

Des personnes âgées viennent s'asseoir auprès de nous à l'ombre d'un olivier. Au-delà de leur utilité immédiate, les distributions d'aliments organisées par Solidarité populaire constituent des événements sociaux. Si les jeunes peuvent aisément se rendre au village voisin, qui n'est distant que d'un kilomètre, pour les vieux, l'horizon se limite souvent aux barrières du camp. « Comment ont-ils fait pour arriver jusqu'ici ? », se demande-t-on spontanément quand on les voit se déplacer avec peine.

Et c'est justement la question. Les tensions entre la Turquie et l'Union européenne pourraient conduire à l'arrivée de nouvelles vagues, incontrôlables, de réfugiés. Dans ce cas, même si la solidarité manifestée par le peuple grec se révèle exemplaire, et même si l'aide d'organisations telles que le SPF est inestimable, comment assurer à tous les soins nécessaires ?

(1) Duncan Robinson, « EU border force flags concerns over charities' interaction with migrant smugglers », Financial Times, Londres, 15 décembre 2016.

(2) Helen Nianias, « Refugees in Lesbos : Are there too many NGOs on the island ? », The Guardian, Londres, 5 janvier 2016.

(3) Penny Bouloutza, « Les médecins dénoncent les ONG » (en grec), I Kathimerini, Athènes, 14 février 2017.

(4) Ethnos, Athènes, 19 janvier 2017.

(5) Ibid.

L'Europe au défi des réfugiés

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:04
Bruce Clarke. – « Life After » (La Vie d'après), 2013 Bruce Clarke / ADAGP

Les conflits qui ravagent le Proche-Orient, singulièrement la Syrie, l'Irak et l'Afghanistan, ont jeté des centaines de milliers de personnes (hommes, femmes et enfants) sur les routes de l'exil. Si les pays frontaliers, comme le Liban, assurent le gros de l'effort d'accueil, les États de l'Union européenne sont également sollicités au nom du droit d'asile. Mais leur réponse varie selon les capitales et est souvent parcimonieuse. À Bruxelles, la Commission a tenté en vain d'organiser une réponse coordonnée des Vingt-Huit. Sur le terrain, les associations se mobilisent pour prodiguer aux réfugiés les premiers soins, leur fournir gîte et nourriture : un devoir de solidarité, comme le rappelle M. Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français (lire « Mondialisons la solidarité ! »). En Grèce, l'afflux inattendu de dizaines de milliers de migrants met à rude épreuve toute la société (lire « La Grèce en première ligne »). Le bilan de la crise révèle le non-respect de la convention internationale relative au statut des réfugiés et un certain oubli des leçons de l'histoire (lire « Le fantôme de la guerre d'Espagne »).

Rectificatifs

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:04

— L'article « Le piège de la dépendance se referme sur le Mexique » (numéro d'avril) contenait une erreur de date. Nous voulions écrire « le salaire moyen enregistré entre 1988 et 2015 [et non 2005] ne dépasse pas 60 à 70 % de son niveau de 1981 ».

— Le revenu moyen mensuel des dentistes n'est pas de « 21 900 euros net », comme écrit dans l'article « L'assurance-maladie universelle en questions » (numéro d'avril), mais de 21 900 euros en honoraires, soit 8 600 euros net par mois en moyenne.

Politique de la pollution

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:04

On peut décimer la population avec des gaz toxiques sans recevoir de missiles de croisière ni encourir la réprobation internationale, mais à une condition : procéder à très large échelle et de manière continue. « En 2015, estime une équipe de chercheurs dans un article publié par la revue médicale The Lancet, l'exposition longue aux particules fines (moins de 2,5 microns) a causé la mort de 4,2 millions de personnes et la perte de 103,1 millions d'années de vie en bonne santé (1).  » Le bilan de cette pollution de l'air d'origine essentiellement industrielle ne cesse de s'alourdir. Mais pas pour tous. « Ces morts prématurées surviennent dans 59 % des cas en Asie du Sud et de l'Est », notamment en Chine, en Inde, au Pakistan et au Bangladesh. Dans ce dernier pays, l'atmosphère contient en moyenne neuf fois plus de particules fines qu'aux États-Unis.

On suffoque dans les ateliers du monde pour qu'on puisse soupirer d'aise dans les centres commerciaux de Paris ou de Los Angeles sans risquer de s'encrasser les bronches. Cette hypothèse audacieuse, qui fait du libre-échange l'une des causes majeures de mortalité sur terre, ne provient pas d'un livret militant mais d'un second article, publié cette fois par la revue scientifique Nature (2). Région par région, les chercheurs ont évalué les décès dus aux particules fines selon qu'ils découlaient de la production de biens et de services, de leur consommation ou du déplacement atmosphérique des polluants. Ils estiment que, sur les 3,45 millions de décès prématurés dus aux particules fines comptabilisés en 2007, « 22 %, soit 762 400 morts, étaient liés à des biens et des services produits dans une région mais consommés dans une autre », donc au commerce international, contre « 12 %, soit 411 100 morts, à des polluants émis dans une région différente de celle où les décès surviennent », c'est-à-dire au déplacement par le vent des particules fines d'un pays à l'autre.

Par exemple, « la pollution émise en Chine en 2007 se traduit par plus de 64 800 morts prématurées dans d'autres régions du monde, dont 3 100 morts en Europe de l'Ouest et aux États-Unis. Mais, d'un autre côté, la consommation en Europe et aux États-Unis de biens chinois est liée à plus de 108 600 décès prématurés en Chine ». Parce qu'ils corrompent leur atmosphère pour produire chez eux les baskets et smartphones que d'autres consomment ailleurs, les Chinois se retrouvent exportateurs net de biens et de services, mais importateurs net de morts dus à l'air vicié. Réciproquement, lorsqu'ils importent des marchandises, les pays riches exportent la mortalité associée aux particules fines. « S'il s'avère que le coût des produits importés est plus faible à cause de contrôles de pollution atmosphérique moins stricts dans les pays producteurs, concluent les scientifiques, alors les consommateurs font des économies au détriment de vies perdues ailleurs. »

Diffusées en boucle par la presse, des photographies de petites victimes agonisantes décideraient-elles M. Donald Trump à bombarder le siège de l'Organisation mondiale du commerce ?

(1) Aaron Cohen et al., « Estimates and 25-year trends of the global burden of disease attributable to ambient air pollution : An analysis of data from the Global Burden of Diseases Study 2015 », The Lancet, Londres, vol. 389, no 10078, 15 avril 2017.

(2) Qiang Zhang et al., « Transboundary health impacts of transported global air pollution and international trade », Nature, Londres, vol. 543, no 7647, 30 mars 2017.

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Un monde de camps

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:04

La planète compte aujourd'hui soixante-cinq millions de réfugiés et de déplacés. Faute de politiques d'accueil, un grand nombre d'entre eux sont contraints de vivre dans des camps, sortes de prisons à ciel ouvert dont les résidents sont privés de droits fondamentaux (lire « La fabrique des indésirables »). Longtemps confinées aux pays du Sud, ces structures prolifèrent et se banalisent en Europe depuis quelques années, s'ajoutant aux centaines de centres de rétention administrative qui servaient déjà à enfermer les migrants clandestins (lire « Internement à la française »). Par leur nombre et leur pérennité — le temps de séjour moyen dans un centre du Haut-Commissariat pour les réfugiés est de dix-sept ans —, les camps ont fini par représenter un marché que se disputent âprement organisations non gouvernementales et multinationales (lire « Les réfugiés, une bonne affaire »).

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