La MPCC aura pour tâche de commander au niveau stratégique les trois missions EUTM de formation des forces africaines (entraînement ‘commandos’ de descente en rappel des FAMA, les forces maliennes – crédit : EUTM Mali)
(B2) Les 28 ont adopté aujourd’hui la décision établissant le mini-QG militaire (la MPCC dans le langage bruxellois). La Haute représentante de l’Union, Federica Mogherini, l’a confirmé aujourd’hui à Saragosse (où elle inaugurait un nouveau dispositif européen, le centre de formation au transport aérien tactique). « C’est une étape importante » pour la défense européenne, a-t-elle déclaré. A juste titre… pourrait-on ajouter.
Pour conduire les missions non-exécutives
Ce nouveau commandement permettra d’assurer la conduite et le contrôle, au niveau stratégique (= politique) des trois missions militaires de l’UE déployées en Afrique : à Mogadiscio (EUTM Somalia), à Bamako (EUTM Mali) et à Bangui (EUTM Rca). Ces missions sont dites « non-exécutives ». Car elles n’ont ni le mandat ni les capacités pour assurer le maintien de l’ordre ou de la paix par la force (rôle davantage dévolu aux forces de l’Union africaine ou de l’ONU. Lire notre entretien avec le chef d’EUTM Rca : Nous devons être fiers du travail européen pour reconstruire la RCA (García Blázquez)). Elles ont un objectif d’assistance militaire, de conseil et de formation des armées africaines dans les pays où elles sont établies.
Un noyau d’une trentaine de personnes
Ce commandement devrait comprendre, selon nos informations, une trentaine de personnes (venant pour bonne partie des effectifs déjà présents à Bruxelles). Donc sans coût réellement supplémentaire. Il sera basé dans la capitale belge, au sein de l’état-major de l’UE (EUMS), rue Cortenbergh, C’est un général finlandais, l’actuel chef de l’état-major européen, Esa Pulkinnen, qui en assurera la direction. Celui-ci sera assisté, dans la gestion au quotidien, d’un général français (3 étoiles), Daniel Grammatico.
Un retard dû aux élections en Grande-Bretagne
La décision aurait dû être prise à la mi-mai… mais les Britanniques ont retardé son adoption. Une manœuvre très politique, mais assez logique : le gouvernement voulait éviter toute interférence avec les élections législatives qui se tiennent aujourd’hui (1).
Commentaire : La fin d’un long périple, le début d’un autre
Cc’est la fin d’un long périple pour ce commandement opérationnel qui aurait dû voir le jour en 2006-2007 (sous la forme d’un centre d’opérations jamais réalisé). Mais le travail n’est encore qu’à moitié accompli. D’une part, ce QG sera de petite taille (environ 30 personnes selon nos informations). Ce qui est somme toute modeste et fait taire tous les soupçons (largement phantasmés) d’une éventuelle rivalité avec le quartier-général de l’OTAN (le Shape). D’autre part, il faut bâtir toute la logistique d’un quartier général, que ce QG ait tous les moyens techniques, humains pour fonctionner de manière efficace, anticiper les crises, planifier les futures missions et conduire à bon port les actuelles missions. Enfin, l’Europe n’aura gagné ses galons d’autonomie stratégique que lorsqu’elle aura acquis également la capacité de commandement stratégique des opérations militaires (à mandat exécutif). Ce qui pourrait être possible à partir de 2019 (la décision établissant la MPCC doit en effet être revue d’ici la fin 2018 au plus tard).
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) La campagne électorale britannique a surtout été marquée par la menace terroriste, qui constitue une actualité beaucoup plus prégnante et une menace beaucoup plus réelle que la création de ce QG à Bruxelles.
Lire aussi :
Tous les détails sur le futur QG et les discussions qui l’ont précédées :
* Sur B2 Pro
Archives B2 – Crédit : EUNAVFOR Atalanta
(B2) Le tanker MT NAVIG8 Providence, attaqué par des pirates armés dans le golfe d’Oman, ce vendredi (2 juin), est sain et sauf a confirmé le QG d’EUNAVFOR Atalanta, selon les informations reçues à B2.
Le navire, qui bat pavillon des îles Marshall, naviguait à 100 milles nautiques à l’est de Muscat quand il a été approché par six hommes armés à bord d’un skiff. Il s’est rapproché du pétrolier. « On pouvait voir à son bord une échelle » a témoigné le capitaine du navire (NB : en général un signe très clair de la volonté d’abordage). Les armes ont aussi parlé rapidement. « Il y a eu [en effet] un échange d’armes légères entre les pirates et l’équipe de sécurité maritime à bord du tanker. »
Le capitaine du Providence a alors entamé des manoeuvres défensives suivant en cela les recommandations maritimes (les fameuses « BMP4 », la norme anti-piraterie édictée par les militaires et l’industrie maritime). L’effet combiné de toutes mesures a eu raison de l’envie de piraterie. Les pirates ont interrompu la poursuite.
Le navire et son équipage sont indemnes. Ils ont « repris leur route » indique le QG de Northwood. Le NAVIG8 Providence est actuellement, selon les dernières informations maritimes, en mer d’Arabie naviguant à une vitesse de 10 noeuds.
Mais pour les forces navales anti-piraterie dans la zone, cela ne s’arrête pas là. Elles sont à la recherche du skiff et de ses occupants… A suivre.
(NGV)
(B2) S’exprimant (en allemand) en Allemagne, mercredi soir (31 mai), avant la décision américaine prise aujourd’hui par Donald Trump de se retirer des accords de Paris sur le climat, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne a voulu avertir les Américains, « je suis transatlantique (mais) le devoir de l’Europe est de dire : çà ne marche pas comme çà ».
Trois, quatre ans pour se retirer
« Il faut trois, quatre ans après l’entrée en vigueur du traité pour sortir de l’accord. Cela signifie que l’idée que vous pouvez simplement disparaître dans l’air — cela n’arrivera pas. » « Ce qui est écrit dans la législation et tout ce qui est écrit dans les accords internationaux ne relève pas de la « fake news ». La loi est la loi. Et Il faut s’y tenir. »
Le futur de l’humanité est en jeu
« Ce n’est pas juste sur notre futur et l’humanité de l’Europe, c’est le futur du monde tout entier. 83 pays sont en risque de disparaitre si le niveau des eaux monte, si nous n’initions pas un combat résolu contre les changements climatiques. »
« Il serait du devoir de l’Europe de dire: cela ne va pas comme ça. »
« We will keep fighting for the planet ». @JunckerEU about the #ParisAgreement#ClimateChangepic.twitter.com/BOXqmXCEEh
— EC in Cyprus (@EUCYPRUS) 1 juin 2017
Sylvie Goulard et Ursula von der Leyen à Berlin ce jeudi 1er juin (crédit : B2 photo / Bundeswehr flux d’image)
(B2) Deux femmes fortes, qui peuvent dialoguer l’une dans le langage de l’autre, et vice-versa, c’est cette image symbolique qu’ont voulu donner aujourd’hui (1er juin), à Berlin, les ministres allemande et française de la Défense, Ursula von der Leyen (1) et Sylvie Goulard, dont c’était le premier déplacement à l’étranger en solo (sans l’ombre de Macron comme au Mali ou à l’OTAN).
L’aisance en français chez Ursula, et en allemand chez Sylvie, faisait vraiment plaisir à voir… et à écouter. Aux premiers mots, vous n’aviez pas la possibilité de cerner qui était l’Allemande et qui était la Française (1). « Je vais quand même passer en français sinon certains seraient déçus » a plaisanté Sylvie Goulard. Le tout dans un allemand limpide, compréhensible par tous. Cela change du gloubi-glouba-english en cours dans les couloirs européens
Deux enjeux principaux : Intégration et Afrique
Ursula, en particulier, a détaillé les deux axes de travail des Français et des Allemands (des Allemands surtout…) En premier lieu, « l’Union européenne de sécurité et de défense » avec « cette année » des projets « concrets que nous voulons mener ». Le premier exemple concret est ce « commandement européen » établi à Bruxelles pour les missions militaires (2), ce qui permet d’avoir « dans une seule main, à Bruxelles les missions civiles et militaires ». Il faut poursuivre par « une intégration », avec notamment le projet de « Fonds européen de défense » et de « Coopération structurée permanente », qui doit être menée comme un « projet à 27 ».
Second enjeu pour la ministre allemande : « l’Afrique, et en particulier l’Afrique de l’Ouest avec l’opération anti-terroriste française Barkhane, l’engagement allemand dans la Minusma, les missions de formation au Mali et au Niger (NB : dirigée par un Allemand). »
Une Allemagne forte est bien pour tout le monde
« Lors de ma visite au Mali, j’ai pu voir qu’il se passait des choses au niveau européen » a renchéri la ministre française, concluant qu’elle n’avait pas « peur d’une Allemagne forte ». « Les menaces sont communes et si l’Allemagne, comme elle le fait sous l’impulsion d’Ursula, investit plus dans le secteur de la défense, c’est une bonne nouvelle pour nous tous » a-t-elle ajouté.
A suivre…
Un conseil franco-allemand de sécurité aura lieu à Paris le 13 juillet pour avancer sur ces projets. C’est essentiel. Le couple franco-allemand est à reconstruire. Non pas qu’entre Paris et Berlin, il n’y ait pas de dialogue. Il y a des belles lettres communes, quelques projets menés en bilatéral plein d’espoir (comme la flotte commune des C-130J à Evreux et EATC) mais au niveau européen, cela rame…
Une dissension sur l’approche européenne
Au-delà des bons mots, il y a en effet entre Paris et Berlin, de vraies dissensions d’ordre philosophique, psychologique et technique. Paris et Berlin n’ont, en effet, pas la même vision de l’approche de la défense et de l’approche européenne. Ce qui mine actuellement toute avancée supplémentaire dans l’Europe de défense, plus sûrement que tout « No » britannique ou « irritation » polonaise.
Entre le Pont d’Arcole et la planification blindée
Pour les Français, l’Europe c’est « moi » ; pour les Allemands, c’est « nous ». Certains rêvent ainsi cette Europe de la défense sur le modèle napoléonien : type Pont d’Arcole, je franchis le Pont et on gagne la bataille, puis après on verra ; d’autres la rêvent plus réfléchie, planifiée, type plan bismarckien d’économie sociale. La France rêve d’une Europe de la défense des plus entreprenants, l’Allemagne veut une défense européenne avec une assise le plus large possible, à 27. Les militaires d’un côté du Rhin rêvent de sable chaud, d’aventure, d’action avec les Américains et les Britanniques, si possible, ou les Africains. Les seconds préfèrent parler structures militaires intégrées, coopération permanente, présence stabilisatrice post-conflit dans un cadre organisé. Les positions sont parfois à front renversé. Le tropisme atlantique du pouvoir allemand s’efface ainsi rapidement là où les Français rêvent encore de l’Amérique sauvée par La Fayette.
Dissiper les malentendus et faux semblants
Les deux visions ne sont pas contradictoires en soi, elles sont complémentaires. Encore faut-il d’abord apaiser les malentendus, les sous-entendus, nombreux et multiples. En effet quand l’un avance une idée, l’autre se méfie, soupçonnant des arrières-pensées industrielles ou politiques. Ensuite il faut structurer le dialogue, qu’il se déroule non pas épisodiquement, mais organiquement, de façon plus fluide et continuelle, et enfin avoir un certain nombre de projets concrets moteurs. Bref, créer une dynamique telle que les autres Européens n’auront qu’un choix : se rallier ou s’isoler.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Quels projets en franco-allemand ?
A lire aussi l’excellent papier de Guillaume de La Brosse, dans la page débats et opinions du Monde qui prône « un effort d’intégration franco-allemand sans précédent » et la « nomination d’un Haut-Commissaire commun, chargé de la rédaction d’un Livre blanc franco-allemand ». Celui qui est aujourd’hui conseiller « défense et sécurité » à la Commission européenne liste également quelques projets qui pourraient être inclus dans une future Union européenne de sécurité et de défense (dont le couple franco-allemand sera un acteur moteur) :
(1) d’avoir une Allemande ou une Française. De façon intéressante, d’ailleurs la ministre allemande qui a repris son discours à la presse en allemand ensuite a eu un lapsus entre parlant du G cinq (G5) en français et non du G fünf comme elle s’est repris ensuite.
(2) Commandement qui devrait entrer en vigueur prochainement selon les informations de B2 (lire : Couvrez ce QG que je ne saurai voir… Le texte sur la MPCC finalisé. Détails)
(crédit : DICOD / Etat major des armées)
(B2) C’est un fait désormais. Dans les missions et opérations de la PSDC, dans la politique étrangère de l’UE, l’unique langue de travail est devenue l’anglais, qui s’est imposé de manière insidieuse, méthodique et efficace. S’exprimer en français n’est pas seulement difficile, c’est devenu impossible, du fait du nombre de personnes qui, non seulement, ne parlent pas le français mais ne le comprennent pas (ou ne veulent pas le comprendre). C’est même interdit.
Français interdit
J’en ai été témoin. J’étais invité à m’exprimer devant les PPIO (portes-paroles et chargés d’information) des différentes missions / opérations de l’Europe de la défense. A priori, un porte-parole d’une mission européenne devrait être plutôt polyglotte, apte à pouvoir s’exprimer et communiquer dans n’importe quelle langue… Il est d’ailleurs payé pour cela (avec un salaire supérieur à la moyenne). Cela… c’est la théorie. Dans les faits, c’est le contraire. Quel n’a pas été mon étonnement devant cet aréopage de sages et compétents communicateurs, normalement engagés sur la base du bilinguisme (obligatoire dans la PESC), de voir que très peu parlaient ou même ne comprenaient le français. English please ! J’ai été littéralement « rappelé à l’ordre » par un fonctionnaire quand je me suis hasardé à prononcer, en aparté, quelques mots de français avec un francophone de l’assistance (1).
Un système bien organisé
Est-ce un épiphénomène, un dérapage ponctuel ? Non. C’est un système bien organisé, désormais rôdé, qui a été mis en place pour favoriser l’anglais et éliminer peu à peu le français. Il semble loin le temps où les conseillers européens pouvaient « switcher » (pour reprendre un terme anglophone) d’une langue à l’autre, avec une aisance et une intelligence, qui rendaient non seulement intelligibles leurs propos mais ne pouvaient que susciter un sentiment réel d’admiration.
Des avis de recrutement publiés en anglais uniquement
Pour être bien sûr de ne pas recruter des francophones, tous les avis de recrutements dans les missions de la PSDC ne sont ainsi publiés qu’en anglais (voir ici), y compris le détail des postes, même dans les missions se déroulant dans les pays francophones : exemple pour un récent appel de recrutement pour la mission au Niger, … où le français est plus que recommandé. La grande majorité des entretiens d’embauche se déroulent d’ailleurs en anglais. Résultat : tous les agents ne parlent pas le français (et certains ne le comprennent pas).
Quand vous essayez de passer sur le français, le serveur du service diplomatique européen affiche ceci. C’est symbolique :
Des anglophones favorisés à l’embauche
Dans les autres missions, si l’anglais est mentionné comme obligatoire, le français est placé au mieux comme un « désirable » dans l’embauche. Les formations au Collège européen de sécurité et de défense (dont la France est pourtant un des plus ardents défenseurs) se déroulent d’ailleurs en anglais quasi-exclusivement. Et pour les anglophones (il peut y avoir d’excellents conseillers qui ne pratiquent que l’anglais), les possibilités de développer ou de perfectionner leurs connaissances linguistiques francophones semblent être le cadet des soucis des autorités diplomatiques européennes.
Une pratique visant à la régression de la langue française
Aujourd’hui, dans certaines missions, mêmes établies dans des pays francophones (Mali, Niger…), la langue de travail est donc l’anglais. Car « à Bruxelles tous ne parlent pas le français » témoigne un participant à ces missions. Ne serait-ce que pour être sûr d’être compris, il vaut mieux donc écrire en anglais. Donc on recrute des anglophones. C’est un cercle vicieux. Au point que les militaires ou agents européens sont incapables de comprendre leurs interlocuteurs africains et sont parfois obligés de recourir à des traducteurs pour se faire comprendre.
English only à l’Agence européenne de défense
Cette règle n’est pas propre aux « opérationnels », on constate que ce « tout anglais » est devenu la règle dans tout le milieu de l’Europe de la défense. Ainsi à l’Agence européenne de défense, on a décidé par simplicité de ne communiquer qu’en anglais. Ce au mépris de toutes les règles habituelles. Peu importe que la France, avec l’Allemagne, soient parmi les pays qui contribuent le plus aux capacités de défense et disposent donc du plus grand éventail de spécialistes (avec le Royaume-Uni désormais en voie d’exit). Peu importe que la terminologie, très technique, de cette agence mériterait une traduction (2).
Les communiqués de la Haute représentante en monolingue
Idem, au service de la Haute représentante de l’Union, Federica Mogherini. La très grande majorité de communiqués de presse ne sont disponibles qu’en une seule langue : l’anglais. Même les communiqués qui concernent un tant soit peu la zone francophone restent en anglais uniquement, à l’exception peut-être de l’Afrique de l’Ouest. Exemple : le communiqué sur l’UE et l’Afrique ou le discours de la Haute représentante à l’Institut universitaire de Florence (là même où Jean-Claude Juncker a décidé de ne parler qu’en français car l’anglais était la langue du sortant).
Un communiqué sur quatre traduit : souvent pas les plus importants
Ici, ce n’est pas une question d’incompétence linguistique, tous les communicants de la Haute représentante parlent/comprennent parfaitement le français (et toute une série d’autres langues), comme la Haute représentante elle-même et la direction du SEAE. C’est une volonté délibérée (3). Selon un sondage auquel nous avons procédés, seul un communiqué sur quatre est disponible en français. C’est un maximum. Ce sans compter l’aspect qualitatif. Les plus importants, en termes politiques, ne sont pas traduits (exemple dernièrement la rencontre avec les Premiers ministres des Balkans ou du Quartet en Libye).
Le multilinguisme ignoré systématiquement
Pire, alors qu’une version linguistique existe, déjà traduite par d’autres services européens, le SEAE continue de ne proposer qu’une seule langue. Il en est ainsi du communiqué sur le futur de la défense, tenu par la Commission européenne, fin mai.
Voici ce qu’affiche le site du SEAE :
Quand on clique sur le lien, on voit que la Commission européenne offre une traduction de ce communiqué en 22 langues !
Ceci n’est pas une simple erreur de mise en lien. C’est quasi-systématique. Nous l’avons constaté quand nous avons rédigé notre ouvrage sur la PSDC. Alors que toutes les décisions officielles de cadrage ou de lancement d’une mission sont disponibles dans toutes les langues de l’Union européenne (puisqu’elles ont été publiées au Journal officiel), une seule version est proposée : l’anglais.
Un dispositif illégal, incohérent, inefficace
Cette position repose sur des bases complètement incompréhensibles tout d’abord au regard des règles européennes en usage, mais surtout obsolètes au regard des nécessités de la communication moderne et des réalités stratégiques du monde d’aujourd’hui.
Une erreur profonde de communication
Au moment où l’Europe parait s’être éloignée des peuples, où les populations ont des doutes sur l’utilité européenne, où, malgré tout, la défense et la sécurité européennes reste un des (rares) points de consensus, où dans quasiment tous les pays, les Européens estiment qu’il faut se doter d’une politique étrangère, ne pas communiquer dans les langues européennes est une erreur fondamentale. Surtout à l’ère d’internet, qui fonctionne comme un gigantesque puits d’information unique.
Ne pas être disponible en français (ou dans d’autres langues européennes), c’est se priver d’une capacité de pénétrer dans la majeure partie des foyers. Les fonctionnaires européens croient, naïvement, que tout le monde parle anglais et communique en anglais. C’est faux : par principe, une personne de sensibilité ordinaire fait d’abord une recherche dans sa langue naturelle (surtout sur google qui enregistre par préférence la langue du pays où vous résidez). Si elle ne trouve pas, elle passera à autre chose. Et ce n’est que rarement qu’elle tentera une recherche dans une autre langue.
Une gabegie financière
En matière d’usage des fonds publics, cela se révèle être être une gabegie énorme. Par principe, on octroie aux agents et fonctionnaires européens un salaire supérieur à ce qui serait normalement pratiqué, pour pouvoir attirer des personnels multilingues et compétentes. L’Europe se retrouve ainsi à devoir payer en double : des sursalaires pour des personnes qui ne savent pas parler et comprendre dans les principales langues européennes et des services de traduction. De plus, elle impose aux citoyens, à la presse européenne de traduire eux-mêmes la communication européenne. Ce qui est un comble : l’Europe n’est plus au service des citoyens. C’est le citoyen qui devient au service de l’Europe.
Une illégalité manifeste
La publication des avis de recrutement dans une seule langue de travail est une illégalité manifeste qui a été régulièrement sanctionnée par la justice européenne. Quant à l’exigence d’une seule langue de travail et pas des autres, elle doit être, selon les juges, vraiment justifiée par la nature et l’activité de l’emploi concerné. Et cette justification ne peut normalement justifier l’exception à la connaissance d’au moins deux des langues de travail européennes. Considérer ainsi le français comme une langue facultative est pour le moins (très) difficilement justifiable dans un environnement international. Cette illégalité fait d’ailleurs peser sur tous les agents engagés, selon ces procédures, une redoutable épée de Damoclès, il suffit qu’un « recalé », qu’un syndicat ou une association, ou un État membre attaque l’avis de recrutement. Et celui-ci a de très fortes chances d’être annulé.
Une erreur stratégique
Enfin, et surtout, ce monolinguisme forcé est une erreur stratégique. Les Russes ont très bien compris l’importance du français. La plupart de leurs diplomates parlent la langue de Molière (parfois même de manière très raffinée). Et le site Russia Today (en français) sort souvent en premier dans une recherche internet sur la thématique de la défense européenne ou de la politique étrangère. Idem pour les Chinois qui, à travers l’agence Chine nouvelle, proposent un service assez complet sur les mêmes thématiques, dans plusieurs des langues européennes. Enfin, même les Américains traduisent désormais systématiquement tous les propos importants sur la scène internationale de leur ministère des Affaires étrangères, voire de la Défense. Seuls les Européens semblent avoir abandonné le combat. Cruel paradoxe : au moment où les Européens se plaignent d’être soumis à une vaste « propagande » russe, ils laissent aux médias russes le loisir de traduire comme ils l’entendent leur pensée politique car ils s’avèrent incapables (ou ne veulent pas) traduire leurs propres communiqués dans les principales langues européennes (4). En termes militaires, cela a un mot : baisser les armes, fuir le champ de bataille, déroute, trahison… au choix.
Copie écran d’une partie de la page principale du SEAE après passage en français : english, русский… no french !
Commentaire
L’AJE (association des journalistes européens), section française (dont je suis un vice-président), avait tiré la sonnette d’alarme il y a deux ans (lire ici). Nous avions écrit aux différentes autorités européennes. Nous avions reçu des réponses de chacune des institutions… qui avaient tenu à faire savoir qu’elles avaient bien conscience de cet enjeu et qu’elles faisaient un effort (5). Une seule autorité n’a pas répondu : le service diplomatique européen et les autorités chargées de la PSDC. Plutôt paradoxal pour un service qui traite des questions internationales.
Cette attitude européenne, pour le moins méprisante, doit changer. Il n’est plus possible aujourd’hui aux autorités diplomatiques européennes de jouer l’autruche, de considérer que c’est un « détail », un « oubli » ou un « problème technique » de ne pas avoir la version française disponible. Ou comme me l’a répondu un porte-parole : nous n’avons pas l’argent pour cela.
Communiquer dans une seule langue (l’anglais) ne suffit plus. Ce temps là est terminé. Cela relève aujourd’hui de la faute grave. Le français (mais aussi l’allemand) doivent être réintroduits comme une langue obligatoire dans toutes les communications de la politique étrangère. C’est tout à fait possible, sans coût supplémentaire pour les institutions européennes. Il suffit de recruter les personnes adéquates ou de les envoyer en formation. L’immobilisme n’est plus justifiable et justifié.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Faut-il préciser que j’intervenais à titre totalement gracieux pour apporter mon témoignage de journalistes. On se situe dans un renversement complet de la règle qui veut que l’institution s’adapte à la langue du citoyen. Ici, c’est le citoyen qui s’adapte.
(2) La traduction oblige à la compréhension parfaite d’un terme technique. Ce n’est donc pas un geste purement mécanique.
(3) Un responsable européen m’a expliqué (texto) : « Nous n’avons pas les moyens qu’ont les Américains, çà coute trop cher. Et ce n’est pas à nous de faire la traduction… » Sans commentaire !
(4) Un paradoxe poussé jusqu’au paroxysme, où pour contrecarrer la propagande russe, le SEAE traduit en russe un discours de la Haute représentante Federica Mogherini, mais « oublie » de le traduire dans les autres langues européennes principales (français, allemand, espagnol,…). Résultat, les seuls extraits de cette intervention sur internet dans ces langues européennes … se trouve sur Russia Today. On dit merci !
(5) Le Conseil de l’UE notamment a décidé de mettre à disposition les communiqués de la PESC, dans les deux langues dans un délai identique (ou sinon rapproché). A quelques exceptions près, ils ont tenu parole. Ce qui montre qu’avec un peu de bonne volonté, c’est tout à fait possible.
(B2) La nouvelle qu’un navire de pêche sud coréen, battant pavillon de la Mongolie, a été capturé par les pirates somaliens, ce samedi (27 mai), n’est pas exacte, a confirmé à B2 une source militaire européenne. « Ce navire est sain et sauf. Nous avons reçu confirmation que les nouvelles relatant le piratage d’un bateau de pêche sud coréenne est fausse ».
Fausse alerte
La Corée du Sud avait sonné l’alerte samedi après avoir perdu le contact avec ce gros navire, de 234 tonnes, alors que celui-ci se disait poursuivi par un bateau suspect, près des côtes somaliennes. Elle a ordonné à son navire Cheonghae de faire route vers la zone suspecte. Et trois avions (un P3 Orion allemand, japonais et indien) ont été mis en alerte. Ce dispositif a permis assez rapidement de rétablir le contact avec le capitaine sud coréen. L’équipage comportait 3 Sud Coréens et 18 Indonésiens.
Sans nouvelles d’un navire iranien
Quant au bateau de pêche iranien, capturé par les pirates, la situation est moins évidente. Ce navire, qui a à son bord 20 membres d’équipage, aurait été saisi par les pirates somaliens au large de Qandala mardi dernier (23 mai), puis emmené vers ce port du Puntland (la région autonome du nord de la Somalie, selon John Steed, responsable de l’Afrique de l’Est pour Oceans Behond Piracy (OBP), ainsi que le relatent l’AFP et Reuters. Or, jusqu’à présent cette capture n’a pas été confirmée par l’opération EUNAVFOR Atalanta. « Nous sommes en train de travailler avec les autorités somaliennes et nos partenaires de la lutte anti-piraterie pour obtenir le maximum d’informations concernant ce ‘possible’ incident. Aussi longtemps que ce n’est pas confirmé, cet incident n’est pas classé en acte de piraterie. »
La question délicate des navires iraniens …
Commentaire : les autorités européennes anti-piraterie ont toujours pris avec précaution les annonces de captures de navires de pêche iraniens. D’une part, l’Iran est le seul pays à ne pas faire partie de la coordination internationale anti-piraterie (qui rassemble aussi bien les Européens et Américains, les Russes et les Chinois ou les Coréens). Ce qui ne facilite pas les relations. D’autre part, les navires iraniens ont continué à faire la navette avec la Somalie, même dans les moments les sensibles de la piraterie. Enfin, chacun s’est interrogé sur certaines « captures » plus que douteuses. Certains navires (yémenites notamment mais aussi iraniens) ont ainsi été soupçonnés non pas d’avoir été otages des pirates mais consentants et affrétés par eux pour servir de bateaux-mères (et intéressés même aux captures).
… et de la pêche en eaux somaliennes
Ces incidents, mettant en cause de gros navires de pêche étrangers, sont aussi à mettre en relation avec la protection de la zone de pêche somalienne. Les eaux somaliennes semblent très prisées des navires de pêche de tout horizon, qui ne se privent pas d’aller dans ces zones très poissonneuses (1), sans vraiment s’inquiéter des droits à verser à la Somalie (2) ni du sort des populations locales qui voient ainsi avec crainte ces navires « piller » ce qu’ils considèrent comme leurs ressources.
Une piraterie assez artisanale
Quoi qu’il en soit, on assiste à une légère recrudescence actuellement des actes de piraterie au large de la Somalie. « C’est sans commune mesure avec ce que nous observions dans les années 2010. Nous sommes davantage face à un phénomène artisanal, d’opportunisme d’action » a indiqué à B2 un haut gradé européen. « Mais nous devons rester vigilants face à ces mouvements. La piraterie somalienne n’est pas totalement éradiquée. La reprise d’actions à l’échelle industrielle, menée par des réseaux criminels, très bien organisés, reste toujours possible. »
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Des eaux naturellement riches en faune de toute sorte et, encore plus, après des années de « jachère » dues à la piraterie.
(2) La Zone économique exclusive somalienne prête encore à discussion