La Fondation pour l’innovation politique, son Conseil de surveillance ainsi que l’ensemble de ses collaborateurs, font part de leur tristesse à l’annonce de la disparition de Jérôme Monod, le 18 août 2016. Entrepreneur d’exception, homme de conviction et d’action, notamment auprès du président Jacques Chirac, Jérôme Monod est aussi le père de la Fondation pour […]
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La prétendue «communauté musulmane» à laquelle se réfère le système politico-médiatique se situe entre la pure fiction et la construction artificielle d’une «communauté imaginaire». Cette notion n’en reste pas moins particulièrement efficace et dangereuse : d’une part, elle tend à englober un ensemble d’individualités dans une masse informe, un être collectif qui sommeillerait au sein – ou aux portes – de la communauté nationale, un Autre qui prend les traits d’un ennemi intérieur. D’autre part, elle suscite chez les personnes de confession ou de culture musulmane une réaction de repli sur soi de nature à forger un lien communautaire nourri par un sentiment d’exclusion et de stigmatisation. Il est donc salutaire de déconstruire cet objet de fantasme. Non seulement la «communauté musulmane» ne peut exister de jure au sein de notre Etat de droit, mais, de facto, elle n’existe effectivement pas au sein de notre corps social.
En droit, l’idée de «communauté musulmane» est contraire à l’ordre constitutionnel de notre République. L’article Ier de la Constitution énonce le principe d’indifférence aux origines et autres confessions religieuses : la République française ne connaît que des citoyens, égaux dans leur relation directe avec l’Etat. Le principe d’unité et d’indivisibilité de la nation ainsi sous-tendu interdit la reconnaissance d’une quelconque minorité ou catégorie de Français. La jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui établit un lien entre unité et égalité des citoyens, a déjà eu l’occasion d’expliciter l’interdiction de toute différenciation : la France, du moins pour la métropole, ne connaît que le peuple français, un peuple «un et indivisible» exempt de minorités et uniformément soumis à la même loi nationale. L’analyse constitutionnelle qui prévaut est claire, à savoir le refus de la reconnaissance de groupes d’individus liés entre eux par des intérêts divers, des communautés ou ethnies.
Et pourtant. Au lieu d’être considérés comme citoyens et membres de la communauté nationale, les individus de confession ou de culture musulmane sont perçus à travers un regard racialisé, occupé de spécificités ethno-culturelles, desquelles on déduit l’appartenance présumée à une communauté supposée. Contraire à notre conception de la République, cette représentation est sociologiquement infondée. Le label «communauté musulmane» ne correspond à nulle catégorie sociale homogène ou à un quelconque bloc monolithique. Les individus musulmans – car il s’agit d’abord d’individualités – ont (par définition) une identité plurielle. Celle-ci nourrit une hétérogénéité collective qui discrédite l’idée même de «communauté musulmane». Ainsi, malgré des origines sociales le plus souvent modestes et l’appartenance d’une majorité d’entre eux aux classes sociales défavorisées, l’accès à l’enseignement supérieur et l’augmentation du nombre / niveau de diplômés / diplôme est source de distanciation intergénérationnelle (parents / enfants) et de diversification des profils et parcours socioprofessionnels intragénérationnelle. Cette hétérogénéité sociale se trouve confortée par un rapport diversifié à la foi – une même personne peut se considérer de culture musulmane tout en étant athée – et à la pratique religieuse. Cette diversité s’explique par une affirmation de l’individualité (les musulmans existent d’abord en tant qu’individu), mais aussi par l’absence d’uniformité au sein d’une religion non hiérarchisée, traversée par de nombreux courants doctrinaux. Du reste, seule une infime minorité adhère au salafisme et affiche son appartenance religieuse dans l’espace public, la norme étant de confiner la pratique religieuse au sein du strict cadre privé. Un processus de sécularisation est aussi à l’œuvre parmi les musulmans de France… C’est ce phénomène global d’individualisation et de différenciation qui nourrit la crise de représentativité-légitimité du Conseil français du culte musulman.
Directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques, Pascal Boniface a publié plusieurs ouvrages sur le sport et la géopolitique, dont JO politiques, aux éditions Eyrolles.
Comme à Londres en 2012, il n’y a jamais eu autant de pays à gagner des médailles à Rio, dont des petits pays qui n’en avaient encore jamais remporté. Est-ce le signe d’une démocratisation des Jeux, symbole de la mondialisation ?
En 1972, une cinquantaine de pays avaient obtenu des médailles. En 1996, ils étaient 79, et en 2012, 85. A Rio, on en est à 81, et les Jeux ne sont pas terminés. Parmi ces «pays», l’équipe des réfugiés et le Kosovo, qui n’est pas reconnu à l’ONU. Contrairement aux Coupes du monde, tous les pays et tous les sports sont représentés aux JO : chacun peut avoir sa chance. La multiplication des sports présentés permet aussi à chaque pays de cultiver un effet de niche, pour améliorer ses chances d’obtenir une médaille.
Y a-t-il des stratégies différentes entre les pays qui ont un poids économique et démographique important, et les pays beaucoup plus modestes ?
Plus que le poids, c’est plutôt la capacité des pays à investir dans le sport qui permet les performances. Les Etats-Unis sont la puissance globale, ils peuvent investir dans tous les sports. Mais tous ont des niches, comme la Grande-Bretagne, la Russie ou la Chine. Ce n’est pas le PIB qui permet le résultat mais plutôt la spécialisation et un effet d’entraînement. Lorsqu’un pays obtient des résultats, comme la Jamaïque au sprint, cela vient motiver tous les jeunes du pays pour faire du sprint. La démographie n’a rien de surdéterminant, sinon l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie seraient à un autre rang au classement. La vraie question, ce sont les moyens mis dans des structures pour la pratique du sport.
A l’instar de la Grande-Bretagne (lire ci-dessous), l’argent investi joue beaucoup dans le succès d’une délégation…
La Grande-Bretagne avait une volonté politique forte de développer ses performances sportives bien avant les JO de Londres en 2012. C’est l’Etat qui organise le sport, ou laisse le sport s’organiser, comme aux Etats-unis. Après le fiasco de Rome en 1960 [la France était repartie avec cinq médailles dont aucune d’or], le général de Gaulle avait pris des mesures pour que la France ne soit plus ridicule dans les enceintes olympiques : il estimait que le rayonnement du pays passait par le sport. Les Britanniques ont poussé plus loin cette logique. Tous les moyens ont été donnés pour que les performances soient au rendez-vous.
Comment expliquer le poids olympique dérisoire de l’Inde malgré son poids démographique et économique croissant ?
Tout d’abord, le rapport particulier des hindous au cuir rend difficile la pratique de beaucoup de sports. Le système de castes, qui n’existe plus officiellement, persiste aussi dans les mentalités. Pas simple dès lors de se dépasser pour exprimer son talent sportif. Enfin, il n’y a jamais eu d’organisation étatique du sport. Il n’y a guère d’infrastructures, à part pour le cricket. Ce fossé entre le statut auquel prétend l’Inde – être la 6e puissance mondiale – et sa position de 81e puissance sportive aux JO embarrasse les autorités. Un jour ou l’autre, le gouvernement organisera un système sportif national.
Quand on regarde le classement des primes à la médaille, on voit qu’il y a autant des régimes autoritaires que de régimes démocratiques qui rémunèrent bien leurs médaillés…
Pour de petits pays qui ne rayonnent pas souvent aux JO, c’est un moyen de récompenser celui qui devient un héros en rapportant une médaille. Au-delà de la prime que peut donner un Etat, c’est surtout la considération, la gloire, qui importe aux athlètes. Les médaillés aux JO deviennent des figures éternelles du sport, d’autant plus dans les pays où les médaillés sont rares. Une place sur le podium donne une aura nationale pour le restant de ses jours.
Briller aux JO par le nombre de médailles reste-t-il un moyen de s’imposer symboliquement sur la scène géopolitique ?
Oui, car la concurrence est de plus en plus rude pour exister sur une scène internationale toujours plus encombrée. On voit bien à Rio que la médiatisation de cet événement sportif est sur une pente ascendante. Regardez le nombre de chaînes de télévision et de journaux qui couvrent quotidiennement les compétitions. Il y a à la fois une diversification et une concentration de la notoriété. Le fait de réussir aux Jeux devient de plus en plus important pour les pays et reste un moyen non seulement de montrer sa puissance, mais de le faire pacifiquement, de façon sympathique.
Est-ce qu’il n’y a pas un paradoxe entre cette visibilité croissante des Jeux, leur hypermondialisation et le traitement cocardier, quasi nationaliste de beaucoup de médias ?
A part certaines remarques déplacées, c’est un nationalisme soft qui s’exprime aux JO. C’est le paradoxe du sport : il est le symbole même de la mondialisation, mais alors que celle-ci efface les identités nationales, les Jeux viennent les renforcer. C’est un moyen de recréer du lien national. Regardez en France, Valérie Pécresse et Anne Hidalgo sont allées ensemble défendre la candidature de Paris pour les Jeux de 2024. Tous les représentants politiques, malgré leurs divergences, sont à l’unisson pour célébrer Teddy Riner et tous les médaillés français. Ceci est vrai dans tous les pays. Tout le monde se regroupe derrière les héros de l’identité nationale que sont les sportifs qui participent aux Jeux olympiques.
Propos recueillis par Christian Losson et Aude Massiot