Vendredi 9 décembre sera, pour la neuvième année consécutive, la journée internationale de lutte contre la corruption, organisée pour la première fois en 2008 à l’initiative de l’ONU. Elle commémore le lancement par les Nations unies de la Convention mondiale contre la corruption qui est entrée en vigueur en décembre 2005.
Cette Convention est l’un des tous premiers instruments internationaux juridiquement contraignant pour lutter contre la corruption. Elle a été ratifiée par plus des deux tiers des 193 membres de l’ONU. Le secrétaire général des Nations unies expliquait dans son discours, à l’occasion de cette journée en 2015, que « la corruption s’attaque aux fondements des institutions démocratiques en faussant les élections, en corrompant l’Etat de droit et en créant des appareils bureaucratiques dont l’unique fonction réside dans la sollicitation de pots-de-vin. Elle ralentit considérablement le développement économique en décourageant les investissements directs à l’étranger et en plaçant les petites entreprises dans l’impossibilité de surmonter les « coûts initiaux » liés à la corruption. On pourrait rajouter qu’elle est souvent en cause dans les diverses instabilités politiques, sociales et géopolitiques qui peuplent notre actualité, derrière les récentes élections ou référendum (Brexit, USA, Italie, Colombie ou encore Autriche) ou encore derrière les drames les plus terribles (Bangladesh, Syrie, etc.), planent souvent des affaires de corruption !
Cette Convention des Nations unies, proposée en 2000 dans le cadre des objectifs du Millénaire, vient compléter 30 années de montée en puissance de la lutte contre ce qui a longtemps été considéré un « mal nécessaire » : la corruption.
En effet, c’est un énorme scandale touchant l’entreprise de défense américaine Lockheed, qui poussent les Etats-Unis à mettre en place une nouvelle législation de lutte contre la corruption, le Foreign Corrupt Practice Act (FCPA), en 1977. Le FCPA devient la première loi qui fait de la corruption d’un agent public étranger un crime, prévoyant des poursuites à l’encontre de toute entreprise américaine ou ayant des intérêts aux Etats-Unis. Conscients que ce texte national pouvait pénaliser les entreprises américaines, les autorités du pays vont tenter de pousser les autres pays à aller dans le même sens en mettant en place le même type de législation. Un groupe de travail est mis en place à leur initiative au sein de l’OCDE et mené par Mark Pieth, professeur en Droit et Criminologie de l’Université de Bâle en Suisse.
Parallèlement à cela, en 1993, est fondé à Berlin Transparency International. Cette ONG classe les pays grâce à son indice de perception de la corruption (IPC) et élabore tous les ans un baromètre mondial de la corruption. Parfois accusée d’être un bras armé des Etats-Unis, au prétexte que son fondateur Peter Eigen a été directeur de plusieurs entités régionales de la Banque mondiale, il n’en reste pas moins que cette ONG voit le jour dans un contexte d’après-guerre froide et de globalisation, au moment même où les Etats-Unis tentent de rallier leurs principaux partenaires au sein de l’OCDE ou des Nations unies.
Le groupe de travail de l’OCDE, pour sa part, est chargé d’une étude comparative des différentes législations en vigueur parmi les membres de l’OCDE. Il ne peut que constater que, même si des textes existent dans certains pays, la corruption fait rarement l’objet de poursuites. Il recommande alors l’élaboration d’une convention afin d’harmoniser les législations et les pratiques de lutte. La Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales est adoptée le 17 décembre 1997 par les 35 pays membres de l’OCDE. Elle entre en vigueur en février 1999 et 41 pays y sont aujourd’hui parties prenantes, l’Estonie et l’Afrique du Sud l’ayant ratifié en 2004, Israël au moment de son adhésion en 2008, la Russie en 2011, la Colombie en 2012, la Lettonie en 2014.
Elle fixe le cadre en définissant la corruption comme une infraction pénale et pousse les Etats à mettre en place des législations qui permettront de réellement poursuivre les entreprises ayant ce type de pratiques. La Convention avait, au départ, en 1997, prévu deux phases : la première prévoyait l’adoption d’un cadre juridique de lutte, la deuxième sa mise en œuvre. À partir de 2007, une troisième phase engage les Etats à réaliser des progrès dans l’analyse du phénomène ainsi que dans l’amélioration des dispositifs juridiques pour lutter contre la corruption et leur application concrète. Cette phase 3 consiste à examiner précisément les poursuites réellement engagées et les sanctions prononcées suite à la mise en œuvre de législations de lutte contre la corruption. Une phase 4 est également prévue.
Ce texte a conduit à une réelle intensification de la lutte contre la corruption, d’abord aux Etats-Unis qui n’hésitent plus à poursuivre et condamner nombre d’entreprises, y compris des entreprises étrangères. C’est ainsi que Siemens écopera d’une amende de 800 millions de dollars dans ce pays. Le Royaume-Uni, longtemps accusé de manque de volonté en la matière (Tony Blair ayant refusé de poursuivre BAe Systems dans le cadre du contrat El Yamanah) a adopté en 2010 une législation, leUK Bribery Act, qui est considérée comme la plus sévère jamais adoptée par un pays. La France, enfin, vient de se mettre au diapason de ses partenaires grâce à la loi Sapin II adoptée début novembre. Par ailleurs, si des économies aussi déterminantes que la Chine ou l’Inde ne sont pas parties prenantes de cette convention, elles participent à l’Initiative de lutte contre la corruption en Asie et dans le Pacifique de la Banque asiatique de développement et de l’OCDE (Initiative BAD-OCDE).
Parallèlement à la Convention de l’OCDE, les textes, traités ou groupes de travail tentant de lutter contre la corruption vont se multiplier. Nous avons déjà parlé, au début de ce texte, de la Convention des Nations unies mais on peut aussi citer : le groupe des Etats contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe, le groupe de travail anticorruption du G20… Cette inflation de mesures met en évidence l’intolérance croissante des opinions publiques vis-à-vis de certaines pratiques et dans un contexte de discrédit croissant des élites politiques, des entreprises internationales et des institutions financières. La condamnation de la corruption apparaît en tête des critiques, qu’ils concernent des entreprises ou des Etats. Il y a quelques jours à peine, les Brésiliens sont descendus dans la rue pour protester contre un projet de loi venant dénaturer la loi de lutte contre la corruption en vigueur. Les députés coréens sont en train quant à eux, de s’interroger sur la possibilité de destituer leur présidente pour avoir extorqué de l’argent aux grands groupes du pays…
Est-ce la recrudescence des affaires dans un contexte de globalisation qui entraîne ce regain d’indignation ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que les moyens d’information et le relais de cette information grâce aux réseaux sociaux rendent plus visibles de telles pratiques et que, dans un monde où les inégalités s’accroissent, elles deviennent de moins en moins tolérables et tolérées. Pourtant, la lutte contre la corruption est encore loin d’avoir abouti et pour l’instant, seule la corruption active est réellement condamnée. Aujourd’hui, les entreprises savent qu’elles ne peuvent s’adonner à ce genre de pratique en toute impunité. De ce point de vue, la lutte engagée est un succès. Elle n’aboutira pourtant jamais si elle ne prend pas aussi en charge la corruption passive. De ce point de vue-là, la question est beaucoup plus politique qu’il n’y paraît. Autant il est facile pour un Etat d’imposer une contrainte forte et de punir les entreprises qui ne la respectent pas, autant il est plus compliqué de s’engager sur la voie de la transparence, de règles claires et universelles dans un monde global où les intérêts, et donc les conflits d’intérêts, sont nombreux et souvent contradictoires. La crise financière de 2008 est un autre sujet mais elle était déjà un rejeton de cette problématique !
Ce n’est donc pas un hasard si la journée de lutte contre la corruption a vu le jour en 2008 !
L’IRIS vous invite à participer à la conférence-débat ce jeudi 8 décembre à 18h30 à l’IRIS sur « Le dispositif anti-corruption français est-il adapté au secteur sportif ? ». En savoir plus
Aller plus loin avec la Revue internationale et stratégique n°101 sur « Corruption » (printemps 2016).
La fin de la guerre froide n’a-t-elle été qu’un événement stratégique et géopolitique majeur ? Ce fut aussi un fait économique de toute première importance : la fin de l’un des deux systèmes économiques en cours à ce moment-là. C’était la fin de l’histoire, la preuve pour beaucoup de dirigeants occidentaux de la pertinence du système capitaliste donc des valeurs qui le fondent, en tête desquelles se trouve le libéralisme. Les choix politiques libéraux qui avaient été initiés à partir de la fin des années 1960 puis dans les années 1970 et 80 s’en trouvaient plus que jamais légitimés. Le consensus de Washington (1) en 1994 universalisait cet ultralibéralisme et ouvrait la voie à une dérégulation généralisée.
Vingt-quatre ans plus tard, c’était LA crise, une crise financière majeure, et les mêmes qui avaient œuvré pour la dérégulation se mirent à réclamer des règles nouvelles et des interventions politiques fortes afin d’éviter le pire. La question fut posée de savoir si l’ultralibéralisme avait vécu, et ce, d’autant plus qu’au-delà de la crise en elle-même, cette dernière mettait plus en évidence que jamais les effets pervers des choix faits trente ans plus tôt : la montée des inégalités, une dépendance extrême à la croissance économique et des conséquences environnementales inquiétantes. Les mouvements contestataires se multiplièrent partout dans le monde, les votes devinrent de plus en plus populistes, extrêmes, aujourd’hui imprévisibles, traduisant une volonté de changement et le rejet de la mondialisation ultralibérale.
Est-ce que, pour autant, le paysage politique qui se dessine actuellement apportera des réponses et apaisera les tensions ? Rien n’est moins sûr, à court terme dans tous les cas. L’élection de Donald Trump, comme le choix du Brexit pour le Royaume-Uni, ou, plus récemment en France, le score de François Fillon aux primaires de la droite ont surpris nombre d’observateurs ; le dire constitue une banalité. Beaucoup ont parlé de déni pour expliquer les erreurs des sondeurs et des analystes de toute nature. Ils ont probablement raison.
Les économistes en ont également pris pour leur grade, accusés de soutenir que le libre-échange a du bon et de refuser de voir ou d’intégrer dans leurs modèles les effets pervers de la mondialisation. Ils n’auraient pas pris toute la mesure des inégalités, du déclassement et du mal-être ambiant. C’est vrai qu’il y a eu, là aussi, une sorte de déni qui était fondé sur l’idée qu’au fond en entraînant la croissance et un développement économique plus universel que jamais, tous les individus en profiteraient à un moment ou à un autre, d’une manière ou d’une autre.
La principale erreur de jugement des économistes est de n’avoir pas su identifier et interpréter le ressenti des individus dans ce contexte : celui d’un sentiment d’injustice profond créé par les inégalités et qui se révèle plus fort que celui suscité par la pauvreté. Ce phénomène n’est pas statistique et c’est pour cette raison que les statistiques ne viennent pas corroborer le ressenti des individus : le déclassement, par exemple, n’est pas une réalité sauf pour une minorité.
Une autre erreur réside dans l’appréciation de la concurrence. Dans la mondialisation libérale, la concurrence s’est immiscée partout entre les individus, les travailleurs, les entreprises, certes, mais aussi les pays ou les régions. Elle redéfinit la valeur de tout au plus grand profit du consommateur, consommateur dont les besoins ne sont jamais totalement satisfaits, et qui par définition, finit par en être frustré ! Cette concurrence, devenue globale, est une échelle probablement plus juste que les privilèges dus à son nom, à son lieu de naissance ou à son origine sociale. Pour autant, elle rétrograde voire marginalise ceux dont les compétences ne sont plus au top niveau parce qu’ils n’ont pas de diplômes ou n’ont pas réussi à s’adapter.
Enfin, la contestation est aussi nourrie par l’incapacité des politiques à améliorer une situation, à régler les problèmes. Il est vrai que la mondialisation réduit les marges de manœuvre des pouvoirs publics et, dans le même temps, l’efficacité des politiques publiques. Cependant, elle n’empêche pas de lutter contre l’argent sale, la corruption, les paradis fiscaux et les trafics en tout genre, phénomènes d’autant plus choquants qu’ils amplifient encore les inégalités…
C’est tout cela qui est exprimé par les votes ou les refus de voter des électeurs. Pour autant, et c’est là tout le paradoxe des urnes aujourd’hui, les programmes ne garantissent en rien qu’on va vraiment régler ces problèmes. À court terme tout au moins, les baisses d’impôts annoncées par M. Trump seront favorables aux plus aisés, quand le protectionnisme augmentera certainement les prix donc pénalisera les plus pauvres… Une chose est sûre, par contre, la mondialisation si contestée n’en sera que plus affectée, les pays du Nord se repliant toujours plus sur eux-mêmes. Le pari fait par les politiques de ces pays est que dans un deuxième temps, cela leur rendra leurs marges de manœuvre et relancera leur économie, l’emploi et le pouvoir d’achat. Ce pari repose toutefois sur un élément qu’ils ne maîtrisent pas, la capacité des pays du Sud, Chine en tête, à stimuler leur propre consommation pour éviter une nouvelle crise mondiale.
Les auditeurs de la 2ème session « Enjeux et stratégies maritimes » se sont rendus à Toulon pour leur 2ème séminaire les 4 et 5 novembre ...
The Hellenic Foundation for European and Foreign Policy (ELIAMEP) is interested in hosting researchers intending to submit an application for the call of the Hellenic Foundation for Research and Innovation (ELIDEK). Applicants must have a doctoral degree, for no more than 15 years by the time of the call deadline. Further information on the eligibility criteria, the reimbursement rates and the proposal duration and research team, are available in the pre-call text.
ELIAMEP welcomes project proposals from all areas of social, political and economic sciences. Researchers who wish to cooperate with ELIAMEP for the submission of a proposal should send an expression of interest, consisting of a short CV and an abstract of their research proposal, to the email development@eliamep.gr . Expressions of interest may be submitted to ELIAMEP up to 20 December 2016.
On Tuesday, December 13th at 1:15pm EST, IPI together with The Prevention Project: Organizing Against Violent Extremism, and the Institute for Economics and Peace (IEP) are cohosting a policy forum event to discuss the challenges facing the multilateral system in preventing violent extremism.
IPI Live Event Feed
Terrorism and violent extremism undermine the three founding pillars of the UN system: peace and security, human rights, and development. The increasingly complex nature of these threats has concerned the multilateral system for several years, paving the road to innovative approaches by member states and the UN system. Almost a year after the release of the Secretary-General’s Plan of Action to Prevent Violent Extremism, and at a time of transition, this policy forum will ask the question: What is the future of the multilateral system’s agenda for preventing violent extremism?
To inform this discussion, the Institute for Economics and Peace will present its 2016 annual Global Terrorism Index (GTI), a survey of key global trends and drivers of terrorist activity in 163 countries, and the Prevention Project will present relevant findings from its latest report, “Communities First: A Blue-Print for Organizing and Sustaining a Global Movement Against Violent Extremism.” How can statistical data help in the formulation of policies for preventing and countering violent extremism (P/CVE) as an alternative to heavy-handed counterterrorism measures? How can countries adopt a “whole of society” approach while mitigating unintended consequences that exacerbate the drivers and grievances that lead to violent extremism in the first place?
Speakers:
Michelle Breslauer, Director, Americas Program, Institute for Economics and Peace
Eric Rosand, Director, The Prevention Project: Organizing Against Violent Extremism
Dr. Jehangir Khan, Director, UN Counter-Terrorism Implementation Task Force (CTITF)
Moderator:
Arthur Boutellis, Director, Brian Urquhart Center for Peace Operations, International Peace Institute