A 6 mois des Jeux olympiques, où en sont les préparatifs et dans quel contexte économique et social se déroulent-ils ? Quels sont les principaux défis à relever pour Rio ?
Concernant les préparatifs, le contexte est sensiblement différent de celui de la Coupe du monde de football en 2014 où il y avait eu beaucoup de retard et une grande inquiétude de la part des organisateurs pour voir les travaux terminés à temps, qui avaient finalement été achevés in extremis. Il a pu y avoir une inquiétude pour les Jeux olympiques, les travaux sont aujourd’hui quasiment terminés. 34 sites de compétitions sont répartis dans quatre quartiers différents : Deodoro, Barra, Copacabana et Maracaña. Dans la zone de Barra, le Parc olympique est terminé à 97%. Pour les autres installations olympiques, l’avancement est estimé entre 70% et 80%.
Concernant le contexte économique et social, la désignation des Jeux de Rio est intervenue en 2009, au moment où le Brésil était considéré comme une économie émergente, pour ne pas dire émergée. C’était l’âge d’or des BRICS, qui enregistraient des taux de croissance conséquents. Il y avait une dynamique importante et l’on entendait souvent parler du mythe du miracle brésilien. Force est de constater que ce n’est plus du tout la même chose aujourd’hui. On assiste à la fin de ce mythe du miracle brésilien puisque, alors que l’économie brésilienne était à en 7ème position en 2013, elle est entrée en récession fin 2014, et le déficit commercial s’élevait à 13,9 milliards de dollars. Le taux de croissance en 2010 était évalué par le FMI aux alentours de 7.10%, contre 0,1% en 2014. Très concrètement, cette situation économique critique s’est ressentie directement sur l’organisation des Jeux. Ainsi, estimés à 12 milliards d’euros, les coûts d’organisation des Jeux sont bien inférieurs à ceux de Pékin (coût estimé à 33 milliards d’euros), et surtout ceux de Sotchi (selon une estimation officielle, les Jeux auraient coûté 45 milliards d’euros, vraisemblablement très en deçà de leur coût réel). Ces derniers mois, les organisateurs ont consenti à des baisses de 20% dans le budget opérationnel, qui se traduit par une réduction du nombre de volontaires, ou la suppression de structures ou de tribunes, comme cela a été annoncé au début du mois pour les épreuves d’aviron.
Quant au contexte social et politique, deux aspects sont notables. Premièrement, on n’assiste pas aux mêmes manifestions populaires comme cela avait pu être le cas lors de la coupe des confédérations en 2013, en dépit du climat d’austérité présent. S’il y a eu des manifestations, notamment à l’été dernier, elles étaient moindres qu’il y a 2 ans et ont davantage un objectif politique avec la volonté de démission de la présidente Dilma Rousseff. Une procédure d’impeachment a d’ailleurs été lancée contre la Présidente le 3 décembre 2015. La dénonciation de la corruption est l’un des griefs reprochés à la Présidente et à des membres de son gouvernement, plusieurs de ses ministres ayant été limogés pour corruption. D’autre part, l’affaire Petrobras empoisonne la présidente brésilienne depuis mars 2014. A titre d’exemple, le dernier index de Transparency International classait le Brésil 76ème cette année, alors qu’il avait été 42ème en 2013).
Concernant les défis à relever pour Rio, ils sont de trois ordres.
D’une part, il s’agit pour Rio d’arriver à transformer l’essai de ces Jeux olympiques, et laisser un héritage social, éducatif et économique. Social, car les Jeux doivent servir la population brésilienne et de Rio, notamment à travers les transports, qui étaient très imparfaits. Rio s’est doté d’un service de transport important. Educatif, car de nouvelles infrastructures sportives ont été mises en place et pourront ensuite bénéficier aux brésiliens et aux Cariocas. Economique enfin car quatre quartiers de Rio ont été rénovés et aménagés notamment le port de Copacabana, ce qui permet de mettre en avant la ville à des fins touristiques et économiques.
Le deuxième défi à relever est sécuritaire, compte tenu de la géopolitique actuelle et de l’état de la menace. Les Jeux olympiques constituent une cible potentielle, comme tout grand évènement sportif. A ce titre, la sécurité avait notamment été une priorité des JO de Londres en 2012, avec la mobilisation d’environ 40 000 policiers et militaires. A Rio, 85 000 militaires seront mobilisés. Cette sécurité interviendra à tous les niveaux afin d’en faire des Jeux sûrs.
Le dernier défi à relever est sanitaire. Premièrement, il s’agit de la question de la pollution de l’air et de la baie de Rio, facteur de risque pour les athlètes. D’autre part, et de façon plus inquiétante, la propagation du virus Zika fait actuellement l’objet d’une préoccupation et pose la question de la protection et de la gestion de cette crise à la fois par les autorités brésiliennes mais aussi par la communauté internationale.
Les différents scandales récents de corruption dans le sport ont-ils selon vous un impact sur les Jeux olympiques ?
On pourrait croire que cela ne touche pas directement les Jeux olympiques puisque cela ne concerne pas directement le CIO. Les cas sont très différents (dopage, corruption, trucage de matchs, trucages) et les instances touchées sont des fédérations internationales. En revanche, cela va, de façon indirecte, avoir un impact sur les JO puisqu’avec l’agenda très rapproché des révélations de ces scandales, ainsi que le nombre de fédérations touchées, cela met clairement à mal la crédibilité du sport et des sportifs. Cette atmosphère de méfiance ternit considérablement l’image du sport et des valeurs qu’il entend véhiculer. De façon plus pragmatique, la présence des athlètes russes à Rio est plus qu’incertaine. Après la révélation de la commission d’enquête indépendante de l’agence mondiale anti-dopage (AMA), la fédération internationale d’athlétisme (IAAF) avait décidé de suspendre les athlètes russes pour les compétitions internationales. Une nouvelle décision doit intervenir en mars 2016, concernant la possible levée ou non de ces sanctions et qui donnera le ton pour ces Jeux olympiques. Ce qui est sûr, c’est que compte tenu de la pression de l’opinion, de la nécessité de ne pas venir un peu plus décrédibiliser le sport, il est clair que la lutte contre le dopage, contre les matches truqués et tout trucage au cours de ces JO sera extrêmement surveillée. On ne peut que s’en féliciter car il en va de la crédibilité du sport international.
Quel héritage ces Jeux olympiques sont-ils susceptibles de laisser sur le plan sportif, économique et de la gouvernance de l’institution olympique ?
D’un point de vue économique, il y avait eu des interrogations sur les perspectives de reprise économique du Brésil dans le contexte de ces Jeux olympiques. Compte tenu de la fragilité de l’économie brésilienne, peu d’élément permettent d’être optimiste et d’imaginer une reprise spectaculaire de l’économie brésilienne.
Au niveau sportif, un effort a donc été fait de la part du Brésil pour ne pas multiplier les infrastructures. Le budget opérationnel des JO a d’ailleurs été amputé de 20%. Il y a de la part du Brésil une volonté de trancher avec ce qu’avaient été les Jeux de Sotchi en 2014, où il y avait eu une croissance exponentielle, voire incontrôlée, des frais et des coûts d’organisation. Rio souhaitait en effet revenir à des dépenses davantage modestes, d’une part parce que le contexte de rigueur l’impose, et d’autre part parce que l’agenda publié par le CIO invite les villes hôtes et les pays candidats à faire preuve de modestie dans leur projet, et à ne pas multiplier les « éléphants blancs ». Autre élément qui mérite d’être pris en compte, la montée en puissance des sociétés civiles est un élément important, et dont on avait déjà percevoir la portée lors de la Coupe des confédérations de 2013, pour dénoncer les dépenses qui privent le pays d’infrastructures essentielles.
Dans la capitale éthiopienne où se déroulait le sommet de l’Union africaine (UA), personne ne s’attendait à ce que de grandes décisions soient prises. Pourtant les défis restent nombreux. Il suffit d’évoquer Boko Haram, les Shebab, le Burundi, les nombreuses élections à venir sous tension sur le continent, etc. L’Union africaine est soumise à la bonne volonté des chefs d’Etat et de gouvernement et n’avance que par petits pas.
Au niveau institutionnel, le Tchad prend la présidence tournante de l’UA pour un an. Même si le rôle du président reste modeste, Idriss Deby Itno est le chef d’Etat le plus engagé dans les problématiques de paix et de sécurité, qui restent les dossiers les plus lourds au sein de cette organisation. En effet, les troupes tchadiennes, intervenues en RCA et aux côtés de la France au Mali, sont en première ligne contre Boko Haram [1]. De plus, le Tchad accueille le poste de commandement de l’opération Barkhane. Capacité de déploiement, compétence opérationnelle, volonté politique sont des atouts que peu d’Etats africains possèdent. Idriss Deby Itno l’a d’ailleurs annoncé : « Que l’Afrique assure elle-même sa sécurité face au terrorisme ».
La nouvelle composition du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA (un mini-Conseil de sécurité) entérine le fait que les puissances majeures du continent veulent être présentes pour peser dans les décisions et résolutions. Le Nigéria, l’Egypte, l’Afrique du sud, l’Algérie et à moindre échelle le Kenya, le Tchad et le Rwanda siègeront pour deux ou trois ans [2]. A titre d’anecdote, le Burundi a été reconduit au CPS pour deux ans. L’Ethiopie qui vise une place au Conseil de sécurité des Nations Unies est une absente de marque [3].
Mais c’est au sommet de juillet 2016 à Kigali que les choix vont être importants. Y seront élus le président, son adjoint et les huit commissaires de la Commission de l’UA, organe permanent qui assure le fonctionnement de l’institution au quotidien. La présidente actuelle, Dr Nkosazana Dlamini-Zuma, sud-africaine, ne devrait pas se représenter. Le ministre algérien des Affaires étrangères et ancien Commissaire Paix et Sécurité de l’UA, Ramtane Lamamra semble bien placer pour lui succéder. Une réunion avec ses homologues sud-africain et nigérian s’est déroulée pendant le sommet, avec sûrement en filigrane l’attribution du poste de Commissaire Paix et Sécurité à l’un de ces deux Etats s’il était élu. A ce jour, la paix et la sécurité restent l’affaire des grandes nations africaines, notamment celles qui contribuent le plus au budget de l’organisation continentale.
L’élection d’Idriss Deby Itno est un atout non négligeable pour une politique africaine de la France qui peine à dépasser le cadre de l’Afrique de l’Ouest et centrale. L’élection de Ramtane Lamamra irait dans le même sens. Le Tchad et l’Algérie font partie de notre histoire africaine. Ils sont, de plus, deux acteurs incontournables dans notre lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-sahélienne. Notre diplomatie devrait saisir cette opportunité pour prendre de la hauteur et cesser de s’empêtrer dans des relations bilatérales parfois équivoques.
Sur un plan opérationnel, le CPS (570ème Réunion du 21 janvier 2016) s’est félicité que la Force africaine en attente (FAA) ait atteint sa pleine capacité opérationnelle, suite au bon déroulement de l’exercice Amani Africa II de novembre 2015. Il a « salué les progrès accomplis par la Force en attente de l’Afrique de l’Est (EASF), ainsi que ceux de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) dans l’opérationnalisation de leurs brigades en attente respectives, et a reconnu les efforts déployés par la Capacité régionale d’Afrique du Nord (NARC) pour l’opérationnalisation de la sienne ». En conséquence, la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC) créée en 2013 en attendant l’opérationnalisation des brigades régionales, devrait être dissoute [4]. Mais le Burundi est venu freiner les ambitions de l’Architecture de paix et de sécurité (AAPS) de l’UA. La résolution du CPS du 17 décembre 2015, forte des avancées opérationnelles citées, mentionnait le déploiement d’une force d’un effectif initial pouvant aller jusqu’à 5 000 hommes dans le cadre de l’EASF. C’était oublier les relations entre le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda (médiateur dans la crise), trois Etats membres de l’EASF qui ne devraient pas participer à ce déploiement ! Nous voyons donc ici les limites de l’AAPS et de ses brigades régionales en attente, comme d’ailleurs la Force multinationale de lutte contre Boko Haram [5] nous le montre. Celle-ci est une coalition d’Etats réunis pour cette mission spécifique de lutte contre le terrorisme qui déborde sur deux régions africaines. Espérons que le retour d’expérience sur la FAA prévu en mars 2016 et le poids de l’Union européenne dans le financement de cette force en attente (feuille de route 2016-2020) permettront une évolution significative et pragmatique de cette africanisation des problèmes de paix et de sécurité.
Idriss Deby Itno succède au très controversé Robert Mugabe dont on peine à mesurer l’apport pendant sa présidence. Comme le Tchadien le précisait, quelques heures après son élection : « Nous nous réunissons souvent. Nous parlons trop. Nous écrivons beaucoup. Mais nous n’agissons pas assez et parfois pas du tout ». C’est en janvier 2017 que nous analyserons l’impact qui aura été le sien dans l’évolution de l’Union africaine.
[1] Le poste de commandement de la Force multinationale est basé à N’Djamena au Tchad.
[2] Quinze Etats composeront le CPS : le Nigéria, l’Egypte, la République du Congo, le Kenya et la Zambie pour trois ans et Le Niger, la Sierra Leone, le Togo, l’Algérie, le Burundi, le Tchad, le Rwanda, l’Ouganda, l’Afrique du Sud et le Botswana pour deux ans.
[3] Le Conseil exécutif de l’Union africaine (UA) a approuvé la candidature de l’Ethiopie au poste de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies.
[4] Si le CPS a annoncé la dissolution de la CARIC, elle a été mentionnée dans le discours du nouveau président de l’UA….De plus, l’Afrique du sud semble favorable à son maintien !
[5] Multinational Joint Task force (MNJTF).
Article paru le 3 février 2016 dans Le Figaro. Les attentats du 13 novembre ont-ils eu un impact sur les élections régionales, un mois plus tard ? Oui au niveau national, non dans les secteurs directement frappés. C'est ce qui ressort de l'analyse effectuée pour la Fondation pour l'innovation politique par le politologue Jérôme Fourquet (Ifop) et le géographe Sylvain Manternach. Une note sur cette analyse sera publiée par la Fondation pour l'innovation politique.
Cet article Le Figaro – Quel fut l’impact des attentats sur les élections régionales ? est apparu en premier sur Fondapol.
Le Parlement algérien s’apprête à examiner le projet de révision de la Constitution. Que prévoit-il ? Comment est-il perçu auprès des Algériens ?
Il s’agit de faire une nouvelle constitution qui puisse garantir au régime algérien de continuer à contrôler la majorité des leviers du pouvoir et pérenniser le système tel qu’il existe depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Il est difficile de savoir ce que pensent les Algériens puisque sur ce sujet – bien qu’il soit important -, comme sur la plupart des sujets politiques, les Algériens se sont totalement détournés de la vie institutionnelle de leur pays. Toutefois, la confiance qui a pu exister il y a fort longtemps n’existe plus. Il semble qu’ils soient majoritairement peu favorables à cette réforme de la constitution.
S’il est adopté, peut-il réellement se traduire en actions politiques concrètes ? Le président Bouteflika est-il susceptible de proposer un amendement afin de se maintenir au pouvoir ?
Cela peut en effet déboucher sur des actions politiques concrètes, d’ailleurs préoccupantes. Ce qui se passe en Algérie a une résonnance avec les débats que nous pouvons avoir en France, notamment sur la question des binationaux. Ce projet de constitution interdit dans son article 51 aux Algériens ayant une autre nationalité de briguer un mandat électif ou de prétendre à de hautes fonctions dans les institutions de l’Etat. Cette disposition, au moment même où l’on débat en France de la déchéance de nationalité, a été très mal perçue par les jeunes issus de l’immigration ou les binationaux qui vivent en France, qui se sont sentis stigmatisés. Il y a ainsi une défiance à leur égard à la fois en France et dans le pays d’origine de leurs parents, ceci alors qu’il y a des députés de l’immigration. C’est un paradoxe depuis qu’il y a une assemblée populaire nationale en Algérie. Cette disposition qui instaure une citoyenneté à deux vitesses a été très mal perçue et a notamment fait l’objet d’une pétition en ligne largement relayée, même si elle n’a pour le moment pas beaucoup été signée. Il est intéressant de souligner à quel point la France et l’Algérie sont enchâssés aujourd’hui, comme ils ont pu l’être hier dans l’histoire récente.
Concernant le président Bouteflika, le projet de révision constitutionnelle prévoit une limitation des mandats. Cela ne sera sans doute pas efficace. En effet, la précédente constitution prévoyait également une limitation des mandats et n’a pourtant pas empêché le président de la république de briguer un quatrième mandat. Le régime, autiste et autoritaire, ne supportant pas la contradiction, sait manier les institutions et les textes fondamentaux en sa faveur. Si Bouteflika – totalement absent et dont on ne peut plus dire qu’il dirige l’Etat – prévoit de se maintenir pour un cinquième mandat, il faut envisager le pire pour le pays pour les années à venir.
Quelle la situation économique et sociale en Algérie ? Quel est l’impact de la baisse du prix du pétrole pour l’économie algérienne ?
L’impact de la baisse du prix du pétrole a été immédiat. C’est d’abord un impact à la pompe, même si le prix de l’essence reste très bas par rapport à ce que nous connaissons en Europe. Ce sont surtout 50% de recettes en moins dans les caisses de l’Etat. Des mesures drastiques ont été prises avec la fin des subventions de l’Etat sur les produits de base comme le pain, la farine, la semoule etc. Cela a des conséquences sociales immédiates. On va voir se multiplier, comme on l’observe depuis quelques mois, des manifestations et des affrontements avec les forces de l’ordre. Sur le plan politique, cela peut avoir des conséquences. En octobre 1988, des émeutes avaient éclaté un peu partout à travers le pays pour des raisons similaires. L’Algérie connaissait en effet une grave crise économique en raison de la chute du prix du pétrole, avec un baril en dessous de 15$. Cela a eu un effet immédiat parce que l’Algérie est le pays au monde dont l’économie est la moins diversifiée. A chaque fois qu’il y a des crises autour de la question du baril, cela impacte de manière très directe et immédiate un pays comme l’Algérie qui ne dispose pas d’autres ressources et qui ne produit rien. Cela est dramatique car la situation est très instable et volatile, avec un chef de l’Etat absent. Des dérapages liés aux questions sociales sont tout à fait possible dans ce pays.
Selon le classement 2015 de l’ONG anti-corruption Transparency International, avec 38 points, la Tunisie se positionne à la 76ème place (sur 168 pays) en matière de perception de la corruption. Le pays perd ainsi trois places et deux points par rapport à l’année précédente. Non seulement la situation ne s’est pas améliorée, mais elle tend à se dégrader. Il s’agit là de l’une des causes profondes du désenchantement démocratique du peuple tunisien.
La dénonciation de la corruption a été l’une des sources/forces motrices des soulèvements populaires qui ont traversé le monde arabe contre des régimes discrédités par la captation, l’appropriation ou la patrimonialisation du pouvoir politique et économique, par des clans d’essence familiale… Une corruption structurelle synonyme déjà de mauvaise gouvernance sur les plans politique et administratif et de frein au développement économique et social de sociétés arabes. Ce système décadent mêlant corruption et prédation pesait sur la croissance économique, en jouant notamment un rôle de repoussoir vis-à-vis des investisseurs endogènes et étrangers et faisait obstacle à toute répartition efficace des richesses. Partant, les inégalités sociales et territoriales n’ont cessé de se creuser en Tunisie, en Egypte, au Maroc, en Algérie, en Syrie, au Liban… La corruption ne fonctionne pas seulement comme un mode économique d’accumulation des richesses, mais elle offre la possibilité au régime qui l’organise de constituer et d’entretenir le réseau de clientèle qui assure sa pérennité.
Démocratie et vertu sont intimement mêlées. Les Pères fondateurs de ce modèle de gouvernement nous l’enseigne. Selon Montesquieu, « [1]l ne faut pas beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintiennent ou se soutiennent. La force des lois dans l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre, règlent ou contiennent tout. Mais, dans un Etat populaire, il faut un ressort de plus, qui est la VERTU ». Dans cet extrait célèbre de L’Esprit des lois, la vertu est définie comme l’amour des lois et de la patrie, qui exige une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre. C’est ce principe qui fait tenir l’Etat populaire, c’est-à-dire le gouvernement où le peuple en corps a la souveraine puissance, à savoir la démocratie. Montesquieu l’avait donc établie dès 1748 : la démocratie comme « espèce de gouvernement » ne peut tenir que si ceux qui en ont la charge mettent l’intérêt public au-dessus des intérêts particuliers. Rappel saisissant, parce que Montesquieu indique en substance qu’un régime politique (la démocratie) ne peut exister que si son gouvernement respecte au fond une obligation morale : la vertu.
Sans cette exigence morale, la corruption continue de gangréner l’appareil d’Etat, la classe politique et la société elle-même. Si la question de l’éthique concerne tant les responsables publics et économiques, que les simples citoyens, l’adage dit bien que « l’exemple vient d’en haut ». Or les élites nationales ont envoyé au moins deux signaux négatifs en la matière : le projet de loi sur la réconciliation économique et financière, ainsi que le retour aux affaires de personnages impliqués dans nombre de malversations de l’époque Ben Ali. Il est encore temps de retirer le texte et de juger ces hommes. C’est l’esprit de la révolution et le respect de ses martyrs qui le commandent.
[1] Souligné par l’auteur, Montesquieu, De l’esprit des lois, Paris, Gallimard, 2012, pp. 115-116.
Les chiffres de la croissance chinoise viennent de tomber : 6,9 % pour l’année 2015 ! La croissance trimestrielle a été la plus faible depuis 2009 et la croissance annuelle depuis près de 25 ans ! Malgré les mauvaises nouvelles quotidiennes sur l’état de l’économie chinoise (effondrement boursier, ralentissement de l’activité manufacturière, des ventes au détail et de l’investissement en construction…), la Chine affiche toujours une dynamique impressionnante parmi les BRICS. En effet, seule l’Inde avec ses 7,3 % de croissance affiche un dynamisme supérieur. Le Brésil (-3,1 %), mais surtout la Russie (-4 %) s’enfoncent dans la récession et les récents développements observés sur les marchés pétroliers n’invitent pas à l’optimisme. Dans ce dernier pays, l’urgence budgétaire a même été décrétée ! Enfin l’Afrique du Sud, avec une hausse du PIB d’environ 1,4 %, peine à stimuler de manière durable son économie.
Plus que le ralentissement de la croissance (un processus engagé depuis 2009) ou l’effondrement des marchés boursiers, dont les effets de contagion devraient plutôt rester modérés étant donné leur faible part dans le financement de l’économie, certains chiffres incitent à s’interroger sur les transformations structurelles de l’économie chinoise et sur leurs conséquences pour l’économie mondiale. Le rééquilibrage de la Chine est, en effet, engagé, ce que les chiffres démontrent années après années. La part du secteur des services représente désormais la majorité du PIB chinois (50,5 %), contre environ 48 % en 2014 ; celle de la consommation privée est en forte progression et le commerce extérieur chinois, pivot de la croissance économique depuis près de 15 ans, voit son poids reculer. Sur l’année 2015, on estime que les exportations ont chuté d’environ 3 % et les importations d’environ 14 %. La Chine, atelier du monde, est en train de progressivement muter ; il est légitime de s’interroger sur les conséquences de ces transformations sur le processus de globalisation, et ce d’autant plus que les exportations mondiales reculaient fin 2015 de plus de 10 % en glissement annuel.
Depuis les années 1960, avec le décollage économique du Japon, puis dans son sillage celui des « Dragons » (Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taiwan) dans les années 1970 et des « Tigres » (Indonésie, Malaisie, Philippines et Thaïlande) dans les années 1980, s’est posée la question d’un modèle de développement asiatique. Les effets d’entrainement régionaux, notamment commerciaux, ont attiré l’attention des économistes. L’un d’entre eux, Kaname Akamatsu, qui avait mis en lumière les interactions entre pays développés et pays en développement sur le développement industriel dans les années 1930, a popularisé, en 1962, ces différentes chaines de causalité avec l’image du célèbre « vol des oies sauvages ». Cette théorie illustre l’impulsion donnée par le décollage économique du Japon à l’ensemble des économies de la région, par vagues successives : l’oie de tête, le Japon, a entrainé les « Dragons » qui, eux-mêmes, ont fini par tirer « les Tigres ». Dans les années 2000, la question était de savoir si la Chine se positionnait dans la continuité du modèle asiatique ou si elle en constituait une rupture.
Dans son livre « Quand la Chine change le monde », paru en 2005, Erik Izraelewicz écrivait : « Le gigantisme de l’avion (le pays le plus peuplé de la planète), l’originalité de son moteur (l’hyper-capitalisme), et le moment de son envol (une heure de pointe de la mondialisation) », voilà ce qui différencie le cas chinois des décollages économiques précédents. Dans son développement économique, la Chine a, certes, très rapidement adopté une stratégie d’ouverture inspirée par celle des « Dragons » asiatiques, avec la création de capacités d’exportation dans les industries légères. Très tôt, elle a entrepris de tirer parti de son avantage comparatif dans les industries intensives en main-d’œuvre. Son adhésion à l’OMC en décembre 2001 et la politique du Go Global ou Go Abroad décrétée par le gouvernement chinois pour que les entreprises aillent conquérir les marchés étrangers ont constitué les étapes supplémentaires de cette stratégie d’ouverture menée depuis la fin des années 1970. Bénéficiant d’un essor de la mondialisation comparable à celui observé à la fin du 19ème siècle, la Chine a ainsi profité de la dynamique du commerce international dont elle a, par la suite, permis l’accélération.
Pourtant, l’immensité de son territoire et sa très forte hétérogénéité de développement, la relative faiblesse des hausses de salaires au début des années 2000 en raison de l’importante réserve de travailleurs (une population active de 810 millions d’habitants et 8 à 10 millions d’habitants qui arrivaient chaque année sur le marché du travail), la lente montée en gamme de ses productions ont ralenti la progression du revenu par tête comparativement à d’autres pays asiatiques. Ainsi, alors que la Corée du Sud enregistrait une multiplication par 6 de son PIB par tête entre 1970 et 1980 (puis par près de 4 la décennie suivante), la Chine n’a enregistré qu’une hausse d’un facteur 3 entre 2000 et 2010. Cette lecture décennale masque cependant une profonde accélération observée à partir de 2005, cette dernière se conjuguant à une très forte hausse des salaires (une hausse du salaire minimum de 15 % par an entre 2012 et 2016), rendant de nombreux secteurs industriels chinois moins compétitifs. Ce mouvement a ainsi permis une nouvelle extension du modèle asiatique, la Chine et les autres pays asiatiques délocalisant massivement dans les pays qualifiés actuellement de « nouveaux émergents », à l’image de la Birmanie, du Cambodge, du Laos ou du Vietnam.
Au final, si une certaine inertie du modèle asiatique était observable dans les années 2000, l’image des oies sauvages semble encore d’actualité. La Chine connait un ralentissement de sa croissance depuis 2008, le même que celui qui a été observé dans de nombreux pays asiatiques (Japon, Corée du Sud, Singapour…) lorsque leur revenu par tête s’établissait autour de 9 000 dollars (Figure 1). Hausse des salaires, rééquilibrage et ralentissement de la croissance : là encore la Chine ne fait pas exception.
Reste que, à la différence des transitions économiques passées des économies asiatiques (Japon, « Tigres », « Dragons »), l’actuelle transformation de l’économie chinoise interroge. Elle questionne par l’ampleur de la volatilité induite sur les marchés de matières premières ou sur les marchés financiers. Elle interroge également au regard de son impact sur le commerce mondial. L’indice Baltic Dry Index cotait début janvier à 373 point, soit son taux le plus bas depuis près de 30 ans. Sur certains segments du transport maritime, il faut actuellement payer moins de 10 % du prix affiché en 2008 lors de l’envolée des prix du transport de matières premières. La question d’une dé-mondialisation, dont le rééquilibrage chinois serait le catalyseur, se pose donc.
Figure 1 : Profils de croissance dans plusieurs pays d’Asie de l’Est
Le rapport de l’Organisation mondiale du Commerce sur les Statistiques du commerce international 2015 expliquait dans ses faits marquants que « Le commerce mondial et le PIB mondial ont tendance à évoluer parallèlement, mais le commerce connaît de plus fortes fluctuations, surtout à la baisse ». Il met également en évidence la faiblesse de la croissance du commerce mondial depuis 2011. Le taux d’ouverture mondial a connu un point haut juste avant la crise financière de 2008 et, malgré la forte reprise de 2009-2010, la tendance observée depuis lors est en rupture avec la tendance des années 2000 [1].
Au final, derrière le rééquilibrage chinois se cache peut-être un mouvement plus structurel de transformation des chaines de production mondiale : leur fractionnement, accélérateur de la croissance des pays asiatiques – et du commerce mondial – depuis les années 1980, ne serait-il pas arrivé à un point de retournement ?
Souvenons-nous toujours de ces propos anonymes chinois : « Si le 19ème siècle a été pour nous celui de l’humiliation, le 20ème celui de la restauration, le 21ème siècle sera celui de la domination »… Et si au final la domination de la Chine s’illustrait parfaitement dans ce contexte ? A savoir sa capacité à alimenter puis à transformer une dynamique internationale entreprise dans les années 1990 : la mondialisation !
Si, comme l’écrit Thomas Friedman [3], le monde est devenu plat durant la dernière décennie, le rééquilibrage chinois risque de redonner quelques courbures au monde. Dé-mondialisation ? Nouvelle étape dans la mondialisation ? L’économie mondiale sera sûrement plus volatile ; un mouvement renforcé par les récentes évolutions du yuan et par une possible guerre des monnaies.
[1] Parmi les facteurs explicatifs avancés, retenons : le ralentissement chinois, mais également la crise et l’atonie de la croissance européenne ou encore la révolution des hydrocarbures non conventionnels aux Etats-Unis. Ce dernier facteur a, en effet, permis une relocalisation de certaines activités sectorielles aux Etats-Unis aussi bien qu’elle réduisait les volumes énergétiques importés sur le sol américain.
[2] Thomas Friedman a écrit en 2005 un best-seller international sur le processus de globalisation : The World is Flat (Le monde est plat : une brève histoire du 21e siècle).
Point de vue de Robin Rivaton, paru dans Les Échos du 1er février 2016. Selon lui, l’essor de la robotique et des systèmes intelligents a entraîné une succession de prévisions apocalyptiques sur les destructions d’emplois. Mais l’automatisation ne signifie pas forcément que la machine va remplacer l’homme.
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In der schwersten Sicherheitskrise Europas seit Ende des Kalten Krieges hat Deutschland mit dem OSZE-Vorsitz im Jahr 2016 weitere Verantwortung übernommen. Als Mitglied des Normandie-Formats trug die Bundesrepublik schon maßgeblich dazu bei, den Waffenstillstand von Minsk zu vermitteln. Nun führt sie auch jene Organisation, die die Waffenruhe im Donbas überwacht und die Umsetzung politischer wie militärischer Vereinbarungen vorantreibt. Jenseits des regionalen Krisenmanagements wird es darum gehen, die Gefahr einer dauerhaften politisch-militärischen Konfrontation in Europa abzuwenden. Dafür ist die OSZE als einzige inklusive Dialogplattform in Europa besonders geeignet, steht sie doch für eine umfassende Sicherheitskooperation und gemeinsame Normen. Deutschland wird diesen Anspruch zur Richtschnur seines Handelns machen und die Erneuerung des gesamteuropäischen Sicherheitsdialogs fördern. Trotz seines gewachsenen politischen Gewichts wird es dies jedoch nicht allein bewältigen können; es bleibt auf die Kooperation mit den Partnern in OSZE, EU und Nato angewiesen.