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Mis à jour : il y a 1 semaine 2 heures

L’offensive russe patine en Ukraine, selon les renseignements américains

mar, 15/03/2022 - 10:22

(B2) Presque toutes les avancées de la Russie restent au point mort. C’est le dernier constat du Pentagone, lors d’un briefing par visioconférence, auquel B2 a pu accéder. Il donne le détail, zone par zone.

La situation est datée du 14 mars.

Le siège de Kiev continue, sans avancée notable

Au Nord-Ouest de Kiev, dans l’axe descendant vers l’aéroport, Hostomel, il n’y a eu « aucun changement appréciable dans la progression [des troupes russes] au cours du week-end ». Elles sont toujours juste « autour de l’aéroport, à environ 15 kilomètres du centre-ville ». Les combattants « essaient d’affluer en force derrière des éléments avancés, de façon continue, mais pas à un rythme [très] soutenu ». Le nombre reste « difficile à quantifier ». Sur l’avancée du convoi basé au large de Kiev, « il est au point mort avec aucun progrès significatif ».

À Tchernihiv, au Nord-Nord-Est de Kiev, là aussi l’offensive russe est aussi « au point mort », sans vraiment de progression, de part et d’autre. Certes, « les Ukrainiens ont essayé au cours du week-end d’ouvrir certaines lignes de communication vers le Sud et le SudEst, [avec] un certain succès ». Mais Tchernihiv reste « isolée ». Il y a cependant « une très forte résistance ukrainienne » qui empêche les troupes russes de « progresser au-delà ».

À 20 km de Kiev à l’Est, la forte résistance des Ukrainiens bloque toute avancée

Sur la ligne Est, les Ukrainiens gardent le contrôle. Les Russes sont encore à environ « 20 à 30 kilomètres à l’est » de Kiev. « Aucun changement depuis quelques jours. » Les Russes font « face à une forte résistance de la part des Ukrainiens, qui contrôlent toujours la ville de Brovary ». Ville où l’on a pu voir à la fin de la semaine dernière plusieurs « convois de chars frappés » (par des drones). Sur la ligne Sud de Kiev, idem. « Pas de progrès depuis la semaine dernière », où certains éléments russes avaient même du refluer vers Soumy.

Kharkiv, des bombardements mais une résistance farouche des Ukrainiens

À Kharkiv, c’est la même chose. Les forces ukrainiennes continuent à défendre la ville et opposent aux forces russes « une résistance assez farouche ». Les combats à Kharkiv restent assez importants. Et la ville a connu une « augmentation des frappes, provoquant des incendies ». Les forces russes semblent n’avoir « fait aucun progrès apparent sur le terrain ». Elles sont toujours « à la périphérie » de la ville.

Une avance russe vers Izyum pour bloquer l’Est

Au cours du week-end, à l’Est/Sud-Est de la ville, une colonne russe d’environ 50 à 60 véhicules est descendue vers Izyum (sur la route de Sloviansk). On « dirait qu’ils ont séparé certaines forces pour amorcer un mouvement tournant vers Kharkiv » estime-t-on côté américain. Ils essaient « de bloquer la région du Donbass et empêcher l’afflux vers l’ouest de forces armées ukrainiennes qui se trouveraient dans la partie orientale du pays pour les empêcher de venir en aide à d’autres défenseurs ukrainiens près de Kiev ». Le bombardement de Dnipro dans le centre du pays participe aussi de cette tactique.

Au Sud, Marioupol isolée

La ville de Marioupol, sur la côte de la mer d’Azov, reste « isolée ». Les forces russes sont au nord et à l’est de la ville. Il y a de gros bombardements. Les Ukrainiens continuent de « défendre » la ville. On commence à « voir une sorte d’avancée du Nord vers le Sud » permettant ainsi de faire la jonction entre les forces russes du Nord et du Sud.

Mykolaïv défendue

À Mykolaïv, au Sud-Ouest, dernière grosse ville à l’est du pays avant Odessa, les Ukrainiens continuent de défendre leur territoire. Les forces russes semblent toujours être à l’extérieur de la ville, « à 10 ou 15 kilomètres au Nord-Est ». Il n’y a « aucun mouvement réel » depuis vendredi.

À Odessa, pas d’assaut imminent attendu

Dans la grosse ville portuaire, d’Odessa, non loin de là, « rien d’important à signaler. Pas d’assaut amphibie imminent [attendu]. Aucune activité maritime ». L’interrogation demeure sur les intentions russes : « On ne sait pas une fois que les Russes auront pris Mykolaïv, quelles seront leurs intentions. » Deux options sont possibles : « un virage vers l’Ouest pour aller à Odessa par la terre, ou remonter vers le Nord et bloquer le Sud de Kiev. » Ce pourrait être « l’un ou l’autre plan, ou peut-être les deux ».

À l’Ouest, des frappes de missiles de croisière sur Yaroviv

Les frappes sur le centre d’entraînement militaire ukrainien de Yaroviv près de Lviv sont dues à des missiles de croisière lancés depuis l’air « par des avions bombardiers à longue portée ». En tout, « quelques douzaines de missiles ont endommagé au moins sept structures ». Une frappe effectuée « depuis l’espace aérien russe, et non depuis l’intérieur de l’espace aérien ukrainien » ou biélorusse ou de mer Noire. Les Américains ne veulent donner aucun bilan, sur le nombre de tués et de blessés.

Pas d’utilité de la No Fly Zone

Un « exemple » selon l’officier américain de l’inutilité d’une « zone d’exclusion aérienne à l’intérieur de l’Ukraine ». Une No Fly Zone « n’aurait pas eu effet sur cette série particulière de frappes ».

Les bombardements civils

Au final, la tactique russe reste la même pour l’instant : « encercler et isoler » les grands « centres de population » tels Kharkiv au Nord-Est, Marioupol, au Sud, et la capitale Kiev en partie. Sans succès militaire sur le terrain apparent. Mais les bombardements des villes « augmentent. Il n’y a pas de doute là-dessus » insiste l’officier supérieur américain, qui s’exprime en OFF, sous le sceau de l’anonymat. NB : une fonction qui a pour but en bonne partie de terroriser et faire fuir la population civile, de la même façon qu’a pu faire Bachar al-Assad en Syrie.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Les Russes ont encore des capacités. Selon les renseignements US, les Russes ne sont pas à court de stock. Même s'ils ont utilisé « près de 900 missiles depuis le début de l'offensive » (à comparer aux 710 depuis le début de la semaine dernière), les Russes ont encore beaucoup de capacités ». « Nous évaluons leur puissance de combat disponible à un peu moins de 90 % et nous ne les avons pas vu essayer de reconstituer les stocks ». Des drones turcs bien utiles aux Ukrainiens. Les drones TB2 fournis par la Turquie ont un « effet formidable » selon les Américains. Les Ukrainiens les utilisent « assez habilement » témoigne un officier supérieur. Et cette capacité pourrait être complétée prochainement par les Alliés de l'OTAN. « Nous discutons avec des alliés et des partenaires dans la région [NDLR : Azerbaidjan et Israël] et à l'extérieur de la région des capacités dont nous pensons que les Ukrainiens ont le plus besoin pour se défendre. » Les drones « sont certainement » une capacité très utile.

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Catégories: Défense

Vous voulez une défense européenne ? Vous aurez une belle étude

ven, 11/03/2022 - 16:40

(B2) Les 27 réunis à Versailles ont convenu de demander à la Commission européenne une étude sur les lacunes industrielles en matière de défense. Un résultat assez faible qui est à côté de la plaque de la réalité stratégique actuelle.

La phrase attribuée à Marie-Antoinette aux premiers remous de la révolution de 1789, “s’ils n’ont pas de pain, alors donnez leur de la brioche”, pourrait bien s’appliquer à la défense européenne (Photo : Chateau de Versailles)

Identifier les lacunes en matière d’investissement

Une étude demandée à la Commission

Les 27 ont en effet demandé à la Commission une étude sur les lacunes en matière d’investissement. Étude qui devra être remise d’ici la mi-mai. Juste à temps pour la prochaine réunion des ministres de la Défense prévue le 17 mai. « Il faut éviter la fragmentation » des investissements, et donc « renforcer la coordination », a insisté la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ce vendredi (11 mars) lors de la conférence de presse finale qui vient de se terminer.

Une révolution institutionnelle

Cette demande est en termes institutionnels une petite révolution : demander à la Commission européenne de faire ce travail, c’est franchir une étape supplémentaire, après la création du Fonds européen de défense (Lire : Un changement de paradigme), vers la communautarisation de l’Europe de la défense. C’est lui donner une base de compétence supplémentaire. Et connaissant la mécanique de la Commission européenne, assez bureaucratique (ce qui est un avantage en la matière), il y a fort à parier qu’elle saura développer cette compétence.

Une double erreur

Mais au niveau de la défense européenne on peut se poser la question de son intérêt. Honnêtement, zéro. Certes il est toujours intéressant d’avoir une analyse des priorités à dégager en termes d’investissement. Mais ce n’est pas l’urgence du moment.

Un travail inutile car déjà fait

Premièrement, les lacunes sont bien connues, depuis des années déjà. Elles concernent notamment ce qu’on appelle l’ISR (Intelligence, Surveillance, and Reconnaissance), certains éléments du transport tactique ou stratégique (1) — par exemple les hélicoptères notamment et le transport lourd qui dépend des avions russo-ukrainiens Antonov — les drones de toute sortes (tactique, longue durée, combat, surveillance, etc.), et le soutien médical, etc. Tout a déjà été écrit.

Des personnels beaucoup plus qualifiés

Deuxièmement, si on avait besoin d’une mise à jour, il n’y a point besoin d’attendre trois mois pour cela. En 24 ou 48 heures (une semaine maximum!), les experts de l’état-major de l’UE et de l’agence européenne de défense (EDA), renforcés par quelques experts nationaux, sont capables de produire un document intéressant, à jour, synthétique et opérationnel (2). D’autant plus à jour que ces experts font une comparaison quotidienne entre les possibilités de fourniture des armées européennes et des Alliés et des besoins de guerre listés sur place par les Ukrainiens. On se trouve ainsi dans les petites guerres picrocholines des institutions européennes qui adorent refaire le travail des autres.

Une erreur stratégique

La dernière erreur est plus profonde, stratégique et relève d’une myopie constante. Elle consiste à ne voir l’Europe de la défense que sous le prisme des capacités industrielles ou technologiques ou des processus politiques. Une erreur qui existe depuis des années déjà. Or, aujourd’hui, ce n’est pas de de capacités dont a besoin l’Union européenne pour se défendre. Ce dont elle manque c’est d’une capacité d’action, de dispositifs de coordination des moyens et d’une volonté d’agir. Bref des moyens de « dissuader » un adversaire de venir se battre ou de déclencher une action comme celle que Poutine a lancé le 24 février sur l’Ukraine.

Aujourd’hui il s’agit de se doter des moyens nécessaires pour parer à une éventuelle offensive russe sur l’Europe. De passer la vitesse supérieure donc. D’avoir un set de mesures à mettre en place dans les trois ou six mois à venir. Et non pas d’avoir une étude technocratique, intéressante sans doute, sur les “gaps” industriels à l’horizon 2030 ou 2040 !

(Nicolas Gros-Verheyde, à Versailles)

Article à suivre : ce qui manque à la défense européenne

  1. L’arrivée de l’A400M dans les forces aériennes de plusieurs pays comme des C130J est en train de résorber la lacune de transport stratégique. L’opération d’évacuation d’Afghanistan à l’été l’a prouvé.
  2. En l’état aujourd’hui, si les Russes et Biélorusses le veulent, ils pourraient sans grande difficulté déclencher une nouvelle opération spéciale et — mis à part une résistance polonaise et tchèque — arriver très vite aux frontières françaises. L’Allemagne et le Benelux étant le ventre mou de la défense européenne, tout comme les pays d’Europe centrale.

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Catégories: Défense

Une cinquantaine de policiers et experts européens déployés en Ukraine, à la frontière Ouest

ven, 11/03/2022 - 10:45

(B2 — exclusif) Cela fait longtemps que l’Union européenne n’avait pas déployé une équipe de policiers et d’experts dans un pays en guerre. Et pourtant c’est ce qui devrait être décidé rapidement. Une manière pour les Européens de démontrer très concrètement leur soutien aux Ukrainiens.

Les policiers ukrainiens quand c’était encore le temps de paix (Photo EUAM Ukraine – Archives B2)

Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Union européenne avait décidé de rapatrier ses équipes de la mission de conseil de l’UE (EUAM) déployées à Marioupol, Kharkiv ou Kiev (au titre de la politique de sécurité et de défense commune) vers la Moldavie ou la Pologne. Une mesure de sécurité prise devant l’accélération de l’offensive militaire russe (mais préparée par avance, depuis janvier selon nos informations).

Une décision prise en urgence

Décision a été prise, sur proposition du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell (sur proposition de son état-major des missions civiles), d’utiliser ces experts qui connaissent bien l’Ukraine, ont noué depuis des années (la mission a été déployée en 2014) d’excellents liens avec les autorités ukrainiennes — des autorités policières locales (dans les oblasts) chargées de la police de la route ou de la police judiciaire aux forces spéciales ou du renseignement (le fameux SBU) (1).

Une cinquantaine d’experts dans 11 points frontières côté ukrainien

Une cinquantaine d’experts européens pourrait être ainsi déployés, côté ukrainien (2), pour conseiller et aider les forces de sécurité ukrainienne. Cela répond à une demande du gouvernement de Kiev d’avoir une aide européenne à leurs frontières pour 1. assurer la gestion la plus efficace possible des flux de réfugiés qui vont vers l’Ouest. 2. permettre le transport de l’aide humanitaire depuis l’Union jusqu’en Ukraine.

Basés la nuit dans l’Union européenne, le jour en Ukraine

Concrètement, d’après les informations exclusives recueillies par B2, les experts européens d’EUAM Ukraine seront basés la nuit du côté européen (pour des raisons de sécurité) et viendront la journée prêter main forte à leurs collègues ukrainiens, en Ukraine, aux frontières de la Pologne et de la Roumanie, les deux principaux points de passage des réfugiés vers l’Ouest (3). Onze points frontières sont concernés.

Des collègues de Frontex ou nationaux de l’autre côté

Précision importante : ce sont des civils (des spécialistes de la police judiciaire, de la protection des témoins ministères de l’intérieur européens, des policiers). Ils ne sont normalement pas armés.

Ils feront ainsi la liaison avec leurs collègues européens de l’autre côté de la frontière (garde-frontières nationaux ou renforts venus de Frontex qui vont également être mobilisés).

Détails ici

Tous les détails de la décision prise par les Européens sont ici : EUAM Ukraine se redéploie aux frontières avec l’Union européenne. Objectif : faciliter le transit des réfugiés (pour les abonnés de B2)

(Nicolas Gros-Verheyde à Versailles & Aurélie Pugnet à la frontière moldave-ukrainienne)

  1. Des forces de sécurité intérieure, engagées (aux côtés des militaires et des civils ukrainiens) pour défendre leur territoire, qui ont subi certaines pertes (selon les premiers éléments).
  2. Les missions déployées au titre de la PSDC sont des missions qui sont partie intégrante de la politique extérieure de l’UE. Elles ne peuvent être déployées sur le territoire de l’Union européenne. Une disposition qui figure dans le Traité.
  3. La Slovaquie pourrait être concernée dans un second temps. Mais pas la Hongrie.

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Guerre d’Ukraine. Des pertes russes (très) lourdes. Sans paix rapide, le pouvoir de Poutine en balance ?

mer, 09/03/2022 - 10:18

(B2) Le ton de Vladimir Poutine était assurément grave jeudi (3 mars) devant le conseil national de sécurité. Le simple hommage rendu comme le long énumératif des compensations versées aux familles des militaires morts et blessés vaut tout autant qu’un sondage sur l’état d’esprit en Russie.

Un momentum peu anodin

Il est rare qu’en temps de guerre, les Russes reconnaissent les pertes de gradés et surtout annoncent aussi rapidement le versement d’indemnités exceptionnelles aux victimes. Il est tout aussi rare que le président se lève, demande solennellement à tous les membres de son Conseil de sécurité, d’observer une minute de silence en mémoire des soldats tombés au front, et que soient soigneusement listées les indemnités versées aux familles des morts et blessés. C’est pourtant ce qu’il s’est passé lors d’une séance du Conseil de sécurité nationale, retransmise sur le canal officiel du Kremlin.

Soutenir les familles des morts

Bien sûr, le message du président reste patriotique : « Nous avons perdu des hommes. […] Ils combattaient pour la Russie, pour la dénazifacation pour qu’aucune anti-Russie puisse nous menacer ». Mais il ajoute aussi une phrase, moins martiale, plus sociale : « Nous ferons tout pour les familles, les enfants de nos militaires qui ont combattu pour notre peuple ». Un geste qui n’est pas anodin.

La machine à cash russe

Vladimir Poutine ne s’arrête pas là. Il égrène, une à une, les mesures prises. Tous les membres des familles des militaires décédés en Ukraine vont bénéficier de la couverture d’assurance légale, à savoir une allocation unique de 7,4 millions de roubles et une compensation monétaire mensuelle. Mais « chacun des membres des familles » des soldats tombés recevra en plus « une compensation financière supplémentaire de 5 millions de roubles ». NB : soit environ 100 fois le salaire mensuel moyen d’un soldat. Ce n’est pas négligeable.

Un indemnité pour les militaires blessés

Pour les militaires blessés au combat (commotion cérébrale, traumatisme, mutilation), outre l’allocation unique légale de 2,9 millions de roubles et (en cas d’invalidité), ils auront droit à une indemnité mensuelle et en plus « une somme de 3 millions de roubles ». Le décret sur « les garanties sociales supplémentaires » n’a pas vraiment attendu. Signé par Vladimir Poutine dès samedi (5 mars), cette mesure est entrée en vigueur le jour même. NB : un signe de l’urgence de la décision.

Et pour les autres forces de l’ordre (intérieur)

Cette mesure concerne également le personnel « des autres forces de l’ordre » participant aux opérations. C’est-à-dire notamment celles du ministère de l’intérieur, comme la garde nationale de la fédération de Russie — une unité spéciale dépendant directement du président russe — et d’autres forces. NB : une précision intéressante.

La marmite russe bout

La situation est si impérieuse qu’elle requiert ce momentum télévisé du président, avec une gravité et une longueur qui en disent beaucoup sur l’intensité des combats. Sans être un spécialiste des choses russes, on peut dire que la marmite bout au sein de l’appareil de sécurité russe.

Officiellement 2000 soldats hors de combat

Au 2 mars, au bout de six jours de combat, le ministère russe de la Défense reconnaissait déjà près de 500 morts et 1600 blessés (498 morts et 1597 blessés très exactement). Soit un ratio de 1 à 3 pour les blessés. Et tout de même plus de 2100 soldats neutralisés en à peine six jours de combat. Soit un rythme d’environ 90 morts et 270 blessés / jour. Ce qui témoigne de l’intensité des combats. Précisons que ce décompte ne semble prendre en compte que les militaires. Quid des autres forces, celles du ministère de l’Intérieur notamment, voire de forces privées (type Wagner) ?

Une estimation à 15.000 soldats

Sans aller jusqu’au chiffre annoncé par les Ukrainiens de 12.000 soldats russes tués (1), sans doute exagéré, on peut raisonnablement considérer que le chiffre russe est sous-estimé (comme tout chiffre de propagande en temps de guerre). On peut donc au minimum, de façon raisonnable, le multiplier par 2. En tenant compte des “autres forces” en action (coefficient de 1,5) et du prorata de nombre de jours (coefficient de 2,33), on arriverait (au bas mot) à un bilan de 3 à 4000 morts pour 14 jours de combat et plus de 10.000 blessés pour les différentes forces russes engagées. Soit un ratio de 250 morts / jour (2). Sans compter les militaires faits prisonniers par les Ukrainiens (3). C’est énorme ! Cela signifie qu’en à peine deux semaines de combat, les forces russes auraient perdu 10% de leur effectif préparé !

Plusieurs généraux tués

Dans ces pertes de nombreux officiers supérieurs. Le major-général Vitaly Gerasimov, diplômé de l’école de tank de Kazan, et chef d’état-major de la 41e armée, est ainsi décédé à Karkhiv le 7 mars, selon le SBU ukrainien. Le major-général Vitaly Gerasimov avait participé à l’opération militaire en Syrie comme à l’annexion de la Crimée. Le numéro 2 de la 41e armée, le major-général Andrei Skhovetsky, un ancien de l’intervention en Syrie, est également décédé, lui près de Mariupol, selon la presse russe. Et il faut ajouter la mort de Vladimir Zhoga, commandant du bataillon Sparta de la république séparatiste de Donetsk (alias Vokha, selon l’agence Tass), le 5 mars à Volnovakha. Un décès officiellement reconnu par le Kremlin qui lui a même attribué le titre d’Héros de la Fédération de Russie.

Une éviction de Poutine : pas impossible

Cette situation sera-t-elle tenable en interne ? Au niveau de la population, cela provoque un émoi, une colère, des manifestations peut-être. Mais en nombre finalement limité. Le pouvoir russe en a vu d’autres. Sera-ce suffisant pour changer le comportement du pouvoir ? Pas sûr. En revanche, du côté de l’appareil de sécurité, cela pourrait ne pas être la même musique.

Une situation rapidement intenable

Si la police et les forces de l’intérieur semblent bien tenues par le président Poutine, un ancien des ‘Services’, en revanche, il pourrait ne pas en être de même au sein de l’armée. Les forces de sécurité russes sont fidèles tant qu’on les mène à la victoire ou que le sacrifice est nécessaire pour sauver la patrie. Elles encaissent tous les coups et se tiennent alors solidement aux côtés du pouvoir. Mais ce n’est plus le cas quand ces deux conditions ne sont plus réunies.

L’armée ne veut pas d’une défaite

Si la guerre se termine par une défaite, ou même une semi-victoire en Ukraine, ce serait un signe profond de l’affaiblissement de la puissance militaire russe au plan externe comme interne. Tout ce qui a été gagné sur les terrains politico-militaires depuis quelques années, en Syrie notamment, pourrait ainsi être effacé. En quelques jours. Leur rôle à l’intérieur de la sphère du pouvoir russe pourrait aussi être affaibli. Au final, ce ne sera pas la défaite de Poutine, mais la faute des généraux qui n’auront pas su planifier et exécuter « l’opération spéciale ». C’est dès lors leur pouvoir même qui serait menacé. Dangereux.

Une Ukraine impossible à maitriser

Ensuite, même si les batailles de Kiev, d’Odessa et de Mariupol pourraient être gagnées, tenir l’Ukraine (le pays qui a vu naitre les Cosaques) durant des mois sera une gageure. Même avec le remplacement par un pouvoir fantoche, les quelques jours passés au combat ont soudé la nation ukrainienne comme jamais aucun évènement auparavant (4). Chacun le sait en Russie, du moins dans les “services” et dans l’armée. Tout le monde a en mémoire l’interminable enlisement en Afghanistan, une intervention commencée en 1979 et terminée par une retraite (en bon ordre) en 1989, un des éléments qui a précipité l’effondrement de l’URSS. L’intervention russe en Ukraine pourrait ainsi se révéler le tombeau du régime, plus sûrement et plus rapidement que ne l’a été l’Afghanistan pour l’URSS. Très dangereux.

Le trône de Poutine dans la balance ?

À la différence des oligarques, proches du pouvoir mais à sa merci, les militaires ou les policiers ont des moyens de défendre leur système. L’éviction de Poutine du pouvoir, selon une méthode dont la Russie (et avant elle l’URSS) a le secret, pourrait être une issue de la guerre… Si la guerre traînait trop. Le circuit interne le tolèrera-t-il ? Pas sûr ! Le trône du si solide Vladimir Poutine pourrait finir par vaciller. Après tout il est proche de 70 ans (soit 7 ans de plus que la durée de vie moyenne pour un homme russe).

Les jours de l’opération spéciale comptés

Poutine doit savoir que les jours de son “opération spéciale” sont comptés. D’où la multiplication des discussions avec les Ukrainiens et la multiplication des coups de fils pour trouver le bon interlocuteur avec qui ‘toper’ un arrêt des combats. Cela peut le rendre encore plus dangereux ou imprévisible. Ou au contraire plus souple. On n’est pas à l’abri d’un revirement dont le Kremlin a le secret.

L’intérêt de conclure l’intervention est réciproque

Conclusion : les Russes tout autant que les Ukrainiens vont avoir intérêt à avoir un accord de paix et de cessez-le-feu. Reste à savoir qui pourra tenir le plus longtemps. C’est tout l’enjeu de la bataille dans les jours qui viennent. C’est tout l’enjeu également des négociations en cours — que ce soit à Homiel en Biélorussie entre Ukrainiens et Russes ou à Antalya prochainement avec l’intercession turque dans quelques jours.

Le moment crunch se rapproche

Il faudra que les Européens soient prêts à ce moment, qu’ils trouvent rapidement une équipe de négociation solide et crédible, et ne fassent pas confiance aux Chinois (5). S’ils sont aux abonnés absents de la diplomatie comme ils l’ont été déjà en Syrie, au Haut Karabagh ou au Mali, ce sera un formidable aveu d’impuissance. On aurait alors un recul très net de l’Europe dans le monde et, à rebours de ce qui sera proclamé au sommet de Versailles les 10 et 11 mars, un abandon de son « indépendance » géopolitique.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Au 14e jour de l’offensive (9 mars), le « total des pertes estimées de l’ennemi » est d’environ « 12.000 hommes » selon le SBU ukrainien. Chiffre repris et mis à jour dans la presse ukrainienne (cf. la pravda), mais à prendre avec de grandes pincettes (NB : on peut facilement le diviser par 2), Cela comprendrait également « 81 hélicoptères, 317 tanks, 1070 véhicules blindés, 120 canons d’artillerie, 28 véhicules de défense aérienne, 56 véhicules lance-roquettes (type Grad), 60 camions citernes, 7 drones opérationnels et tactiques, 3 navires, 482 autres véhicules ».
  2. Soit un ratio assez similaire à celui de l’intervention militaire russe en 1956. La seule opération comparable au niveau historique. Effectifs semblables — 190.000 hommes environ mobilisés côté soviétique. Objectif et affichage identiques : la remise en ordre du régime menacé par des « contre-révolutionnaires et fascistes » (dixit le discours de l’époque). Les forces soviétiques perdaient alors 700 hommes dans une opération très courte — quelques jours — et limitée en superficie. Avec un équilibre des forces en présence, incomparablement plus favorable aux Russes : une armée Rouge (soviétique) puissamment dotée, qui sortait de la 2e guerre mondiale (et venait de se retirer d’Autriche) face à une armée hongroise (Honved) et des forces de police, mal préparées et peu dotées, et une population déployant ses cocktails molotov, sans aucun soutien en équipement et armement occidental.
  3. Un chiffre finalement assez faible de 116 prisonniers est estimé par le SBU ukrainien selon la pravda ukrainienne. Ce qui vient un peu contredire les images diffusées abondamment par les Ukrainiens.
  4. Les évènements de Maidan ont été vus par une partie de la population comme la revanche de l’Ukraine européenne sur l’Ukraine russophone.
  5. Les récentes déclarations de Josep Borrell voyant la Chine comme un médiateur, lui demandant même d’intervenir, sont un formidable aveu d’impuissance.

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Catégories: Défense

Présidence française de l’UE. Les drôles de méthodes de l’Élysée avec la presse européenne

lun, 07/03/2022 - 16:32

(B2) Aux yeux des journalistes européens, la France, c’est la France, ce mélange de grandeur, de grandiloquence, un zeste d’arrogance aussi, mais d’élégance et d’efficacité. Une République dans toute sa majesté. Bref un pays à part dans le schéma européen. Mais attention à ne pas décevoir.

La centralité du pouvoir

La verticalité du pouvoir en France surprend toujours le journaliste européen. Il n’y a pas un seul pays qui puisse prétendre à une telle organisation en Europe (à l’exception… de la Russie) où un ordre donné du haut est rapidement exécuté dans tous les pans du territoire, de façon assez similaire, et efficace. Là où, dans la plupart des autres pays, il faut souvent passer par des négociations dans de multiples cénacles (gouvernement, parlement, régions…), où le compromis est si inné qu’il en est parfois inexplicable, où il y a une certaine autonomie des pouvoirs. En France il n’y a pas de discussion trop ésotérique. La centralité est de rigueur.

Pour le meilleur… et le pire

Tout détail nécessite un aval du pouvoir. Le parti majoritaire, le gouvernement, le parlement sont aux ordres. L’armée et la diplomatie sont directement impliquées au plus haut du pouvoir. Avec une chaîne de commandement directe et infaillible, elles peuvent très rapidement mettre en œuvre toute décision. Les contre-pouvoirs souffrent d’une faiblesse congénitale et sont incapables d’exercer leur rôle. Résultat : une efficacité à toute épreuve quand le pouvoir sait ce qu’il veut,… mais passablement erratique dès que le pouvoir hésite ou est tellement engorgé par toutes les demandes que la machine s’enraye. Le meilleur… ou le pire.

Le contrôle de la presse, une tentation forte du pouvoir

Et en matière de relation avec la presse, l’Élysée est en train de se tailler la réputation du pire dans les cénacles européens.

Des mœurs d’un autre âge

Les coutumes habituelles — qui se fondent sur un principe fondamental, celui de la liberté de la presse — sont mises au rebut. Ce qu’on appelle le follow-up (ou question de suivi) c’est-à-dire la possibilité pour un journaliste de reprendre sa question ou de la reposer d’une autre manière, après avoir obtenu une première réponse — un droit quasi-absolu au niveau européen comme anglo-saxon —, est considéré par le service de presse de l’Élysée comme un geste « peu aimable ». Là où un porte-parole européen ira s’excuser auprès du journaliste s’il a oublié (par inadvertance ou manque de temps) de lui redonner la parole pour son follow-up, le porte-parole français l’assume sans vergogne. Pas de question de suivi.

La préférence aux questionneurs nationaux

Idem pour les questions. Dans une conférence de presse, c’est souvent (il faut le reconnaître) un joyeux désordre. Chacun lève la main. Et le porte-parole choisit qui il veut. Mais, en général, il essaiera de varier les différentes nationalités. C’est tout l’art du porte-parole alors de panacher entre les grands et petits pays, ceux du sud et de l’est ou du nord et de l’ouest, en n’oubliant pas les non européens (Arabes, Russes ou Ukrainiens, Chinois ou Japonais, Africains, etc.). Chacun a sa chance. À l’Élysée, cet impératif de la variété existe peu. On prendra d’abord les “connus” : BFM, TF1-LCI, AFP, etc. Et après, un ou deux pour voir.

Choisir le journaliste c’est choisir la question

Exemple. Lors de la conférence de presse du président Macron face à la presse européenne, au début de la présidence, en janvier, les questions avaient été soigneusement distribuées à l’avance, à un public très choisi de journalistes sensés représenter un panel de questions intéressantes pour le président. Si soigneusement distribuées que le porte-parole chargé de désigner le journaliste qui allait poser la question savait son nom, son prénom, son média (voire la question qu’il allait poser) (1). Si soigneusement limitées en nombre — deux Français, deux Européens (Italien et Allemand) — que c’était ridicule au sens de la diversité européenne et de la liberté de la presse. L’Europe ne peut se résumer aujourd’hui à l’Italie et à l’Allemagne. On n’est plus dans les années 1950, au temps de l’Europe des Six et de la CECA, la communauté européenne du charbon et de l’acier.

Des pratiques courantes dans des pays plus autoritaires

On aurait pu croire qu’il s’agissait d’un errement passager. Que nenni. Lors du voyage de presse de la présidence, organisé début janvier, quel n’a pas été l’étonnement des journalistes de voir s’approcher quand ils voulaient poser une question, un responsable du service communication pour savoir quelle question ils allaient poser ! Idem lors du gymnich, un porte-parole du Quai s’approchait pour demander quel était le sujet de la question. Une pratique qui choque la plupart des journalistes européens, français, belges, mais aussi (et surtout) les plus habitués à ce type d’entrisme du pouvoir (ceux des pays de l’Est notamment). Une pratique très soviétique en fait.

La liberté de la presse remise en cause

De plus, les questions étaient soigneusement limitées à quelques unes. En janvier, lors de la présentation à la presse, les ministres français se sont laissés aller à un long soliloque, ne laissant ensuite qu’une portion congrue aux questions. Un procédé bien connu et répertorié dans les cours de communication : pour ne pas laisser trop de questions, il faut occuper le terrain. Ce qui, là aussi, est un problème, un vrai problème d’égalité. D’ordinaire, le but de ces exercices, où il y a une bonne trentaine de nationalités représentées (UE et non UE), est de donner la parole à un maximum de personnes. Ce, afin de donner à chaque sensibilité le soin de pointer une question. C’est d’ailleurs une règle non écrite quand un pays a la présidence de l’Union européenne de se plier à cet exercice (parfois fastidieux, il faut le reconnaître).

La diversité battue en brèche

C’est cette diversité de questions, venant de tous horizons, qui fait l’intérêt et le charme d’une conférence européenne. On découvre tout à coup un problème sous-estimé ou tout simplement inconnu. L’Élysée n’en a cure apparemment. L’objectif n’est pas de faciliter le travail de la presse, c’est de contrôler, tout organiser, tout régenter. Avec cinq ou six questions, il estime même être fort généreux par rapport à l’habitude (2). Plusieurs collègues européens me l’ont rappelé : même le Hongrois Viktor Orban (lors de la présidence de 2011) ou le Slovène Janez Jansa (lors de la présidence 2021) — qui prennent parfois leurs aises avec la presse nationale et l’état de droit — n’osent pas adopter ce type de comportement.

L’égalité bafouée

Autre exemple qui peut paraître un détail administratif mais n’en est pas un : les accréditations pour les réunions — tels le gymnich (informelle des ministres des Affaires étrangères) ou le sommet de Versailles (10 et 11 mars). Celles-ci sont ouvertes de façon très tardive et, surtout, le journaliste ne saura pas jusqu’au dernier moment (la veille) si son accréditation est acceptée. Pour le sommet de jeudi et vendredi prochain, il faudra attendre mercredi ! Ce qui laisse une bonne part à l’arbitraire et empêche le journaliste européen venu de Bruxelles ou du fin fond de l’Europe de s’organiser. Contrairement à celui qui habite Paris et peut venir. On est là au summum de l’inorganisation discriminatoire (2). Le but inavoué est en fait de favoriser au maximum les journalistes parisiens et “élyséens” aux dépens des journalistes européens, réputés plus frondeurs et, en fait, dont l’Élysée a peur, car il ne les contrôle pas.

  • Il ne faut pas sous-estimer non plus la désorganisation totale de la PFUE 2022 qui veut tout gérer, faire du micro-management et multiplie les niveaux de commandement à un point tel que l’inefficacité et l’absence de responsabilité deviennent la règle. L’organisation des réunions informelles de la défense et des Affaires étrangères à Brest en janvier avait été un monument. Entre les Armées qui ne communiquaient pas avec le Quai d’Orsay, les gardes privés qui ne communiquaient pas avec la sécurité officielle, les prestataires privés qui n’en faisaient qu’à leur tête, et un total manque d’organisation et de savoir-vivre, des règles Covid poussées à un tel extrême… cette réunion restera dans la mémoire européenne comme la plus mal organisée et la plus mal gérée de toutes les réunions depuis 30 ans. Aucune présidence n’a réussi à faire pire.

Ne pas respecter les règles = crime de lèse-majesté

Pour l’Élysée, en fait, la presse se doit d’être disciplinée, organisée et structurée. Et surtout de ne pas avoir un seul poil qui dépasse du caillou. J’en étais le témoin, amusé. Au déplacement du président Macron à Budapest, alors que les questions avaient été soigneusement réparties : deux maximum, et les journalistes habilités à poser la question désignés (3). Fidèle à nos pratiques européennes et aux règles de la liberté de la presse qui veut que chaque journaliste a le droit de tenter sa chance et poser une question, J’ai osé lever le doigt pour poser une troisième question. Non prévue au programme : un sacrilège. La question était pourtant évidente et naturelle (sur l’autonomie stratégique européenne). Question à laquelle Emmanuel Macron s’est plié sans aucune difficulté, a répondu de façon courte et intéressante. Il était prêt d’ailleurs à poursuivre cette discussion. Mais les “sbires” de l’Élysée ont coupé court. Pas question de rompre le scénario écrit à l’avance. La réponse du président n’a d’ailleurs pas été reprise dans le compte-rendu officiel. Un crime de lèse-majesté.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. D’ordinaire dans une conférence de presse européenne, chaque journaliste se présente de lui-même.
  2. Ne serait-ce que pour réserver les billets de train/avion ou de logement, ne pas payer le prix fort ou risquer de ne rien avoir.
  3. Cette pratique ne choquera pas les journalistes chargés de suivre l’Élysée, habitués à se voir limiter le nombre de questions et prédéterminer qui posera la question. Le chargé de presse passant en général dans les rangs pour savoir qui posera la question.

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Des Rafale au-dessus de la Bosnie-Herzégovine. En guise d’avertissement

sam, 05/03/2022 - 22:57

(B2) Des avions Rafale français du groupe aéronaval du porte-avions Charles de Gaulle devraient effectuer des vols au-dessus des Balkans, notamment la Bosnie-Herzégovine à compter de ce lundi (7 mars) apprend-on de source européenne. Une mission préventive contre toute velléité de déstabilisation.

Catapultage d’un rafale marine depuis le pont d’envol du porte-avions Charles-de-Gaulle, depuis la mer Méditerranée le 10 février 2022. (Photo : SIRPA Marine)

Un show of force pour rassurer et dissuader

Ces vols sont qualifiés « d’entraînement à réaction rapide » mais ils ont un objectif très politique. Montrer à la population, et en particulier aux Serbes de Bosnie tentés par la fièvre séparatiste, que les Français sont bel et bien décidés à intervenir en cas de problème. Ce qu’on appelle un show of force. NB : cet exercice n’était normalement pas prévu au programme (du moins dans le dossier distribué à la presse).

Un risque de déstabilisation

Le risque de déstabilisation n’est, en effet, pas négligeable sur la Bosnie-Herzégovine, selon une évaluation donnée récemment par le commandant d’opération d’EUFOR Althea, le général Brice Houdet. Au point que les Européens ont décidé fin février de déclencher en urgence la réserve. Ce qui permettra de doubler les effectifs sur place de l’opération militaire de stabilisation de l’UE en place depuis 2004 (Lire : La réserve d’EUFOR Althea appelée en renfort en Bosnie-Herzégovine. La crainte de la contagion russe (Josep Borrell)).

500 militaires de plus sur place

Quatre compagnies terrestres, venant d’Autriche, Bulgarie Roumanie, Slovaquie, soit environ 500 hommes ont commencé à se déployer venant compléter les effectifs déjà sur place formés essentiellement de Turcs et Hongrois. Selon nos informations, les Slovaques doivent envoyer une compagnie de 121 hommes du 52e bataillon aéroporté de Trebišov, qui fait partie des forces d’opérations spéciales, est en cours de déploiement. Au moment où l’équilibre sécuritaire en Europe est ébranlé, l’Union veut « démontrer ainsi son engagement et sa détermination continus à soutenir un environnement sûr et sécurisé en Bosnie-Herzégovine et dans les Balkans ».

Un déploiement préventif

Il s’agit au passage de montrer aussi aux Russes que les Européens ne sont pas dupes. Au moment où l’équilibre sécuritaire en Europe est ébranlé, l’Union européenne veut « démontrer ainsi son engagement et sa détermination continus à soutenir un environnement sûr et sécurisé en Bosnie-Herzégovine et dans les Balkans ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

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La force ne doit pas faire le droit, les guerres injustes sont vouées à être perdues (Josep Borrell)

ven, 04/03/2022 - 11:51

(B2) Dans une opinion publiée sur son blog, le Haut représentant de l’Union européenne revient sur le conflit actuel en Ukraine. Avec un agresseur clairement désigné : la Russie. Qui ne respecte pas les règles internationales. Et ment aussi sur ses motifs de guerre. Nous jugeons intéressant de la porter à la connaissance de nos lecteurs. Carte blanche.

Une invasion justifiée par des mensonges

« En cette heure sombre, où nous assistons à l’invasion non provoquée et injustifiée de l’Ukraine par la Russie ainsi qu’à des campagnes massives de désinformation et de manipulation de l’information, il est essentiel de séparer les mensonges — inventés pour justifier ce qui ne peut l’être — des faits.

La réalité : une agression russe sur un voisin pacifique

« Ce qui est un fait c’est que la Russie, une grande puissance nucléaire, a attaqué et envahi un pays voisin pacifique et démocratique, qui ne l’a ni menacé, ni provoqué. En outre, le président Poutine menace de représailles tout autre État qui viendrait au secours du peuple ukrainien. Un tel usage de la force et de la coercition n’a pas sa place au 21e siècle.

Une grave violation de tous les principes

« Ce que fait Vladimir Poutine n’est pas seulement une grave violation du droit international, c’est une violation des principes fondamentaux de la coexistence humaine. Avec son choix de ramener la guerre en Europe, nous assistons au retour de la “loi de la jungle” où la force fait loi. Sa cible n’est pas seulement l’Ukraine, mais la sécurité de l’Europe et l’ensemble de l’ordre international fondé sur des règles, basé sur le système des Nations unies et le droit international.

La population civile prise pour cible

« Son agression prend des vies innocentes et foule aux pieds le désir des gens de vivre en paix. Des cibles civiles sont frappées, violant clairement le droit humanitaire international, forçant les gens à fuir. Nous voyons une catastrophe humanitaire se développer. Pendant des mois, nous avons déployé des efforts sans précédent pour parvenir à une solution diplomatique. Mais Poutine a menti à tous ceux qui l’ont rencontré, en prétendant être intéressé par une solution pacifique. Au lieu de cela, il a opté pour une invasion à grande échelle, une guerre totale.

Un arrêt des opérations est nécessaire

« La Russie doit cesser immédiatement ses opérations militaires et se retirer sans condition de tout le territoire de l’Ukraine. Il en va de même pour le Belarus, qui doit immédiatement cesser de participer à cette agression et respecter ses obligations internationales. L’Union européenne est unie pour offrir un soutien déterminé à l’Ukraine et à son peuple. C’est une question de vie ou de mort. Je prépare un paquet d’urgence pour soutenir les forces armées ukrainiennes dans leur combat.

La réponse européenne

Sanctionner et isoler la Russie

« En réponse, la communauté internationale va maintenant opter pour un isolement complet de la Russie, afin de tenir Poutine pour responsable de cette agression. Nous sanctionnons ceux qui financent la guerre, en paralysant le système bancaire russe et son accès aux marchés internationaux.

Affaiblir les capacités militaires russes

« L’UE et ses partenaires ont déjà imposé des sanctions massives à la Russie, qui visent ses dirigeants et ses élites ainsi que des secteurs stratégiques de l’économie dirigée par le Kremlin. L’objectif n’est pas de nuire au peuple russe, mais d’affaiblir la capacité du Kremlin à financer cette guerre injuste.

En partenariat avec d’autres pays du bloc

« Pour ce faire, nous agissons en étroite collaboration avec nos partenaires et alliés – les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie. De nombreux pays font bloc dans le monde entier pour protéger l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine. Nous sommes ensemble du bon côté de l’histoire face à l’épouvantable agression de la Russie contre un pays libre et souverain.

Une campagne de désinformation massive

« Pour justifier ses crimes, le Kremlin et ses partisans se sont engagés dans une campagne de désinformation massive, qui a commencé déjà il y a plusieurs semaines. Les médias d’État russes et leur écosystème ont colporté massivement des contre-vérités sur les réseaux sociaux dans le but de tromper et de manipuler les opinions publiques.

« Les propagandistes du Kremlin qualifient leur agression d’opération spéciale, mais cet euphémisme cynique ne peut cacher le fait que nous assistons à une véritable invasion de l’Ukraine, dans le but d’écraser sa liberté, son gouvernement légitime et ses structures démocratiques.

Des mensonges proférés par Moscou

« Qualifier le gouvernement de Kiev de “néo-nazi” et de “russophobe” n’a aucun sens : toutes les manifestations de nazisme sont interdites en Ukraine. Dans l’Ukraine moderne, les candidats d’extrême droite sont un phénomène marginal bénéficiant d’un soutien minimal, qui ne leur permet même pas de passer la barre permettant d’entrer au parlement. Le gouvernement ukrainien n’a pas isolé le Donbas et il n’a pas interdit l’utilisation de la langue et de la culture russes.

« Donetsk et Louhansk ne sont pas des républiques, ce sont des régions ukrainiennes contrôlées par des groupements séparatistes armés et soutenus par la Russie.

Une opposition russe courageuse

« Nous le savons — et de nombreux Russes le savent. Des manifestations courageuses ont eu lieu dans les villes de Russie depuis le début de l’invasion, exigeant la fin de l’agression contre une nation voisine pacifique. Nous entendons leurs voix et saluons le courage dont ils font preuve en s’exprimant. Nous voyons également de nombreuses personnalités publiques russes protester contre cette invasion insensée.

Une réaction de la communauté internationale est nécessaire

« Je continue à travailler avec nos partenaires du monde entier pour assurer une réaction conjointe de toute la communauté internationale contre le comportement du Kremlin. Le 25 février, seule la Russie a opposé son veto à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur l’agression contre l’Ukraine, la Chine, l’Inde et les Émirats arabes unis s’étant abstenus. Partout dans le monde, les pays condamnent l’action de la Russie, et à l’Assemblée générale, l’ensemble de la communauté internationale doit unir ses forces et contribuer à mettre fin à l’agression militaire de la Russie en adoptant la résolution correspondante des Nations unies.

Il faut lutter pour la paix

« Nous ne connaissons que trop bien les conséquences de la guerre. Nous avons connu les souffrances de civils innocents lors des deux guerres mondiales et des guerres ultérieures, en Europe et au-delà. Nous savons pourquoi il est si important de lutter pour la paix.  En fait, le principe fondateur du projet de l’Union européenne est de renforcer la coopération en vue de la paix, de la coexistence et de la prospérité, et nous l’avons fait au cours des dernières décennies en agissant comme une force de consolidation de la paix et non comme un acteur agressif. Nous sommes les principaux soutiens des personnes souffrant de conflits dans le monde entier, nous travaillons pour construire et aider, et non pour détruire. 

Un monde qui ne sera plus le même demain

« Avec cette guerre contre l’Ukraine, le monde ne sera plus jamais le même. C’est maintenant, plus que jamais, le moment pour les sociétés et les alliances de se rassembler pour bâtir notre avenir sur la confiance, la justice et la liberté. C’est le moment de se lever et de s’exprimer.

« La force ne fait pas le droit. Cela n’a jamais été le cas. Et cela ne le sera jamais. »

(Josep Borrell)

Haut représentant de l’Union pour la politique étrangère et de sécurité commune

Texte publié à l’origine dans l’Economiste (Maroc)

Ce texte n’appartient qu’à son auteur sous son entière responsabilité. Intertitres de la rédaction

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Catégories: Défense

Quand Lukashenko se mue en chef de guerre et dévoile les clés de l’offensive russe sur l’Ukraine

jeu, 03/03/2022 - 12:09

(B2) C’est une vidéo étonnante dont nous avons tiré des captures d’image. On y voit le président biélorusse Alexandre Lukachenko devant son conseil faire un cours sur l’intervention russe et biélorusse en Ukraine.

La carte d’intervention russo-biélorusse avec le président Lukashenko en maitre d’école (Photo : TV Biélorussie – capture d’écran B2)

Le président biélorusse A. Lukachenko est soit un imbécile profond, soit un as du double jeu. Il vient de se livrer, dans un show dont il a le secret devant une séance de son conseil de sécurité nationale retransmise sur la télévision nationale, à une explication des cartes de l’offensive. Se donnant un rôle de planificateur en chef des opérations russes dont il n’est qu’un exécutant. Une démonstration forte intéressante en présence de son ministre de la Défense Andrei Ravkov, qui apparait blême au fil de la démonstration.

Une offensive à partir de cinq points

Sur cette carte, on voit clairement l’offensive russe se dérouler à partir de cinq points : la Russie, mais aussi la Biélorussie au Nord ; de la mer Noire et de la Crimée (annexée par la Russie depuis 2014) au Sud ; du Donbass à l’Est.

L’Ukraine divisée en quatre zones

Sur cette carte, on voit aussi l’Ukraine est divisée en quatre zones. L’Ouest, avec ses huit oblasts (provinces) de Lviv à Khmelnytsky, est préservé.

Couper l’Ukraine de son accès à la mer

Dans le Sud, on voit clairement les objectifs : maîtriser la mer Noire, à partir de troupes venues de la mer pour faire jonction avec les troupes présentes en Transnistrie, et couper la partie ukrainienne du delta du Danube. Objectif de cette offensive, avec d’autres troupes venues de Crimée : prendre Odessa en tenaille et conquérir la province de Kherson. Mais il ne semble pas question de monter vers l’Ouest (vers la province de Vinnytsya) ou le Nord (province de Kirovohrad).

Conquérir le Donbass

A l’Est, en revanche, c’est clair : on voit une double offensive à partir du Donbass et de la Crimée pour conquérir non seulement la totalité de la province de (la république séparatiste) de Donetsk (vers Mariupol) mais aussi la province de Zaporizhzhya, notamment les villes de Melitopol et surtout le port de Berdyansk, mais aussi la province de Kharkiv. On voit clairement la volonté russe de saisir l’Ukraine “utile” (l’Est de l’Ukraine est riche en ressources minérales : charbon, manganèse, etc.), et de couper l’Ukraine de son accès à la mer.

La capitale et le pouvoir visés

Mais c’est au Centre de l’Ukraine, autour de Kiev à Soumy que se déroule l’offensive la plus majeure se déroule. On n’est plus ici dans un objectif logique visant à préserver la population russophone (argument fallacieux utilisé parfois par les Russes) ou à conforter l’indépendance des deux républiques séparatistes de Louhansk et Donetsk (objectif de l’intervention annoncé clairement par Vladimir Poutine lors de la déclaration de reconnaissance de ces “républiques”). On est ici dans une tentative de déstabilisation du pouvoir ukrainien, de volonté de renverser le gouvernement démocratique élu de V. Zelensky.

La volonté de revanche sur 2014 et 2011

Une sorte de revanche de 2014 qui avait vu le leader pro-russe de l’Ukraine, Ianoukovitch, fuir la capitale aux premières échauffourées un peu sérieuses. Une sorte de réplique également de l’offensive de l’OTAN sur la Libye qui avait vu l’opération militaire quitter peu à peu son objectif de départ (l’interposition dans une volonté de répression de Kadhafi) validé par l’ONU, pour entreprendre (sous l’impulsion des Français et Britanniques) une opération de renversement du pouvoir à Tripoli, qui a finalement abouti à la “neutralisation” du leader Mouammar Kadhafi.

(Nicolas Gros-Verheyde)

NB : contrairement à ce qui a été dit, il n’y a sur cette carte d’offensive vers la Moldavie. Il y a une jonction entre les troupes de Transnistrie et celles qui débarquent en Ukraine.

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Le départ des Américains d’Ukraine. Imbécile et lâche

dim, 13/02/2022 - 18:09

(B2) Les mesures prises par les États-Unis samedi sont étonnantes. Il y a quelques jours encore, la Maison Blanche proclamait urbi et orbi sa solidarité avec l’Ukraine et sa volonté de désescalade. Aujourd’hui, c’est « Courage, Fuyons ! » Décision qui encourage plutôt les Russes d’intervenir qu’elle ne les en empêche. Incompréhensible.

La page facebook de l’ambassade US en Ukraine. Symbolique
  • Non content d’annoncer ce départ, Washington a demandé également samedi (12 février) aux militaires US présents dans la mission de surveillance de l’OSCE de faire de même, comme à tous les Américains résidant en Ukraine de quitter « sans délai » le pays.
  • L’ambassade américaine à Kiev n’est pas une petite représentation. Pas moins de 180 Américains et 560 Ukrainiens y travaillent.

La consécration des zones d’influence

En termes politiques et diplomatiques, cette mesure est un non-sens. C’est céder au jeu du Kremlin. Et surtout cela revient à consacrer la notion de zones d’influence voulue par les Russes. D’un côté, c’est clair aujourd’hui, l’Ukraine obéit à la zone d’influence russe ; et les Américains s’en retirent. De l’autre côté, la Roumanie ou la Pologne sont dans la zone euro-atlantique ; et les Américains s’y renforcent en y envoyant des renforts : 3000 soldats supplémentaires arriveront en Pologne bientôt, en plus des 1700 déjà décidés. Exactement ce que Vladimir Poutine désirait dans sa lettre envoyée à l’OTAN et aux USA.

Une lâcheté militaire incroyable

En termes militaires, c’est le summum de la lâcheté. Jusqu’à présent, en effet, aucun coup de fusil n’a été tiré — à part ceux habituels depuis huit ans dans le Donbass. Aucun militaire russe supplémentaire n’a franchi les frontières de l’Ukraine. On est donc juste dans une crainte éventuelle. Il n’y a donc aucun risque qu’un Américain soit atteint. A contrario, la présence américaine devrait persister. Ne serait-ce qu’en signe de garantie et de solidarité avec les Ukrainiens. Sinon cela ne sert à rien de faire de grandes déclarations de solidarité.

La tradition préservée

Les États-Unis consacrent ainsi la tradition. Face aux Russes, sur le territoire européen, le principe est la non-intervention. C’était valable au temps de la guerre froide en 1956 à Budapest, en 1968 à Prague. C’était un autre temps, que l’on croyait révolu, celui de l’opposition des blocs. C’est resté valable en 1992 pour la Transnistrie, en 2008 pour la Géorgie et l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, en 2014 pour la Crimée et le Donbass. Et aujourd’hui en 2022. Moscou peut donc être rassuré : la tradition américaine est préservée. Washington ne risquera pas la peau d’un seul Américain pour sauver les pays de l’ancien bloc soviétique de la main russe.

(Nicolas Gros-Verheyde)

NB : cette mesure a été suivie par le Royaume-Uni. Les militaires qui participent à la mission d’assistance (Orbital) des Ukrainiens ont été priés de faire leurs bagages. Tandis que Londres annonçait 350 Royal marine supplémentaires en Pologne. De façon plus intelligente, la France n’a pas pris une décision semblable. Suivie par plusieurs pays européens.

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Mali. Qui dit vrai ? Accord ou pas avec les Européens sur la task force Takuba ?

ven, 28/01/2022 - 11:24

(B2) Entre Paris et Bamako les mots fusent. Chacun se renvoie des arguments, juridiques. Sept réponses pour y voir clair.

Y-a-t-il un accord ?

Oui. Il existe un accord entre les Maliens et les ‘Takuba’. Nous l’avons lu et commenté en novembre 2020 (lire : Le statut des forces dans Takuba. Le texte du SOFA conclu entre Paris, Bamako et les partenaires européens). Mais cet accord n’est pas au niveau formel un traité international, c’est-à-dire un texte commun signé, puis ratifié par toutes les parties, avec l’appui au besoin de leurs parlements.

D’où vient cet accord ?

C’est, en fait, l’accord préexistant entre Français et Maliens sur Serval de 2013 qui a servi de base et qui a été conforté par un accord franco-malien de 2020 (sous forme d’échanges de lettres). Il a donc une valeur juridique en soi. Il a été étendu pour la task force Takuba et aux partenaires européens.

Que dit cet accord ?

Cet accord dit SOFA (sur le statut des forces) a des conséquences concrètes. Il permet notamment aux soldats de venir, en armes, d’arborer leur drapeau, de circuler dans le pays sans taxe ni entrave, d’être exempté de certaines formalités (douanières, fiscales, visas, etc.). Il donne aussi une immunité pénale et fiscale aux soldats.

Comment se passe l’approbation européenne ?

Chacun des pays européens arrivant dans Takuba envoie une lettre à Bamako pour approuver cet accord et se conformer à ses obligations et à ses droits. Pour le Mali, la procédure a bien été engagée par les Danois. « Il y a eu une requête. Elle a été réceptionnée avec un accusé du ministère. Mais il n’y a pas eu de réponse formelle ensuite. » Et les soldats danois sont arrivés sans attendre celle-ci. C’est une pratique plutôt courante dans les opérations militaires. Et à vrai dire sous le régime malien précédent, on en restait là. Seulement la prise de pouvoir par les militaires a changé la donne. Les Maliens n’ont donc pas tort quand ils disent qu’il n’y a pas d’accord (au sens du droit international). Les Français n’ont pas tort non plus en disant qu’il y avait un accord (au sens politique du terme).

Cet accord est-il solide ?

Non. C’est même le contraire. Ce type d’accord (par échange de lettres) est fragile. Il ne contient aucune disposition sur sa dénonciation (à la différence d’un traité international). Il tient à un seul fil : le consentement du pays hôte. Toute présence militaire sur un sol souverain peut être dénoncée à tout moment par l’État concerné. Par tout moyen. Sans aucun délai. L’accord franco-malien ne mentionne pas de procédure ou de délai de dénonciation.

Un accord politique avant que d’être juridique ?

Oui. C’est logique. Nous touchons au coeur de la souveraineté d’un État : la présence militaire étrangère. L’acte politique public de Bamako constitue, en soi, une dénonciation. Peu importe ce qui a été signé (ou non) auparavant. Il faut en tenir compte et le respecter.

Qu’est ce que reprochent surtout les Maliens aux Français ?

Ce n’est pas une question purement juridique, mais d’ordre plus profond. La France se comporte un peu au Mali en terrain conquis, « avec arrogance », croyant que sa présence vaut un « sauf conduit pour les forces européennes » comme le confiait récemment un diplomate malien à B2. À méditer…

(Nicolas Gros-Verheyde)

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Takuba. Entre Bamako et Copenhague, le torchon brûle. Le Danemark rentre au pays (v2)

jeu, 27/01/2022 - 18:35

(B2) Aussitôt arrivés, aussitôt repartis. Les militaires danois de la task force Takuba vont être rapatriés prochainement. Sur fond de tensions diplomatiques avec le Mali

Le gouvernement danois a annoncé jeudi après-midi (27 janvier) le rapatriement des troupes engagées au Mali dans le cadre de la task force Takuba. Les quelques 90 militaires (forces spéciales, équipes chirurgicales et de soutien) étaient arrivés entre le 12 et le 17 janvier (Lire : Les Danois arrivent dans Takuba. Mais pourraient repartir bientôt). Le calendrier du retrait n’a pas encore été précisé, mais le retour devrait prendre « plusieurs semaines », selon les précisions du ministère dans un communiqué.

Un bras de fer diplomatique

Cette décision intervient après plusieurs jours d’un bras de fer diplomatique entre les autorités maliennes et danoises. Quelques jours à peine après le déploiement danois, le gouvernement malien a demandé lundi 24 janvier, par voie de communiqué, le retrait immédiat des forces danoises engagées dans la task force. Il reproche un déploiement effectué « sans son consentement » ni accord bilatéral. Le Danemark a démenti cette accusation. Il a été soutenu mercredi 26 janvier par une déclaration conjointe des pays membres ou soutien de la task force. Peine perdue : le gouvernement de transition malien a réitéré et publié un nouveau communiqué demandant « avec insistance » le départ des Danois. Dont acte.

Une perte opérationnelle non-négligeable

Ce départ va entraîner une fragilisation des capacités en termes de soins : l’équipe danoise devait être chargée des interventions chirurgicales d’urgence. Takuba ne reste pas sans soutien médical pour autant : le dispositif pré-hospitalier franco-italien a été déclaré pleinement opérationnel le 15.01, avec une capacité d’évacuation médicale par hélicoptères.

Quant aux forces spéciales, leur tâche était initialement de délivrer conseil, soutien et coopération au profit des forces armées maliennes.

(Helen Chachaty)

(Mise à jour) capacités danoises

Lire : N°84. Takuba. Une nouvelle force européenne se met en place au Sahel, à visée anti-terroriste (v4)

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Une capacité européenne de réaction rapide pour l’évacuation des citoyens européens ?

mar, 25/01/2022 - 14:23

(B2) La capacité européenne de réaction rapide suscite toujours des difficultés à être acceptée par nombre de pays européens. Et elle suscite un doute, naturel, sur son efficacité ultérieure. Ne faut-il pas prendre le problème à l’envers ? Et chercher ce qui pourrait réunir les Européens pour intervenir plutôt que ce qui les divise ?

Exercice Quick Response en Bosnie-Herzégovine (EUFOR Althea – Archives B2 – 2016)

Quatre éléments historiques

1° Des dispositifs européens restés trop théoriques

Tous les objectifs et dispositifs qu’a voulu mettre en place l’Europe — tels l’objectif des 60.000 hommes défini à Helsinki — n’ont pas été suivis d’effet. Aussitôt l’objectif fixé, le processus a été mis en place. Mais sans utilisation par la suite. La NRF de l’OTAN n’est pas vraiment partie non plus quand on en avait besoin. Quant à l’Eurocorps, qui devait être l’embryon de cette force européenne, il est resté largement sous-utilisé par rapport à l’ambition de départ.

2° Un dispositif existant, resté en rade

Le dernier dispositif en date, les battlegroups, n’a jamais été activé. Non pas qu’on n’ait jamais tenté de déclencher cette force de réaction rapide de l’UE qui compte normalement 3 à 4000 hommes de permanence disponibles (en fait beaucoup moins). Mais, à chaque tentative — nous en avons compté six — les conditions, politiques ou militaires, n’étaient jamais réunies. Et il ne partira pas, tant qu’on ne changera pas drastiquement son fonctionnement.

3° Les tendances divergentes demeurent

Modéliser un concept d’intervention à partir d’intérêts nationaux totalement différents, voire parfois divergents, dans des contextes politiques et géopolitiques qui évoluent à des rythmes différents relève du jeu de hasard. Élections, démissions, crises politiques, réformes de l’armée, tensions budgétaires, crises diverses… influent sur la volonté ou la capacité d’envoyer à l’étranger des troupes. Croire qu’on peut créer une culture stratégique commune des peuples et des États à partir d’un concept sur papier est audacieux.

4° La réflexion actuelle risque d’être dépassée demain

Le possible accord sur une capacité de réaction rapide — dans le cadre de la boussole stratégique (1) — cache encore aujourd’hui des différences fondamentales. Entre ceux qui ne veulent pas toucher à des battlegroups sacralisés, ceux qui essaient de les réinventer sous une autre autre forme, ceux qui approuvent le projet en se disant “d’ici 2025” on verra bien, et ceux qui estiment que si réaction d’envergure, elle sera faite au sein de l’OTAN, la force de réaction rapide d’aujourd’hui pourrait subir le même sort que les battlegroups d’hier. Le temps de faire l’effort de la mettre en place, les responsables politiques qui l’auront accepté ne seront plus loin, les conditions auront changé. Et le contexte sécuritaire aura évolué.

Prendre le problème à l’envers

Plutôt que de bâtir un concept pour une opération éventuelle et de chercher ensuite un accord et un compromis idéal, ne faut-il prendre le sujet dans l’autre sens ?

Partir de la capacité à être d’accord

Il ne s’agit pas de savoir ce que l’Europe peut faire face à des crises passées, théoriques ou futures. Mais plutôt d’examiner ce qui amènerait les pays européens à être capables d’intervenir quelles que soient les circonstances et de transcender leurs différences. Un évènement qui agirait comme un aimant pour sublimer les réticences politiques et les conditions nationales d’engagement. Si on regarde bien dans le passé (et dans l’avenir), il n’y a qu’une seule circonstance qui réunisse toutes les conditions : quand des citoyens européens sont en danger quelque part dans le monde — pour quelque motif que ce soit (conflit, catastrophe, épidémie, etc.) et qu’il faut les rapatrier et les évacuer.

Une hypothèse qui n’est pas rare

Cette hypothèse se répète régulièrement, quasiment tous les 2 ou 3 ans si on compte bien : du tsunami en Asie du Sud-Est en 2004 à l’épidémie de Covid-19 en 2020, en passant par l’attentat de Bombay, l’offensive des rebelles au Tchad ou des Russes en Géorgie en 2008, le tremblement de terre en Haïti en 2010, l’épidémie d’Ebola en 2014, sans oublier la méga-évacuation d’Afghanistan à l’été 2021. À chaque fois, il faut réinventer un mécanisme. Car les gestionnaires de la précédente crise ne sont plus là. Malgré les dispositifs de rapprochement existant, chaque évacuation est ainsi un pari.

Le succès dépend de l’organisation

Cela se passe plutôt bien (Tchad 2008, Evola 2014, Afghanistan 2021), parfois plus mal (Géorgie 2008), voire très mal (Bombay 2008, lire : L’évacuation des Européens de Bombay, le souk, dénoncent des eurodéputés). Et quand cela se passe bien, c’est souvent parce qu’un État a pris les choses en main, a mis les moyens et a assuré l’essentiel de la coordination (la France au Tchad en 2008, les USA en Afghanistan en 2021). Il ne faut donc pas se fier à ces succès pour en déduire une quelconque capacité européenne. Le succès est lié à une bonne coordination, l’échec, à l’inverse.

Des pays prêts à agir de façon extraordinaire

Les crises passées l’ont prouvé. En cas d’urgence, on peut se passer de l’autorisation du parlement, ou du moins inventer des mécanismes de consultation expresse, conformes à la fois aux conditions constitutionnelles et opérationnelles. La dernière crise l’a prouvé. Les avions A400M allemands étaient déjà en route vers Kaboul, voire poser sur place, quand les députés allemands étaient consultés. Et aucune critique n’a été faite sur ce point outre-Rhin. C’est plutôt le contraire.

L’Europe a tous les moyens techniques disponibles

Des avions à portée stratégique (avions A400M, A310 ou A330, C17 du pool de l’OTAN), des avions à portée tactique (A400M, C130J, Casa, etc.), des hélicoptères, des navires, des hommes formés et entraînés. Et même une cellule de coordination des vols aériens (EATC : un modèle à suivre) montée par une demi-douzaine de pays européens et basée à Eindhoven, sans compter la cellule de coordination de la protection civile de la Commission européenne à Bruxelles et l’expérience de certains pays (tels la BFast belge). Tout cela est opérationnel. Il suffit de mettre tout cela en cohérence, en condition de fonctionner et de le chapeauter au niveau politique pour aller vite.

Comment faire ?

À mon sens, il ne reste qu’à doter l’Europe d’un solide concept d’évacuation, reliant les différents éléments militaires en place à la décision politique.

Travailler le concept pour relier tous les points d’appui

Ce concept existe, mais il date, doit être rénové et redéveloppé. Une petite cellule ad hoc, au sein de l’état-major de l’Union européenne, à Bruxelles pourrait être chargée d’assurer la coordination des différents moyens : aériens de l’EATC, militaires des États membres, civils de la Commission européenne. Le mécanisme de protection civile assurant la remontée des besoins venant des différents États membres. EATC assurant, de son côté, la régulation concrète des moyens aériens, avec le renfort des officiers de liaison des pays qui ne sont pas membres.

Muscler le dispositif politique

Le niveau politique pourrait très bien être assuré au niveau des ambassadeurs du COPS, voire par une réunion en vidéoconférence (VTC) des ministres de la Défense ou des Affaires étrangères ou de l’Intérieur, selon le niveau de l’évènement (conflit, catastrophe naturelle, attentat ou catastrophe naturelle à l’intérieur de l’Union européenne).

Une petite force terrestre d’appui

Il ne reste pour compléter l’ensemble qu’à avoir une petite force terrestre, type forces spéciales, JTAC aérien ou leurs équivalents maritimes, pour compléter cet ensemble. Sur ce projet, l’OTAN n’a pas vraiment d’outil et l’Union européenne est pleinement fondée à agir, pour le bien de la sécurité des citoyens. Au niveau du financement, point bloquant dans la plupart des opérations, la ligne budgétaire existe, soit au niveau de la protection civile, soit de la facilité européenne pour la paix.

Une base juridique existante

Il n’y a pas besoin d’attendre pour mettre en place cet outil. Ca peut aller vite. La mise au point du concept, comme la montée en puissance d’une petite unité de régulation à l’état-major peut-être faite en quelques mois. Le traité de l’Union autorise une telle coordination au plan européen. L’adaptation du dispositif politique peut suivre. On peut avoir une décision d’assistance de la facilité européenne pour la paix, préécrite, approuvée, n’ayant plus qu’à être exécutée. Du côté de la protection civile, cette décision existe déjà, datant de 2016.

Un cadre politique qui ne demande qu’à être adapté

Au niveau politique, on peut avoir un dispositif à 27 États membres, une coopération renforcée ou un projet mené au titre de la coopération structurée permanente. Il peut être conforté par un engagement des États membres participant au dispositif à avoir un dispositif d’urgence d’approbation par leur parlement respectif (ce qui existe déjà dans la plupart des pays en fait, de façon expresse ou tacite). Et le comité politique et de sécurité (COPS) (ou un autre comité) peut être chargé formellement de cette tâche.

Aller vite car la prochaine crise peut survenir rapidement

Tout cela ne nécessite quasiment aucune modification de fond et peut être bouclé en quelques mois : d’ici fin juin 2022 pour la première phase (l’écriture des concepts et les premiers tests) sous la présidence française, à fin décembre 2022 (pour la mise en place opérationnelle), sous la présidence tchèque, voire d’ici fin décembre 2023 (pour les éléments complémentaires), avec les forces spéciales. Il y a urgence. Car une opération d’évacuation peut se reproduire d’un moment (en Ukraine ou ailleurs). Il n’y a pas besoin d’attendre 2025 ! Une fois que ce dispositif sera mis en place, aura été testé sur le terrain à une occasion ou une autre, on pourra réfléchir à l’élargir à d’autres crises.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. J’avais déjà exprimé des doutes sur cette force (renommée capacité) de réaction rapide. Une idée, loin d’être révolutionnaire. Un peu d’audace Svp. Plus la discussion avance, moins je suis convaincu.

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Escalade du verbe entre la Russie et l’Ouest. Que cherche Moscou ? Quid de l’invasion de l’Ukraine

dim, 23/01/2022 - 19:22

(B2) Dans le bruit et la fureur actuels, entre Russes et Occidentaux, il faut veiller à ne pas tomber dans le piège de ce qui reste, pour l’instant, un exercice de musculation. Derrière l’apparence, il y a certainement des objectifs plus prosaïques. Essayons d’y voir clair.

Les forces spéciales du district militaire sud s’entrainent à la technique de pénétration secrète dans un secteur ennemi. Sur le terrain d’entraînement de Molkino dans le territoire de Krasnodar. En face de la Crimée (Photo : MOD Russie)

On doit toujours prendre avec une certaine circonspection toutes les déclarations officielles, russes comme américaines ou britanniques. Surtout quand elles sont très bruyantes. Nous sommes entrés dans une communication stratégique à haute échelle de propagande. Sound and Fury. Un peu comme des catcheurs sur un ring, chacun a intérêt à la montée de la tension. L’escalade verbale cache les enjeux de la négociation et du grand jeu de go qui est en cours.

Quel est l’objectif de la Russie ?

L’objectif stratégique : retrouver le rang perdu

Alors que la Russie a perdu de sa splendeur et est devenue un pays de taille très moyenne sur la scène mondiale (1), le Kremlin poursuit cinq objectifs principaux : 1° garder sa place de Grand dans le monde — des tables de la négociation politique aux enjeux militaires — ; 2° s’assurer autour du pays d’une zone de sécurité — avec des pays sinon alliés du moins pas hostiles ; 3° pouvoir s’appuyer sur un réseau d’alliés, amis ou obligés dans le monde, 4° assurer à sa marine des points d’appuis sur les routes stratégiques ; 5° trouver des débouchés et contrats pour ses produits ou pouvoir bénéficier en retour de ressources nécessaires.

Conforter la place de Grand

Au niveau international, cette stratégie passe par la négociation d’égal à égal avec les Américains ou les Chinois ou l’utilisation plus régulière du droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies. Le passage en force des Occidentaux sur le Kosovo en 1999 ou la Libye en 2011 n’est pas oublié et « ne se reproduira plus » ont promis à plusieurs reprises les dirigeants russes. L’annexion de la Crimée et Sébastopol, l’intervention directe en Syrie aux côtés du régime Assad (avec une base militaire confortée), les bonnes relations entretenues avec l’Égypte ou l’Algérie, la présence (via le groupe Wagner) en Libye permettent à la Russie de s’assurer de points d’appui en Méditerranée.

Fracturer le bloc occidental

La Russie tente de diviser le bloc occidental, à commencer par les Européens qui lui semblent le bloc le plus friable. La tactique n’est pas nouvelle, selon le bon vieux adage ‘diviser pour régner’. La Russie a proposé en 2009 un accord sur la sécurité européenne aux Européens. Ceux-ci ont refusé ou — selon l’interprétation qu’on a de cette proposition — n’ont pas saisi la perche tendue qui aurait permis en négociant d’égal à égal d’imposer le rythme de la négociation. En 2014, après l’intervention en Crimée et au Donbass, Moscou a sous-estimé la solidité européenne, pensant venir à bout du “bloc” européen. Mais celui-ci a tenu bon, contre toutes les attentes et, malgré des divisions, a reconduit d’année en année toutes les sanctions économiques et individuelles prises contre la Russie (lire : Le dispositif de sanctions avec l’Ukraine et la Russie. Le point). Le Kremlin n’a pourtant pas abandonné. L’Union européenne est devenu son ennemi stratégique.

Réduire l’influence et l’aura de l’Union européenne

Il ne s’agit pas vraiment de détruire l’Union européenne, mais d’en réduire l’influence, voire de la neutraliser. Pour cela, tous les moyens sont bons. Moscou noue des liens économiques de dépendance (tels Nord Stream 2 ou les contrats de gaz à long terme), entretient des liens politiques avec certains pays (avec qui la Russie a des proximités historiques tels la Bulgarie ou Chypre par exemple, ou plus récents, comme la Hongrie de Viktor Orban). Le pouvoir russe encourage aussi des mouvements politiques ; sa préférence va aujourd’hui à des mouvements de droite nationale tels la Lega Nord italienne ou le Rassemblement national français, qui ont remplacé dans le cœur russe les anciens partis frères communistes tombés en désuétude. Enfin, il propose un accord visant à neutraliser une partie de l’Europe (celle qui n’était pas membre avant 1997 de l’OTAN). Tout cela accompagné de campagnes de désinformation (ex propagande), de cyber-attaques, d’espionnage ou de tentatives de déstabilisation politiques (2).

Entamer une course aux armements

Angle invisible de cette stratégie, peu commenté dans les médias, la Russie a engagé une course aux armements. Dans le même style que les USA (sous Reagan) avaient engagé la guerre des étoiles afin de pousser les feux en URSS, celle-ci oblige les Européens à augmenter leur budget de défense, à avoir un discours politique plus agressif, à militariser sa société. En intervenant militairement en Ukraine en 2014, Moscou remplit deux objectifs principaux : militaire (conforter sa base navale et s’assurer la liberté de navigation en mer Noire) et politique (empêcher l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN). Il entraîne l’augmentation des budgets de défense (3), décidé au sommet du Pays de Galles de 2014. L’enjeu est de provoquer une réaction en chaîne, avec des tensions budgétaires internes et une interrogation finalement politique et philosophique (ex. pourquoi financer une compagnie de chars plutôt que l’hôpital ?). Avec un but ultime : épuiser les ressources nationales, contraindre les Européens à faire des choix et, finalement, rompre le duel et négocier une sorte de paix des braves. Pour l’instant, cela ne marche pas.

Une bataille de dix ou vingt ans

Mais l’heure de vérité ne se situe pas pour la Russie à un horizon à court terme (quelques années). Elle mise sur une bataille de dix ou vingt ans. Et les premiers craquements sont déjà perceptibles. L’Europe semble entrer dans une phase de déclassement stratégique. Si on met bout à bout les actions récentes — Syrie, Arménie-Azerbaidjan, Biélorussie, Centrafrique… —, la Russie marque des points contre les Européens les obligeant soit à se retirer, soit à perdre de l’influence. La négociation Russie-USA a ainsi déjà fait une victime : le format Normandie de dialogue impulsé par le couple franco-allemand est passé au second plan derrière la négociation directe entre les deux Grands. Dans cette course aux armements, la Russie a moins à perdre. L’industrie de l’armement est un des premiers vecteurs principaux de l’économie nationale comme à l’exportation (4).

Peut-on croire à une invasion ?

Cet amassement de matériels et d’hommes aux frontières de l’Ukraine est trop rempli de ‘bruit et de fureur’ pour être pleinement crédible. D’ordinaire, la Russie est beaucoup plus discrète dans ses préparatifs militaires. Chacun des partenaires autour de la table (Russes, Ukrainiens, Américains) a, bien sûr, intérêt à le faire croire (5), pour des raisons différentes. Mais les objectifs sont ailleurs : 1. pousser à la négociation (objectif atteint aujourd’hui), 2. au besoin, provoquer militairement ; 3. entrainer une pression sur l’Ukraine à la fois militaire et politique pour aboutir à un changement de régime.

Conquérir militairement l’Ukraine : très risqué pour la Russie

Même si Ukrainiens et Russes paraissent deux peuples frères, complémentaires, les différences sont réelles. Dans l’histoire lointaine, comme dans les évènements plus récents. Autant aller jusqu’à Kiev avec juste quelques dizaines de milliers d’hommes peut apparaitre facile en opération ‘coup de poing”. Autant tenir le pays militairement plusieurs semaines, voire des mois, parait très hasardeux. D’une part, « l’armée ukrainienne de 2022 n’est plus celle de 2014 » comme me l’assure un diplomate européen. D’autre part, depuis l’accord d’association avec l’UE et l’intervention russe en Crimée et Donbass en 2014, l’Ukraine a basculé vers l’Ouest et ne rêve que d’une chose : se rapprocher des Européens et des Occidentaux. Occuper un pays qui pourrait rapidement se révéler hostile et se retourner contre un “occupant” pourrait être un piège mortel pour Moscou. Un “enfer” militaire pire que l’intervention russe en Afghanistan (ou américaine au Vietnam).

Réagir à une “provocation”… pourquoi pas !

Maintenant… si à la manière de la Géorgie, en 2008, les Ukrainiens réagissaient, de façon impromptue, en tentant une offensive militaire, cela peut donner un prétexte à la Russie d’intervenir pour « venir au secours » et « protéger » les habitants des républiques autonomes sécessionnistes de Louhansk ou Donetsk. On serait dans une opération de type protection-annexion comme en Ossétie du Sud. Une offensive vers Mariupol pour établir la jonction terrestre entre le Don et la Crimée et tenir la bordure de la mer noire est aussi évoquée. C’est un peu plus hasardeux. Mais pour toutes ces opérations, il n’est pas besoin de dizaines de milliers d’hommes. Quelques milliers bien entraînés suffisent pour créer l’effet de surprise. Le reste peut suivre rapidement et être préparé discrètement. Les bases russes étant nombreuses tout autour de l’Ukraine.

Mener l’attaque sous une autre forme

Chacun reste concentré sur l’aspect traditionnel de la guerre — type années 1940-1960. La guerre se mène aujourd’hui davantage par d’autres moyens, en grande partie sur le cyber (déni d’accès sur des sites publics ou privés, pillage de données, action criminelle de grande ampleur, etc., cyberespionnage), dans la désinformation (prise de position dans les médias, distribution de fake-news, “guerre” par twittos et photos interposées), via l’économie (acquisition de sociétés, corruption, marchés publics, etc.), ou par le moyen bien classique du chantage et de l’espionnage à grande échelle. Le tout pour aboutir à une prise de contrôle ou à une déstabilisation politico-économique.

Aboutir à un changement de pouvoir à Kiev : oui sans doute

L’objectif russe semble davantage politique : aboutir par la pression, militaire et politique, à amener au pouvoir un homme ou un parti plus souple à la négociation avec les Russes, moins occidental. C’est beaucoup moins risqué qu’une intervention militaire, plus discret, et surtout plus durable, au moins à court terme. C’est d’ailleurs une tendance lourde de la politique russe dans tout son voisinage. Le Kremlin a réussi deux coups en la matière : en attirant dans son orbite le régime de Loukachenko en Biélorussie, alors que Minsk était toujours très méfiant jusqu’alors avec la Russie, et en aboutissant à un renversement de palais musclé au Kazakhstan. Cette stratégie est aujourd’hui révélée au grand jour même par le Royaume-Uni. Dans un communiqué peu anodin, Liz Truss, la ministre britannique des Affaires étrangères dénonce un « complot », sur la base de ses services de renseignement. Elle donne même un nom précis : le candidat de Moscou serait Yevhen Murayev (6). Et le Kremlin maintient des « liens » étroits entre les services russes de renseignement et plusieurs anciens dignitaires du régime Ianoukovitch (7).

Tisser un rideau de fumée : sûrement

L’enjeu pour la Russie se situe en Ukraine, mais aussi ailleurs. En massant quelques troupes, quelques matériels, de façon la plus bruyante possible, on fixe l’attention générale sur l’Ukraine. Mais Moscou pourrait bien choisir de frapper ou marquer des points ailleurs. Il faut observer ce qui se passe au Moyen-Orient, en Syrie notamment : après onze ans de guerre, la normalisation se joue aujourd’hui pour le régime Assad. Une normalisation dont compte bien profiter le Kremlin engagé depuis bientôt dix ans militairement.

Regarder ailleurs

Il faut aussi surveiller de près l’Afrique, surtout francophone qui semble la première cible de Moscou. Après la Centrafrique, le Mali est dans ses filets. Et le Niger ou le Burkina Faso pourraient suivre. L’objectif est d’obliger la France, principal acteur militaire européen, à reculer. Ce qui serait une ineffable victoire pour les Russes, militaire et politique. À quelques semaines de la présidentielle, un revers au Mali placerait le président Emmanuel Macron dans une position difficile.

Il faut enfin surveiller le pourtour russe. Les troupes russes sont présentes dans plusieurs pays : Biélorussie, Moldavie, Géorgie… Et Moscou a toujours joué une partition complexe, activant l’un ou désactivant l’autre. Rester donc centré sur l’Ukraine relève d’une myopie dangereuse.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Avec un PIB aux alentours de 1500 milliards $ de PIB (en 2020), la Russie est loin derrière les pays européens (devant l’Espagne mais largement derrière par l’Italie ou la France). Elle n’a toujours pas récupéré de la chute entamée en 2014 (le pic de 2013 avec presque 2300 milliards $ est loin). Sa population (presque 150 millions d’habitants) est en décroissance lente (le taux de natalité/mortalité n’assure pas le renouvellement des générations). Le niveau de richesse par habitant stagne : pas plus de 10.000 $ par habitant (à peine plus que le Brésil). Quant au budget militaire, il est officiellement à peine plus que 60 milliards $ (à cela il faut ajouter le budget des forces de sécurité intérieure).
  2. Le fait d’avoir attiré dans ses filets d’anciennes gloires de la politique nationale tels l’Allemand Gerhard Schröder ou le Français François Fillon entre également dans cette tactique.
  3. Une augmentation bien réelle. Entre 2014 et 2020, selon les derniers chiffres de l’agence européenne de défense, les budgets européens de défense ont augmenté d’environ un quart, les 27 investissant 40 milliards € supplémentaires dans leur défense (Lire : Le budget des 27 pour la défense : environ 200 milliards d’euros. Les données EDA expliquées).
  4. L’industrie de l’armement russe représente la moitie de l’investissement en R&D national (Facon 2011). Elle représente le 5e poste à l’export de l’économie russe, permettant d’engranger 15 milliards $ en 2020 (Tass/Congress 2021). Le carnet de commandes de Rosoboronexport se montait à près de 54 milliards $ en juin 2021 (Interfax/Congress 2021). Neuf entreprises russes figurent dans le Top 100 Mondial (Sipri 2021)
  5. Les Russes pour faire valoir leur stratégie et enclencher une négociation. Les Américains pour justifier cette négociation (avec un leitmotiv : nous nous battons comme des lions pour imposer le monde libre et préserver la paix).
  6. Ancien député de Kharkov (ville russophone), propre sur lui, jeune (45 ans), Yevhen Murayev est un ancien membre du parti des régions de Ianoukovitch. Il a créé en 2018 son propre parti Nashi (Nous) et est surtout le propriétaire de la chaine de télévision Ukraine News One.
  7. Serhiy Arbuzov et Mykola Azarov, deux anciens premiers ministres, Andrii Kluyev, ancien chef de l’administration présidentielle, ou Vladimir Sivkovich, l’ancien numéro du Conseil de défense et de sécurité (RNBO). Quatre personnages sont suivis de près par les renseignements ukrainiens (SBU) comme occidentaux. Les trois premiers ont été mis sur liste noire par l’Union européenne pour détournement de fonds (suite à une plainte de Kiev).

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Un soldat français tué à Gao. Plusieurs autres blessés dans une attaque au mortier

dim, 23/01/2022 - 12:23

(B2) Ce n’est pas la première fois que le camp de Gao est attaqué. Mais cette fois, l’attaque a été mortelle.

L’attaque a été commise au mortier samedi après-midi (22 janvier) sur cette base gigantesque — où sont colocalisées les forces françaises de Barkhane (avec des Estoniens en soutien) et les Casques bleus de la Minusma — située dans la partie Nord du Mali. Plusieurs soldats ont été touchés.

Le brigadier Alexandre Martin, du 54e régiment d’artillerie de Hyères, a été touché très gravement. Malgré la prise en charge rapide par l’équipe médico-chirurgical sur place, il est « décédé de ses blessures » annonce l’état-major ce dimanche (23 janvier). Neuf autres soldats ont été blessés plus légèrement.

Né en mars 1997 à Rouen, âgé de 24 ans, il s’était engagé dans l’armée très jeune, il y six ans. Il était depuis octobre, avec une partie de son régiment, au Mali.

Le camp de Gao a été l’objet de plusieurs attaques au mortier en décembre dernier. Heureusement sans faire de victimes (lire : La MINUSMA cible de plusieurs attaques en quelques jours). En juillet 2019, une attaque suicide, au véhicule piégé, avait fait plusieurs blessés dont certains graves (lire : Plusieurs soldats français et estoniens blessés à Gao lors d’une attaque suicide)

(Nicolas Gros-Verheyde)

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Les FAZSOI françaises vont former des soldats mozambicains. Sur la pointe des pieds

jeu, 20/01/2022 - 18:30

(B2) Les Français vont finalement participer à la mission de formation militaire de l’UE au Mozambique (EUTM Mozambique) dirigée par les Portugais. Mais pas avant l’été. Et de façon ponctuelle. Un engagement sur la pointe des pieds, qui contraste avec les déclarations officielles vibrionnantes sur l’Europe de la défense.

Le détachement du 2e RPIMA en reconnaissance à Catembe (photo : DICOD / EMA)

Des éléments des FAZSOI en reconnaissance

Les militaires du 2e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa) viennent d’effectuer une « mission de reconnaissance » au Mozambique entre le 6 et le 12 janvier. Objectif affiché : « contribuer à l’effort européen », selon l’état-major des armées, mais aussi faire le point sur « les actions de coopération menées » par les Français à titre bilatéral. Lors de sa présence sur le sol mozambicain, la délégation du 2e RPIMa, dirigée par un lieutenant-colonel, a pu notamment visiter le camp d’entraînement de Catembe, l’un des deux lieux de formation d’EUTM (où sont formés les fusiliers marins mozambicains).

Un détachement d’instruction opérationnelle, bientôt

Bilan de cette reconnaissance : positif. « Dans les prochains mois », le 2e RPIMa — basé à Saint Pierre de La Réunion (au sein des FAZSOI, les forces armées de la zone sud de l’Océan indien) — va mettre sur pied ce qu’on appelle au niveau français un “détachement d’instruction opérationnelle” (ou DIO) au profit des forces armées mozambicaines, pour apporter son savoir-faire dans quatre domaines : « la logistique, la santé, la maintenance et le soutien ».

Pas de contribution

Il serait temps ! La mission EUTM a été officiellement lancée en novembre (lire : La mission EUTM Mozambique lancée). Et sans la France. Elle repose essentiellement sur le Portugal, qui fournit une bonne partie des effectifs et le chef de mission. Elle compte une dizaine de pays contributeurs, de la Lituanie à la Belgique, en passant par la Grèce ou l’Espagne. Après avoir un peu tergiversé, Paris avait en effet décidé de ne pas participer, préférant fournir, au coup par coup, certaines formations, en fonction des besoins. C’était d’ailleurs le but essentiel de la visite du 2e RPIMA sur place.

Premier saut cet été

À priori, selon nos informations, le détachement français pourrait venir dans la seconde partie de la formation, à l’été, surtout sur l’aspect logistique. « La planification est en cours ». Cela se fera « en fonction de la demande et des besoins d’EUTM, de façon ponctuelle [et donc] non permanente » a précisé à B2 un officier.

Un volet maritime possible

Cet engagement pourrait aussi s’accompagner d’un volet maritime. Soit à titre bilatéral, comme cela s’est déjà fait dans le passé. Le 26 septembre dernier, le patrouilleur de haute mer Le Malin (P-701), avait ainsi embarqué neuf officiers de la marine mozambicaine, pour deux jours de navigation, jusqu’à Maputo. Soit à titre européen, dans le cadre de la reconfiguration de l’opération Atalanta et des présences maritimes coordonnées, si la décision est prise, de descendre aussi bas dans l’Océan indien (Lire notre analyse complète, sur B2 Pro : L’Indo mais pas le Pacifique. L’Europe revoit son ambition maritime à la baisse).

(Nicolas Gros-Verheyde, avec Helen Chachaty à Paris)

Lire aussi :

Et notre dossier :

N°89. L’UE face à la crise dans le Nord du Mozambique à Cabo Delgado déploie une mission de formation

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Les Danois arrivent dans Takuba. Mais pourraient repartir bientôt (v2)

mer, 19/01/2022 - 09:53

(B2) Le Danemark et l’Italie annoncent leur arrivée à Menaka. Un renfort bienvenu pour Paris. Alors que l’opération d’initiative française est bousculée par la présence du groupe Wagner. Et que le Mali multiplie les déclarations hostiles

(Levée du drapeau danois à Ménaka. photo : MOD Danois)

Le renfort danois est arrivé

« Environ 90 personnels » danois seront présents selon le ministère danois de la défense. Des forces spéciales, une équipe chirurgicale et du personnel de soutien et de logistique. Des effectifs qui « pourraient être renforcés, en cas de besoin » indique-t-on à Copenhague. Le contingent est basé à Ménaka (ville située non loin du Niger, près de la réserve de faune d’Ansongo-Ménaka).

Les forces spéciales seront affectées aux missions de conseil, de soutien et de coopération auprès des forces armées maliennes dans la zone des « trois frontières » (Mali-Niger-Burkina Faso). L’équipe chirurgicale est la seule de la task force Takuba.

Un mandat limité

Ce déploiement avait été annoncé en avril dernier (lire : Des Danois dans Takuba en 2022). Il est « pour l’instant » prévu jusqu’au début de l’année 2023, indique le ministère. Les Danois arrivent alors que la Suède se retirera dans quelques semaines (Lire : Les Européens restent au Mali… pour l’instant. Mais la légitimité de l’engagement est clairement posée).

Une présence vue d’un mauvais œil côté malien

Quelques jours à peine après le déploiement danois, le gouvernement malien a demandé par voie de communiqué, le 24 janvier, le retrait immédiat des forces danoises engagées dans la task force Takuba. Il évoque un déploiement opéré « sans son consentement » ni accord bilatéral. Une accusation réfutée par le Danemark.

L’Italie et la France déploient pleinement une capacité d’évacuation médicale

L’équipe franco-italienne d’évacuation médicale a été déclarée pleinement opérationnelle (le 15 janvier). Elle est composée de six hélicoptères : trois CH-47 Chinook et trois AH-129 Mangusta. Le dispositif est complété par une installation médicale pré-hospitalière pour le soutien médical.

(Helen Chachaty)

Lire aussi : La task-force Takuba prend de l’épaisseur lentement. Un à un les pays européens rejoignent la coalition anti-terroriste (v2)

(Mise à jour) Déclarations du Mali et du Danemark sur la présence des forces armées danoises sur le territoire malien.

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Les vols de la MINUSMA temporairement suspendus au Mali. Un nouveau grain de sable dans le rouage des opérations (v2)

mar, 18/01/2022 - 16:57

(B2) La MINUSMA a suspendu ses vols au-dessus du Mali. Une décision temporaire, mais qui intervient dans un contexte particulier.

Les Drones de la mission de l’ONU sont cloués au sol (Photo : Minusma)

Première décision du nouveau chef de mission

Deux jours après sa prise de fonction (14 janvier), le nouveau commandant de la MINUSMA, le général néerlandais Kees Matthijssen, a décidé la suspension temporaires des vols liés à la mission. Jusqu’à ce « que la mission reçoive l’autorisation des autorités gouvernementales », selon un courriel datant de dimanche (16 janvier), dévoilé par VOA, Voice of Africa. Ces vols concernent principalement la ligne aérienne entre Bamako et le nord du pays.

Cette décision intervient une semaine après les sanctions prises par la CEDEAO vis-à-vis de la junte militaire au pouvoir au Mali. Et quelques jours à peine après que le Mali a accusé la France de violer son espace aérien (lire : Le Mali dénonce la violation de son territoire par un avion français. La ministre botte en touche).

Une mesure confirmée par l’Allemagne

L’information a été relayée lors du point presse du ministère allemand des Affaires étrangères lundi (17 janvier), rapporte notre confrère Thomas Wiegold de AugenGeradeaus!. Interrogé, le porte-parole de la Bundeswehr a d’abord botté en touche. C’est la porte-parole du ministère qui a pris le relai, évoquant de nombreux vols suspendus. Les vols concernant les évacuations sanitaires ne sont pas concernés par cette mesure, a-t-elle précisé. En revanche, elle concerne également les missions de drones. À l’heure actuelle, les missions ISR (renseignement, surveillance, reconnaissance) ne peuvent donc être effectuées par les drones Heron 1 allemands.

Débloquer la situation

Des négociations ont été menées pour rétablir les vols. Les Nations unies et l’état-major de la MINUSMA ont discuté avec les autorités maliennes, indique la porte-parole du ministère, sans s’avancer davantage. Le 20 janvier, la MINUSMA annonce par voie de communiqué la reprise des vols « à la faveur d’une série de discussions fructueuses avec les autorités maliennes ».

(Mise à jour) Reprise des vols suite à des négociations entre les différentes parties.

(Mise à jour) de façon concrète, un A400M allemand qui faisait route vers le Niger mercredi (19 janvier) a dû rebrousser chemin et revenir aux Iles Canaries, du fait d’un refus du Mali d’autoriser le survol de son territoire.

German MoD @BMVg_Bundeswehr says #Mali denied overflight for #Bundeswehr mil Cargo aircraft enroute to Niger, A400M returning to Canary Islands @UN_MINUSMA

— thomas_wiegold (@thomas_wiegold) January 19, 2022

(Helen Chachaty, avec Thomas Wiegold à Berlin)

Lire aussi : L’embargo aérien contre le Mali non respecté par Air France, la Turquie et Ethiopian Airlines

Mis à jour 19 janvier 20h

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L’Europe embarque sur le Salamanca. La croisière s’amuse

mar, 18/01/2022 - 10:00

(B2) Le sommet One ocean, organisé par la présidence française du Conseil de l’Union européenne, du 9 au 11 février, aura lieu en partie sur l’eau.

Le Salamanca, tout nouveau navire de la compagnie bretonne Brittany Ferries devrait être amarré dans la rade de Brest et accueillir les participants, notamment les différents chefs d’États et de gouvernement, indique le journal de la marine marchande.

L’idée est bonne. Mais, en pleine campagne électorale, elle risque de donner un air “la croisière s’amuse” à une réunion très sérieuse. Dont l’objectif annoncé est majeur : « définir un cadre juridique international de protection à la haute mer ».

Le fait que ce joyau écologique ait été construit… dans les chantiers navals de Weihai en Chine, n’est pas non plus un atout du Made in Europe au moment où on proclame l’autonomie stratégique et la nécessité de réindustraliser les territoires européens.

(NGV)

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Parlement européen. Quatre candidats au perchoir. Trois femmes, une favorite

lun, 17/01/2022 - 12:30

(B2) Le décor est posé pour le renouvellement de la présidence du Parlement européen. Ce rendez-vous institutionnel à mi-mandat n’en est pas moins hautement politique.

  • Les députés européens se prononcent mardi (18 janvier), par un vote en plénière.
  • L’élection a lieu à la majorité absolue des votes valides, soit 50% des voix plus une, à bulletin secret, jusqu’au troisième tour si besoin. Si un quatrième tour est nécessaire, seuls les deux candidats ayant plus de voix y participeront. L’emportera celui qui reçoit le plus de voix.
  • Suivront l’élection des 14 vice-présidents et 5 questeurs. À partir de lundi 24 janvier, ce sera au tour des commissions parlementaires et délégations de renouveler leur président et vice-présidents.
Roberta Metsola – PPE

La favorite, Roberta Metsola

Dans les couloirs du Parlement à Bruxelles, cela ne fait plus aucun doute. C’est une femme qui sera élue à la tête de l’institution européenne pour la seconde partie du mandat (2019-2024). Sur les quatre candidatures déposées vendredi (14 janvier), trois sont des femmes. Parmi elles, celle du groupe de centre-droit du PPE, le premier groupe d’importance (en nombre de députés européens) : Roberta Metsola. Elle fait campagne depuis plusieurs semaines. C’est la favorite, un accord politique entre les groupes majoritaires voulant que la présidence à mi-mandat permette d’alterner la couleur politique. En l’occurrence, passer donc de la gauche (S&D) depuis 2019 avec David Maria Sassoli, à la droite (PPE) pour la deuxième partie du mandat (2022-2024).

Une candidate féminine mais pas assez féministe ?

Son nom est malgré tout loin de faire l’unanimité. Ses auditions par les différents groupes n’ont pas suffit à gommer les réticences liées à ses positions anti-avortement. « Il est vrai que ce serait un honneur d’avoir une femme comme présidente du Parlement européen. Mais ce n’est pas suffisant », glissait la Portugaise Margarida Marques (S&D). « La position de Roberta Metsola sur les droits des femmes ne nous rassure pas. Elle a voté contre l’avortement et a refusé toute législation sur la santé sexuelle et reproductive des femmes ».

L’accord politique toujours en négociation

La cheffe des sociaux-démocrates, Iratxe Garcia Perez, le répétait vendredi matin : « Après avoir entendu les candidats cette semaine, nous restons déterminés à construire une majorité pro-européenne qui permettra au Parlement de fonctionner avec responsabilité et stabilité, mais notre groupe doit être correctement représenté dans la maison. Nous cherchons également toujours à obtenir l’assurance que le prochain président du Parlement promouvra un agenda en accord avec nos priorités et nos valeurs. Pour l’instant, rien n’est décidé. »

Le choix du non choix ? À moins que… 

Les Sociaux-démocrates du S&D et les Libéraux centristes de Renew n’ont pas présenté de candidat. Faute de personnalité évidente pour le premier. Dans le respect des engagements pris en début de mandat pour le second, à savoir un accord politique d’alternance à mi-mandat. Mais la possibilité d’une candidature de dernière minute planait vendredi comme une rumeur insistante du côté du S&D — sachant que les candidatures peuvent encore être déposées jusque lundi 17h. Rien de tangible toutefois. Cette hypothèse témoignait en revanche de la fébrilité et de la tension autour de ce fameux accord politique recherché entre les trois “grands” (PPE, S&D et Renew). Toujours en négociation.

Alice Bah Kuhnke – Verts

La candidature surprise des Verts

Le groupe des écologistes Verts/ALE a lui décidé de « pimenter » le scrutin en proposant au dernier moment une candidate (Carnet du 13.01.22). La décision a été prise mardi soir (11 janvier) en réunion de groupe.

« Construire un Parlement européen plus féministe, durable et démocratique ». C’est l’accroche de celle qui a été choisi pour cette mission, Alice Bah Kuhnke. La Suédoise, vice-présidente du groupe, est membre notamment de la commission LIBE (libertés publiques) où siège également Roberta Metsola. Sa voix est réputée calme, « à l’image du président décédé David Sassoli », glisse une source connaisseuse.

La droite nationaliste a perdu sa bataille

K. Z – ECR

Les velléités de construire un ‘super’ groupe parlementaire né de l’éclatement des groupes actuels (ID, ECR et non-inscrits) a n’a pas réussi à voir le jour (Carnet du 7.12.21). Les groupes ID et ECR restent séparés. Annulant toute ambition pour le groupe ID de prétendre à une représentation au sein de la présidence du Parlement en opposant le nombre à la règle qui a prévalu jusque là entre les trois ‘grands’ , à savoir l’exclusion de l’extrême droite des postes à responsabilité. Cela reste bel et bien l’une des conditions à l’alliance, rappelée par Renew. Car « les nationalistes, qui méprisent nos valeurs communes, n’ont pas leur place dans ce dispositif ». Seuls les conservateurs (ECR) présentent un candidat. Le Polonais Kosma Zlotowski assume le rôle.

Sira Rego – GUE

La troisième femme à gauche

L’Espagnole Sira Rego porte elle la candidature de la gauche radicale (GUE). Comme elle l’avait fait en 2019 au début du mandat. Une candidature « résolument féministe », met en avant la Française Manon Aubry, co-présidente du groupe, comme pour faire front aux positions anti-avortement de Roberta Metsola.

Un scrutin très politique

Le décès du président sortant S&D, l’Italien David Maria Sassoli, a certainement étouffé les joutes d’une rentrée parlementaire endeuillée et peinée. Le scrutin n’en reste pas moins politique. L’issue dira si le Parlement européen pourra compter sur une ligne politique forte pour la fin du mandat, au gré d’un accord politique entre les trois groupes, ou si les alliances politiques devront se recomposer. L’enjeu pour l’institution européenne, la seule élue directement par les citoyens, n’est pas moindre. Il en va de son influence politique face au Conseil européen et à la Commission européenne…

(Emmanuelle Stroesser)

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Un Portugais aux commandes d’Atalanta au large de la Somalie. Avec des moyens limités

lun, 17/01/2022 - 10:00

(B2) Le commodore portugais João Paulo Silva Pereira a pris à la mi-janvier le commandement de la force maritime de l’UE déployée au large de la Somalie (EUNAVFOR Atalanta).

Le commodore Silva Pereira et son état-major (Photo : EUNAVFOR Atalanta)

A bord d’une frégate espagnole

Le Portugais est officiellement commandant de la force depuis le 12 janvier 2022 pour deux mois. Il a pris concrètement ses fonctions vendredi (14 janvier). Il n’opère pas à bord d’un navire portugais. Mais d’une frégate espagnole, l’ESPS Victoria (F-82), qui lui sert de navire amiral. Une habituée de la zone. Il est épaulé par un petit état-major (FHQ) composé d’une vingtaine d’autres marins, essentiellement portugais (cinq) et espagnols. Le commandement de l’opération (OHQ) est situé à Rota (Espagne), dirigé par le vice-amiral José M. Nunze Torrente.

C’est la 39e rotation du commandant de force de puis le début de l’opération en décembre 2008. Le précédent commandant de la force, le rear admiral espagnol Alejandro Cuerda Lorenzo, le 14 décembre dernier, remettait le commandant de force temporairement au commandant d’opération.

Un ancien officier du Corte Real

Âgé de 54 ans, Silva Pereira est un officier expérimenté. Entré dans la Marinha (la marine portugaise) en 1986, il a commandé la frégate Corte Real (F-332) entre 2010 et 2012. Le premier navire portugais engagé en 2011 dans l’opération anti-piraterie en 2011 dans le cadre de l’opération de l’OTAN Ocean Shield.

Une opération aux moyens limités

Les moyens de l’opération restent actuellement limités et fournis essentiellement par l’Espagne, qui soutient à bout de bras cette opération depuis ses débuts (2008). Madrid fournit ainsi le navire-amiral (et le seul navire), équipé d’un hélicoptère de type Agusta Bell AB212 (ou deux selon le moment), ainsi qu’un drone de type Scan Eagle, et un avion de patrouille maritime P3 Orion basé à Djibouti. Délaissée par les autres pays. Tous les autres pays se sont retirés. L’Allemagne n’a plus d’avion de patrouille maritime à offrir. La France n’y contribue que quand elle a le temps (souvent par le biais de ses moyens basés à La Réunion). La Grèce et la Suède ont d’autres préoccupations dans leurs eaux respectives, etc.

La fin abrupte d’Atalanta I, en attendant Atalanta II?

Ce pourrait être le dernier commandant de force de l’opération. Du moins dans son format actuel. Le Conseil de sécurité des Nations unies n’a en effet pas réussi à renouveler le mandat exécutif de l’opération que pour trois mois, jusqu’au 3 mars 2022. La Somalie ayant refusé de donner son autorisation pour la première fois depuis 2008. Sauf accord avec Mogadiscio ou décision internationale, les navires européens seront interdits d’entrer dans les eaux territoriales. Mais les Européens s’activent déjà pour une opération Atalanta II, qui aura une portée plus large et devra être revivifiée, dans le cadre des présences maritimes coordonnées (lire notre article à venir sur B2 pro).

(Nicolas Gros-Verheyde)

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