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Diplomacy & Crisis News

Taïwan en quête de souveraineté économique

Le Monde Diplomatique - Wed, 07/12/2016 - 16:05

Elue triomphalement, Mme Tsai Ing-wen, issue du Parti démocrate progressiste (indépendantiste), prend ses fonctions de présidente de la République de Chine (Taïwan) à la fin du mois. Inutile de dire que Pékin voit son arrivée sans enthousiasme, si ce n'est avec une certaine hostilité. La nouvelle présidente devra également faire face aux aspirations sociales des Taïwanais.

Chang Ling. – « A Drifting Mind » (Un esprit flottant), 2013

L'éclatante victoire de Mme Tsai Ing-wen et du Parti démocrate progressiste (PDP) aux élections du 16 janvier 2016 marque un tournant dans l'histoire politique de Taïwan. S'il avait perdu la présidence entre 2000 et 2008, le Kuomintang (KMT) était toujours parvenu à conserver une majorité de sièges au Parlement. Il s'agit donc de la première véritable alternance depuis la levée de la loi martiale et la démocratisation, en 1987.

Elue avec 56,1 % des voix, Mme Tsai dispose d'un solide mandat populaire et d'une confortable majorité parlementaire (68 sièges sur 113) pour mettre en œuvre son programme et répondre aux inquiétudes de ceux pour qui la politique de rapprochement des deux rives du détroit de Formose, engagée par le gouvernement KMT sortant, a mis en péril la souveraineté et la sécurité de l'île. L'hostilité de Pékin pourrait néanmoins compliquer la tâche de la future présidente, qui prend ses fonctions le 20 mai.

Plusieurs facteurs ont contribué au succès de Mme Tsai et de son parti. Le plus important est indéniablement le mécontentement social et l'espoir d'un nouveau souffle. A deux reprises, en 2008 puis en 2012, le KMT avait remporté les élections en agitant le spectre de la marginalisation économique en cas de victoire du PDP, mais aussi en mettant en avant les retombées positives d'une « relation privilégiée » avec la Chine. Durant ses deux mandats, le président Ma Ying-jeou a en effet signé une vingtaine d'accords qui ont permis l'ouverture de liaisons aériennes et maritimes directes, le développement du tourisme chinois de masse, ainsi qu'un accord-cadre de coopération économique (Economic Cooperation Framework Agreement, ECFA), premier jalon d'une zone de libre-échange entre les deux rives. Cette libéralisation du commerce a entraîné un accroissement considérable des investissements taïwanais en Chine : entre 1991 et 2015, ils se sont élevés à 154,9 milliards de dollars (136,7 milliards d'euros), dont 90 milliards au cours des cinq dernières années (1). En 2009, Taipei a autorisé les investissements chinois dans certains secteurs ; ils atteignaient 1,45 milliard de dollars (1,28 milliard d'euros) à la fin janvier 2016 (2).

« Mouvement des tournesols »

En dépit de toutes ces mesures, la croissance a fortement ralenti. Sur la période 2008-2013, le produit intérieur brut (PIB) a crû à un rythme de 3,3 % par an, contre 6,7 % entre 2000 et 2008. Et en 2015, il est tombé à 0,75 %, le pays entrant même en récession au cours des deux derniers trimestres. Si le taux de chômage est resté autour de 4 %, les critiques portent surtout sur la détérioration des conditions de travail et de vie. La croissance profite essentiellement aux plus riches, alors que le revenu mensuel moyen stagne : selon les chiffres du gouvernement, en 2013, il était au niveau de 1998 (respectivement 44 739 et 44 798 dollars taïwanais, soit environ 1 225 euros).

Pourtant, Taïwan est l'un des pays où le temps de travail est le plus long : 2 124 heures par an en moyenne pour un employé en 2013, contre 1 474 heures en France, d'après l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Et ces chiffres ne prennent pas en compte les heures non payées. Selon une enquête menée en 2011 par l'agence d'emploi Yes 123, 85,3 % des employés interrogés travaillaient plus de dix heures par jour, et 70 % n'étaient pas payés pour les heures supplémentaires (3). Dans le même temps, les prix de l'immobilier se sont envolés — la part de leurs revenus que les habitants de Taipei consacrent au logement est la plus élevée du monde (4).

Le rapprochement avec la Chine n'est pas seulement un échec économique. Il a aussi engendré de nouvelles formes de danger pour la démocratie taïwanaise. Les médias se retrouvent exposés à une triple pression chinoise : rachat par des entrepreneurs taïwanais de groupes de presse comme China Times, pour rendre la ligne éditoriale favorable à Pékin ; autocensure pour vendre les programmes sur le marché chinois ; recours à des prête-noms pour contourner l'interdiction faite à Pékin de publier à Taïwan (5). L'expérience hongkongaise de la censure et de la répression chinoise à l'encontre de la presse et des mouvements étudiants a joué un rôle important dans la sensibilisation aux risques d'une poursuite effrénée de l'intégration des deux rives.

Par ailleurs, le manque de transparence dans les négociations avec Pékin et la volonté répétée d'outrepasser les mécanismes de contrôle parlementaire ont accru la méfiance vis-à-vis du pouvoir. Pour une partie croissante de l'électorat, M. Ma a trahi sa promesse de défendre la souveraineté et la démocratie pour s'engager sur la voie de l'unification.

Tous ces mécontentements se sont cristallisés dans le « mouvement des tournesols », lorsque les étudiants ont occupé le Parlement pendant plus de trois semaines, en mars-avril 2014, pour protester contre la tentative de passage en force d'un accord de libéralisation des services (6). Inquiets de l'influence néfaste du régime autoritaire en place de l'autre côté du détroit, ils ont réaffirmé que Taïwan n'était pas une province chinoise, mais un Etat souverain.

Cette jeunesse, qui a grandi après les réformes démocratiques et qui rejette massivement le scénario d'unification tout comme la formule chinoise « Un pays, deux systèmes », a été l'un des facteurs-clés des défaites électorales du KMT. Deux sondages postélectoraux montrent que les 20-29 ans, qui représentent 17 % de l'électorat, se sont fortement mobilisés lors de l'élection présidentielle : 74,5 % d'entre eux ont voté, contre 66,2 % pour l'ensemble du corps électoral ; 71 % des primo-votants (20-23 ans) et 80 % des 24-29 ans ont choisi Mme Tsai (7).

Au total, si la Chine reste un voisin difficile à ignorer, elle ne représente plus la solution miracle pour l'île. Dans ses discours de campagne, Mme Tsai a fait valoir que Taïwan ne maîtrisait plus suffisamment sa trajectoire économique et politique. Elle souhaite donc réduire les facteurs de dépendance. Trois grands dossiers attendent l'administration PDP, à commencer par la relance de l'économie, qui souffre de problèmes structurels majeurs. La croissance est essentiellement tirée par les exportations, dont 40 % filent vers la Chine (et Hongkong), selon un schéma établi depuis plus de vingt ans : les produits sont fabriqués en Chine par des entreprises taïwanaises et exportés vers le reste du monde (« made in China by Taiwan for the world »).

Très peu d'entreprises sont parvenues à développer des marques internationalement reconnues. Le gros du tissu industriel reste dépendant de contrats de sous-traitance pour les grandes sociétés internationales, ce qui le rend vulnérable aux fluctuations de l'économie mondiale. Jusqu'ici, les délocalisations en Chine des usines d'assemblage (comme Foxconn) se sont accompagnées d'une balance commerciale fortement excédentaire. En 2010, Taïwan enregistrait un excédent record de 41,7 milliards de dollars avec la Chine. Mais les économies des deux rives, qui étaient complémentaires, entrent désormais en concurrence.

Les entreprises taïwanaises sont progressivement exclues de la mise en place d'une chaîne de production et d'approvisionnement chinoise rassemblant des grands groupes (Lenovo, Huawei, Tsinghua Unigroup, etc.) et des petites et moyennes entreprises (PME) devenues fournisseurs. Cela explique en grande partie la baisse des exportations, qui, couplée à l'augmentation des importations de produits chinois, a fait chuter l'excédent commercial à 28,1 milliards de dollars en 2015.

Pour donner un second souffle à l'économie et pour rééquilibrer le commerce extérieur, Mme Tsai veut renforcer les liens avec les autres acteurs de la région, plus particulièrement le Japon (6 % des exportations en 2014) et les Etats-Unis (11 %) (8). Elle ne remet pas en cause la libéralisation des échanges, mais elle souhaite réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine et propose que Taïwan rejoigne le partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership, TPP), l'accord de libre-échange négocié à l'initiative de Washington. Parallèlement, elle a annoncé la mise en place d'une « nouvelle politique en direction du sud », en référence à l'initiative lancée dans les années 1990 pour encourager les entreprises à investir et à trouver des débouchés en Asie du Sud-Est. Enfin, l'Inde a été désignée comme un partenaire à privilégier (9).

Le futur gouvernement a en outre l'intention d'encourager le développement d'une industrie tournée vers les technologies de nouvelle génération à forte valeur ajoutée. Il a désigné cinq secteurs : les énergies vertes, les biotechnologies, les objets connectés, les machines intelligentes et la défense nationale.

Certains experts estiment que l'Etat ne devrait pas hésiter à intervenir pour planifier et centraliser les ressources afin de créer un environnement favorable aux activités de recherche-développement et aux investissements dans ces secteurs. Des fonds publics pourraient être investis dans des instituts de recherche ou des entreprises, comme ce fut le cas avec la création de l'Institut de recherche sur la technologie industrielle, le parc industriel de Hsinchu ou l'entreprise United Microelectronics Corp. (UMC) dans les années 1970-1980, au moment où l'île a réorienté son industrie vers les technologies de l'information (10).

Si elle est tenue, la promesse électorale d'un « pays libéré du nucléaire » d'ici à 2025 — alors qu'il en dépend actuellement pour près de 20 % de sa production d'électricité — pourrait stimuler le développement des énergies vertes.

Durant sa campagne, Mme Tsai a également fait miroiter une meilleure répartition des richesses et l'amélioration des conditions de vie de la population par une série de mesures sociales. Cela passerait notamment par l'augmentation du revenu minimum (actuellement de 20 008 dollars taïwanais, soit 540 euros, ce qui ne permet pas de subvenir aux besoins fondamentaux) et par la baisse du plafond légal des heures de travail, qui, de quatre-vingt-quatre heures pour deux semaines actuellement, serait ramené à quarante heures hebdomadaires. La présidente s'est aussi engagée à construire 200 000 logements à des prix abordables et à fluidifier le marché de la location. Enfin, elle a promis d'améliorer, en coopération avec les collectivités locales, le système de sécurité sociale, en particulier pour les personnes âgées.

Relance de l'industrie de défense

Madame Tsai veut aussi renforcer l'industrie de défense et lui donner de nouveaux moyens. Cela devrait contribuer à relancer la croissance, selon la nouvelle équipe, qui promet la création de huit mille emplois et une moindre dépendance à l'égard des Etats-Unis pour les achats d'armements (11).

Lors de sa visite à Washington, en juin 2015, Mme Tsai a déclaré vouloir accroître les capacités de la défense taïwanaise. Celle-ci serait ainsi en mesure d'infliger suffisamment de dégâts à l'Armée populaire pour que Pékin hésite à la lancer contre l'île. On peut penser que la poursuite des programmes de missiles occupera une place prépondérante dans cette stratégie. Enfin, la création d'une « cyberarmée » vise à faire face aux nouveaux défis posés par la Chine en termes d'espionnage et de cyberattaques, qui sont déjà une réalité en dépit du réchauffement des relations avec Pékin sous la présidence de M. Ma.

Maintenir la stabilité de ces relations : c'est là le troisième dossier épineux auquel le PDP devra s'attaquer. C'est aussi celui sur lequel Mme Tsai aura le moins de prise, compte tenu de l'hostilité affichée par Pékin à l'encontre d'un parti dont la charte contient toujours une clause relative à l'indépendance — même s'il est peu probable qu'elle soit mise en œuvre. Tout en se présentant comme la présidente d'un « nouveau Taïwan » qui entend faire preuve de fermeté sur la question de la souveraineté, la présidente s'est engagée à promouvoir des relations « pacifiques, stables, sereines et durables » avec son voisin.

Elle a également assuré qu'elle ne reviendrait pas sur les accords signés, à l'exception de celui sur les services, qui n'est pas encore ratifié (12). Elle devrait donc s'en tenir à la position de la résolution sur l'avenir de Taïwan , adoptée par le PDP en 1999, selon laquelle il n'est pas nécessaire de proclamer l'indépendance car Taïwan est déjà un Etat indépendant et souverain. C'est certainement le sens qu'elle donne au « statu quo » qu'elle a affirmé vouloir maintenir tout au long de sa campagne pour rassurer l'électorat. Se disant ouverte au dialogue s'il s'engage sans conditions préalables, elle place la balle dans le camp de Pékin.

(1) « Cross-strait economic statistics monthly », no 275, Mainland Affairs Council, Taipei, février 2016.

(2) Ce chiffre inclut les projets annoncés mais non encore réalisés. « Cross-strait economic statistics monthly », op. cit.

(3) « Office workers' lives “deprived” », Taipei Times, 2 mai 2011.

(4) « Taiwan's economy amid political transition » (PDF), US-China Economic and Security Review Commission, Washington, DC, 6 janvier 2016.

(5) Hsu Chien-Jung, « China's influence on Taiwan's media », Asian Survey, vol. 54, no 3, Berkeley, mai-juin 2014.

(6) Jérôme Lanche, « A Taïwan, les étudiants en lutte pour la démocratie », Les blogs du Diplo, Lettres de…, 28 mars 2014.

(7) Enquêtes réalisées par Taiwan Thinktank, 17 et 18 janvier 2016, et TVBS Poll Center, 18 et 19 janvier 2016.

(8) Statistiques du ministère des affaires étrangères, Taipei, avril 2015.

(9) « Tsai debuts plan to bolster India, Asean relations », Taipei Times, 23 septembre 2015.

(10) « New industries call for new methodologies », Taipei Times, 4 avril 2016.

(11) « Tsai unveils ambitious national defense policy », Taipei Times, 30 octobre 2015.

(12) Signé en juin 2013, cet accord fait suite à l'ECFA. Il prévoit la réduction des barrières tarifaires dans 64 secteurs taïwanais et 80 secteurs chinois de services (finance, transport, édition et contenus culturels, tourisme et hôtellerie, loisirs…).

Brexit : Que s’est-il passé ? Que va-t-il se passer ?

Politique étrangère (IFRI) - Wed, 07/12/2016 - 10:35

C’est la saison des cadeaux et Politique étrangère ne se prive pas de vous faire plaisir ! Nous vous offrons à la lecture un second article du nouveau numéro (n°4/2016) : « Brexit : Que s’est-il passé ? Que va-t-il se passer ? », par Jolyon Howorth et Vivien Schmidt.

Le Brexit est à bien des égards l’accident qu’on attendait. Voici des décennies que les Britanniques sont soumis à un régime de fausses vérités eurosceptiques, diffusées par des élites médiatiques et politiques qui n’ont jamais tenté de montrer les aspects positifs du projet européen. La campagne du référendum a opposé ceux qui expliquaient pourquoi le Royaume-Uni devait quitter l’Union européenne, à ceux qui expliquaient pourquoi il ne devait pas la quitter. Les raisons de rester, les traits positifs de l’UE ont été oubliés. Mais le résultat du vote pourrait avoir, pour le Royaume-Uni comme pour l’Union européenne, mais aussi pour les relations transatlantiques – et donc pour l’ordre international libéral lui-même – des conséquences incalculables.

Le poids du passé

Le 11 novembre 1944, Winston Churchill rendait une visite symbolique à Charles de Gaulle pour commémorer l’armistice de 1918. Le général avança alors que si la France et le Royaume-Uni avaient eu de la guerre des expériences très différentes, les deux pays n’en étaient pas moins, à mesure que sa fin approchait, objectivement dans la même situation : d’anciens empires et de solides civilisations, mais des puissances moyennes et ruinées financièrement. Pourquoi, exhortait de Gaulle, ne joindraient-ils pas leurs forces et ne dirigeraient-ils pas ensemble une superpuissance européenne ? Churchill partageait l’analyse de de Gaulle, mais, remarqua-t-il, le Royaume-Uni avait, à la différence de la France, une autre solution : le lien transatlantique. La Grande-Bretagne manqua le coche à cette occasion et continua dès lors de le manquer. Le Brexit est la dernière manifestation – quoique sans doute la plus alarmante – des relations tortueuses, et pour finir ratées, du Royaume-Uni avec l’Europe. […]

La situation politique produite par le Brexit

Une majorité d’électeurs anglais et gallois ont rejeté les arguments du Remain, tandis que l’Écosse et l’Irlande du Nord s’y montraient favorables. La stratégie du gouvernement conservateur a essentiellement consisté à instiller la peur des conséquences délétères pour l’économie d’un vote en faveur d’une rupture avec l’UE. Cette approche négative, impuissante à décrire les bonnes raisons qu’auraient les électeurs britanniques de rester dans l’UE, n’est pas parvenue à convaincre. Si les économistes et les experts jugeaient qu’en quittant l’Union le Royaume-Uni courrait au désastre, on entendit jusque dans la City des voix – et non des moindres – se déclarer en faveur d’un départ de l’UE, en dépit des inquiétudes suscitées par la perte éventuelle des droits liés au « passeport financier », qui pénaliserait les transactions avec le continent. Un argument fut souvent repris : si Cameron pensait vraiment qu’un vote pour la séparation conduirait à la catastrophe, pourquoi avait-il déclaré, durant les négociations avec l’UE, qu’il ferait lui-même campagne pour le Leave s’il n’obtenait pas satisfaction ? Et, poursuivait-on, si tout cela était d’aussi mauvais augure pour la Grande-Bretagne, pourquoi, d’abord, avoir décidé de la tenue d’un référendum ? La réponse était que le référendum ne concernait pas tant l’UE que le Parti conservateur lui-même : en annonçant sa tenue, Cameron cherchait surtout à panser les plaies de son parti, divisé entre des membres de plus en plus eurosceptiques et des europhiles de moins en moins nombreux, mais aussi miné par le glissement des électeurs conservateurs vers le UKIP (United Kingdom Independence Party). Mauvais calcul.

[…]

Se pencher sur les inquiétudes des Brexiters n’implique pas qu’on doive leur céder, pas plus qu’on ne doit laisser la porte ouverte aux appels des populistes qui entendent organiser dans toute l’Europe des référendums de sortie. Cela signifie repenser l’UE, d’une façon qui puisse répondre aux mécontentements par la créativité institutionnelle, par un new deal encourageant la poursuite de l’intégration tout en respectant les citoyens qui souhaitent un meilleur contrôle national et plus de démocratie.

La Grande-Bretagne s’est mise avec le Brexit dans une situation inextricable. Il n’est pas impensable qu’après quelques décennies d’isolement humide au milieu de la mer du Nord, mal-aimé et peu apprécié du reste du monde, le Royaume-Uni – vers le milieu du xxie siècle – décide de re-présenter une demande d’adhésion à l’Union européenne, en accepte toutes les obligations, et devienne le plus discipliné et le plus enthousiaste de ses membres.

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Recent violence in Central African Republic spotlights subregion's volatility, Security Council told

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Despite a peaceful and successful transition in the Central African Republic (CAR) earlier in 2016, the recent outbreak of violence there had demonstrated the extremely fragile situation in the country, the Secretary-General&#39s Acting Special Representative and Head of the United Nations Regional Office for Central Africa (UNOCA), told the Security Council today.

In Vienna, Ban says UN and Austria will continue cooperation in promoting shared goals

UN News Centre - Wed, 07/12/2016 - 06:00
Kicking off what is likely to be his final overseas trip before leaving office at the end of the month, United Nations Secretary-General Ban Ki-moon arrived in Austria today, meeting the President-elect, foreign ministry officials, and press in Vienna.

On International Day, top UN aviation official recalls contributions of civil aviation

UN News Centre - Wed, 07/12/2016 - 06:00
In a message on the International Civil Aviation Day, celebrated annually on 7 December, the head of the United Nations civil aviation agency underlined the socio-economic importance and contribution of air travel and aviation.

No Chance

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Wed, 07/12/2016 - 00:00
(Own report) - Shortly after the conservative candidate in the French presidential elections was decided, Berlin began to apply pressure on François Fillon, who had won his party's nomination. Even though Berlin is applauding Fillon's neoliberal austerity measures - which include an increase in the value added tax and the firing of half a million civil servants - his foreign policy plans clearly run counter to Berlin's policy, according to experts. A fellow at the German Council on Foreign Relations (DGAP), for example, criticizes the fact that Fillon "aims" to "retake France's sovereignty" and to have a cooperative relationship with Russia. Invoking "European civilization," Norbert Röttgen, chair of the German Bundestag's Committee on Foreign Affairs, declared with an air of an ultimatum that this "obviously must be discussed with François Fillon." Even France's experts are assuming that should Fillon win the presidential elections - according to polls a real possibility - he would not be able to pursue a policy toward Russia independent of Berlin's.

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With winter coming and funding running low, the U.N. refugee agency is racing to avoid another humanitarian disaster in Iraq.

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Venezuela's economy is in shambles. Are its peace talks, too?

Taiwan’s President Says She Just Really Wanted to Congratulate Trump

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Tsai Ing-wen says her unprecedented phone call doesn't signal a policy shift, but has she thought through all the risks?

Russia Promises to Wipe Out Anyone Left in Eastern Aleppo

Foreign Policy - Tue, 06/12/2016 - 20:36
Washington and Moscow Spar Over Which Rebel Groups to Bomb, and Which to Work With

What Does Trump Have Against Boeing and Air Force One?

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The president-elect has Boeing beef.

It Was a Corruption Election. It’s Time We Realized It.

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American politics is profoundly corrupt. Until we come to grips with that fact, the populists will keep winning.

Jayalalithaa Is Gone. What Now for South India?

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Will the death of a beloved leader throw the country into chaos?

Putin and Abe Are Hoping to Forge Closer Russia-Japan Ties

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Why is Putin turning toward Tokyo?

Orban and Trump Want Closer Ties, But Politics Could Get in the Way

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Donald Trump and Viktor Orban might be able to develop a close relationship -- if their populist politics don't put them at odds.

Theresa May Is a Religious Nationalist

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You can't understand the British prime minister’s politics, or her Brexit strategy, without understanding her Anglicanism.

La réunification de la Corée aura-t-elle lieu ?

Le Monde Diplomatique - Tue, 06/12/2016 - 11:46

Soixante-trois ans après la fin de la guerre qui a divisé la Corée en deux, aucun traité de paix n'a été signé pour normaliser les relations entre les deux pays. Au Sud, les dirigeants conservateurs imaginent une absorption du Nord sur le modèle de la réunification allemande. L'histoire coréenne ne présente pourtant que peu de points communs avec celle de l'Allemagne.

Lee Gap Chul. – Dans le quartier de Sanbokdoro à Busan (Corée du Sud), 2014 Ses photographies sont exposées à La Maison de la Chine, place Saint-Sulpice à Paris jusqu'au 26 février 2016.

Emouvantes retrouvailles entre Coréens du Nord et du Sud dans la célèbre station du mont Kumgang, en République populaire démocratique de Corée (RPDC). Larmes et sourires mêlés, des hommes et des femmes, souvent très âgés, ont revu un frère, une sœur, une mère, un père, un fils ou une fille pour la première fois depuis la cassure de la péninsule, en 1953. En vertu de l'accord de l'été dernier entre les deux gouvernements, 400 Sud-Coréens, tirés au sort parmi les 66 488 personnes qui en avaient fait la demande auprès des autorités de Séoul, ont été autorisés à franchir la frontière, le 20 octobre 2015 (1). Quand ces rencontres cesseront-elles de faire l'événement pour appartenir à la vie quotidienne ? Nul ne le sait.

Certes, on trouve au Nord de formidables fresques saluant l'unification et, au Sud, un ministère du même nom. De chaque côté, on assure rechercher les voies de l'indispensable réunion « du » peuple coréen. Mais, dans les faits, le rapprochement n'avance guère. Pour la plupart des commentateurs, la faute en revient aux dirigeants nord-coréens et à leurs lubies provocatrices. Celles-ci apparaissent d'autant plus dangereuses que Pyongyang affirme détenir l'arme nucléaire. Pour autant, nombre d'observateurs, en Corée du Sud, refusent de lui faire porter le chapeau. Ils soulignent la responsabilité des gouvernements de Séoul, notamment depuis 2008. Beaucoup pointent également du doigt les Etats-Unis.

Pour comprendre les peurs qui agitent les deux Corées, il faut se replonger dans une histoire lourde de drames. Dès 1910, la péninsule est occupée par le Japon, qui impose un régime d'une cruauté extrême — une occupation, avec son lot de résistances (plutôt au Nord, industrialisé) et son cortège de collaborateurs. Libéré des Japonais, le territoire se retrouve livré aux « forces de paix » : au Nord, les troupes soviétiques, Kim Il-sung prenant la tête du pays ; et au Sud, les Etats-Unis, qui installent un pouvoir autoritaire en s'appuyant sur des forces ayant collaboré avec Tokyo. Jouant du dépit des progressistes, le Nord envahit le Sud, avant d'être repoussé par l'armée américaine, mandatée par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU), alors boycottée par l'URSS. S'ensuivra un déluge de feu auquel participera — au moins symboliquement — la France. Le général Douglas MacArthur, qui dirige les opérations, menace à plusieurs reprises d'utiliser l'arme atomique (2). Seule l'entrée en guerre des troupes chinoises évitera à la Corée du Nord l'éradication totale et à la Chine le stationnement de l'armée américaine à ses frontières.

Quand le Nord dépassait le Sud

Le 27 juillet 1953, un armistice est signé à Panmunjeom, sur le 38e parallèle, ligne de démarcation d'avant l'offensive militaire. Une guerre pour rien, en quelque sorte. Aujourd'hui encore, deux baraquements bleus, séparés par des dalles en béton au sol, matérialisent la frontière dans la « zone démilitarisée » (demilitarized zone, DMZ), avec d'un côté des soldats américains (estampillés ONU) et sud-coréens et de l'autre des militaires nord-coréens, figés dans un invraisemblable face-à-face.

A rebours des idées reçues, l'ancien ministre sud-coréen de l'unification (2002-2004) Jeong Se-hyun, rencontré à Séoul quelques semaines avant le voyage des familles de l'autre côté de la frontière, rappelle qu'il fut un temps où « c'est le Sud qui craignait une réunification sous l'égide du Nord ». Ce dernier, malgré les dévastations, affichait alors un produit intérieur brut (PIB) deux fois plus élevé. Mais, au milieu des années 1960, le Sud décolle tandis que le Nord régresse. La peur change de camp, mais la méfiance s'installe de part et d'autre.

Ce septuagénaire qui a vu alterner des périodes d'ouverture et de complète fermeture raconte avec moult détails la saga des deux frères ennemis, où le plus inconstant n'est pas celui qu'on croit : « La politique du Sud vis-à-vis de la Corée du Nord change au rythme des présidents de la République. Elle varie en fonction de leur sentiment anticommuniste (ou non) ainsi que de leur croyance (ou non) dans l'effondrement rapide du Nord. »

Dès 1972, une première « déclaration commune » envisage une possible « réunification ». Mais c'est après la fin de la dictature au Sud, et surtout après la chute du mur de Berlin, que Séoul change de braquet. « Le président Roh Tae-woo [1988-1993] a senti que le monde bougeait. Il avait beau être un militaire, il n'était pas obsédé par l'anticommunisme, et il a jeté les bases d'un accord avec Pyongyang », explique M. Jeong. Le 21 septembre 1991, les deux Corées intègrent officiellement l'ONU. Trois mois plus tard, elles signent un « accord de réconciliation, de non-agression, d'échanges et de coopération » — une énumération de grands principes. Mais, à défaut d'entrer dans l'état de paix, on est sorti de l'état de guerre.

Selon M. Jeong, les dirigeants nord-coréens veulent en profiter pour normaliser leurs rapports avec les Etats-Unis ; d'autant que les aides soviétiques se sont volatilisées avec l'URSS. En janvier 1992, assure-t-il, « Kim Il-sung envoie son propre secrétaire au siège de l'ONU à New York pour une rencontre secrète avec un émissaire américain, porteur d'un seul message : “Nous renonçons à réclamer le retrait des troupes américaines du Sud ; en contrepartie, vous garantissez que vous ne remettrez pas en cause l'existence de notre pays.” George Bush père répondra à l'offre par le silence. C'est à ce moment que Kim Il-sung lance sa politique nucléaire, convaincu que Washington veut rayer la RPDC de la carte ». Ce qui n'était pas entièrement faux. Comme tout Sud-Coréen, M. Jeong désapprouve ce recours au nucléaire, mais il insiste sur l'ordre des responsabilités, contredisant l'histoire officielle : Washington jette de l'huile sur le feu ; Pyongyang réagit.

A Séoul, le successeur de M. Roh, Kim Young-sam, est persuadé, à l'instar du président américain, que le Nord communiste va s'effondrer, comme l'Allemagne de l'Est en son temps. Il cadenasse toutes les issues afin de précipiter sa perte. La RPDC, elle, connaît une période de famine dans la seconde moitié de la décennie 1990, qui fait près d'un million de morts et dont les séquelles se font sentir jusqu'aujourd'hui (3). Mais la dure répression et les réflexes nationalistes de sa population l'empêcheront de voler en éclats.

La légende assure que le blocus a été brisé en 1998, quand Chung Ju-yung, le fondateur de Hyundai, l'un des plus puissants chaebol (conglomérats) sud-coréens, franchit la frontière à la tête d'un troupeau de mille vaches, symbole de l'aide humanitaire, avant de rencontrer le président nord-coréen. Mais la grande percée sera la poignée de main historique entre Kim Jong-il (Nord) et Kim Dae-jung (Sud), en juin 2000. S'ouvre alors une décennie de dialogue et d'échanges : ouverture d'un site touristique au mont Kumgang (2003) et d'une zone industrielle à Kaesong, en territoire nord-coréen, avec des entreprises sud-coréennes (2004) ; reconnexion, sous surveillance, de quelques liaisons ferroviaires et routières (2007), etc.

Cette sunshine policy (« politique du rayon de soleil »), ainsi baptisée par Kim Dae-jung en référence à la fable d'Esope Le Soleil et le Vent, a connu bien des orages, alimentés par les surenchères nucléaires de Pyongyang (trois essais depuis 2006), les intransigeances américaines, l'ambiguïté chinoise. Elle a complètement sombré avec l'arrivée en 2008 du président conservateur sud-coréen Lee Myung-bak, qui fait le choix de la confrontation. Seul vestige de cette décennie prometteuse : le complexe de Kaesong.

Faut-il pour autant tirer un trait sur tout espoir de paix, voire de réunification ? Bien que conservatrice comme M. Lee, la présidente Park Geun-hye avait promis en arrivant au pouvoir, en 2013, de bâtir une « politique de confiance » (trust policy), à mi-chemin entre la « politique du rayon de soleil » et la fermeture totale de son prédécesseur. Mais, si l'on excepte les rencontres familiales d'octobre dernier, rien ne semble bouger. « Mme Park appuie sur le frein et sur l'accélérateur en même temps, lance M. Jeong. Cela fait beaucoup de bruit, mais on reste sur place. »

Washington, le grand obstacle

Directeur du Centre des études nord-coréennes à l'institut Sejong à Séoul, Paik Hak-soon n'est guère plus tendre avec la présidente, qu'il accuse de manipuler la question nord-coréenne pour de sombres raisons de politique intérieure (lire « Virage autoritaire à Séoul »). Dans son bureau à l'entrée du campus, il insiste sur l'impressionnante parade militaire organisée par le président du Nord, M. Kim Jong-un, le 10 octobre 2015 ; un tournant dont le plus marquant n'est pas le déploiement des forces armées, mais sa signification politique : le dictateur affirme ainsi son « contrôle sur les affaires militaires et économiques, sur l'Etat et le parti ». Dommage que, se focalisant sur les tares du régime, la presse « ignore ce qui change », ajoute-t-il : « L'économie nord-coréenne se porte mieux. Kim Jong-un a consolidé son pouvoir. Il a amélioré ses relations avec le Japon, qui, depuis mai 2014, a levé certaines sanctions [comme l'interdiction des transferts d'argent liquide] et avec lequel il a entamé des négociations sur la question des citoyens japonais kidnappés (4). Il a réglé le contentieux avec la Russie sur la dette (5) [11 milliards d'euros datant de la période soviétique, que M. Vladimir Poutine a effacés à 90 %]. Et Moscou a rouvert en septembre 2015 une portion de voie ferrée reliant la ville russe de Khassan à la ville nord-coréenne de Rajin. »

Autre spécialiste reconnu, Koh Yu-hwan estime lui aussi que la période est favorable. « Kim Jong-un essaie d'améliorer les relations avec la Corée du Sud et aimerait apaiser les tensions avec les Etats-Unis. Ce n'est que si le dialogue ne marche pas qu'il se lancera dans de nouvelles provocations. » Ce directeur de l'autre grand institut d'études nord-coréennes de Séoul — à l'université de Dongguk, celui-là — est l'un des rares chercheurs à pouvoir franchir la frontière dans le cadre des échanges entre son université (bouddhiste) et le temple rénové du mont Kumgang. Il participe à la commission présidentielle pour la préparation de l'unification, placée sous l'autorité directe de Mme Park, sans contrôle, et très critiquée par les milieux progressistes et pacifistes. Il y apparaît comme une voix singulière prônant le dialogue dans un océan de préjugés.

Lee Gap Chul. – Jeunes filles célestes sur le mont Mari pendant le rituel d'adoration du ciel, île de Ganghwa (Corée du Sud), 1992

Pour la majorité des responsables sud-coréens, en effet, le régime de Pyongyang ne peut que s'effondrer. Le 25 octobre dernier, le journal conservateur Chosun Ilbo, le plus lu du pays, posait en « une » une question purement rhétorique : « Les jours du régime nord-coréen sont-ils comptés ? » Et l'éditorialiste de citer la « désaffection croissante des élites » : 8 hauts cadres du régime ont trouvé refuge au Sud en 2013 et 18 en 2014, sur un total de réfugiés en baisse (2 600 par an entre 2008 et 2012, 1 596 en 2014). En attendant le grand soir, les études comparatives avec l'Allemagne se multiplient. Et c'est à Dresde, le 28 mars 2014, que Mme Park a proposé une « initiative pour la réunification pacifique de la péninsule » (6). Avec toujours l'idée du triomphe d'une Corée capitaliste et démocratique sur toute la péninsule.

Toutefois, la comparaison avec les deux Allemagnes des années 1970-1980 n'apparaît guère pertinente, notamment parce que les deux Corées se sont affrontées militairement au cours d'une guerre civile. Malgré une histoire et une culture communes, de profondes haines demeurent. De plus, les divergences sont bien plus fortes : si l'économie ouest-allemande était quatre fois plus forte que l'est-allemande, dans le cas des deux Corées, le rapport est de 1 à 60. Pas étonnant que la nouvelle génération sud-coréenne, qui a déjà du mal à trouver sa place dans une société en crise, ne manifeste pas un grand enthousiasme à l'idée de payer pour accueillir un voisin qu'elle ne connaît qu'à travers les caricatures. C'est si vrai que les réfugiés nord-coréens demeurent maltraités, condamnés aux petits boulots et le plus souvent discriminés (7).

Personne ne peut dire si le régime de Pyongyang perdurera ; mais tabler sur son effondrement empêche toute réflexion pour sortir d'une politique de la confrontation. Au contraire, « si l'on part de l'idée que la Corée du Nord va continuer à exister, assure Koh Yu-hwan, alors il faut trouver des voies pour le dialogue et la négociation. Tout le monde a intérêt à ce qu'elle s'intègre au capitalisme mondial ». Comme la plupart des experts rencontrés, il prône une politique des petits pas. Tel M. Choi Jin-wook, président du très officiel Institut de Corée pour l'unification nationale (Korea Institute for National Unification) à Séoul : « Les relations entre les deux pays ayant connu une série de progrès et de régressions, la confiance est très largement entamée. Il faut donc commencer par de petites choses et avancer pas à pas. »

Sur le principe, tout le monde semble d'accord. Quant aux actes… Park Sun-song, enseignant et chercheur à l'Institut des études nord-coréennes de l'université Dongguk, met en cause l'ordre des priorités martelé par la présidente Park : l'abandon de l'arme nucléaire par Pyongyang en contrepartie d'une aide humanitaire et de négociations. « Bien sûr, la dénucléarisation reste un objectif-clé ; mais, compte tenu de la densité des armes accumulées dans la péninsule, traiter cette question sous son aspect purement militaire ne peut être vécu par Pyongyang que comme une pression. »

Il faut rappeler que, si la Corée du Nord n'a rien d'un ange de la paix et brandit régulièrement la menace militaire, la Corée du Sud possède des armes ultramodernes, avec des systèmes antimissiles américains, et que les Etats-Unis y maintiennent près de 29 000 soldats. Le nucléaire, poursuit Park Sun-song, « n'est que l'un des problèmes à résoudre. C'est en œuvrant au processus de paix et de coopération que l'on obtiendra la dénucléarisation, et non l'inverse. Cela concerne le Nord, le Sud, mais aussi l'ensemble de l'Asie du Nord-Est » — et, bien sûr, les Etats-Unis : « Aujourd'hui comme hier, explique l'ex-ministre de l'unification Jeong, ils représentent l'obstacle le plus important à une normalisation entre les deux Corées. »

Non seulement Washington refuse tout dialogue bilatéral avec Pyongyang, mais les exercices militaires conjoints avec l'armée sud-coréenne exacerbent les peurs. Il s'agissait à l'origine d'« entraîner les troupes américaines et sud-coréennes à lutter contre une infiltration des forces spéciales nord-coréennes au cœur du territoire sud-coréen, rappelle Moon Chung-in, professeur de sciences politiques à l'université Yonsei à Séoul. Puis, en 2013, l'objectif a été modifié, et les Etats-Unis ont déployé des armes tactiques : outre des sous-marins nucléaires, des bombardiers B-52 et des bombardiers furtifs B-2, capables d'embarquer des armes nucléaires, ainsi que des chasseurs furtifs F-22 et des destroyers équipés du système antimissile Aegis (8) ». Moon Chung-in ne minimise pas le « comportement belliqueux » de Pyongyang ; mais, dit-il, « c'est bien un accroissement des menaces américaines qui a conduit le pouvoir nord-coréen à adopter une telle posture ».

La réaction de la RPDC — menace nucléaire, lancement de missiles — ne lui a cependant pas permis d'obtenir la négociation réclamée avec Washington. En octobre dernier, la télévision d'Etat nord-coréenne a enfin appelé à sortir de « l'escalade de la tension » : « Si les Etats-Unis tournent courageusement le dos à leur politique actuelle [et négocient un traité de paix], nous serons heureux de répondre par un comportement constructif. Nous avons déjà envoyé un message par des canaux officiels pour des pourparlers de paix, et nous attendons la réponse (9). » Sans doute Pyongyang espère-t-il des négociations comme avec l'Iran. Mais, rappelle Koh Yu-hwan lors de notre rencontre à Dongguk, « l'Iran n'a pas la Chine à ses côtés ». Or « les Etats-Unis ont aussi Pékin dans leur viseur ».

Idylle avec la Chine

Certes, après le dernier essai nucléaire, la Chine a fini par voter les sanctions contre la RPDC. Mais elle continue à lui fournir de l'aide alimentaire et du pétrole — entre autres — afin de prévenir tout choc fatal. Toutefois, le président Xi Jinping n'a jamais rencontré son jeune homologue nord-coréen, alors qu'il s'est rendu en voyage officiel à Séoul et que Mme Park a assisté à Pékin au défilé militaire commémorant la fin de la guerre contre le Japon. Politiquement, le geste est spectaculaire, et le rapprochement sensible au moment où les deux pays sont en délicatesse avec Tokyo. Economiquement, la Chine est devenue le premier partenaire de la Corée du Sud, qui est son troisième fournisseur.

A Séoul, les amis conservateurs de Mme Park ne voient pas d'un très bon œil cette idylle à l'heure où les relations sino-américaines ne sont pas au beau fixe. Ils rappellent que, si la Chine est le premier partenaire commercial, les Etats-Unis demeurent l'unique partenaire en matière de sécurité. « Il y a dans le ciel de l'Asie de l'Est deux soleils levants [la Chine et les Etats-Unis], remarque un diplomate sud-coréen. La Corée du Sud devra faire un choix (10). » Pour l'heure, la présidente Park joue des deux soleils. Mais elle hésite toujours à entamer et à imposer des négociations sérieuses avec Pyongyang. La proposition nord-coréenne d'une confédération ou celle des progressistes sud-coréens d'une union fédérale à la manière de l'Union européenne restent de vagues hypothèses.

Quant à la France, qui ne reconnaît pas la RPDC, elle apparaît figée dans une autre époque. « Au lieu de traiter la Corée du Nord comme un paria, de l'isoler toujours plus, de l'enfermer dans ses murs idéologiques, mieux vaudrait essayer de l'entraîner vers la communauté internationale et d'aider à l'ouverture », plaide Koh Yue-hwan. A moins que Paris, comme certains conservateurs sud-coréens, n'attende qu'elle s'effondre…

(1) Selon le ministère de l'unification à Séoul, 53,9 % de ces candidats aux retrouvailles ont plus de 80 ans et 11,7 % plus de 90 ans.

(2) Lire Bruce Cumings, « Mémoire de feu en Corée du Nord », Le Monde diplomatique, décembre 2004.

(3) Lire « Voyage sous bonne garde en Corée du Nord », Le Monde diplomatique, août 2015.

(4) Durant la guerre froide, le gouvernement nord-coréen a kidnappé des Japonais pour former ses espions. Il en resterait treize selon Pyongyang, qui en a libéré cinq, et dix-sept selon Tokyo.

(5) Lire Philippe Pons, « La Russie appelée à la rescousse », Le Monde diplomatique, mars 2015.

(6) « La présidente fait une proposition en trois volets à Pyongyang », Korea.net, 31 mars 2014.

(7) Lire « Rééducation capitaliste en Corée du Sud », Le Monde diplomatique, août 2013.

(8) Interview réalisée par Antoine Bondaz, Korea Analysis, no 1, Paris, janvier 2014.

(9) « N. Korea proposes talks on peace treaty with US », NK News.org, Séoul, 9 octobre 2015.

(10) « La politique sud-coréenne n'a pas à choisir entre deux soleils », interview de Yun Duk-min, Korea Analysis, no 7, juillet 2015.

Russie/OTAN : maîtriser la confrontation

Politique étrangère (IFRI) - Tue, 06/12/2016 - 08:00

Suite au sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir l’article du numéro d’hiver 2016 de Politique étrangère que vous avez choisi : « Russie/OTAN : maîtriser la confrontation », par Dmitri Trenin.

« Le sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Varsovie en juillet 2016 a concrétisé dans le domaine militaire les décisions politiques annoncées au sommet de Newport (pays de Galles) de septembre 2014, en réponse aux actions conduites par Moscou en Ukraine. La confrontation politico-militaire est donc de retour en Europe après un quart de siècle de « grandes vacances » qui a vu, après la fin de la guerre froide, la coopération régner en matière de sécurité. Cette nouvelle confrontation, à l’allure bien connue, est sans doute vouée à durer, et affectera lourdement la sécurité de tous les pays européens, membres de l’OTAN ou non. Il faut prendre la pleine mesure de cette situation pour, dans un premier temps, maîtriser les risques immédiats et très réels qui en découlent et, dans un second temps, trouver les moyens de stabiliser une situation sécuritaire dégradée en Europe.

Dans leur état actuel, les relations américano-russes et les relations Russie/OTAN sont souvent comparées à ce qu’elles furent durant la guerre froide – ce qui est trompeur. La confrontation d’aujourd’hui est très éloignée du conflit qui a opposé l’Union soviétique aux États-Unis des années 1940 aux années 1980, marqué par un affrontement idéologique fondamental, la réalité infranchissable du Rideau de fer, un isolement économique quasi-total, et la menace permanente d’une apocalypse nucléaire. La situation présente est très différente, mais elle peut s’avérer tout aussi dangereuse. À recourir à l’analogie de la guerre froide, on s’incite à redouter des dangers qui ne reviendront pas – en s’interdisant de voir ceux qui menacent réellement.

Une nouvelle division de l’Europe

Aux yeux de Moscou, l’OTAN est de nouveau l’instrument principal de la présence militaire et de la domination politique américaines en Europe. Le Kremlin rejette farouchement les jugements occidentaux sur la politique russe en Crimée et en Ukraine, qui serait la cause centrale du renouveau de l’OTAN. Pour Moscou, c’est bien au processus d’élargissement de l’OTAN vers l’est, ouvert voici 20 ans, qu’il faut attribuer la rupture de la coopération de sécurité entre la Russie et l’Occident dans les années 1990 et 2000. Le président Poutine a explicitement identifié l’usage de la force militaire en Crimée en 2014 comme une action préventive contre une éventuelle accession à l’OTAN de l’Ukraine post-Maïdan.

Les décisions prises à Varsovie en 2016 avaient été publiquement discutées et n’ont pas surpris Moscou, qui a eu tout loisir de les analyser calmement ; elles n’ont donc pas, en elles-mêmes, ouvert de nouvelle crise. Le total des quatre bataillons nouvellement déployés par l’OTAN dans les trois États baltes et en Pologne, en plus d’une brigade multinationale déployée en Roumanie, sont très loin du contingent d’un million d’hommes qui a longtemps stationné en Allemagne de l’Ouest. La Force de réaction de l’OTAN, avec six nouveaux postes de commandement installés dans les États de l’est de l’Alliance, ne constitue pas une menace immédiate pour la Russie. Moscou suit de près les exercices plus fréquents conduits par l’OTAN près des frontières russes, mais ne peut les interpréter comme la préparation secrète d’une invasion imminente… »

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A Time Bomb

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Tue, 06/12/2016 - 00:00
(Own report) - Following Italian Prime Minster Matteo Renzi's defeat in Sunday's referendum, Berlin is urging Rome to quickly form a "capable government" and resume its adjustment to the German model of austerity. "The economic problems have to be tackled at the roots," said Jens Weidmann, head of Germany's central bank, yesterday. German financial experts are floating the idea of a cabinet of technocrats, modeled on the Mario Monti government. Monti ruled for a year and a half beginning in November 2011, without having been democratically elected and initiated an austerity program considered extremely harsh. Time is pressing: the bank crisis, caused, to a large extent, by bankruptcies due to German austerity dictates, which has been festering in Italy for a long time, is threatening to escalate. The Monte dei Paschi di Siena tradition bank's recapitalization planned this week is acutely endangered. It cannot be ruled out that its bank crisis could soon spread to other Italian credit institutions and to German banks.

How Democracies Fall Apart

Foreign Affairs - Mon, 05/12/2016 - 22:42
Data on authoritarian regimes show that until recently, coups have been the primary threats to democracy. In the last decade, however, populist-fueled authoritarianization has been on the rise, accounting for 40 percent of all democratic failures between 2000 and 2010 and matching coups in frequency. If current trends persist, populist-fueled authoritarianization will soon become the most common pathway to autocracy.

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