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Diplomacy & Crisis News

« Terra nullius », une fiction tenace

Le Monde Diplomatique - Fri, 28/04/2017 - 18:29

Lors des Jeux olympiques de Sydney, en 2000, l'Australie avait célébré dans l'allégresse la réconciliation nationale entre Aborigènes et descendants de migrants européens. La cérémonie d'ouverture mettait en scène l'histoire de son peuple premier, et l'athlète d'origine aborigène Cathy Freeman allumait la flamme olympique. Dix-sept ans plus tard, la question du droit à la terre et de la dette coloniale empoisonne à nouveau la société.

Main d'un artiste aborigène, 2013 © Science Photo Library / AKG-Images

En ce 30 mai 2015, une centaine de militants s'activent sur l'île Heirisson, en plein centre de Perth (Australie-Occidentale). Ces Aborigènes Noongars campent là depuis le mois de mars. Des drapeaux de leur nation, noir, jaune et rouge, flottent sur les stands. L'île sacrée de Matargarup, comme on la nomme en langue noongar, abrite la statue de Yagan. La tête de ce chef guerrier, considéré comme un héros de la résistance à la colonisation, avait été exposée à Liverpool en tant que curiosité anthropologique au XIXe siècle. Elle n'a été rapatriée qu'en 1997. Mois après mois, les organisateurs du campement invitent les citoyens, blancs comme noirs, à discuter des droits des Aborigènes, devenus des « réfugiés dans leur propre pays ».

L'origine de cette mobilisation remonte à novembre 2014. Le premier ministre libéral d'Australie-Occidentale, M. Colin Barnett, confirme alors la fermeture prochaine de 150 des 274 communautés de l'État : « Le gouvernement fédéral est à blâmer pour cette décision qui coupe les fonds destinés aux services essentiels [l'électricité, l'eau ou l'éducation]. Cent quinze communautés comptent en moyenne cinq résidents ; le coût de leur maintien est trop élevé. »

Les communautés reculées (remote communities) se situent dans le Kimberley, à 2 000 kilomètres au nord de Perth : quelques « baraques » éparpillées en plein désert, où l'État assure le minimum. L'attachement à la terre qui fonde leur culture motive les familles à demeurer ici. D'après le recensement de 2014 (1), on dénombre aujourd'hui en Australie 713 600 Aborigènes et insulaires du détroit de Torres, soit 3 % des 23 millions d'habitants du continent. Un peu plus de 50 000 d'entre eux vivent dans des zones éloignées ; 90 000, dans des zones très reculées. L'extraordinaire diversité des tribus en Australie se mesure au pluralisme linguistique : 120 langues aborigènes sont couramment parlées, pour 250 reconnues.

« Avant l'arrivée de la première flotte, rien d'autre que le bush »

L'évacuation des baraques contraindrait plusieurs centaines de personnes à changer d'existence pour aller s'installer à la périphérie des villes ou pour survivre dans des parcs publics. Cette menace a piqué au vif la conscience des Aborigènes, d'ordinaire peu mobilisés. Malgré les distances, une solidarité renaît entre la grande majorité d'entre eux, qui vivent sur la côte est, et ceux du Kimberley. Une longue histoire de luttes resurgit soudain, avec son calendrier, ses héros, ses symboles. Ainsi, le rassemblement politique sur l'île Heirisson a été organisé à dessein fin mai, pendant la « semaine de la réconciliation », qui commémore le 27 mai 1967. Ce jour-là, les Australiens votèrent à 90 % pour le comptage des Aborigènes dans le recensement national, et donc pour leur accession au statut de véritables citoyens. Tous se souviennent également du verdict rendu par la Haute Cour d'Australie en 1992 dans l'affaire Mabo vs Queensland — Eddie Koiki Mabo, originaire du détroit de Torres, ayant été l'instigateur de la procédure juridique. « Les Aborigènes et les indigènes du détroit de Torres ont une relation spéciale à la terre, qui existait avant la colonisation et qui existe toujours aujourd'hui » : le verdict rejetait la fiction de la terra nullius, selon laquelle l'Australie colonisée n'appartenait « à personne » puisque les Aborigènes ne cultivaient pas la terre.

« Il y a eu en quelque sorte une lecture sélective de l'histoire, explique l'écrivain Bruce Pascoe, qui a étudié les textes des premiers explorateurs. Ce qui ne servait pas la réputation des Britanniques a été écarté — à savoir le fait qu'ils avaient envahi une terre déjà occupée et bien entretenue. Ils ont cherché à prétendre que les Aborigènes n'avaient pas utilisé la terre, ou, dans un premier temps, qu'ils n'étaient même pas là (2).  » Cette même année 1992, le premier ministre travailliste Paul Keating prononçait à Redfern, un quartier populaire de Sydney, un discours resté célèbre : « C'est nous qui avons dépossédé les Aborigènes. Nous avons pris leurs terres traditionnelles et brisé leur mode de vie. Nous avons apporté un désastre. »

Le Native Title Act, qui fit suite au jugement Mabo, autorise chaque grande communauté à disposer d'un conseil des terres, habilité à porter devant le National Native Title Tribunal les litiges fonciers l'opposant au gouvernement ou à des intérêts privés. Mais les libéraux, sous la pression des compagnies minières, ont à maintes reprises amendé la loi au prétexte qu'elle accordait « trop de droits ».

Cette protection juridique d'un prolétariat refusant non seulement l'exploitation salariée mais aussi celle des montagnes de bauxite, de fer, d'argent et d'or que renferment ses terres constituait la base d'une possible réconciliation. C'est peu dire que cette perspective s'éloigne. En novembre 2014, en marge d'un sommet du G20, le premier ministre d'alors, M. Anthony Abbott (Parti libéral), expliquait à son homologue britannique David Cameron à quel point il était « difficile d'imaginer qu'avant l'arrivée de la première flotte, en 1788, il n'y avait rien d'autre que le bush » — balayant par là un quart de siècle de progrès politiques et cinquante mille ans d'histoire humaine attestée par les recherches archéologiques. « Les marins ont dû penser qu'ils venaient d'arriver sur la Lune ; tout devait paraître si étrange », a-t-il ajouté (3). Malgré les protestations qui enflammaient les réseaux sociaux, M. Abbott réaffirma sa vision des choses en mars 2015 : « Nous ne pouvons pas subventionner sans cesse des choix de vie qui ne contribuent pas pleinement à la société australienne (4).  »

Le mois suivant, quatre mille personnes descendaient dans les rues aux abords de Flinders Street, la principale gare de Melbourne, pour soutenir les communautés aborigènes. Le Herald Sun, détenu par News Corp., le conglomérat du multimilliardaire Rupert Murdoch, titrait : « La canaille égoïste bloque la ville » (11 avril 2015). Dans un pays dominé par les conservateurs, bloquer une gare le temps d'une journée représentait un affront intolérable.

Les fermetures de communautés seraient-elles liées, au moins en partie, à l'exploration minière ? Elizabeth Vaughan, chercheuse en archéologie et fondatrice avec le syndicaliste Clayton Lewis de l'association de défense du patrimoine Aboriginal Heritage Action Alliance, en est persuadée. « L'un des plus grands enjeux en Australie est la défense du patrimoine des Aborigènes dans le contexte de l'exploration minière. Il s'agit d'une véritable offensive contre leur culture et son héritage. » Fin 2014, rappelle M. Lewis, le Parlement d'Australie-Occidentale a voté une loi destinée à faciliter l'expulsion des populations en redéfinissant la notion de « site sacré », qui protège les lieux de culte. La précieuse appellation ne serait désormais délivrée qu'aux lieux où se tient un office religieux — une pratique qui… n'existe pas dans la culture aborigène. Vingt-trois sites ont ainsi été radiés, comme celui de Murujuga, au nord de Perth, connu pour ses pétroglyphes millénaires. Une heureuse coïncidence pour Chevron, BHP Billiton et Woodside Petroleum, qui, jusqu'alors, ne pouvaient pas exploiter le gaz naturel liquéfié disponible à quelques kilomètres au large de ces gros cailloux…

« La loi sur les sites sacrés a été votée, puis il y a eu celle restreignant la liberté de manifester (5). Enfin, il est prévu de fermer des dizaines de communautés reculées. C'est une guerre pour accéder à la terre et exploiter ses ressources naturelles », analyse M. Lewis. Ce raidissement renvoie au Queensland des années 1970. Pendant la guerre froide, le premier ministre de cet État, Joh Bjelke-Petersen, conjuguait sa politique de développement avec un autoritarisme et un racisme assumés. Le jour où le militant historique Charles Perkins suggéra de rebaptiser les États australiens de noms aborigènes, Bjelke-Petersen l'invita à « sortir de sa brousse » et le compara au witchetty grub, une larve bouffie qui vit dans le désert et dont les Aborigènes se nourrissent (6).

Le spectre d'une pédophilie endémique

Gastronomie d'un autre temps, « choix de vie » inadaptés à la modernité ou surcoûts budgétaires : les prétextes avancés pour justifier la liquidation progressive des communautés ne frappent pas autant l'opinion que celui de la protection de l'enfance. En 2011, la communauté d'Oombulgurri, dans le Kimberley, a été fermée à la suite de viols commis sur des mineurs. Ce fait divers tragique, massivement exploité par les médias et par une partie de la classe politique, a alimenté l'idée qu'une pédophilie endémique commanderait la fermeture des communautés éloignées.

Le procès n'est pas nouveau. Parmi les comportements antisociaux prêtés aux boongs ou aux coons (7), la prédation sexuelle à l'égard des enfants a depuis longtemps remplacé l'anthropophagie. Diffusé sur la chaîne ABC le 21 juin 2006, un reportage de l'émission « Lateline » mettait en scène un « délégué à la jeunesse » racontant, le visage dissimulé (« pour des raisons de sécurité »), le trafic d'esclaves sexuels auquel il assistait dans le Territoire du Nord, une région décrite comme une « zone de guerre ». Le mystérieux témoin, M. Gregory Andrews, travaillait en tant que fonctionnaire au département des affaires aborigènes. Profitant d'une vague de panique morale, le premier ministre conservateur d'alors, M. John Howard, jugea bon d'envoyer l'armée à Darwin pour « sauver les enfants ». Les bruits de bottes dans l'outback (arrière-pays) furent perçus comme une agression. L'anthropologue canadienne Sylvie Poirier note que « ces mesures d'urgence ont été qualifiées de cheval de Troie par des chercheurs, selon qui l'État reprenait par ce biais le contrôle des communautés et des terres aborigènes (8) ».

Depuis, la ficelle est régulièrement réutilisée. En 2007, le ministre des affaires aborigènes Malcolm Brough dénonçait « l'existence de gangs pédophiles dans des proportions inimaginables » dans le Territoire du Nord. Le gouvernement révoqua la surveillance par les Aborigènes de leurs propres terres et imposa un contrôle médical aux enfants. Cet épisode fit écho dans la mémoire collective à celui des « générations volées », ces quelque cinquante mille enfants placés de force dans des orphelinats, « pour leur bien » (9), entre la fin du XIXe siècle et le début des années 1960, comme dans ces pensionnats autochtones du Canada qui visaient à « tuer l'Indien dans l'œuf ». Si nul ne nie l'existence de cas de pédophilie ni la prévalence de l'alcoolisme dans certaines communautés reculées, le racisme et les intérêts industriels ont facilité la transformation du fait divers en trait social, comme au sein des communautés autochtones du Canada ou des États-Unis.

Quitte à se soucier des jeunes, les dirigeants politiques auraient pu s'interroger sur d'autres « proportions inimaginables ». En Australie-Occidentale, en 2013, les jeunes Aborigènes représentaient 6 % de la population des 10-17 ans, mais 78 % des mineurs incarcérés. Sur le plan national, ils courent vingt-six fois plus de risques de faire de la prison que les Blancs (10).

Comment expliquer une telle surreprésentation carcérale ? Ceux qui campaient sur l'île Heirisson peuvent-ils espérer une amélioration de leurs conditions de vie ? Le 18 juin 2015, la police de Perth expulsait manu militari les « réfugiés » de Heirisson (11) ; les militants promettaient, pour leur part, d'y « revenir encore et encore », ce qu'ils ont fait obstinément durant toute l'année 2016.

M. Robin Chapple, membre écologiste du conseil législatif à Perth, a déposé en mai 2016 un projet de loi visant à empêcher « l'éviction forcée des communautés ». Après une année de consultations, le gouvernement d'Australie-Occidentale a détaillé en juillet 2016 sa politique vis-à-vis des communautés reculées (12). Dix d'entre elles, identifiées en décembre, seront transformées en villes ; environ cent dix autres ne bénéficient déjà plus d'aucune aide gouvernementale.

En janvier 1988, deux cents ans après la fondation de Sydney, le militant Burnum Burnum plantait symboliquement un drapeau aborigène à Douvres : « Moi, Burnum Burnum, noble de l'antique Australie, je prends ici possession de l'Angleterre au nom du peuple aborigène. (…) Nous sommes venus vous apporter les bonnes manières, le raffinement et la possibilité d'un Koompartoo, un nouveau départ. Pour les plus intelligents d'entre vous, nous apportons la langue complexe des Pitjantjatjara ; nous vous apprendrons comment nouer une relation spirituelle avec la terre et comment trouver de la nourriture dans le bush. » Ce renversement symbolique attend toujours sa traduction politique.

(1) « The health and welfare of Australia's Aboriginal and Torres Strait Islander peoples : 2015 », Australian Institute of Health and Welfare.

(2) Bruce Pascoe, Dark Emu. Black Seeds : Agriculture or Accident ?, Magabala Books, Broome, 2014.

(3) « Tony Abbott says Australia “nothing but bush” before British arrived (video) », TheGuardian.com, 14 novembre 2014.

(4) Entretien sur ABC Goldfiels Esperance WA, www.abc.net.au, 10 mars 2015.

(5) « Criminal code amendment (prevention of lawful activity) bill 2015 », www.parliament.wa.gov.au

(6) The Sydney Morning Herald, 6 avril 1983.

(7) Termes racistes en argot australien.

(8) Sylvie Poirier, « La différence aborigène et la citoyenneté australienne : une conciliation impossible ? » (PDF), Anthropologie et Sociétés, vol. 33, no 2, Québec, 2009.

(9) D'après le rapport officiel « Bringing them home », 1997.

(10) « A brighter tomorrow. Keeping Indigenous kids in the community and out of detention in Australia » (PDF), Amnesty International Australie, Sydney, 2015.

(11) Brendan Foster, « Police remove Heirisson Island Aboriginal protesters in dawn raid », 18 juin 2015, WAtoday.com.au

(12) « Resilient families, strong communities. A roadmap for regional and remote Aboriginal communities » (PDF), Regional Services Reform Unit, gouvernement de l'Australie-Occidentale, Perth, juillet 2016.

North Korea Offers an Opportunity for U.S.-Russia Collaboration

Foreign Policy Blogs - Fri, 28/04/2017 - 18:20

North Korean military parade celebrating the 105th birthday anniversary of Kim Il Sung

The U.S. has recently attempted to leverage China in order to help it solve the North Korean situation. The thinking is that China is the only state with significant economic clout to affect North Korea’s policy-making process. Additionally, an improved trade treaty with China has been offered by the U.S. as an incentive. While the individual merits of this approach may be debatable, it doesn’t acknowledge the possibility of additionally utilizing Russia to help resolve the crisis.

Russia’s Place In Asian Security

Because of the current downturn in U.S.-Russia relations post-Crimea, Russia’s role in the Six-Party Talks process has been minimally acknowledged by the U.S., if it all. Certainly, while Russia doesn’t possess the economic heft of the Chinese in potentially dealing with North Korea, it does possess similar security concerns as China.

Russia has an implicit agreement with China not to interfere in one another’s respective spheres of influence, such as Chinese apparent deference to Russian security interests in Central Asia. However, it’s critical to remember that Russia has Asia-Pacific interests as well. Like the Chinese, one of these is eventual de-nuclearization of the Korean Peninsula.

Succinctly, further nuclearization and militarization of the Korean Peninsula has the potential to start a cascade effect in the overall Northeast Asian security decision-making process. Japan has already started a review of its defense posture in the region in order to respond to China’s rise. What additional steps may it take if the North Korean Crisis continues on its current trajectory?

More fundamentally, Russia shares China’s concern that further North Korean provocations will only bring U.S. military forces closer to their borders. This is neither in Russia nor China’s ultimate interest. Lastly, Russia shares China’s concerns that any military conflict with North Korea has the potential to cause instability and increased migrant flows across their shared border.

A rough analogy can be made between Belarus in Europe and North Korea in the Asia-Pacific in terms of how both serve overall Russian strategic interests. As during the Cold War, both Belarus and North Korea currently serve as buffer zones between Russia and the West. This North Korean utility is the latest chapter in the book of Russian security interests in Asia going back 400 years to the initial era of Russian expansion into Siberia.

How, Then, To Approach Russia?

As with China, there may be an opportunity for the U.S. to leverage Russian unease with the proximity of U.S. forces on its Asian border in order to elicit its help in resolving the crisis. Russia is already uncomfortable with NATO forces massing on the border of its Kaliningrad enclave in Europe. However, the U.S. would have to make it clear to Russia how their mutual interests would be solved by working together. Any U.S. dialogue with Russia focusing only on how the North Korean situation affects the U.S., Japan, and South Korea would be a non-starter.

The economic component of this possible avenue must not be overlooked as well. The U.S. has apparently convinced China of the necessity of strengthening economic sanctions against North Korea. An example of this new approach is China’s recent refusal to accept North Korean coal exports, vital to China’s own economic stance.

However, with respect to Russia, any U.S. talk of strengthening sanctions against North Korea when Russia itself is still facing Western sanctions over Crimea would be an additional deal-breaker. Economic duress caused by continuing Russian sanctions has had ramifications all across Europe, surely impacting the current French Presidential elections, as an example. Russia definitely does not need any further sources of instability right now, politically or economically.

Japan As A Possible Middleman

Additionally, Japan may not share the U.S.’ current approach to confrontation with North Korea. Of course, North Korean nuclear ambitions are a concern to Japan. However, China’s rise outranks even this concern. In order to deal more effectively with China, Japan has realized that it needs to improve relations with Russia. Likewise, Russia realizes that cooperation with Japan would improve its overall Asia-Pacific security portfolio with respect to China’s ascendancy.

Because of this, there may be an opportunity for the U.S. to utilize Japan as a middleman of sorts in negotiations with Russia to attempt to resolve the North Korean dilemma. Certainly, the U.S. still has limited direct negotiations with Russia, such as Secretary of State Rex Tillerson’s recent visit to Moscow over the Syrian Crisis. However, while there still are disputes between Russia and Japan, such as the Kuril Islands, Russo-Japanese relations remain better than current U.S.-Russia relations overall.

It has been speculated that Russia inserted itself as a major player, both diplomatically and militarily, into the Syrian Crisis in order to gain concessions from the U.S., such as sanctions relief over Ukraine. If this is true, then from the U.S. perspective, there is a risk that Russia might try the same approach with the now-defunct Six-Party Talks to gain additional leverage with the U.S. (and Japan).

However, not seeking Russian help in resolving the Ukraine Crisis, Syrian Crisis, and now North Korean Crisis may ultimately prove unsustainable for the U.S.. A choice is going to have to made by the U.S. as to which of these various crises really threaten U.S. interests in the long-term. With the apparent answer being the North Korean Crisis, Russian assistance in resolving it will be even more indispensable.

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State of Rebellion. Violence and Intervention in the Central African Republic

Politique étrangère (IFRI) - Fri, 28/04/2017 - 10:54

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage de Louisa Lombard, State of Rebellion. Violence and Intervention in the Central African Republic (Zed Books, 2016, 256 pages).

Louisa Lombard, anthropologue et professeur à l’université de Yale a déjà codirigé un ouvrage remarqué sur la Centrafrique (Making Sense of the Central African Republic[1], Zed Books, 2015). Dans son dernier livre, grâce à 13 années de recherche et à de nombreux séjours sur place, elle parvient, de façon très convaincante, à déconstruire les explications superficielles et habituelles sur les racines de la crise en République centrafricaine (RCA).

L’auteur aborde ici la dernière décennie de conflits en RCA, mais son propos ne manque pas d’excellentes perspectives historiques, notamment concernant la « période française », marquée par une colonisation dure et un remarquable manque d’empressement à développer le pays. Au fil des pages, elle revient sur de nombreuses idées reçues sur la RCA : par exemple, le pays serait riche de ressources naturelles, alors que leur exploitation est très difficile et qu’elles ne pourraient, en toute hypothèse, pas rendre le pays riche « par magie ».

En introduction, elle note que l’interrogation centrale de ses travaux depuis ces 13 années concerne la nature de l’État en RCA. Cette problématique est donc au cœur du livre. L’auteur souligne à plusieurs reprises qu’une conception rigide de l’État appliquée à la RCA n’aide pas à la compréhension des crises qui secouent le pays. En effet, l’État centrafricain a certes des frontières géographiques, mais son expression politique est très limitée. Pour les Centrafricains, l’État est davantage vu comme prédateur que comme protecteur ; et, dans le même temps, ils rêvent d’un État qui leur fournirait un statut social (entitlements), et surtout un salaire. C’est ainsi que les rebelles peuvent lutter contre l’État et, dans le même temps, rechercher la reconnaissance via un poste de fonctionnaire. Pour Louisa Lombard, le drame de la RCA est que des non-Centrafricains, avec une vision stratégique limitée à la stabilité régionale et fort peu de patience, sont les garants de l’État centrafricain. Ils tentent de promouvoir la stabilité via un régime présidentiel, alors même que l’expérience prouve largement que ce dernier est impuissant à apporter la sécurité sur le long terme.

De manière très intéressante, l’auteur distingue deux périodes pour les rébellions en RCA. La première, celle des « rébellions conventionnelles », s’ouvre dans les années 1980 et prend véritablement forme en 2005 avec la naissance de l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD). Ces rébellions opèrent essentiellement dans leurs régions d’origine et, bien qu’elles soient violentes, leurs actions sont limitées par la conscience que présent et avenir se limitent à leur aire d’opération. L’émergence de la Séléka en 2012 marque un tournant : les rebelles ne proviennent plus des régions où ils agissent, et opérer loin de leur zone d’origine augmente leur niveau de brutalité. Autre nouveauté, les divisions s’organisent de part et d’autre de lignes identitaires.

Le propos de l’ouvrage est beaucoup trop riche pour qu’on puisse le résumer efficacement, et il suscite de nombreuses réflexions. Louisa Lombard nous offre des clés pour tenter de comprendre les dynamiques à l’œuvre en RCA mais aussi les échecs des multiples missions de maintien de la paix déployées dans le pays. La lecture de ce livre est indispensable à tous ceux qui s’intéressent à la RCA, mais aussi aux États fragiles et plus généralement au maintien de la paix.

Rémy Hémez

[1]. Cet ouvrage a fait l’objet d’une recension dans le n° 2/2016 de Politique étrangère.

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Korean Peninsula: Conflict prevention 'our collective priority' but onus also on DPRK, says UN chief

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
Preventing armed conflict in north-east Asia is the international community&#39s collective priority while the onus is also on the Democratic People&#39s Republic of Korea (DPRK) to refrain from further nuclear testing and explore the path of dialogue, United Nations Secretary-General António Guterres told the Security Council today.

Western Sahara: UN welcomes withdrawal of Polisario Front from Guerguerat area

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
The United Nations today welcomed the withdrawal of all Polisario Front elements from the Guerguerat area, between the berm and the border with Mauritania, as confirmed by observers of the UN Mission on Mission for the Referendum in Western Sahara, on 27-28 April.

UN food agencies urge Governments to step up food action in African countries facing famine

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
Unless urgent action is taken to feed people in north-east Nigeria, Somalia, South Sudan and Yemen, more than 20 million people will not find enough food to eat, the heads of the United Nations food agencies today warned.

Accurate occupational data vital to save lives, says UN labour agency on World Day

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
Even though more than 2.3 million fatalities and 300 million accidents resulting in injuries are estimated to occur in workplaces around the globe each year, the actual impact remains largely unknown, the United Nations International Labour Organization has warned, highlighting the need to &#8220vastly&#8221 improve national occupational safety and health data (OSH).

UN rights office troubled by accelerated executions in US with expiring drug a factor

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
The United Nations human rights office today expressed deep concern about the executions of four men in the United States state of Arkansas, which were reportedly done within the span of eight days to make use of an expiring lethal injection drug.

Returning from Mali, senior UN relief official spotlights country's complex challenges

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
Concluding a three-day mission to Mali, a senior United Nations relief official has underlined the need to keep the humanitarian needs of its people in the international spotlight.

Young Syrian refugees don't want pity; respect their rights and empower them – UNICEF Advocate

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
Concluding a visit to Syrian refugee camps in Jordan where he met with young people displaced from their homes, an advocate for the United Nations Children&#39s Fund (UNICEF) underlined the need to respect their rights and empower them so that they can grow to their full potential.

With two executions of minors looming, UN rights experts urge Iran to halt death penalty

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
At least 90 people on death row in Iran are under the age of 18, United Nations human rights experts today said, urging authorities to abide with international law and immediately stop these executions.

UN calls for restraint following violence in former Yugoslav Republic of Macedonia

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
The United Nations today called for restraint and calm in the former Yugoslav Republic of Macedonia following violence directed at democratic institutions and elected officials.

UN releases $500,000 for fuel purchase to address power outages in Gaza Strip

UN News Centre - Fri, 28/04/2017 - 07:00
The United Nations has approved the allocation of $500,000 for the purchase of emergency fuel to maintain the delivery of essential services at hospitals and other emergency medical facilities in the Gaza Strip of the Occupied Palestinian Territory, following severe power outages.

Le choc des mémoires au mépris de l'histoire

Le Monde Diplomatique - Fri, 28/04/2017 - 01:34

Dans plusieurs pays d'Europe centrale et orientale, la crise démographique et le pourrissement des questions sociales nourrissent le terreau des négationnistes. De façon de plus en plus ouverte, les nationalismes bâtis sur une réécriture de l'histoire font office de programmes politiques. De Stepan Bandera en Ukraine aux oustachis en Croatie, les criminels redeviennent des héros.

Mikhail Bozhiy. – « Vladimir Ilyich Lenin Standing » (Lénine debout), 1959-1961 © Odessa Fine Arts Museum, Ukraine / Bridgeman Images

Les Balkans produisent-ils vraiment « plus d'histoire qu'ils ne peuvent en consommer », selon la célèbre formule attribuée à Winston Churchill ? Durant l'été 2016, la Serbie et la Croatie ont encore polémiqué sur ce terrain. Belgrade accuse Zagreb de procéder à une réhabilitation du régime fasciste des oustachis (1941-1944), qui élimina en masse Juifs, Roms et Serbes. Tous les gouvernements nationalistes de la région utilisent, déforment ou manipulent les faits historiques afin de justifier ou d'asseoir leur propre pouvoir. Tous tentent de reformuler des récits nationaux qui éludent ou relativisent la mémoire de la lutte antifasciste, fondement de la Yougoslavie socialiste et fédérale (1945-1991). Vingt-cinq ans après l'éclatement de l'ancien État commun, ce processus s'emballe à nouveau.

Le 22 juillet 2016, la cour d'appel de Zagreb annulait le verdict de 1946 qui reconnaissait le cardinal Alojzije Stepinac (1898-1960) coupable de collaboration avec l'État indépendant croate (Nezavisna Država Hrvatska, NDH), créé en 1941 par les oustachis sous la protection de l'Allemagne nazie. Mgr Stepinac, nommé archevêque de Zagreb en 1937, est une figure hautement controversée. Resté en place tout au long de la guerre, il cautionna ce régime, même si ses partisans rappellent qu'il condamna les politiques raciales dans certaines de ses homélies et affirment que son procès aurait été diligenté par les communistes pour réduire le poids de l'Église catholique en Yougoslavie. Emprisonné à Lepoglava, puis assigné à résidence dans sa bourgade natale de Krašić, près de Zagreb, où il mourut, il fut élevé au rang de cardinal en 1952 par le pape Pie XII et béatifié en 1998 par Jean Paul II. Le Vatican retarde cependant l'avancée de son procès en canonisation afin de ne pas compromettre le dialogue avec le monde orthodoxe, priorité du pape François.

Une étrange et tardive « révolution nationale » est en cours en Croatie. Lors de son accession à l'indépendance et durant la guerre (1991-1995), sous la houlette du très nationaliste président Franjo Tuđman et de son parti, la Communauté démocratique croate (HDZ), la Croatie avait effectué une première mise à distance de l'héritage symbolique et idéologique de la résistance antifasciste de la seconde guerre mondiale. Certaines unités combattantes croates se revendiquaient ouvertement des oustachis, notamment en Bosnie-Herzégovine. Quant au gouvernement, il fit le choix de donner moins de relief à la commémoration annuelle de l'insurrection des détenus du camp de concentration de Jasenovac, le 22 avril 1945, tout en officialisant celle du massacre de Bleiburg. En mai 1945, près de cette petite bourgade, dans les collines du sud de l'Autriche, les partisans de Tito encerclèrent les cadres civils et militaires de l'État oustachi en déroute. Plusieurs dizaines de milliers de personnes furent tuées (1). Chaque année, la célébration des deux événements ravive une guerre des mémoires interne à la Croatie. La présence des officiels à l'une ou l'autre cérémonie suscite d'intenses commentaires : en 2016, la présidente de la République, Mme Kolinda Grabar-Kitarović (HDZ), a ainsi été « empêchée » de se rendre à Jasenovac, mais elle était présente à Bleiburg…

Néanmoins, le régime oustachi n'a jamais fait l'objet d'une reconnaissance officielle. Au contraire : la Constitution de la Croatie indépendante revendique l'héritage de l'« antifascisme ». Cette ambivalence s'explique en partie par la position personnelle de Franjo Tuđman, ancien général des partisans devenu cadre du régime yougoslave avant de virer nationaliste au début des années 1970. En somme, la Croatie indépendante rejetait les expériences yougoslaves — la Yougoslavie royale de l'entre-deux-guerres et la Yougoslavie socialiste de Tito — mais revendiquait la résistance comme élément de sa propre histoire. Un pas nouveau a été franchi avec le retour de la droite au pouvoir à l'issue des élections du 8 novembre 2015. La Coalition patriotique, dirigée par le HDZ, qui regroupe toutes les chapelles de l'extrême droite croate, a dû s'allier au « mouvement citoyen » Most (« pont »), dont les dirigeants sont très proches de la hiérarchie catholique, tandis que le poste de premier ministre revenait à un homme d'affaires croato-canadien, M. Tihomir Orešković, « sans étiquette » mais fortement lié à l'Opus Dei. L'attelage n'a tenu que jusqu'en juin 2016, ce qui a conduit à de nouvelles élections le 11 septembre dernier, après des mois de polémiques sur fond de révisionnisme.

Ministre de la culture et figure très populaire de ce gouvernement, l'historien négationniste Zlatko Hasanbegović, ancien militant du groupuscule d'extrême droite Pur Parti croate du droit (HČSP) passé au HDZ, rejette l'héritage de l'antifascisme. Il s'agit selon lui d'un « concept vide de sens » avancé par les « dictatures bolcheviques ». Dans ses travaux scientifiques, il tente de relativiser les politiques d'extermination mises en œuvre par le régime oustachi. Musulman de Zagreb, le ministre est issu d'une tradition politique hypermarginale : celle des musulmans de Bosnie-Herzégovine qui rallièrent les oustachis et s'engagèrent pour certains dans la 13e Waffen SS Handschar, répondant à l'appel à la collaboration du mufti de Jérusalem, Mohammed Amin Al-Husseini. « Le discours du gouvernement met sur un même pied la collaboration et les crimes du communisme, explique l'historien Tvrtko Jakovina. Il prétend renvoyer dos à dos les deux totalitarismes, le communisme et le fascisme. Dans la pratique, ce discours permet de stigmatiser l'“ennemi intérieur”, à commencer par les “communistes” et tous les nostalgiques de la Yougoslavie, sans oublier les Serbes et les autres minorités nationales, mais aussi les mauvais catholiques, les féministes et les minorités sexuelles. »

« La collaboration n'est pas un crime »

Ce révisionnisme croate participe d'une nouvelle tendance qui affecte toute l'Europe centrale. Sous la houlette de M. Ivo Sanader, premier ministre de 2003 à 2009, le HDZ avait engagé un net recentrage dans la perspective de rejoindre l'Union européenne. Après l'adhésion, actée le 1er juillet 2013, le parti s'est réorienté à droite toute. « L'un de ses dirigeants m'a confié : “Nous avons atteint un premier objectif avec l'indépendance, un second avec l'intégration européenne ; il est maintenant temps de créer un État vraiment national” », expliquait début mai le député Milorad Pupovac, président du conseil national de la communauté serbe de Croatie. Une fois la Croatie admise en son sein, l'Union a perdu une bonne part des moyens dont elle disposait du temps du processus d'intégration pour prévenir ou sanctionner les dérives idéologiques. La Croatie, qui a les yeux de Chimène pour ses voisins du très conservateur groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie), estime que cette caution européenne lui donne les moyens d'affirmer son « identité nationale », et même une vision très droitière de celle-ci.

Le révisionnisme n'épargne pas la Serbie. Le 22 décembre 2004, le Parlement de Belgrade votait une loi octroyant les mêmes droits à la retraite aux anciens partisans et aux anciens tchetniks (2). La loi avait été proposée par M. Vojislav Mihailović, député du Mouvement serbe du renouveau (SPO, monarchiste) et petit-fils de Dragoljub Draža Mihailović (1893-1946), le chef de l'Armée yougoslave dans la patrie, qui regroupait durant la seconde guerre mondiale les unités de francs-tireurs connues sous le nom de tchetniks. Ce mouvement « légaliste », fidèle au gouvernement royal en exil à Londres, s'est d'abord engagé dans la lutte contre les occupants (nazis, bulgares, italiens), contre leurs collaborateurs serbes du Gouvernement de salut national et contre le régime oustachi. Puis une partie de ses unités ont choisi la collaboration, préférant combattre la résistance communiste des partisans de Tito, dont l'influence croissante lui valut le soutien du Royaume-Uni à partir de 1943 (3). Traqué dans les montagnes de Bosnie orientale, Draža Mihailović fut arrêté le 12 mars 1946, jugé à Belgrade et fusillé. Au terme d'un procès ouvert en 2006, il a été définitivement réhabilité le 14 mai 2015. Si les historiens reconnaissent l'ambivalence du mouvement nationaliste tchetnik, qui fut un authentique mouvement de résistance avant de verser partiellement dans la collaboration, cette réhabilitation pose d'autres questions : si Draža Mihailović était innocent, son exécution fut un crime, commis par le régime communiste yougoslave.

Une étape supplémentaire a été franchie avec l'ouverture, en mai 2015, du procès en réhabilitation du général Milan Nedić (1878-1946). Chef d'état-major de l'armée yougoslave de 1934 à 1935, nommé ministre de l'armée et de la flotte en 1939, il fut contraint un an plus tard à démissionner de cette charge par le prince Paul, régent du royaume, en raison de ses sympathies affichées pour l'Allemagne nazie. Tenu pour l'un des responsables de l'effondrement de la défense yougoslave face à l'invasion des forces de l'Axe en avril 1941, il prit le 29 août 1941 la tête du Gouvernement de salut national, qui ne fut qu'un simple outil administratif au service des nazis dans la Serbie occupée. Sous la férule du gouverneur militaire allemand, les troupes de Nedić contribuèrent à l'arrestation, à la déportation et à la mise à mort de milliers de Juifs et de résistants. « La collaboration n'est pas un crime. La collaboration n'est qu'une forme de coopération avec l'occupant », affirmait, à l'ouverture du procès, l'un des plus chauds partisans de la réhabilitation du « Pétain serbe », l'historien Bojan Dimitrijević, par ailleurs membre de la direction du Parti démocratique (DS), une organisation rattachée à l'Internationale socialiste (4).

Avant lui, le Parti libéral serbe, une petite formation disparue en 2010, avait également milité pour la réhabilitation du général. Cet engouement ne procède pas d'un soutien à l'idéologie nazie, mais d'un rejet tellement vif du communisme yougoslave que tous ses adversaires s'en trouvent légitimés. Le régime de Tito est rejeté par les libéraux en tant que système social et en tant que projet fédéral et multinational qui aurait étouffé le peuple serbe. La Serbie, monarchie parlementaire dès le milieu du XIXe siècle, ce qui fait d'elle l'une des plus anciennes démocraties d'Europe, aurait été empêchée de suivre son évolution naturelle. Les intellectuels révisionnistes serbes estiment se battre contre la vision monolithique de l'histoire imposée par le régime communiste ; ils dénoncent le « mythe » de la fraternité et de l'unité des peuples yougoslaves, credo central du régime titiste.

Ce débat a été considérablement obscurci durant le régime de Slobodan Milošević, qui, au pouvoir de 1989 à 2000, excellait dans l'art de jouer sur les deux tableaux. D'une part, l'ancien chef de la Ligue des communistes de Serbie se présentait comme le défenseur de l'héritage yougoslave mis à mal par la sécession des autres républiques fédérées ; de l'autre, il réhabilitait le nationalisme serbe dans ses variantes les plus conservatrices et orthodoxes.

Depuis 2014, le pays est dirigé par le très libéral Parti progressiste serbe (SNS). Directement issu de l'extrême droite nationaliste, celui-ci a effectué en 2008 un aggiornamento radical et professe depuis des convictions proeuropéennes à toute épreuve. Ancien jeune loup du Parti radical serbe (SRS), connu pour ses appels au meurtre des musulmans dans les années 1990, le premier ministre Aleksandar Vučić essaie de cultiver une image lisse de technocrate. Poursuivant un programme de réformes ultralibérales tout en favorisant le culte effréné de sa propre personne, il se garde de trop investir le terrain mémoriel. Son discours exalte une « Serbie de l'avenir » qui devrait rompre avec les fantômes de son passé, solder les comptes de son histoire — notamment à propos du Kosovo, dont Belgrade, sans le dire, reconnaît progressivement l'indépendance, proclamée en 2008.

Dans le regard occidental, les Balkans sont toujours spontanément associés à une histoire touffue, confuse. L'argument de la « complexité » permet de refuser tout travail d'intelligibilité et s'inscrit dans un dispositif idéologique que l'historienne bulgare Maria Todorova (5) qualifie de « balkanisme », dans un sens proche de celui donné à l'orientalisme par Edward W. Said.

La perspective d'entrer dans l'Union européenne après la décennie de guerre des années 1990 était censée offrir à la région le moyen de rompre avec la supposée répétition d'un passé tragique. En quelque sorte, cette intégration devait lui garantir une forme de « sortie de l'histoire », inhérente au processus d'européanisation. L'exemple croate montre bien la vanité de ces prétentions. Mais, alors que le processus d'élargissement n'est plus à l'ordre du jour, nombre de diplomates européens s'accommodent fort bien du discours désidéologisé de M. Vučić, dont la principale qualité serait sa capacité à garantir la stabilité de la Serbie. Ce faisant, ils oublient les excès nationalistes du premier ministre, pardonnés comme des « péchés de jeunesse ». Il est vrai que l'échec du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a permis aux anciens « chiens de guerre » de rester sur le devant de la scène politique. L'égalité postulée en Croatie entre oustachis et partisans, l'« indifférence historique » professée par les autorités serbes ont pour objectif commun d'effacer et de dénigrer la singularité de la résistance yougoslave, qui associait un projet socialiste à une volonté de vivre ensemble et à une promesse d'égalité entre les peuples.

En Macédoine, cet effacement de la mémoire prend une forme plus singulière. À Skopje, l'impressionnant Musée du combat macédonien pour un État indépendant reconstitue depuis 2011 la geste des combattants nationalistes macédoniens, traqués par les Turcs, puis par les Serbes et les Bulgares et enfin par les communistes yougoslaves. La Macédoine, enfin « réconciliée (6) » sous la houlette de l'Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure - Parti démocratique pour l'unité nationale macédonienne (VMRO-DPMNE), oublie ainsi les blessures et les divisions de son histoire, alors même que sa naissance en tant qu'État remonte précisément à la résistance antifasciste. C'est ce moment particulier qu'il faut faire disparaître. Les jets d'eau colorés du monument tiennent lieu d'analyse historique, et collaborateurs des nazis comme résistants ne sont plus que les figures hiératiques d'un carrousel privé de sens.

(1) Jozo Tomasevich, War and Revolution in Yugoslavia, 1941-1945 : Occupation and Collaboration, Stanford University Press, 2002.

(2) Cf. Sonja Drobac, « Serbie : égalité pour les anciens partisans et les anciens tchétniks de la seconde guerre mondiale », Le Courrier des Balkans, 10 janvier 2005.

(3) Sur le mouvement tchetnik, l'ouvrage récent le plus objectif est celui de Roland Vasić, Mihailović entre révolution et restauration. Yougoslavie 1941-1946, L'Harmattan, Paris, 2009. Cf. aussi les Mémoires de l'émissaire de Winston Churchill auprès de Tito, Fitzroy Mclean, Dangereusement à l'Est (1936-1945), Viviane Hamy, Paris, 2015.

(4) Cf. Ljudmila Cvetković, « Nazisme et collaboration en Serbie : l'inacceptable réhabilitation de Milan Nedić », Le Courrier des Balkans, 30 décembre 2015.

(5) Maria Todorova, Imaginaire des Balkans, Éditions de l'EHESS, Paris, 2011.

(6) Lire « La Macédoine à la dérive », Le Monde diplomatique, mai 2016.

Assisting Famine

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Fri, 28/04/2017 - 00:00
(Own report) - This Sunday, Chancellor Angela Merkel is expected in the Saudi capital Riyadh for talks on the wars in Syria and Yemen, according to the Saudi media. Her talks in the Golf monarchy will therefore focus not only on expanding economic relations but on the proxy wars, Saudi Arabia is currently waging against Iran. Berlin supports Riyadh in these proxy wars - politically but also with the supply of weapons proven to have been used in Yemen. Saudi Arabia is strongly criticized for its war in Yemen, which is causing numerous civilian casualties. In addition, Riyadh's maritime blockade of Yemeni ports is causing a famine. 2.2 million children are malnourished, including half a million who are severely malnourished and at imminent risk of death. In March, Berlin authorized the delivery of supplementary German patrol boats to Saudi Arabia, in spite of them being used to enforce the maritime blockade. Aid organizations are sounding the alarm.

« Le Parisien » enchaîné

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:07

Début 2016, peu après son rachat par le groupe LVMH de M. Bernard Arnault, Le Parisien avait interdit la publication d'articles sur le film de François Ruffin Merci patron !, qui tournait en ridicule le nouveau propriétaire. Au printemps 2017, la nouvelle cible se nomme Jean-Luc Mélenchon, qualifié de « marchand de rêves » dans un éditorial (16 avril 2017). À l'avant-veille du premier tour (21 avril 2017), une double page assimilait son mouvement, La France insoumise, au Front national : « Ils appartiennent à une droite et à une gauche pour le moins radicales, allergiques l'une et l'autre à l'Allemagne, à l'Europe, au monde qui, tout autour de nous, bouge et avance. Quoi qu'on en dise, les populismes quels qu'ils soient sont un rabougrissement des idées et des ambitions qui pourrait mettre la France en état de congélation. » Contrairement au courant d'air vivifiant qu'insuffle le journalisme de faits divers.

Pour préciser le fond de sa pensée, le quotidien a sollicité un expert impeccablement neutre, présenté comme « directeur de la Fondapol » : Dominique Reynié, en réalité candidat Les Républicains aux régionales de 2015 dans le Languedoc-Roussillon. « Ces deux extrémismes sont-ils identiques ? », interroge la journaliste. « Quelle est la force qu'a cherché à mobiliser Mélenchon la semaine dernière lors de son meeting à Marseille lorsqu'il a fait huer l'État d'Israël ?, rétorque le militant grimé en politologue. Il y a toujours eu dans l'extrême gauche un vieux fond antisémite contre lequel elle se défend en insistant sur la différence, qui n'est qu'un leurre, entre “antisémitisme” et “antisionisme”. » On attend désormais que Le Parisien fasse commenter la politique étrangère américaine par Élizabeth Teissier, présentée comme géopoliticienne.

Quelque part au sud de Paris

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

Isolé au fond d'une zone industrielle bordée par la forêt de Sénart, l'hôtel de Tigery connaît ce jour-là une forte agitation. M. François Laballe, chargé de mission au Secours populaire de l'Essonne, au sud de Paris, et quelques bénévoles déchargent leur camion de vivres et de vêtements. Quelques tables sont rapidement dressées dans l'épais brouillard matinal. Plusieurs dizaines de personnes, des femmes, principalement, et quelques enfants, sortent du hall de l'hôtel. Cinquante-quatre familles, cent vingt personnes, sont hébergées ici dans soixante-quatre chambres. Immigrés économiques ou réfugiés, détenteurs de cartes de séjour ou en situation irrégulière. « En à peine deux ans, nous avons constaté l'augmentation des besoins concernant les migrants et les réfugiés dans notre département, explique Mme Annie Grinon, responsable fédérale de l'association. Les hôtels sont mal desservis par les moyens de transport et n'offrent donc pas de possibilité de rejoindre l'une de nos permanences. Nous venons donc jusqu'à eux. Bientôt, nous pourrons utiliser un nouveau bus, le Solidaribus, avec une partie réfrigérée et un espace d'accueil, capable de se rendre dans ces zones. »

Face aux premiers gestes d'impatience, M. Laballe rappelle les règles : d'abord donner son numéro de chambre, auquel correspond un panier alimentaire élaboré en fonction de la composition de la famille. « Il y a une participation de tous de 50 centimes par personne hors bébé, rappelle-t-il. Concernant le vestiaire, c'est 50 centimes pour les vêtements d'occasion et 1 euro pour le neuf. » Christine, l'une des bénévoles, reprend à peine son souffle. « Il y a un litre de lait par personne, des boîtes de conserve, un kilo de pâtes, du riz, des fruits, des légumes, de l'huile, de la viande ou des plats cuisinés. » Les produits frais proviennent principalement des collectes effectuées auprès des grandes enseignes du département ; ceux à conservation plus longue, du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD).

Tous ont été orientés jusqu'ici par le pôle hébergement et réservation hôtelière (PHRH) du Samu social de Paris dont ils dépendent, souvent après de multiples séjours, parfois brefs, dans la constellation d'hôtels de la région. Trente-cinq mille personnes sont accueillies chaque nuit dans les hôtels d'Île-de-France, selon la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement. Elles sont quatre mille par nuit dans le seul département de l'Essonne. Mme Marie Diakité, 26 ans, a composé le 115, comme tout le monde appelle ici, le numéro du Samu social. « Je suis d'abord allée dans une structure pour femmes pendant deux semaines, puis dans des hôtels à Cergy pendant quelques jours, puis à Paris, dans le 18e arrondissement, pendant une nuit, et encore à Cergy-Préfecture pendant trois ou quatre nuits, avant, enfin, d'arriver ici il y a un mois. »

Car l'hôtel de Tigery est, selon la terminologie officielle, un « hôtel de stabilisation ». « Le processus peut durer longtemps, explique M. Laballe. D'abord quelques jours, quelques semaines, puis quelques mois. Chaque fois que la composition de la famille change, ils doivent aussi changer d'hôtel. Ils font des allers-retours. » Carine, 29 ans, vit ici depuis un an avec ses deux enfants. Elle occupe une étroite chambre de quatorze mètres carrés. Un lit superposé, sur lequel s'est assoupie sa fille de 3 ans, fait face à une petite salle de bains et à une colline de sacs qu'elle a accumulés. Son itinéraire ressemble à celui de nombre de ses voisins de chambre. Carine a d'abord affronté la route des migrants. « Je viens de Côte d'Ivoire, raconte-t-elle Je suis originaire de l'ouest du pays, de la région de l'ancien président Laurent Gbagbo, et j'ai perdu mon emploi lorsqu'il a perdu le pouvoir. Je suis d'abord allée en Turquie, pendant dix mois. Le choix de la route dépend des contacts que tu as. En ce qui me concerne, c'est un Ivoirien que je connaissais qui a joué les intermédiaires avec des Nigérians en Turquie. Ensuite, je suis passée par la Grèce, la Bulgarie, la Hongrie, et enfin la France. »

Les familles se plaignent surtout de l'isolement et des difficultés à rejoindre leur lieu de travail ou, pour les enfants, leur établissement scolaire. À la défaillance du réseau de transports (quasi absents de la zone industrielle) s'ajoute son coût pour ceux qui n'ont pas la couverture maladie universelle (CMU). « Beaucoup des personnes hébergées ne bénéficient que de l'aide médicale de l'État [AME]. Or, depuis une décision du conseil régional d'Île-de-France en janvier 2016, celle-ci ne prend plus en charge le prix des billets de train ou de bus », nous explique M. Laballe.

Errements de la politique migratoire de Bruxelles

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

L'arrivée de migrants (0,2 % de la population européenne) a créé une « crise des réfugiés », qui n'est pas autre chose qu'une crise de l'Europe elle-même et de sa capacité à fédérer les États autour des droits fondamentaux.

Face à l'arrivée de migrants et de réfugiés, la réaction des États et de l'Union européenne consiste uniquement à tout mettre en œuvre pour éviter un nouvel « afflux » de population, sans engager leur responsabilité, fût-ce au prix de nombreuses violations des droits humains et du droit des réfugiés. Ils ont ainsi développé diverses techniques allant du renforcement matériel des frontières — y compris par la construction de murs ou de camps destinés à parquer et à trier les migrants — jusqu'au développement de mécanismes juridiques plus subtils, qui exacerbent les ambiguïtés du projet européen (1).

La politique migratoire commune est officiellement née avec l'adoption du traité de Lisbonne, en 2008. Toutefois, seuls certains aspects des migrations ont pu être pris en charge, notamment la politique d'asile et celle des visas de court séjour, ou l'harmonisation des conditions de renvoi des étrangers ressortissants d'États tiers en situation irrégulière.

En réalité, face au besoin de protection ressenti contre des étrangers dépeints comme des délinquants, des criminels ou des terroristes dans un contexte de crise économique, les États membres jouent un double jeu. D'un côté, ils rejettent les normes et institutions communes qui les contraignent à accepter les réfugiés et d'autres migrants. Ils ont ainsi refusé le plan de la Commission qui souhaitait imposer des quotas de réfugiés à réinstaller en Europe et une relocalisation au sein de l'Union des demandeurs d'asile arrivés en Grèce et en Italie. Mais, d'un autre côté, ils renforcent ces normes et institutions quand elles servent leurs desseins. Ainsi ont-ils accepté le développement de réseaux de fichiers de données et métadonnées permettant de contrôler les déplacements des étrangers (mais aussi des Européens), ou le renforcement de l'agence Frontex par la création d'un corps de gardes-frontières et de gardes-côtes disposant d'une autonomie et de pouvoirs plus grands (2).

Mais, entre fermeture et ouverture, entre autonomie et subordination aux États membres, les institutions européennes font elles aussi preuve d'ambiguïté. Le président de la Commission, M. Jean-Claude Juncker, semble lui-même marquer le pas lorsqu'il estime, dans son discours sur l'état de l'Union de 2016, que le devoir de solidarité ne peut pas être imposé. Le Conseil de l'Union (ministres) ne cesse, pour sa part, de proroger des autorisations données à certains États de maintenir des contrôles sur une partie de leurs frontières intérieures à l'espace Schengen. Quant à la Cour de justice de l'Union, elle affirme que les États ne sont pas obligés d'accorder un visa humanitaire à des personnes souhaitant se rendre sur le territoire européen pour demander l'asile.

Par ailleurs, les États membres et les institutions européennes cherchent à échapper à leurs responsabilités en recourant à l'externalisation des contrôles migratoires, technique empruntée au management des entreprises commerciales. Il s'agit de délocaliser les contrôles hors du territoire européen et de sous-traiter leur exercice à d'autres acteurs, essentiellement les États d'origine et de transit des migrants.

Cette technique est utilisée aux mêmes fins que l'externalisation des opérateurs économiques : ménager les finances en transférant à d'autres la surveillance de l'immigration, quitte à allouer aux États tiers une indemnisation symbolique, de plus en plus souvent déguisée en aide au développement. L'Union et ses États membres se prémunissent également contre le risque juridique d'être condamnés en repoussant les contrôles loin des yeux du public et des juges européens.

L'arrangement du 18 mars 2016 entre la Turquie et l'Union n'est qu'un aspect de ce phénomène général, qui conduit à de nombreuses violations des engagements européens en matière de droits humains et de droit des réfugiés. Avec Ankara, comme avec d'autres pays (Libye, Soudan), il s'agit, à force de « mesures incitatives » et de menaces de sanctions économiques, de bloquer les migrants à leurs frontières ou de les contraindre à réadmettre les étrangers en situation irrégulière identifiés sur le territoire des États membres.

On sous-traite encore à des États tiers qui ne reconnaissent pas le droit d'asile le soin de statuer sur les demandes de protection des étrangers qu'ils ont retenus. Il en va ainsi de la Turquie, qui est certes partie à la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, mais qui a déclaré ne l'appliquer qu'aux personnes devenues des réfugiés à la suite d'événements survenus en Europe, ce qui exclut donc les Syriens. Quant à la Libye déchirée, elle n'est pas partie à la convention de 1951. Et que dire encore des discussions avec le Soudan — dont le président, M. Omar Al-Bachir, fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale —, l'Égypte et l'Érythrée ? Sans que cela soit assumé par l'Union et par ses membres, l'Europe est de moins en moins une terre d'asile.

(1) Cf. « L'espace Schengen : crise et méta-crise », Migrations sans frontières, 11 décembre 2016.

(2) Règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 relatif au corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes.

Mondialisons la solidarité !

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

Le grand public connaît bien les activités du Secours populaire français dans le domaine alimentaire en France — 180 millions de repas sont en effet distribués chaque année. Il connaît bien également ses grandes campagnes organisées à l'occasion des vacances ou des fêtes de fin d'année, notamment les « Pères Noël verts », pour aider les personnes en difficulté à y prendre part.

En revanche, ses activités dans le monde sont moins connues. Et pourtant ! Chaque année, le Secours populaire vient en aide, au-delà de nos frontières, à plus de 450 000 personnes dans une cinquantaine de pays, avec un réseau de 150 associations locales. Sans parler de la construction du grand mouvement d'enfants Copain du monde, créé il y a vingt-cinq ans, et qui est la traduction sur le terrain des beaux textes de la convention internationale des droits de l'enfant. Que de bonnes intentions ! Mais cela ne suffit pas. D'où l'organisation, cette année, d'une trentaine de villages « Copain du monde » pour apprendre à s'aimer les uns les autres, et non à se détester, apprendre à se rencontrer plutôt qu'à se fuir.

Mais il faut également répondre à ce drame inhumain d'une ampleur encore jamais rencontrée : ce flot d'enfants et de familles réfugiés venus du Proche-Orient ou d'Afrique, tentant de fuir les guerres, les violences, la famine et la misère. Le Secours populaire se mobilise ici et là-bas pour leur venir en aide.

Aujourd'hui, les bénévoles ou les donateurs sont les bienvenus. Ils font œuvre utile dans ce monde où tant de personnes sont confrontées à des situations dramatiques.

Le fantôme de la guerre d'Espagne

Le Monde Diplomatique - Thu, 27/04/2017 - 15:05

À la fin des années 1930, face à la guerre qui ravage leur pays, de nombreux Espagnols cherchent l'asile en France. Tandis que le Front populaire, arrivé au pouvoir en 1936, impose un accueil solidaire des réfugiés, les derniers gouvernements de la IIIe République mettent en place une législation restrictive qu'utilisera le régime de Vichy.

Dans les années 1920, la France, touchée par la première guerre mondiale et les pertes d'hommes jeunes, est amenée à recruter des travailleurs étrangers et à accueillir des réfugiés. Elle devient, à l'aube des années 1930, le premier pays d'immigration du monde. Des travailleurs entrés individuellement ou recrutés collectivement par la Société générale d'immigration, créée par le patronat, se mêlent aux réfugiés. Mais les effets de la crise économique de 1929 provoquent une poussée de xénophobie.

De l'été 1936 au printemps 1938, les premiers bombardements de l'histoire de villes européennes et les représailles exercées par les franquistes provoquent l'arrivée de plusieurs vagues de réfugiés espagnols. Souvent suivis de retours, ces flux représentent plus de 150 000 personnes. Quarante-huit heures après le putsch de Francisco Franco, à la mi-juillet 1936, le gouvernement du Front populaire recommande de pratiquer à l'égard des réfugiés un accueil conforme à la « tradition ». Le 18 août 1936, il est demandé aux préfets des départements situés entre Garonne et Loire de procéder à un recensement des locaux susceptibles de recevoir les démunis. Une « Instruction générale sur l'hébergement des réfugiés espagnols », édictée en mai 1937, détermine la liste des départements concernés et synthétise les prescriptions en matière de conditions d'accueil.

Après la chute du gouvernement de Léon Blum, en juin 1937, il se produit une inflexion restrictive sensible. Le 27 novembre, il est décidé qu'en dehors des femmes, des enfants, des vieillards et des malades, qui peuvent encore être hébergés aux frais des collectivités publiques, les réfugiés doivent pouvoir subvenir à leurs besoins.

Le gouvernement d'Édouard Daladier, constitué en avril 1938, marque un net changement dans la politique d'admission des étrangers. On considère désormais que les réfugiés sont trop nombreux et menacent la sécurité nationale. Le 14 avril, le ministre de l'intérieur réclame « une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser notre pays des éléments indésirables trop nombreux qui y circulent ». Le 2 mai, un décret prévoit que, si un étranger frappé par un arrêté d'expulsion ne parvient pas à obtenir le visa qui lui permettrait de quitter la France, le ministère de l'intérieur « pourra assigner à l'intéressé une résidence déterminée qui rendra sa surveillance possible ». Le 12 novembre de la même année, un décret estime que, pour les « indésirables » qui « sont dans l'impossibilité de trouver un pays qui les accepte », l'assignation à résidence prévue en mai représente une « liberté encore trop grande » : ils seront dirigés vers des « centres spéciaux » où ils feront l'objet d'une surveillance permanente.

En janvier et février 1939, face à l'exode d'un demi-million de personnes consécutif à la conquête de la Catalogne par les franquistes, la principale préoccupation du gouvernement est d'assurer l'ordre et la sécurité, tout en incitant les arrivants à repartir en Espagne. Malgré les avertissements répétés des diplomates, rien n'a été prévu pour préparer le moindre hébergement. L'asile est certes consenti ; mais, dépassés par des événements qu'ils n'ont pas su ou voulu anticiper, les pouvoirs publics gèrent le grand exode de 1939 de manière sécuritaire.

La séparation des familles, quand elles ont pu partir groupées, s'effectue dès la frontière : les femmes, les enfants et les personnes âgées sont généralement évacués vers des centres d'hébergement en province où ils sont tant bien que mal accueillis. Quant aux combattants et aux hommes jeunes, ils sont conduits sous bonne escorte dans des camps aménagés à la hâte sur les plages du Roussillon. Ces camps sont dits alors « de concentration » dans les textes administratifs, au sens où l'on entend « concentrer », afin de les surveiller, ceux que l'on juge « indésirables ». Les réfugiés se retrouvent dispersés sur tout le territoire pour de longs mois, voire des années.

Chaos et improvisation dominent : les premiers camps poussent sur les plages du Roussillon, à Argelès-sur-Mer et à Saint-Cyprien, dans les Pyrénées-Orientales. Ce sont de simples espaces délimités par des barbelés, sans baraquements ni installations sanitaires, placés sous la surveillance de corps de troupe (gendarmerie, gardes mobiles, troupes coloniales). Les réfugiés doivent, en plein hiver, s'enfouir dans le sable pour se protéger des intempéries. Des épidémies se répandent, tant ces populations sont affaiblies par des mois de guerre et par de longues marches.

Ces camps se révèlent vite insuffisants ; les autorités en ouvrent d'autres : au Barcarès, non loin, pour les réfugiés en instance de rapatriement ; à Bram, dans l'Aude, à Agde, dans l'Hérault, à Septfonds, en Tarn-et-Garonne, puis au Vernet d'Ariège et à Gurs, près de Pau. En février 1939, quelque 275 000 Espagnols sont internés. Fin mars 1939, des réfugiés parviennent à gagner l'Algérie, où les autorités, souvent profranquistes, les accueillent rudement ; des camps précaires, tels Morand (à Boghari) et Suzzoni (à Boghar), attendent les combattants près d'Alger.

Les autorités françaises incitent les internés à retourner en Espagne, malgré les risques encourus, ou à s'engager dans la Légion étrangère. Les autres se retrouvent, de gré ou de force, employés à la fortification des frontières ou embarqués dans l'économie de guerre : enrôlement dans les compagnies de travailleurs étrangers, militarisées, et, sous Vichy, dans les groupements de travailleurs étrangers.

Les Espagnols attendront 1945 pour bénéficier du statut de réfugiés politiques, après avoir participé en grand nombre à la guerre et à la Résistance. Entre-temps, ces camps et d'autres nouvellement créés — comme celui de Rivesaltes — auront été utilisés par le régime de Vichy, qui en aura fait les instruments de sa politique d'exclusion à leur égard et à celui d'autres « indésirables », notamment des Juifs. Le sécuritaire avait toutefois pris le pas sur l'humanitaire dès la fin de la IIIe République.

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