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Une élection municipale-test ratée pour l’opposition hongroise

HU-LALA (Hongrie) - Mon, 16/01/2017 - 12:51
Malgré un rassemblement large de la gauche derrière un candidat indépendant, c’est le parti gouvernemental Fidesz qui s’est imposé hier lors de l’élection municipale partielle à Szentendre.

Les résultats sont serrés, mais c’est avec 41 voix d’avance que la candidate Fidesz-KDNP Katalin Négyessy a été élue hier élue du bureau de vote n°7 de Szentendre, petite localité touristique au nord de Budapest. L’opposition avait pourtant réussi à fédérer le Parti socialiste hongrois (MSzP), la Coalition démocratique (DK) et Ensemble (Együtt) derrière le candidat présenté par l’Union Vivre à Szentendre (TESz), Imre Helyes.

Selon le Magyar Nemzet, ces résultats ont une valeur test pour la capacité de la gauche à dévisser le Fidesz pour les élections législatives de 2018. Si la coalition gouvernementale résiste effectivement bien, elle a sans doute bénéficié d’un report des voix marginal du parti d’extrême-droite Jobbik, lequel n’a pas réussi à présenter de candidat. Quant à la gauche, elle a souffert de la concurrence de la formation écologiste LMP et du Parti des travailleurs hongrois (MMKP), d’obédience marxiste.

Source : Magyar Nemzet

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En Slovaquie, « faire société » autour d’un kebab

HU-LALA (Hongrie) - Sun, 15/01/2017 - 12:25
En réponse à un appel au boycott des kebabs apparu sur les réseaux sociaux, des jeunes Hongrois de Slovaquie se sont mobilisés en faveur du dialogue interculturel… en faisant la tournée des restaurants turcs de Dunajská Streda.

Le 7 janvier dernier, un appel au boycott des kebabs a été lancé sur la page Facebook des DAC Yellow Blue, le club de supporteurs du DAC Dunajská Streda, l’équipe de football de la capitale de la minorité hongroise de Slovaquie. Dans la veine du tournant xénophobe du Fidesz au pouvoir en Hongrie voisine, le message appelait à « cesser toute action qui pourrait passer pour un soutien à l’Islam » en visant notamment les glaciers d’ex-Yougoslavie ainsi que les vendeurs de kebab, originaires des Balkans ou de Turquie.

En réponse à cette campagne « comprise » par le Parti de la communauté hongroise (SMK-MKP), son rival Most-Híd a effectué hier une « tournée des kebabs » dans le centre-ville de Dunajská Streda. Selon le parti progressiste, épaulé par sa formation de jeunesse Iuven, l’objectif était de montrer que les kebabs créaient également de l’emploi dans la région. La tournée a rassemblée notamment Ábel Ravasz et Konrád Rigó, tous deux membres du gouvernement, ainsi qu’une petite dizaine de jeunes militants de Most-Híd. L’initiative a été plutôt bien accueillie par les clients, et a ouvert le débat sur les réseaux sociaux.

Ábel Ravasz a déclaré à Új szó « avoir été surpris par cet appel au boycott, parce que ce n’est pas une bonne chose de distinguer les gens selon leur nationalité ou le lieu de leur naissance », explicitant « ne pas être d’accord avec des appels de ce genre ». Celui qui est également secrétaire d’État à la minorité rom a par ailleurs rappelé sa volonté de vivre dans une société « où tous les citoyens sont considérés de la même manière ».

Source : Új szó

Sur les musulmans, le gouvernement slovaque souffle le chaud et le froid

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Les ONG co-financées par Soros toujours dans la ligne de mire

HU-LALA (Hongrie) - Fri, 13/01/2017 - 11:09
« L’année de rébellion des Européens chrétiens et nationaux de notre espèce contre les forces libérales et globalistes » (dixit Viktor Orbán) débute sur les chapeaux de roue en Hongrie ! Viktor Orbán va-t-il mettre au pas les ONG comme l’a fait Vladimir Poutine en Russie ? C’est la crainte de plusieurs associations depuis de nombreux mois. Ce conflit latent a pris une nouvelle tournure cette semaine.

La Hongrie vient de connaître une petite poussée de fièvre à laquelle le gouvernement chrétien-conservateur nous a habitué. Mardi, le vice-président du Fidesz, Szilárd Németh, déclarait que « la Hongrie doit être débarrassée des pseudos ONG de l’empire Soros. Le contexte international le permet désormais ». Le lendemain, il rajoutait à l’émoi en s’autorisant même à désigner ses cibles : Transparency International, Hungarian Civil Liberties Union (TASZ) et le Comité Helsinki. Jeudi, le chef du cabinet du Premier ministre, János Lázár, le recadrait quelque peu en affirmant : «Je ne veux pas me distancer de mon collègue député, mais c’est difficile d’adhérer à son style…». De son coté, Szilárd Németh rétro-pédalait lui aussi sur la radio d’opposition Klubrádió en disant ne plus vouloir se débarrasser des ONG, préférant mettre en avant le soucis de transparence.

Recadré donc, mais pas désavoué pour autant. «L’homme d’affaires américain George Soros a répété à maintes reprises qu’en l’absence d’une vraie opposition, ce sont lui et ses réseaux qui représentent l’opposition en Hongrie. Donc les gens ont le droit de savoir qui sont ses agents en Hongrie», a aussi déclaré M. Lázár.

Le Président de l’Open Society Foundations, Christopher Stone, lui a rétorqué : «Les fondations Open Society soutiennent les initiatives et les organisations créées par les citoyens eux-mêmes. En Hongrie, nous finançons plus de soixante ONG qui travaillent sur des questions comme la promotion du journalisme indépendant, La lutte contre la corruption et la lutte contre la discrimination. Les fondations de l’Open Society ne sont pas l’opposition, ni en Hongrie, ni ailleurs. Nous sommes les promoteurs d’un débat ouvert».

Cependant, il ne s’agit plus désormais de cibler spécifiquement les ONG qui reçoivent un soutien financier de l’Open Society Foundations de George Soros, ce qui représenterait de toute façon une entreprise tout à fait anti-Constitutionnelle et vouée à l’échec, comme l’avait souligné mercredi András Schiffer, l’ancien président du parti Une autre politique est possible.

Le ministère de la Justice, a fait savoir János Lázár, est en charge de préparer un texte de loi «qui s’appliquera à toutes également», a assuré M. Lázár. Son contenu n’est pas encore connu, mais il s’agit vraisemblablement de donner au gouvernement accès à l’ensemble des données relatives à leur financement et au patrimoine de leurs dirigeants. Si le ton employé ressemble en tous points à celui de Vladimir Poutine, la législation entrevue serait inspirée de celle en vigueur en Israël, se défend le gouvernement.

L’effet Trump

Ce nouveau contexte international, évoqué par Szilárd Németh, c’est bien entendu la prise de pouvoir imminente de Donald Trump aux États-Unis qui semble donner des ailes aux populistes au pouvoir à Budapest. Rappelons que Viktor Orbán avait été le seul dirigeant européen à accueillir son élection en novembre avec enthousiasme (Lire L’élection de Trump, a fucking good news pour Viktor Orbán !).

Fin décembre, le Premier ministre hongrois avait donné le ton en dénonçant une énième fois l’influence de George Soros et en proclamant 2017 « l’année de rébellion des Européens chrétiens et nationaux de notre espèce contre les forces libérales et globalistes ». Idéologiquement proche de Vladimir Poutine et avec Trump à la Maison Blanche, celui-ci profite d’un alignement des astres inédit pour continuer à renforcer son pouvoir personnel et pour mener à bien son projet de construction d’une «démocratie illibérale» à mille lieues de la «société ouverte» prônée par George Soros. Son opposition se recompose très lentement et l’Union européenne semble se désintéresser de la Hongrie, focalisée sur la Pologne qui s’est engagée dans la même voie. Alors en faisant taire ces ONG très influentes dans les grands médias étrangers, Orbán se débarrasserait d’adversaires encombrants. Il y a peu de risques qu’il y parvienne, mais cela lui permet de toute façon de focaliser le débat et l’opinion publics sur un nouveau bouc-émissaire. Et c’est sans doute là son objectif premier.

Le Fidesz cible George Soros, son «premier opposant»

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« On accueille toujours les étrangers en Hongrie avec des costumes traditionnels »

HU-LALA (Hongrie) - Fri, 13/01/2017 - 10:41
József Liszka est ethnologue, archéologue de 60 ans cette année, maître de conférences à l’Université magyarophone János Selye de Komárno, en Slovaquie. Il fait des recherches dans le domaine du folklore hongrois, de la religiosité populaire et sur le terrain des rapports interethniques et interculturels. Interview réalisée par Péter Ráczi pour Vasárnapi Hírek. La version originale de cet article a été publiée le 30 décembre 2016 dans Vasárnapi Hírek sous le titre « Egészen Magyar » (Complètement hongrois). La traduction en français a été réalisée par Paul Maddens. Ces temps-ci, le sentiment national hongrois se renforce de façon spectaculaire et il s’exprime par opposition à l’idée européenne (ou seulement contre l’Union européenne). L’accent est mis également sur l’Etat Nation. A quoi cela est-il dû ? Jozsef Liszak photographié par Ádám Draskovics pour « Vasárnapi Hírek ».

Certains désirent contre balancer les tentatives homogénéisantes de l’UE (un cauchemar pour certains) par le renforcement des traditions nationales. En même temps, des dizaines d’années avant l’intégration l’idée avait été formulée selon laquelle la réaction à la globalisation serait l’accroissement de la demande pour plus de culture nationale, régionale et locale, ainsi que la réanimation et le souci des traditions et du folklore.

Alors peut-on dire qu’il s’agit d’une réelle exigence sociale à laquelle les politiciens ne font que se raccrocher ?

La politique a toujours récupéré le folklore, quelle que soit l’idéologie au pouvoir en Hongrie et n’importe où dans le monde. On accueille toujours les étrangers en Hongrie avec des groupes de danses en costumes traditionnels, alors que dans beaucoup de cas si on observe leurs origines, ils n’ont rien de nationaux, mais sont seulement proclamés comme tels. Il en est ainsi des broderies de Kalocsa[1]Kalocsa : ville située environ à 110 km au sud de Budapest, célèbre pour ses broderies et son paprika. jQuery("#footnote_plugin_tooltip_1").tooltip({ tip: "#footnote_plugin_tooltip_text_1", tipClass: "footnote_tooltip", effect: "fade", fadeOutSpeed: 100, predelay: 400, position: "top right", relative: true, offset: [10, 10] }); ou des broderies « matyó[2]Matyó : groupe ethnique hongrois particulier dont le territoire d’implantation est situé à l’ouest de la ville de Miskolc. jQuery("#footnote_plugin_tooltip_2").tooltip({ tip: "#footnote_plugin_tooltip_text_2", tipClass: "footnote_tooltip", effect: "fade", fadeOutSpeed: 100, predelay: 400, position: "top right", relative: true, offset: [10, 10] }); » destinées à faire des cadeaux aux touristes. Elles ne sont pas typiquement « hongroises », mais seulement caractéristiques d’une région, elles sont devenues représentatives de la Hongrie pour le monde extérieur.

Ce n’est pas différent dans le cas de la Puszta[3]Puszta : littéralement « steppe », désigne la grande plaine située à l’est de Budapest jQuery("#footnote_plugin_tooltip_3").tooltip({ tip: "#footnote_plugin_tooltip_text_3", tipClass: "footnote_tooltip", effect: "fade", fadeOutSpeed: 100, predelay: 400, position: "top right", relative: true, offset: [10, 10] });. Mais à quoi attribuer le fait que la culture populaire, la plupart du temps par le biais de la politique, représente la culture nationale ?

On peut faire remonter à l’époque des efforts de constitution des nations du début du 19e siècle et de la fin du 18e en Europe le fait qu’une situation aussi « déformée » voie le jour. Les membres de la couche dirigeante parlaient pour la plupart allemand et français, tandis que la langue officielle était le latin et seule la paysannerie parlait la langue nationale, dans notre cas le hongrois. L’exigence d’élaborer une culture nationale les a amenés à découvrir la culture de la paysannerie et pour affiner la langue nationale, la poésie populaire et ainsi de suite… Dans les faits, une culture populaire idyllique – je veux dire une image de celle-ci – s’est construite au 19e siècle, qui pour certains est la base de la culture nationale.

Pourtant, bien qu’elle se soit épanouie plus tardivement, il n’en existe pas moins une culture urbaine.

Ceux qui proclament l’opposition de la culture urbaine et de la culture populaire sont ceux qui considèrent celle-ci comme le pilier principal de la culture nationale. Par contre la culture hongroise est hétérogène. Elle intègre les œuvres de György Kurtág, Imre Kertész, Péter Eszterhazy, pour ne mentionner que quelques exemples.

Alors ceux qui suscitent de l’antipathie à l’égard de la culture populaire entendue comme culture nationale n’ont pas raison non plus en disant qu’elle leur est étrangère car ils ne la rencontrent que rarement dans les « táncház »[4]Ces « maisons de danse » sont des endroits où les gens se rendaient pour apprendre ensemble les danses traditionnelles grâce à l’aide des danseurs les plus avancés, par exemple dans une maison de la culture jQuery("#footnote_plugin_tooltip_4").tooltip({ tip: "#footnote_plugin_tooltip_text_4", tipClass: "footnote_tooltip", effect: "fade", fadeOutSpeed: 100, predelay: 400, position: "top right", relative: true, offset: [10, 10] });.

Ce sont des questions complexes. Il est vrai que la culture paysanne traditionnelle a disparu mais certains éléments sont devenus une partie de la culture moderne d’aujourd’hui. Le poème de János Arany intitulé « Cercle familial » est incompréhensible sans certaines connaissances ethnographiques. Ce serait par contre une erreur de croire que l’identité première de la paysannerie hongroise aurait été de tout temps la « hungarité », le fait d’être hongrois. La culture nationale hongroise en tant que facteur déterminant de l’identité a été diffusée secondairement par l’école, en tant qu’élément appris, si vous voulez comme construction artificielle. D’autre part la culture populaire est le propre d’une couche d’artisans, de paysans, qui continue à transmettre oralement ses expériences et qui vit du travail manuel. Elle peut être présente dans d’autres milieux mais dans d’autres proportions. Par exemple dans le roman de Thomas Mann intitulé La maison Buddenbrook le personnage du sénateur cache dans son portefeuille des écailles de poisson à Noël pour avoir de la chance dans l’année, ce qui est un procédé universel de la magie analogique. A côté de cela bien sûr on peut trouver dans la culture du peuple étudiée par l’ethnographie des éléments de la « grande » culture

Il y en a cependant qui combattent certains phénomènes culturels qu’ils qualifient d’étrangers, par exemple la folie de la Saint-Valentin…

On pourrait protester avec autant de force contre le sapin de Noël et le petit lapin de Pâques… Nous savons d’où ils viennent et quand ils se sont répandus chez nous.

La couronne de l’Avent, elle, au contraire, suit des traditions hongroises très anciennes.

Ah ! bien sûr …chez nous elle remonte à 1989 ! C’est à ce moment-là, qu’elle s’est répandue dans le bassin des Carpates. Selon une étude que nous avons faite en 1999 dans le sud de la Slovaquie, elle était à la mode chez les jeunes et les diplômés. Dix ans plus tard, on ne pouvait plus montrer de telles différences. Si je demande à mes étudiants de dire jusqu’à quand elle remonte, ils répondent qu’elle a toujours existé. C’est légitime car eux sont nés dedans, c’est ainsi que des éléments antérieurement étrangers s’insèrent dans la culture.

Alors prenons un véritable « hungarikum » (terme désignant un élément spécifiquement hongrois), le « kürtös kalacs » (friandise se présentant comme un cylindre de pâte cuite au-dessus de la braise, ndlr).

A Prague ils le présentent comme une nourriture ancestrale et en Allemagne comme une spécialité locale, mais pour l’essentiel toutes les nations d’Europe le connaissent. Il existe aussi des kürtöskalács slovaques de la ville de Szakolca (Szkalica en slovaque, ndlr) et il a été clairement démontré que l’on doit son origine au cuisinier sicule József Gvadányi. Par ailleurs, la technique en elle-même est grecque : cuire sur les braises une pâte enroulée sur un cylindre de bois. Elle s’est répandue sur tout le continent, avec chacun sa façon de l’aromatiser.

De même qu’il existe des variantes des contes populaires que nous reconnaissons comme les nôtres.

C’est comparable. Ces jours-ci, un conte populaire roumain intitulé « Les garçons changés en corbeaux » a été lu à la radio. Ce conte est répandu dans toute l’Eurasie, il est raconté dans quantité de langues avec plus ou moins de différences. En Hongrie, chez János Kriza (ethnographe transylvain du 19e siècle), ce conte figure comme « Csóka lányok » (des filles choucas) ; dans la collection de Grimm, il y a trois variantes mais il existe aussi les variantes tchèque et slovaque. Dans la culture populaire il n’y a pas de frontière linguistique.

Comment peut-on définir tout de même la culture hongroise ? Qu’est ce qui fait que c’est hongrois ? Quel est le plus petit dénominateur commun ?

Regardons en utilisant l’analogie avec l’oignon de Peer Gynt. Qu’est ce qui est hongrois ? décortiquons l’une des couches (culturelles) de l’oignon, nous voyons qu’elle existe chez d’autres également alors nous continuons à éplucher jusqu’à ce qu’il n’existe plus rien. L’essentiel de la « magyarité » est dans le tout de même que l’essentiel de l’oignon est la totalité de l’oignon. On peut lire lire dans le Lexique Ethnographique Hongrois à l’article « élément ethnique spécifique » que c’est un phénomène culturel caractéristique d’un groupe ethnique dans son ensemble, répandu sur l’ensemble de son territoire d’implantation et seulement à cet endroit. En dehors de la langue, je ne connais aucun phénomène culturel de la sorte. Seule la langue différencie les Hongrois de leur environnement. Curieusement le lexique ne donne pas non plus d’exemple.

Pour beaucoup, il est sûrement difficile d’accepter la métaphore de l’oignon pour définir l’identité hongroise et de digérer le fait qu’il n’y a pas de réponse simple à la question de l’identité culturelle des Hongrois (de la même façon que dans la question de leur origine ou dans celle des parentés linguistiques du hongrois). Comment faites-vous pour adoucir l’anxiété qui en découle ?

Avec de l’eau, qui plus est avec l’eau du Danube. J’ai l’habitude de démontrer le concept de culture à mes étudiants en leur demandant d’imaginer devant eux la rivière Inn bleue verte et le Danube gris vert confluant à Passau …et qu’on continue d’appeler Danube bien que cela n’aille pas de soi. A partir de sa source jusqu’à la Mer Noire combien d’affluents l’enrichissent tout comme les influences extérieures notre culture nationale, et nous la disons nationale tout de même. Nous sommes venus de l’Asie centrale et en cours de route, énormément de choses nous ont influencé, se sont incrustées dans notre culture de façon organique. A partir du moment où les porteurs de culture la ressentent comme « leur », c’est seulement pour les chercheurs que son origine est un problème.

La conviction du gouvernement hongrois est que le plus qu’il est possible de donner à un élève hongrois « c’est qu’il soit un bon chrétien et qu’on l’éduque pour en faire un bon hongrois ». Qu’en est-il en Slovaquie ?

La question est complexe. L’enseignement dans les écoles hongroises de Slovaquie se fait dans le cadre du programme officiel slovaque. A côté de cela, les Hongrois de Slovaquie s’organisent dans deux camps, même dans ce genre de questions. Récemment, j’ai pris la parole dans une assemblée commémorative d’une organisation de hongrois slovaques et, tout en soulignant l’importance de l’enseignement dans la langue maternelle, j’ai fait remarquer qu’il ne suffit pas que l’école soit hongroise, elle doit aussi être de bon niveau, faute de quoi, les Hongrois inscriront leurs enfants dans des écoles slovaques éventuellement de meilleur niveau. En même temps, j’ai déclaré indispensable qu’il y ait également un enseignement de la langue slovaque de bon niveau. Qu’est-ce qu’on m’a mis dans la figure pour avoir dit cela ! Il ne faut pas, qui plus est, il est nuisible d’insister sur le niveau ou sur la connaissance de la langue slovaque (celui qui en a besoin de toute façon il l’apprendra …), il suffit que l’enseignement soit hongrois. Avec mon intervention, à propos de laquelle je croyais que ce pouvait être la base d’un minimum national, mais j’ai pourtant réussi à diviser cette association aussi.

Notes   [ + ]

1. ↑ Kalocsa : ville située environ à 110 km au sud de Budapest, célèbre pour ses broderies et son paprika. 2. ↑ Matyó : groupe ethnique hongrois particulier dont le territoire d’implantation est situé à l’ouest de la ville de Miskolc. 3. ↑ Puszta : littéralement « steppe », désigne la grande plaine située à l’est de Budapest 4. ↑ Ces « maisons de danse » sont des endroits où les gens se rendaient pour apprendre ensemble les danses traditionnelles grâce à l’aide des danseurs les plus avancés, par exemple dans une maison de la culture function footnote_expand_reference_container() { jQuery("#footnote_references_container").show(); jQuery("#footnote_reference_container_collapse_button").text("-"); } function footnote_collapse_reference_container() { jQuery("#footnote_references_container").hide(); jQuery("#footnote_reference_container_collapse_button").text("+"); } function footnote_expand_collapse_reference_container() { if (jQuery("#footnote_references_container").is(":hidden")) { footnote_expand_reference_container(); } else { footnote_collapse_reference_container(); } } function footnote_moveToAnchor(p_str_TargetID) { footnote_expand_reference_container(); var l_obj_Target = jQuery("#" + p_str_TargetID); if(l_obj_Target.length) { jQuery('html, body').animate({ scrollTop: l_obj_Target.offset().top - window.innerHeight/2 }, 1000); } }
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Madeleine rencontra Kálmán le Hongrois en 1937 à Marseille

HU-LALA (Hongrie) - Thu, 12/01/2017 - 10:46
Madeleine avait 84 ans lorsque nous avons fait connaissance en 1990. Sa vie, un roman, couvrait l’espace et le temps du XXème siècle.

Je faisais distraitement la queue à la caisse d’un ABC de Pécs, sorte de supérette standardisée comme il y en avait à tous les coins de rue dans la Hongrie communiste. Une voix me fit tourner la tête et tendre l’oreille, une vieille dame devant moi, discutant avec la caissière, parlait un hongrois coloré des mêmes fautes que les miennes, mélangeant sans logique les « a » [ɒ] et les « á » [aː]. Après avoir payé je me dépêchai de la rejoindre devant l’étagère, là où l’on pouvait encore moudre le café et le pavot achetés en grains. Je m’adressai à elle en hongrois: « vous êtes étrangère? Vous parlez le hongrois de façon originale ! » J’eus l’impression que je la dérangeais, qu’elle me trouvait peut-être indiscrète ou qu’elle était effrayée. Elle me jeta: « je suis hongroise mais je suis née en France« , tourna les talons, me planta là et prit la petite rue montant sur le Mont Mecsek, traînant de grosses cantines en aluminium.

Pendant des semaines cet ABC devint mon ABC préféré, j’y passais tous les jours en sortant de l’hôpital pour y faire mes courses dans l’espoir de la revoir. A l’époque je pensais encore que nous n’ étions que deux Françaises à Pécs, Sophie, l’épouse d’un chanteur d’opéra hongrois travaillant au Théâtre de la Ville et moi-même.

Normande, Madeleine rencontra Kálmán le Hongrois en 1937 à Marseille où elle avait trouvé un emploi. Kálmán, lui, y travaillait pour les usines Ford. Ils se marièrent et y vécurent jusqu’en 1942 une vie modeste mais tranquille. Mais depuis l’entrée en guerre de la Hongrie, Kálmán était torturé par le mal du pays, la conscience de ne pas être tout à fait là où il devrait être. Après beaucoup d’hésitations il convainquit sa jeune épouse de le suivre dans son pays, c’est ainsi que Madeleine s’installa à Pécs en pleine guerre.

Après de nombreuses rencontres à l’ABC, Madeleine m’invita chez elle. Sa minuscule maison, non loin du centre ville sur la pente du Mecsek, une chambre-cuisine en hongrois, était sans confort aucun. Elle y vivait seule. Dans la cour, la hache, les bûches, la grosse pelle, le seau à cendres laissaient aussi deviner que Madeleine faisait un travail physique très dur pour son âge. Pour compléter sa toute modeste pension de veuve elle portait à domicile les repas aux personnes âgées de son quartier, parcourant des kilomètres à pied, chargée de ses lourdes cantines dans les rues tortueuses et pentues. Kálmán, lui, était décédé dans les années 70. « C’était un homme bon » me dit Madeleine « il ne m’a jamais fait de mal, son seul reproche était que je cuisinais « blanc« . Sans paprika ! Inimaginable en Hongrie.

À chacune de mes visites Madeleine devenait plus confiante et se racontait avec des détails émouvants et parfois révoltants: les dures années de guerre dans un pays ennemi, la vie sans enfant, la manière dont les Hongrois, menaçant son mari, l’obligèrent à prendre la nationalité hongroise au début des années 50, le mensonge de ces mêmes autorités lui faisant croire que plus jamais elle ne serait française. Et surtout elle parla de son attachement à sa langue maternelle, du soin qu’elle prit à ne pas l’oublier. Sans possibilité de la parler, elle continua tous les jours à lire à haute voix une pile de vieux Paris-Match envoyés par ses sœurs, s’appliquant à prononcer et écouter en même temps pour se rappeler les sons. Toutes les deux, qui parlions le hongrois en utilisant le tutoiement très habituel dans le monde communiste, nous n’avons jamais abandonné l’usage du vouvoiement et du « Madame » quand nous nous adressions l’une à l’autre. Cela nous faisait rire.

Quelques années plus tard j’appris que l’Ambassade de France avait la possibilité d’octroyer une allocation de solidarité aux ressortissants français avec très peu ou sans ressource et sans famille. Étant persuadée que Madeleine remplissait toutes les conditions pour être aidée, je me renseignai à l’Ambassade à Budapest. L’accueil fut favorable à la condition de prouver que Madeleine était bien française à l’aide d’un document, même périmé. Pendant des semaines elle protesta: « Non, non, puisque je vous dis qu’ils m’ont dit, les Hongrois, que je n’étais plus française!, il n’y a rien à faire« . Sans doute un jour ai-je été plus déterminée, plus convaincante: « On ne peut pas renoncer comme ça à son identité, avez-vous déclaré une seule fois que vous ne vouliez plus être française? Non? Eh bien vous l’êtes ! » Elle me prit simplement la main et m’emmena au fond de la cour dans l’appentis qui abritait son bois coupé et là, de derrière les fagots, d’une brique déplacée, elle tira un passeport bleu périmé depuis longtemps, celui avec la belle couverture, écrit à l’encre en belles lettres calligraphiées. Madeleine D. épouse T. née à Dieppe, de nationalité française, était couturière. Elle me le confia avec beaucoup de réticence, je compris sa méfiance après ce qu’elle avait vécu et l’assurai de mes bonnes intentions. Nous sommes restées proches jusqu’à son décès, dans des conditions décentes, à l’âge de 93 ans.

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La culture en Hongrie à la fin des années 1980

HU-LALA (Hongrie) - Tue, 10/01/2017 - 13:18
S’il est un domaine où la Hongrie au-delà des changements de régime a conservé un fort tropisme, c’est bel et bien la culture. Le Budapest de la fin de l’ancien régime proposait déjà une offre très riche pour le lecteur, le mélomane, l’amateur d’art plastique, le passionné de théâtre ou le cinéphile.

Naturellement, la musique était plus accessible pour moi au début de mon séjour. Je devins un abonné fidèle de l’académie de musique où on pouvait écouter de grands solistes comme le tout jeune Zoltán Kocsis qui vient de nous quitter. La réputation de Budapest était telle que la ville accueillait des étudiants du monde entier mais aussi des festivals de printemps puis d’automne qui proposaient une programmation plus qu’honorable avec de nombreux artistes étrangers. J’ai ainsi un souvenir inoubliable d’un concert de Keith Jarrett au printemps 89. Les prix pratiqués n’avaient rien à voir avec les tarifs parisiens. On pouvait même acheter pour presque rien des tickets pour le poulailler et la technique consistait à repérer les places libres dans la salle et à descendre les occuper à l’entracte. J’ai pu ainsi découvrir un répertoire varié souvent inconnu en Europe occidentale. La programmation de l’Opéra était un peu plus répétitive et les représentations parfois approximatives: il n’était pas rare de voir des bouts de décor tomber durant la représentation traduisant le manque de moyens. Les ballets par contre étaient souvent de grande qualité.

Avec le temps, ma connaissance de la langue hongroise s’améliora grâce à mes étudiants mais aussi grâce au cinéma. L’école hongroise était célèbre et paradoxe du régime, les réalisateurs pouvaient souvent tourner plus ou moins librement leur film. La censure intervenait ensuite au moment de la diffusion dans les salles. Les cinéphiles nombreux en Hongrie pouvaient accéder par ailleurs à de nombreux films français sous-titrés en hongrois. J’ai pu ainsi revoir tous les Rohmer dans les premières années de mon séjour. Quand les films étrangers n’étaient pas sous-titrés, le système D hongrois fonctionnait d’une drôle de manière appelée hangalámondás. Un interprète prenait place au fond de la salle et traduisait au micro les dialogues du film. Inutile de vous dire qu’il fallait une certaine passion du cinéma pour accepter ce calvaire. Mais le public hongrois était prêt à tout pour visionner des films occidentaux.

Mon amour du cinéma hongrois fut poussé à l’extrême dans les dernières années de mon séjour. Par un concours de circonstance trop long à raconter, je fus de plus en plus sollicité par des cinéastes hongrois à la recherche de financements européens qui devaient présenter leur dossier en anglais ou en français. De la relecture de leurs documents, je passai ensuite au sous-titrage en français (un superbe exercice de linguistique appliqué) et même à un petit rôle dans le film Halál sekély vízben d’Imre Gyöngyössy  et Barna Kabay (scénario Gyöngyössy et Katalin Petényi). Cette plongée dans le cinéma hongrois contribua sans nul doute à approfondir ma connaissance du pays et de ses artistes pour qui la chute du mur avait suscité un énorme espoir très vite émoussé par la réalité parfois implacable  de l’économie de marché qui n’épargnait pas la culture. Je me réjouis en tout cas toujours autant de voir aujourd’hui les films de la jeune génération qui jouissent d’une belle reconnaissance internationale et font de la Hongrie un des grands producteurs cinématographiques européens.

Témoigner du quotidien de l’autre côté du Rideau de fer

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Retour sur un an de «contre-révolution culturelle» en Pologne

HU-LALA (Hongrie) - Mon, 09/01/2017 - 20:36
Après avoir célébré avec pompe trois anniversaires majeurs de son histoire récente en 2014 – 25 ans de démocratie, 15 ans d’adhésion à l’OTAN et 10 ans d’appartenance à l’Union européenne –, la Pologne fait déchanter. Introduction à une série d’articles qui permettent de mieux comprendre la « contre-révolution culturelle » en cours dans le pays.

L’élection surprise d’Andrzej Duda à la présidence de la République en mai 2015, puis la formation six mois plus tard d’un gouvernement de la même tendance et appuyé au Parlement par une majorité absolue (une première depuis 1989) semblent marquer un tournant radical aussi bien dans les affaires intérieures que dans la politique étrangère du pays. Après une année de pouvoir sans partage, le parti Droit et Justice (PiS) conserve une solide cote de popularité et n’apparaît pas près de céder aux pressions de ses partenaires et des institutions internationales, qui dénoncent de multiples atteintes à la démocratie. Quel est le bilan de cette année de règne ?

« L’intérêt de ce pays, l’intérêt de cet État exigeait la destruction de l’ancien système […]. N’oublie pas que la maladie de cette société résulte, entre autres raisons, du fait que chez nous, le bien n’a jamais été séparé du mal. Nous n’avons pas célébré de moment d’inauguration, nous n’avons pas vécu de rupture entre temps anciens et temps nouveaux, les changements se sont déroulés dans une confusion totale, je dirais dans un genre de gris. »

C’est dans ces termes que se confiait Jarosław Kaczyński à la journaliste Teresa Torańska… au début des années 1990 [1], lorsque la Pologne accomplissait sa double transition vers la démocratie libérale et l’économie de marché. Le courant politique de Jarosław Kaczyński, conservateur dans les questions tant économiques que sociétales, s’est alors retrouvé marginalisé face aux anciens communistes reconvertis à la social-démocratie ainsi qu’aux libéraux.

Pour Jarosław Kaczyński, cette défaite est le fruit d’un arrangement entre l’ancien régime et une partie de l’opposition démocratique pour se partager le pouvoir et le patrimoine de l’État polonais en voie de démantèlement. Faute de rupture nette, la Pologne ne serait jamais véritablement sortie du communisme : la IIIe République, nom donné à la période ouverte avec les premières élections libres de 1989, est illégitime et une nouvelle révolution est nécessaire.

Jarosław et son frère jumeau, Lech Kaczyński, disposent d’une première chance de mettre leur plan à exécution en 2005. Leur nouveau parti, Droit et justice (PiS), fondé en 2001 sur la base des structures des années 1990, remporte les élections parlementaires et la présidence de la République. Toutefois, le PiS n’obtient pas la majorité absolue des sièges et il semble possible de réunifier l’ancienne opposition démocratique au sein d’une grande coalition avec les libéraux de la Plateforme civique (PO).

En fin de compte, les héritiers de Solidarność échouent à s’entendre, autant – si ce n’est plus – pour des raisons d’ambitions personnelles que de différences de programme. Le PiS amorce un virage à droite en s’alliant de façon inattendue avec la Ligue des familles polonaises (LPR), ouvertement catholique-nationaliste, et le mouvement populiste d’Autodéfense.

Cette coalition durera à peine quinze mois, mais l’expérience de l’« ordre moral » traumatisera une partie de la société polonaise et la vaccinera de façon durable contre le PiS. En octobre 2007, les élections parlementaires anticipées attirent une participation record et provoquent l’alternance : la PO récolte 41,5 % des voix contre 32,1 % pour le PiS, soit un écart d’1,5 million de bulletins.

La tentative de fondation d’une IVe République est avortée, mais fait tout de même quelques victimes. Le suicide de l’ancienne ministre Barbara Blida est ainsi en partie attribué aux services secrets et au parquet. Au nom de la lutte contre la corruption et les réseaux d’influence des ex-communistes, ils organisent sur ordre du gouvernement des arrestations télévisées et de grandes campagnes de « lustration » qui aboutissent à des dénonciations en place publique.

Grâce à l’épouvantail du PiS, la Plateforme civique (PO) sera le premier parti depuis 1989 à être reconduit au gouvernement. Elle remporte les élections législatives de 2011 et son chef Donald Tusk occupe la fonction de Premier ministre pendant sept ans – une performance invaincue à ce jour – avant d’être nommé à la tête du Conseil européen. Son départ pour Bruxelles est d’ailleurs considéré comme l’une des causes de la défaite de la PO en 2015 et selon certains, seul son retour dans le jeu politique national pourrait sauver le parti.

Derrière le succès polonais, la société est divisée comme jamais (1/5)

La « trahison » de Smolensk alimente encore la guerre des droites polonaises (2/5)

En Pologne, une contre-révolution qui ne dit pas son nom (3/5)

Sur les traces de la Hongrie d’Orbán, la démocratie souveraine à la polonaise (4/5)

Après un an au pouvoir, le bilan contrasté du PiS en Pologne (5/5)

[1] Teresa Torańska, My (Nous), MOST, Varsovie, 1994.
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Après un an au pouvoir, le bilan contrasté du PiS en Pologne (5/5)

HU-LALA (Hongrie) - Mon, 09/01/2017 - 20:21
Le tableau général des réalisations du PiS et des ressorts idéologiques qui les tendent permet par contraste de déceler ce qui n’a pas été fait et les raisons de ces échecs.

Tout d’abord, dans le domaine des institutions, même après un an au pouvoir, le PiS continue de se comporter en parti révolutionnaire, gouvernant par oukazes et comptant sur un groupe restreint de partisans loyaux pour rompre avec l’“ancien régime”. Alors qu’il avait promis de faire le ménage dans l’appareil d’État, plutôt que poser les fondations d’organes publics compétents et indépendants, il a restauré l’État-parti à un niveau jamais vu depuis la fin du communisme.

Cette dérive vers la “démocrature” compromet la Pologne aux yeux de l’UE et ôte toute crédibilité à son intention de réformer les institutions européennes en vue de les rendre plus “démocratiques” (lire : accorder plus de pouvoir aux États membres). Elle réduit aussi l’attractivité du modèle polonais auprès de certaines élites libérales du voisinage comme en Ukraine ou en Russie, qui pensaient tenir la preuve d’une expérience réussie de transition d’un pays slave post-communiste vers la démocratie et l’économie de marché.

Sur le plan économique justement, l’ambition principale du PiS et du plan Morawiecki, qui est de sortir la Pologne du “piège du revenu moyen” et d’accélérer la convergence – y compris en termes de salaires – avec l’Europe des Quinze, se heurte au vernis nationaliste et aux impératifs électoralistes. Les faiblesses de l’économie polonaise sont avant tout le manque d’épargne, qui se traduit par une proportion moindre de capital “domestique”, et les défauts du cadre réglementaire favorisant la concurrence déloyale et la course au moins-disant. Les inégalités sociales sont davantage le résultat de ces caractéristiques que de la soi-disant “politique néocoloniale” conduite par les pays occidentaux et leurs multinationales en Pologne [1].

Or, les mesures sociales inconsidérées et superficielles – la préférence pour les transferts en argent plutôt que le développement de capacités étant très certainement liée à une moindre efficacité de l’appareil administratif [2] – dilapident les moyens de l’État qui se retrouve démuni pour mener sa politique industrielle et de « repolonisation » de l’économie.

L’investissement en Pologne a chuté de 1,8 % au 1er trimestre 2016, de 4,9 % au deuxième et de 7,7 % au troisième, une baisse causée par un recul des investissements publics mais aussi par les hésitations du secteur privé face aux annonces parfois confuses du gouvernement (salaire minimum, réforme fiscale). En un an, l’indice WIG20 qui intègre la valeur des vingt plus grandes sociétés cotées à Varsovie a diminué de 17%, en raison notamment de la taxe bancaire et de l’utilisation hasardeuse des fonds des grandes entreprises publiques pour financer des projets gouvernementaux.

C’est toutefois en matière de politique étrangère que les contradictions du PiS sont les plus fortes. Vis-à-vis de l’ouest, les relations avec l’Allemagne et la France sont empoisonnées par la rhétorique nationaliste et russophobe, la préférence marquée pour l’allié américain et les manœuvres de monopolisation du pouvoir. Dès son entrée en fonctions, le ministre des Affaires étrangères Witold Waszczykowski avait d’ailleurs annoncé que le principal partenaire de la Pologne dans l’Union européenne était le Royaume-Uni en raison de convergences de vue à l’égard de la Russie, de l’intégration européenne et de l’OTAN.

Un volontarisme social qui porte ses fruits

Il existe néanmoins un domaine où le PiS connaît un succès tangible : la politique sociale. Le programme d’allocations familiales de 500 zlotys par enfant à partir de la deuxième naissance et sans condition de ressource a non seulement démarré dans un délai assez bref – avril 2016, soit six mois après l’arrivée au pouvoir de la nouvelle équipe gouvernementale –, mais il est surtout devenu un symbole dont tout le monde parle, que ce soit pour s’en féliciter ou le critiquer. En outre, pour beaucoup de Polonais qui se sentaient tenus à l’écart de la “rhétorique du succès” mise en avant par la PO dans les années 2007-2015, le programme “500 Plus” représente l’une des rares manifestations concrètes et positives de cette main de l’État trop souvent invisible.

Le PiS a également accordé une hausse de 8% du salaire minimum, qui s’élèvera à partir de 2017 à 2 000 zlotys bruts par mois (environ 500 euros), introduit une rémunération horaire minimale pour certaines formes d’emploi atypiques et porté le minimum vieillesse à 1 000 zlotys par mois. Il est enfin sur le point de revenir sur la réforme des retraites adoptée en 2012, qui prévoyait de relever progressivement l’âge légal de départ à 67 ans pour les deux sexes. Si le gouvernement tient ses promesses, les hommes pourront de nouveau partir à la retraite à 65 ans et les femmes à 60, sans période minimale de cotisation.

Bien qu’il soit difficile de ne pas déceler des intentions électoralistes derrière ces réalisations, il serait erroné de les réduire à cette dimension. Le programme social du PiS s’appuie en effet sur deux idées-forces cohérentes avec le reste de la vision du parti, c’est-à-dire rendre à l’État son autorité et aux Polonais une certaine dignité, y compris en termes économiques.

Dans la logique du PiS, la reconstruction de l’État passe aussi bien par la distribution d’aides sociales que le renforcement de l’inspection du travail, l’ouverture de nouveaux commissariats de police et l’intensification de la lutte contre la fraude fiscale. Toutefois, la volonté de conduire le “bon changement” de manière rapide et radicale et le refus de traiter les opposants comme des acteurs légitimes du jeu politique fragilisent la pérennité de cette œuvre, reposant souvent sur des textes écrits à la hâte et des hypothèses budgétaires irréalistes.

Le “relèvement de la Pologne agenouillée” doit aussi, pour le PiS, redonner aux Polonais des raisons d’être fiers de leur nation. Ce mot d’ordre inspire notamment la politique éducative, culturelle et historique de l’Etat, qui doit abandonner les habits de la “pédagogie de la honte” et,  à la place, se concentrer sur les épisodes glorieux de l’histoire de la Pologne.

La lecture qu’en fait le PiS est celle d’une Nation homogène sur le plan ethnique et religieux, entrée dans la civilisation européenne avec son “baptême” en 966. Elle laisse de côté le caractère multiethnique et multiconfessionnel de la Pologne médiévale puis de la République des Deux Nations et surtout, elle passe sous silence certaines pages sombres de l’histoire polonaise, en particulier liées à l’antisémitisme.

Précisons tout de même que le corpus idéologique du PiS n’est pas hostile aux juifs, bien que le parti puisse bénéficier du soutien de groupuscules antisémites du côté des ultra-nationalistes et/ou ultra-catholiques. La cible de son rejet vise avant tout le rappel, même “désintéressé”, de crimes commis par des Polonais qui pourraient entacher l’image de la Nation. L’argument est comparable à celui que formulait Pascal Bruckner dans son Sanglot de l’homme blanc à propos de la repentance coloniale.

Pour cette raison, les sous-entendus qu’exprime une partie du PiS à propos des “origines juives” de certaines figures de la IIIe République (Adam Michnik, feu Bronisław Geremek) n’ont pas de caractère racial, mais désignent les tentatives supposées d’introduire dans un corps national homogène – ou rêvé comme tel – des valeurs étrangères “libérales”, considérées comme “de gauche”. À cela s’ajoute, dans de nombreux cas, un engagement de jeunesse en faveur du communisme dont le PiS se sert pour suggérer une continuité entre le communisme dans sa version soviétique et les valeurs contemporaines attribuées à la gauche.

À l’étranger, des forces idéologiquement proches mais politiquement hostiles

La victoire de forces politiques qui, comme le PiS, bousculent le “politiquement correct” (Brexit, élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis) dessert en réalité les intérêts de l’État polonais car le repli sur l’échelon national conduit à rejeter l’immigration – il y aurait près d’un million de ressortissants polonais au Royaume-Uni, et ils sont de plus en plus souvent victimes d’actes racistes –, le commerce international et les engagements militaires à l’étranger.

À l’est, alors que le PiS avait beaucoup critiqué la diplomatie conduite par la PO pour son manque d’action vis-à-vis de la Russie et de l’Ukraine, il n’a depuis son arrivée au pouvoir réussi qu’à geler les contacts avec Moscou, pris en otage par l’affaire de Smolensk, et à dégrader les relations avec Kiev. La politique historique du nouveau gouvernement a en effet remis sur le devant de la scène certains épisodes comme le massacre de Volhynie, commis par des groupes indépendantistes ukrainiens pendant la Deuxième Guerre mondiale.

De façon analogue, la priorité accordée aux Polonais “ethniques” laisse les relations avec la Lituanie dans l’impasse, car Varsovie fait du respect des droits de la minorité polonaise en Lituanie un préalable à la coopération politique alors que Vilnius considère cette question comme un thème de politique interne qui ne relève pas du ressort de l’État polonais [3].

La politique étrangère des nouvelles autorités polonaises enregistre cependant des succès avec deux pays. On observe tout d’abord un certain réchauffement des relations avec la Biélorussie, Varsovie s’étant ralliée à la position “réaliste” de la Lituanie et misant sur la coopération économique pour développer des contacts avec la population.

Cependant, c’est surtout avec la Chine que l’intensification des relations est sensible, aussi bien sur le plan politique que pratique (tourisme, échanges d’étudiants, commerce…). Certes, le niveau de départ était faible et sa hausse spectaculaire est encore très loin de remplacer la coopération avec les pays européens, dont la Pologne dépend en large majorité. Il demeure que la multiplication des contacts avec la Chine, et plus largement d’autres pays extra-européens, en dit long sur la vision politique du PiS.

D’une part, conformément à la rhétorique de grandeur nationale, la Pologne estime pouvoir mener avec d’autres continents une diplomatie autonome de celle de l’UE. En ce domaine comme dans celui de la coopération régionale, le gouvernement déclare conduire une politique parallèle, mais non exclusive de ses relations avec l’Europe de l’ouest et l’UE, qu’elle n’envisage pas de quitter [4].

En même temps, l’attitude de Varsovie à l’égard de Bruxelles suggère qu’elle s’inquiète de l’avenir de l’Union. La priorité accordée à l’allié américain, dans une moindre mesure au Royaume-Uni et la multiplication des contacts extra-européens donnent l’impression que la Pologne est sceptique sur les chances de survie de l’UE et cherche à se constituer une assurance-vie en cas d’effondrement.

Cette stratégie, indépendamment de ses éventuels effets d’autoréalisation, souligne qu’en dépit des douze ans d’appartenance à l’Union, précédées d’une période plus longue encore d’adaptation aux règles communautaires, l’attachement déclaré de la Pologne au projet européen, confirmé par une population qui reste dans les sondages parmi les plus euro-enthousiastes dans l’Europe, est en réalité une façade dissimulant une politique opportuniste qu’on aurait d’ailleurs tort de limiter au PiS.

Les positions de la PO à l’égard de la zone euro, de l’Europe de la défense et de la crise des migrants, bien qu’exprimées avec plus de délicatesse que le PiS, montraient déjà avant 2015 que la Pologne ne soutenait pas une intégration européenne plus poussée et s’intéressait surtout aux aides financières. Sans désirer une renationalisation des politiques communautaires, la PO n’a pas non plus formulé de vision sur ce que devrait être l’UE au-delà du marché unique et des politiques de cohésion, appelées à perdre en volume après 2020.

Une certaine continuité est aussi observable dans les questions intérieures, avec une forte préférence pour le court terme et la réticence à se départir de prérogatives au profit de structures stables, indépendantes et donc moins susceptibles d’être politisées. D’ailleurs, selon une étude du site d’information citoyenne MamPrawoWiedziec.pl, pour plus de la moitié des textes majeurs examinés cette année par le Parlement, le PiS et la PO votent de la même façon [5].

En septembre dernier, lorsque les leaders polonais et hongrois Jarosław Kaczyński et Viktor Orbán faisaient part de leur intention de conduire une “contre-révolution culturelle” dans l’UE [15], l’expression était donc à prendre au pied de la lettre. Le changement générationnel qui a eu lieu en Pologne en 2015 – à la différence de leurs prédécesseurs, le président de la République Andrzej Duda et le Premier ministre Beata Szydło n’ont pas participé à l’opposition démocratique au temps du communisme – n’a pas renouvelé la culture et la pratique politiques. Au contraire, il les ont ramenés à des modèles que l’on pensait disqualifiés par leur échec à garantir la paix et la prospérité du pays.

Ce retour en arrière est paradoxalement soutenu par une grande partie de la jeunesse qui, comme dans beaucoup d’autres pays du continent, vote pour des options conservatrices et contestataires, pour ne pas dire en un mot réactionnaires. Pour cette raison, à la différence de l’épisode de 2007, il est improbable que l’opposition parvienne à reprendre le pouvoir seulement en promettant le retour à la “normalité”.

[1] Witold Kieżun, Patologia transformacji, Varsovie, Wydawnictwo Poltext, 2014.[2] Miroslav Beblavý et Alžbeta Hájková, Social Investment and State Capacity, CEPS Working Document No. 419, CEPS, 2016.

[3] Romain Su, “Les minorités polonaises des « Confins » (Ukraine, Lituanie, Biélorussie)”, P@ges Europe, 11 mars 2015 – La Documentation française © DILA. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/pageseurope/d000770-lesminoritespolonaisesdesconfinsukrainelituaniebielorussieparromainsu/article – consulté le 30 novembre 2016.

[4] Eugène Chapelier, “Quelle contribution de la Pologne à l’avenir de l’Union européenne ?”, Courrier de Pologne, 15 septembre 2015. http://courrierpologne.fr/contributiondepolognealavenirdelunioneuropeenne/ – consulté le 30 novembre 2016.

[5] Anna Ścisłowska, “Pierwszy rok Sejmu: kluby decydowały tak samo w 43 proc. kluczowych głosowań”, MamPrawoWiedziec.pl, 14 novembre 2016. http://serwis.mamprawowiedziec.pl/2016/11/roksejmuviiikadencji.html – consulté le 30 novembre 2016.

[6] TVN24, “Kaczyński i Orban zapowiadają « kontrrewolucję kulturową » w UE”, 6 septembre 2016. http://www.tvn24.pl/wiadomoscizkraju,3/forumekonomicznewkrynicydyskusjajaroslawkaczynskiviktororban,674234.html – consulté le 30 novembre 2016.
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Sur les traces de la Hongrie d’Orbán, la démocratie souveraine à la polonaise (4/5)

HU-LALA (Hongrie) - Mon, 09/01/2017 - 20:18
Relevons que la rhétorique de la démocratie souveraine, qu’il serait tentant de rapprocher du modèle développé en Russie à partir des années 2000, trouve en Pologne des racines inattendues compte tenu du profil très anti-communiste du PiS.

La Constitution de 1952 de la République populaire de Pologne disposait en effet que « l’organe suprême des autorités de l’État est la Diète […]. En tant qu’expression suprême de la volonté du peuple travailleur des villes et des campagnes, elle donne corps aux droits souverains de la nation […], vote les lois et contrôle le fonctionnement des autres pouvoirs et de l’administration d’État » (art. 15).

À cette ressemblance formelle, il convient d’ajouter un autre parallèle relevant de la pratique du pouvoir. Les démocraties populaires d’Europe de l’est se caractérisaient par une structure politique duale avec l’État d’un côté et de l’autre, le parti communiste qui détenait la réalité du pouvoir. C’est pourquoi, de cette époque, on se souvient davantage des premiers secrétaires des partis que des présidents ou des chefs de gouvernement.

Dans la Pologne actuelle, si le président de la République Andrzej Duda ou le Premier ministre Beata Szydło ne sauraient être qualifiés de parfaits inconnus, il est de notoriété publique que les décisions importantes ne sont pas prises au Palais présidentiel, au siège du gouvernement ni même au Parlement, mais rue Nowogrodzka où le PiS et son président Jarosław Kaczyński ont leur quartier général. Mme Szydło admet d’ailleurs ouvertement « reçu l’onction » de M. Kaczyński [8].

Ce mode d’exercice du pouvoir avait été théorisé par le PiS dès 2011 dans son « Rapport sur l’état de la République » : « la condition des changements [est] la création d’un nouveau centre d’instructions politiques affranchi des actions de transaction. Il ne faut pas nécessairement identifier ce centre avec le gouvernement, le président ou un autre organe d’État. Il s’agit en fait d’un groupe de personnes qui, dans des conditions historiques données, prend en définitive les décisions les plus importantes dans l’État. » [9]

L’inspiration est ici double. Plus que le Comité central du Parti ouvrier unifié polonais, le point de référence est avant tout la Pologne de l’entre-deux-guerres, cette IIe République idéalisée par les conservateurs d’aujourd’hui et incarnée par la figure tutélaire du maréchal Józef Piłsudski. Père de l’indépendance polonaise et longtemps socialiste, il a pris un virage autoritaire en 1925 et organisé un coup d’État pour mettre fin aux excès présumés du parlementarisme. Le maréchal a toutefois décliné la présidence de la République, préférant gouverner des coulisses à l’aide de son parti, le « Bloc non-partisan de coopération avec le gouvernement » (BBWR).

Outre l’état de la société polonaise décrit plus haut, il est difficile de saisir le comportement des autorités polonaises sans le relier à leur culture politique, leurs vécus et leurs modèles. Jarosław Kaczyński et bon nombre de ses proches collaborateurs – un groupe surnommé « l’ordre monastique » – ont grandi dans des familles très patriotiques et ont passé une grande partie de leur vie dans l’opposition au communisme, tantôt clandestine, tantôt ouverte. Ils ont peu voyagé et connaissent mal les cultures étrangères, à la différence de la branche « libérale » de l’opposition démocratique, accusée pour cette raison de cosmopolitisme et de manque de patriotisme.

La référence de l’entre-deux-guerres

Au fond, le noyau dur du PiS continue de voir le monde comme avant la Deuxième Guerre mondiale, sans la mondialisation, l’intégration européenne, le développement des droits de l’Homme et l’émergence de grandes puissances extra-européennes. La Pologne des années 1918-1939 se voyait comme une puissance européenne à l’égale de la France, de l’Allemagne ou du Royaume-Uni. Elle disposait de sa propre politique industrielle, prévoyait d’acquérir des colonies en Afrique et rêvait d’être un leader pour son voisinage.

Ce modèle se retrouve aujourd’hui dans les ambitions diplomatiques et économiques du PiS. L’accent mis sur la coopération au format de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie), voire des Trois mers (Visegrad + pays baltes et Autriche, Croatie, Slovénie, Bulgarie et Roumanie) s’inscrit dans la filiation de l’idée de l’espace de l’Entre-mers (Międzymorze) formulée en son temps par Józef Piłsudski.

Le Plan pour un développement responsable du ministre de l’Economie et des Finances Mateusz Morawiecki, fils du fondateur de l’organisation clandestine anticommuniste “Solidarité combattante” – à la différence du syndicat Solidarité, cette branche combattante avait recours à la violence contre le régime – s’ouvre sur une citation du même maréchal Piłsudski : “La Pologne sera grande ou ne sera pas.

Alors que le fringant ministre a été pendant huit ans à la tête de la banque BZ WBK, filiale du groupe espagnol Santander, il n’hésite pas à dénoncer la domination excessive du capital étranger en Pologne et appelle à une réindustrialisation du pays sous le contrôle d’entreprises nationales. Son ministère vise par exemple la mise en circulation d’ici dix ans d’un million de véhicules électriques, alors que la Pologne n’a plus de constructeur automobile domestique depuis le début des années 1990. C’est un consortium d’entreprises publiques du secteur énergétique, sans expérience de l’industrie automobile, qui est censé mettre au point la voiture électrique 100% polonaise.

La “repolonisation” de l’économie passe aussi par des mesures législatives qui ne sont pas sans rappeler l’expérience menée depuis 2010 en Hongrie par Viktor Orbán – aujourd’hui le principal, si ce n’est le seul véritable partenaire étranger de Jarosław Kaczyński. La Pologne a ainsi introduit en février 2016 une taxe sur les actifs des banques et des assureurs et prévoyait également de taxer la grande distribution, il est vrai contrôlée dans une large mesure par des groupes étrangers. Toutefois, l’intervention de la Commission européenne a bloqué la taxe sur le commerce de détail et pourrait bientôt remettre en question celle pesant sur le secteur financier.

La disproportion entre le niveau des ambitions du gouvernement et les contraintes juridiques et financières enserrant la Pologne fait qu’en pratique, la « repolonisation » s’apparente davantage à une renationalisation de l’économie. En dépit des convictions des ministres Beata Szydło et Mateusz Morawiecki, qui ne cessent de répéter que “le capital a une nationalité”, les entreprises privées polonaises se refusent à conditionner leurs décisions d’investissement aux injonctions du gouvernement, qui ne peut donc compter que sur les sociétés publiques – et le budget de l’État – pour mettre en œuvre son plan.

Après un an au pouvoir, le bilan contrasté du PiS en Pologne (5/5)

[1] TVN24, “ »Jesteśmy oboje pomazańcami Kaczyńskiego »”, 29 septembre 2016. Lien – consulté le 21 novembre 2016.

[2] Rada Polityczna Prawa i Sprawiedliwości, Raport o stanie Rzeczypospolitej, Varsovie, Biuro Prawa i Sprawiedliwości, 2016.
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En Pologne, une contre-révolution qui ne dit pas son nom (3/5)

HU-LALA (Hongrie) - Mon, 09/01/2017 - 19:57
Le projet de IVe République, qui avait été relativement absent des campagnes électorales, revient sans dire son nom. L’un des premiers textes adoptés par la nouvelle législature concerne le Tribunal constitutionnel : il annule la nomination de cinq juges élus le mois précédent par la majorité PO et met fin aux mandats du président et du vice-président du Tribunal. C’est le début d’une crise qui demeure à ce jour non résolue.

En un an, le PiS a voté pas moins de quatre lois sur le Tribunal constitutionnel – un cinquième texte est en cours d’examen en commission parlementaire – qui ont eu pour conséquence de rendre ineffectif le mécanisme de contrôle de constitutionnalité des lois. Puisque les juges et l’exécutif ne sont pas d’accord sur la composition « légitime » du Tribunal, le gouvernement bloque la publication de certains arrêts et questionne de cette manière leur validité.

Dans les premiers jours de janvier 2016, le président Andrzej Duda promulgue une brève loi de quatre articles qui révoque de façon anticipée les mandats des dirigeants de la radio et de la télévision publiques et confie le pouvoir de nomination au ministre du Trésor (en charge des entreprises publiques) sans nécessité de consulter le Conseil national de la radiophonie et de la télévision (KRRiT, équivalent du CSA français). Le dispositif se veut transitoire, dans l’attente d’une grande réforme des media publics qui les transformerait en media nationaux, mais entretemps, le PiS ne peut pas tolérer que la télévision critique sa politique du « bon changement ».

Quelques semaines plus tard, le chef de l’Etat approuve une réforme du parquet qui fusionne les postes de ministre de la Justice et de procureur général, comme c’était le cas avant 2007. Les procureurs deviennent révocables à merci et la gestion de leurs carrières dépend davantage du procureur général – donc du politique – que de leurs pairs. Comme le ministère public ne fait pas partie du pouvoir judiciaire, estime le PiS, il n’est pas indispensable qu’il soit indépendant, une lecture au demeurant semblable à la tradition française qui reconnaît au ministre de la Justice la compétence d’orienter la politique pénale.

Le même mois, le président signe la loi portant modification du statut des fonctionnaires. Elle supprime l’obligation d’organiser des procédures ouvertes de recrutement pour les nominations aux postes de direction et permet de désigner des personnes sans expérience. Elle révoque également les emplois de l’ensemble des directeurs en fonction, laissant aux autorités compétentes toute discrétion pour « purger » les administrations d’éléments soupçonnées de manque de loyauté à l’égard du nouveau gouvernement. À leur place arrivent des collaborateurs au niveau de compétence parfois discutable, mais réputés fidèles et dociles.

La relative facilité avec laquelle le PiS s’est emparé en quelques mois de l’appareil d’État – et des entreprises publiques, sources de sinécures très bien rémunérées – a plusieurs causes. Il y a tout d’abord une faiblesse structurelle de l’ordre juridique polonais, qui repose certes sur une Constitution très fournie (243 articles, contre 104 en France ou 146 en Allemagne) mais ne connaît pas de lois organiques.

De nombreuses règles pourtant fondamentales pour le bon fonctionnement de l’État de droit et de la démocratie sont définies dans de simples lois qui ne nécessitent pas de super-majorité pour être amendées. Un parti obtenant une majorité absolue au Parlement peut en conséquence altérer en profondeur les caractéristiques du régime politique sans devoir s’entendre avec l’opposition, d’autant que le Sénat polonais est élu en même temps que la Diète (chambre basse) et ne joue pas de rôle de contre-poids comme ce peut être le cas dans les systèmes français ou britannique.

Une Constitution « mal née »

Sur le plan politique, la Constitution actuelle de 1997 est considérée par le PiS comme mal née, car issue d’un compromis entre anciens communistes et libéraux – il est significatif qu’un nouveau texte n’ait pu voir le jour que huit ans après la fin de la République populaire de Pologne. Les autres institutions (Tribunal constitutionnel, juridictions ordinaires, media publics, fonction publique) sont aussi perçues comme illégitimes, soit parce qu’elles seraient encore remplies de cadres de l’« ancien régime », soit parce que les autres partis se les auraient partagées entre elles sur le modèle de la « partitocratie ».

Ces accusations trouvent un certain écho dans l’opinion publique en raison de dysfonctionnements bien réels. Par exemple, il est vrai qu’après un quart de siècle, l’État polonais n’a toujours pas doté son administration et sa fonction publique de garanties sérieuses de compétence et d’indépendance. Il a certes fondé une École nationale d’administration publique sur le modèle français de l’ÉNA et dispose d’une loi sur la fonction publique, mais les fonctionnaires statutaires ne forment en réalité qu’une minorité du personnel de l’administration publique. Les autres agents relèvent du droit du travail ordinaire et sont recrutés à l’issue de procédures de sélection dans lesquelles il n’est pas rare que l’annonce soit écrite sur mesure pour un candidat choisi à l’avance.

Dans le domaine de la justice, malgré des améliorations notables ces dernières années, la Pologne reste parmi les dix États membres du Conseil de l’Europe qui reçoivent le plus grand nombre de plaintes devant la Cour européenne des droits de l’Homme – le plus souvent pour violation du droit à un délai de procédure raisonnable. En outre, les tribunaux polonais sont régulièrement mis en cause pour des jugements controversés en matière de droit de la famille ou de restitutions de propriétés confisquées à l’époque communiste, parfois au mépris du bon sens et de l’intérêt général [1].

Même parmi les opposants au gouvernement du PiS, en particulier le Comité de défense de la démocratie (KOD), on constate que les thèmes « favoris » sont le Tribunal constitutionnel, le droit à l’avortement et plus récemment, la réforme de l’école. La manifestation de janvier 2016 pour la défense de la liberté des media a été l’une des moins fréquentées (20 000 participants selon les estimations les plus hautes), tandis que la centralisation du parquet et la réforme des tribunaux – en cours de préparation au ministère de la Justice – figurent rarement sur les pancartes.

Au sein des Polonais moins intéressés par la chose politique, on observe également un certain fatalisme, voire une permissivité à l’égard de cette capture de l’État qui ne serait somme toute qu’un “retour de balancier” après les huit années de gouvernement de la PO. Certains élus du PiS soutiennent cette thèse selon laquelle leur parti devrait avoir les moyens de mener sa politique, puisqu’il a reçu une majorité de voix aux élections.

Le raisonnement découle d’une définition particulière de la démocratie, réduite aux mécanismes électoraux et ignorant les progrès apparus après la Deuxième Guerre mondiale comme le constitutionnalisme, les droits des minorités, la décentralisation et la densification du droit international et du droit européen. Dans le discours du PiS, le Parlement est l’unique porte-voix du peuple souverain et sa volonté ne peut être arrêtée ni à l’intérieur par des règles constitutionnelles, ni de l’extérieur par l’Union européenne ou des organisations internationales.

L’affirmation de la souveraineté de la Pologne à l’égard de « Bruxelles » se manifeste par exemple dans son refus de mettre en œuvre le plan de relocation des demandeurs d’asile voté en septembre 2015 – à ce jour, l’État polonais n’a accueilli aucun des 7 000 réfugiés potentiels qu’elle doit recevoir. Varsovie conteste aussi la légitimité de la procédure de sauvegarde de l’État de droit initiée par la Commission européenne [2] à son encontre, estimant que la Commission ne dispose ni de la compétence, ni des connaissances suffisantes pour exprimer des recommandations dans le conflit autour du Tribunal constitutionnel. Enfin, la Pologne milite pour une réforme de l’Union qui renforcerait le rôle des Parlements nationaux au détriment de la Commission et du Parlement européen, réputé illégitime en l’absence d’un peuple européen.

Sur les traces de la Hongrie d’Orbán, la démocratie souveraine à la polonaise (4/5)

[1] Mariusz Jałoszewski et Waldemar Paś, “Prof. Ewa Łętowska: Własność nie jest święta”, Gazeta Wyborcza, 14 février 2015.[2] Commission européenne, Recommandation de la Commission du 27.7.2016 concernant l’état de droit en Pologne, C(2016) 5703 final, Bruxelles, 27 juillet 2016.
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La « trahison » de Smolensk alimente encore la guerre des droites polonaises (2/5)

HU-LALA (Hongrie) - Mon, 09/01/2017 - 19:47
La division de la société polonaise s’est accentuée à cause de l’accident de Smolensk. En 2010, l’avion qui transportait le président de la République Lech Kaczyński et de nombreux responsables politiques et officiers venus assister aux commémorations du massacre de Katyń s’écrasa en Russie et ne laissa aucun survivant.

Le frère du chef de l’Etat, Jarosław, n’a jamais reconnu le caractère accidentel de cette catastrophe, pourtant attesté par toutes les enquêtes menées jusqu’à aujourd’hui. Les explications « alternatives » de l’accident de Smolensk se placent à différents niveaux sur l’échelle des théories du complot. Dans le « meilleur » des cas, le gouvernement de la PO ne serait coupable que de négligences dans l’enquête, sacrifiant la recherche de la vérité à la réconciliation avec la Russie. Dans le pire scenario, il aurait activement collaboré avec le Kremlin dans l’organisation d’un attentat visant à éliminer un opposant politique.

Le mythe de la trahison de Smolensk a eu un effet mobilisateur sur l’électorat du PiS et a donné un nouveau souffle aux thèses des années 1990, qui dénonçaient les « pactes » passés entre les anciens communistes et les libéraux ainsi que l’infiltration de l’Etat polonais par des agents russes. Réunions mensuelles, magazines et clubs de discussion se sont multipliés dans tout le pays et ont permis d’occuper le terrain des idées comme celui des activités sociales.

La catastrophe de Smolensk a aussi enterré les chances de rassemblement de l’ancienne opposition démocratique au sein d’une grande coalition PO-PiS. Au clivage idéologique entre conservateurs et libéraux s’est ajouté un conflit personnel, car Jarosław Kaczyński tient Donald Tusk et son gouvernement pour responsables de la mort de son frère et désire à tout prix obtenir justice. Un groupe de travail parlementaire formé en octobre 2016 par des élus PiS envisage d’ailleurs d’appeler le président du Conseil européen à témoigner dans cette affaire.

PO : l’hubris du pouvoir

Du côté de la PO, en particulier lors du second mandat parlementaire (2011-2015), l’exécutif donne l’impression de se reposer sur ses lauriers. D’inspiration libérale, il se contente d’« assurer l’eau chaude dans le robinet » et ne propose pas de réforme importante, en dépit des difficultés du secteur énergétique et minier, des files d’attente dans les établissements publics de santé, de la démographie en berne, d’un marché du travail très dual et d’un déficit public chronique.

Face au PiS, le Premier ministre Donald Tusk pense avoir trouvé la martingale : n’entreprendre aucune action brusque. À ceux qui lui reprochent une approche excessivement gestionnaire et peu ambitieuse, il rétorque que « si quelqu’un a une vision, il devrait aller chez le médecin ». La certitude de ne pas pouvoir perdre contre l’épouvantail que représente le PiS semble confiner à l’arrogance. Malgré plusieurs scandales qui donnent l’image d’une « République des copains » aimant fréquenter les restaurants de luxe, le gouvernement ne réagit pas.

En 2015, le président Bronisław Komorowski ne fait presque pas campagne pour sa réélection, sûr de sa victoire prochaine face au total inconnu qu’est encore Andrzej Duda. Quelques mois avant le scrutin, l’emblématique rédacteur-en-chef de Gazeta Wyborcza Adam Michnik déclare même qu’« à moins de conduire en état d’ivresse et d’écraser sur un passage piéton une nonne handicapée et enceinte, Bronisław Komorowski sera certainement président » [1]. En mai, il est battu avec une différence d’environ 500 000 voix.

Andrzej Duda est officiellement investi en août, soit près de trois mois avant les élections parlementaires. Pendant cette période de cohabitation, il est discret et laisse son parti faire campagne. On remarque surtout son obstination à ne pas vouloir rencontrer le Premier ministre Ewa Kopacz. Son attente sera récompensée puisqu’en octobre, le PiS remporte la majorité absolue au Parlement, sans toutefois réunir suffisamment de sièges pour réviser tout seul la Constitution.

En termes de voix, le PiS a obtenu près d’un million et demi de bulletins de plus qu’en 2011. L’écart est encore plus impressionnant pour la PO, qui en a perdu deux millions. La gauche sort du Parlement. Fort de ce résultat, le PiS présente son gouvernement. Contrairement aux annonces de campagne, trois figures très controversées s’y trouvent. À la tête du ministère de la Défense nationale est placé Antoni Macierewicz, ancien opposant au communisme, ministre au début des années 1990 puis dans le gouvernement PiS de 2006 à 2007, prêcheur de la thèse de l’attentat de Smolensk, obsédé par les services secrets et les agents russes.

À la Justice revient Zbigniew Ziobro, qui s’était illustré en 2005-2007 à ce même poste en prenant également les fonctions de procureur général pour faire la chasse aux médecins et politiques réputés corrompus, dont Barbara Blida – elle préférera le suicide. Enfin, Mariusz Kamiński, pourtant condamné pour abus de pouvoir lorsqu’il dirigeait entre 2006 et 2006 le Bureau central anti-corruption, est gracié par le président Duda et devient coordinateur des services spéciaux pour le gouvernement.

En Pologne, une contre-révolution qui ne dit pas son nom (3/5)

[1] TVP Info, “Michnik u Lisa o wyborach parlamentarnych: wybór między herbatą a denaturatem”, 6 janvier 2015. Lien – consulté le 21 novembre 2016.
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Derrière le succès polonais, la société est divisée comme jamais (1/5)

HU-LALA (Hongrie) - Mon, 09/01/2017 - 19:27
En dehors des frontières de la Pologne, le double quadriennat de la Plateforme civique (PO), plus particulièrement la période 2010-2015 sous la présidence de Bronisław Komorowski, est perçu comme un succès.

Varsovie se réconcilie avec ses voisins allemand et russe tandis que dans une Union européenne atteinte par la crise économique et l’euroscepticisme, la Pologne fait figure d’« île verte ». C’est la seule économie de l’UE à ne pas connaître de récession et son opinion publique déclare dans les sondages un des plus forts taux de soutien à la construction européenne.

Après une présidence tournante du Conseil de l’UE en 2011 généralement qualifiée de réussie, l’organisation conjointe de l’Euro 2012 de football avec l’Ukraine confirme la capacité de la Pologne à accueillir de grands événements internationaux. Elle semble aussi indiquer que les Polonais parviennent à surmonter les différends historiques qui les opposent à leurs voisins pour construire des relations constructives, voire amicales.

Enfin, en 2014, les célébrations de trois grands anniversaires – 25 ans de démocratie, 15 ans d’adhésion à l’OTAN et 10 ans d’appartenance à l’Union européenne – trouvent leur point d’orgue avec la visite officielle du président américain Barack Obama, qui prononce devant la foule à Varsovie un éloge de la Pologne et loue la « force » de ses institutions [1]. De retour dans la capitale polonaise deux ans plus tard pour un sommet de l’OTAN, il exprimera à son homologue Andrzej Duda, dans une tonalité toute différente, ses « inquiétudes au sujet de certaines actions et de l’impasse autour du Tribunal constitutionnel » [2].

La croissance au rendez-vous, mais des fossés sociaux et culturels béants

Vue de l’intérieur, la situation politique et socio-économique en Pologne est plus ambiguë. Certes, la croissance est au rendez-vous (4,2 % par an en moyenne sur la période 2008-2015) et la pauvreté statistique recule fortement (de 30,5 % à 23,4 % de la population sur la même période). En outre, contrairement aux idées reçues et aux slogans de campagne de l’opposition qui décrivent une « Pologne en ruines », les zones rurales bénéficient aussi de la croissance grâce à la Politique agricole commune, aux investissements financés par les fonds européens (rénovation de routes, d’écoles, de bibliothèques…) et aux exportations de produits alimentaires.

Il demeure que la marée ne s’élève pas pour tous. Si le taux de chômage est repassé en 2014 sous la barre des 10 % et continue de chuter rapidement, la Pologne n’a pas réussi à faire revenir ses deux millions de ressortissants qui travaillent à l’étranger de façon permanente, principalement au Royaume-Uni et en Irlande. Leurs transferts d’argent font vivre les régions les moins dynamiques – la bande est du pays, les anciennes villes mono-industrielles –, mais financent avant tout le secteur du BTP (construction ou rénovation de logements) et l’achat de biens de consommation courante, sans créer d’emplois à forte valeur ajoutée.

Par ailleurs, sur le marché du travail national, deux millions de Polonais seraient embauchés sur la base de « contrats poubelle », non soumis au Code du travail et limitant de ce fait l’accès à la protection sociale et au crédit. Ces formes dégradées d’emploi touchent aussi bien des « travailleurs créatifs », satisfaits d’obtenir ainsi un salaire net plus élevé et plus de flexibilité, que des professions peu qualifiées (femmes de ménage, vigiles, caissières) souvent rémunérées en-deçà du salaire minimum légal.

Enfin, la relative bonne tenue de l’économie polonaise face à la crise économique et financière ouverte en 2008 masque un groupe qui en a subi les conséquences dans des proportions souvent dramatiques : les « frankowicze ». 700 000 familles polonaises avaient souscrit dans les années 2000 des emprunts en francs suisses, le plus souvent pour acquérir un bien immobilier en profitant de taux d’intérêt plus faibles que les crédits libellés en zlotys.

Toutefois, l’éclatement de la bulle immobilière et la dépréciation du zloty par rapport au franc suisse (-50 % entre 2008 et 2009) ont fait exploser le montant des mensualités tout en réduisant la valeur des biens hypothéqués. Bien que les Polonais n’aient pas connu autant de saisies que les Espagnols ou les Américains, beaucoup de ces ménages sont devenus insolvables et « prisonniers » de maisons ou d’appartements invendables.

Sur cette toile socio-économique, il faut ajouter une couche culturelle. Le rapide développement économique des grandes métropoles polonaises (Varsovie, Cracovie, Wrocław, conurbation de Gdańsk) s’est accompagné d’une certaine « européanisation » des modes de vie pas toujours compris dans le reste du pays. Dans un entretien donné au tabloïd allemand Bild, l’actuel ministre des Affaires étrangères Witold Waszczykowski, devenu célèbre pour ses propos peu diplomatiques, a résumé de la sorte cette opposition : « [nous ne voulons pas] d’un nouveau mélange des cultures et des races, d’un monde composé de cyclistes et de végétariens qui utilisent exclusivement des sources d’énergie renouvelables et qui luttent contre toutes les formes d’expression religieuse. Cela n’a pas grand-chose à voir avec les valeurs polonaises traditionnelles. »[3].

La « trahison » de Smolensk alimente encore la guerre des droites polonaises (2/5)

[1] The White House – Office of the Press Secretary, Remarks by President Obama at at 25th Anniversary of Freedom Day — Warsaw, Poland, 4 juin 2014. Lien  – consulté le 21 novembre 2016.[2] The White House – Office of the Press Secretary, Remarks by President Obama and President Duda of Poland After Bilateral Meeting, 8 juillet 2016. Lien – consulté le 21 novembre 2016.

[3] Barbara Clen, “„Bild” rozmawia z szefem polskiego MSZ:„Chcemy tylko uleczyć nasz kraj z niektórych chorób »”, Deutsche Welle, 4 janvier 2016. Lien – consulté le 21 novembre 2016.
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Pologne : le KOD éclaboussé par un scandale

HU-LALA (Hongrie) - Mon, 09/01/2017 - 16:36
Mateusz Kijowski, le leader du Comité pour la démocratie (KOD) a facturé au nom de sa société privée 20 000 € au mouvement anti-gouvernement.

Avec son catogan, sa barbe et ses lunettes à monture carrée rouge et noire, le visage du KOD, c’est lui. Mateusz Kijowski est à la tête du Comité pour la démocratie depuis sa création, il y a un an. Il a mobilisé les Polonais pour manifester contre les réformes entreprises par le PiS concernant le Tribunal constitutionnel, les médias et plus généralement les valeurs européennes. Charismatique, il s’exprime souvent dans les médias internationaux comme la presse polonaise.

Cette image de marque vient d’être écornée : Mateusz Kijowski a facturé pour 91 000 zlotys (environ 20 000 euros) de « services informatiques » au KOD auprès de sa propre société, alors que les revenus du mouvement viennent de donations. « C’était peut-être un manque d’expérience et de prudence de ma part, mais je vous assure qu’il n’y avait pas d’intention malhonnête », s’est-il défendu.

Il a demandé pardon sur Facebook pour cet acte « irréfléchi », qui a « fourni l’occasion d’attaques contre le KOD, exposant ainsi des milliers de militants et sympathisants ». Soutenu par l’ancien Président Lech Wałęsa et les partis d’opposition, Mateusz Kijowski a annoncé qu’il ne démissionnerait pas.

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Blaha Lujza tér, Cour des miracles

HU-LALA (Hongrie) - Sun, 08/01/2017 - 20:19
Blaha Lujza tér est une fausse place, née de la destruction du vieux théâtre de Pest en 1965. Mais un vrai carrefour, là où se croisent le jour le centre-ville et la banlieue, les Pesti de la classe moyenne citadine et les cigány des faubourgs. Une sorte de Cour des miracles où se toisent le soir venu les csöves (sans-abri), les földönfutó (marginaux) et les koldus (mendiants).

Blaha Lujza tér – « Blaha » pour les gens de la rue – est un accident de l’Histoire tourmentée de Budapest. Un traumatisme du même ordre que les Halles de Paris après la destruction des pavillons Baltard et le creusement du « forum » et de la gare RER. Car Blaha Lujza tér est née d’un calcul malheureux des ingénieurs chargés du métro 2, lesquels avaient pensé que le  magnifique Théâtre national – ancien théâtre de Pest – ne résisterait pas aux vrombissements du trafic sous-terrain. Fortement fragilisé en 1956 lors de l’insurrection de Budapest, l’édifice fut donc sacrifié sur l’autel du transport moderne.

Blaha Lujza tér et le Théatre national en 1900. A droite, la Maison de la presse ; en arrière-fond, l’entrée actuelle de Népszínház utca au croisement du nagykörút.

Il y avait bien une petite placette qui portait le nom du « rossignol national » Lujza Blaha avant 1965. Construite lors des travaux d’aménagement du grand boulevard (nagykörút), elle était devenue le symbole de la modernité que les Budapestois avaient atteint au début du XXe siècle. Le Théâtre national y côtoyait les grands magasins Corvin – façon Boucicaut – et la « maison de la Presse » (Sajtóház), dans une ambiance sans doute proche du quartier parisien de la Chaussée d’Antin, dans le 9e arrondissement. Blaha Lujza tér était surtout la véritable entrée de Népszínház utca – qui allait alors de l’autre côté du nagykörút – et de toute la vie de cabaret qu’on trouvait dans le faubourg de Józsefváros. Le quartier général des Roms musiciens, des chiffonniers juifs de Teleki tér et des filles de joie.

La place et son square durant la période communiste.

L’achèvement des travaux du métro transforma la placette en une grande station d’échange sur trois niveaux. Le niveau du métro, particulièrement profond à Budapest ; celui des tramways 4 et 6 et du carrefour routier en surface ; et enfin celui des piétons, juste sous la chaussée, conçu pour passer d’un moyen de transport à l’autre mais aussi traverser les voies sans risquer de se faire écraser. Un vaste square, doublé d’un parking, fut aménagé à la place du théâtre, sans pour autant convaincre les habitants de ses qualités récréatives. A partir des années 1990, il devint progressivement le point de rencontre de nombreux sans-abri de Budapest en raison du passage, des nombreux bancs disponibles ainsi que des voies piétonnes sous-terrain où les cartons de fortune et les pleds mités aident à passer l’hiver. C’est d’ailleurs à Blaha Lujza tér que l’on pouvait voir ces distributions géantes de nourriture, pratique limitée par très conservateur maire István Tarlos, mais qui sert toujours le 31 décembre comme thermomètre de la pauvreté.

(Ci-dessous le très court-métrage de Béla Tarr, filmant une distribution de nourriture équivalente, sans doute du côté de la gare Nyugati)

 

De nos jours, les sans-abri n’ont pas disparu du paysage et de nombreux d’entre eux meurent frigorifiés faute de prise en charge par les pouvoirs publics. Le matin et le soir, Blaha Lujza tér est désormais le territoire des travailleurs pendulaires qui viennent dans le centre puis regagnent leur banlieue grâce au métro 2 ou aux trams oranges qui filent vers l’Est. La journée, on y voit ces foules qui ne se mêlent jamais : d’une part, les jeunes Roms, Nigérians et Chinois qui surveillent l’entrée de Népszínház utca juste devant le McDonald’s, en trifouillant leur téléphone ; d’autre part, les jeunes actifs qui font leurs courses au H&M du centre commercial Europeum ou qui mangent sur le pouce du côté de Somogyi Béla utca. La nuit, les mendiants, ivrognes et étudiants Erasmus titubant tous autant qu’ils sont entre les colonnes du métro en sous-sol, les kebabs en surface, le tout dans une odeur persistante de pisse.

Crédit : Index.hu

Si l’opportunité de détruire le Théâtre national pour en faire cette Cour des miracles est encore un sujet de débat entre les ingénieurs, la question de la transformation définitive de ce carrefour en place « digne de ce nom » agite quant à elle les décideurs politiques. De nombreux projets paysagés ont été conçus ces dernières décennies, sans qu’aucun ne s’impose réellement. Blaha Lujza tér restera sans doute encore quelques temps ce concentré de Pest que beaucoup adorent détester, comme si ce lieu racontait mieux que n’importe quel autre les heurs et malheurs de la ville-monde qui a failli égaler Vienne. Quels que soient les desseins que lui prêtent certains, profitons-en encore un peu, avant que la pluie ou la javel ne viennent laver ses crachats.

Crédit : Index.hu
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Ján Kozák Jr., des terrains aux greens

HU-LALA (Hongrie) - Sun, 08/01/2017 - 10:47
Quand on vous parle de Ján Kozák, la plupart pensent certainement à l’actuel sélectionneur de l’équipe nationale slovaque. Pourtant, ce dernier possède aussi un fils et, à l’image de l’imagination d’un Vladimir Weiss, il lui a aussi donné le même prénom. Et toujours à l’image de la famille Weiss, Ján Kozák jr. a également foulé les terrains de football. Une carrière qui l’a emmené de sa Slovaquie natale à la Grèce, l’Ouzbékistan ou encore, plus récemment, en Argentine, pour une reconversion en « footgolfeur » lors de la dernière Coupe du Monde de Footgolf se déroulant à Buenos Aires. Article publié le 18 janvier 2016 dans Footballski L’enfant de Košice

Deuxième plus grande ville slovaque avec près de 250 000 habitants et considérée comme l’une des plus belles du pays, Košice fut durant de nombreux siècles l’un des bastions de la Hongrie, que ça soit au Moyen Âge avec la dynastie Árpád, durant la renaissance avec, notamment, la Révolution hongroise de 1848 contre la domination des Habsbourg ou encore, quelques années plus tard, comme l’un des centres culturels les plus influents de l’Empire austro-hongrois. Une ville qui aura notamment vu naître Sándor Márai, l’un des plus grands écrivains hongrois qui racontera notamment sa jeunesse dans la ville dans son roman Les Confessions d’un bourgeois.

Dans cette ville qui compte de nombreux édifices religieux comme l’église de la Sainte Trinité ou celle de Saint-Antoine de Padoue, elle aura eu l’occasion de célébrer un nouveau Saint il y a quelques années qui répondait au nom de Ján  Kozák. Véritable légende de la ville et du MFK Košice, l’actuel sélectionneur de l’équipe nationale aura même eu l’amabilité de faire perdurer sa lignée par un fils, sobrement nommé Ján Kozák junior. Un fils qui aura lui aussi l’occasion de fouler la pelouse de Košice avec, en guise de premier entraîneur, son paternel.

© SITA

Lors de sa première saison en 1997/1998, le fils de intègre l’une des équipes surprises du championnat puisque le MFK Košice remporte alors le premier titre de champion de son histoire, grâce notamment à son duo Jozef Kožlej – Róbert Semeník. Une époque parfaite pour Kozák lui permettant d’intégrer le monde professionnel à tout juste 17 ans. Si lors de ces 3 années au club, entre 1997 et 2000, Kozák ne se retrouva qu’une dizaine de fois sur les terrains slovaques, il y inscrit cependant la première ligne de sa carrière avec ce titre inattendu. Un Graal obtenu notamment grâce à la future légende du football slovaque, le buteur Szilárd Németh.

Après une pige en République tchèque avec le Slavia Prague et un retour dans sa ville natale, la carrière du métronome slovaque commencera réellement en 2003 avec l’Artmedia Petržalka après un transfert avorté au Bohemians 1905. Lui qui se disait être émerveillé par Dennis Bergkamp lors de sa jeunesse, puis par Zinedine Zidane plus tard, aura alors l’occasion de marquer le championnat slovaque de son empreinte. Une empreinte faite de passes lumineuses et de centres exquis.

Des buildings de Petržalka au sommet du championnat

Si vous ne connaissez pas la capitale slovaque, Petržalka est le plus grand arrondissement de la ville. Bien loin du centre historique, Petržalka est surtout connue pour son ballet incessant de Panelák, des HLM rappelant l’ère communiste qui abritent encore une large partie de la population de la capitale. Dans ce dédale d’immeubles, un club centenaire fondé en juin 1898 connaîtra la gloire au milieu des années 2000, emmené par le grand Vladimir Weiss sur le banc de touche et par Ivan Kmotrik en guise de propriétaire.

Štadión Petržalka, l’ancien terrain de jeu du maestro slovaque | © Flickr / Mickey Champion

En compagnie de joueurs comme Ján Ďurica, Luboš Kamenár, Marek Krejci, Filip Šebo, Marián Čišovský, Karim Guédé, Juraj Halenár ou encore Radek Dosoudil et Pavol Farkaš, Petržalka se frira un chemin vers les sommets du championnat slovaque avec une première coupe nationale obtenue en 2004 qui aboutira, par la suite, à un titre de champion en 2005 (auquel s’ajoute une Supercoupe la même année) puis un autre en 2008, où l’équipe réalise le doublé en enlevant également la coupe nationale. Des titres historiques obtenus grâce à la participation d’un maître artilleur, Ján Kozák jr.

Lui, le fils de, devient alors la pièce maîtresse de l’une des équipes les plus séduisantes de l’époque au pays. Alors en pleine ascension vers le titre en 2005, le joueur donna une interview au magazine Sme, où il expliqua notamment son amour pour le football, son admiration pour Dennis Bergkamp et Zinedine Zidane ainsi que des forces de l’équipe à cette époque. Quand on lui posait cette question qui revenait dans les bouches de la plupart des observateurs, à savoir « Quel est le secret de vos passes et de vos centres lumineux ? », l’intéressé recentra rapidement la question vers l’intérêt collectif, plus que personnel, en répondant tout simplement que « dans le football, l’aisance technique ne suffit pas. Il faut constamment l’améliorer. Envoyer des passes de cinquante ou soixante mètres devant ne suffit pas. Il faut aussi prendre en compte les qualités de ses coéquipiers. Filip Sebo est très rapide devant, si je dois l’alimenter, il faut la plupart du temps le faire sur des balles en profondeur. De même pour Mato Mikulič qui est un TGV. Tandis que des joueurs comme Blazej Vaščák, Brano Fodrek et Tono Šoltis, le jeu aux pieds est nécessaire. Fodrek a par exemple une forte couverture de balle qui lui permet de résister et continuer ses actions. » Tel type de jeu, pour tel type de joueur, voilà comment JK junior parvenait à bonifier ses partenaires.

Loin des strass et homme terre-à-terre,  Ján Kozák a surtout une vision du football commune à son père. Lui qui a baigné dans ce monde depuis l’enfance, fut encouragé à jouer « un football [fait] de plaisir[s] et pour [se] divertir. »

Un plaisir que l’on retrouvera dans cette saison historique de 2005 du club de l’arrondissement de Bratislava. En 34 matchs, le joueur délivrera pas moins de 28 passes décisives, en plus de marquer 7 buts. Encensé par ses pairs, que ça soit par son capitaine en club, Balázs Borbély, qui disait de lui que c’était « un excellent footballeur et une très bonne personne. Une personne possédant des jambes dorées et une précision de passe que nous sommes bien heureux d’avoir dans l’équipe », ou par son ancien entraîneur, Vladimir Weiss, qui le considérait comme « un joueur ayant un ordinateur dans la tête et des jambes prévues pour distiller des passes comme personne en Slovaquie. L’équipe s’adapte à son jeu, ses coéquipiers le respectent et sont prêts à tout pour lui. […] Sans lui, je ne peux pas imager notre équipe (L’Artmedia Petržalka, ndlr). » Cette estime pour le joueur qu’était Ján Kozák  Jr. se retrouve également dans les adversaires, que ça soit Karol Pecze, alors entraîneur de Žilina, ou Miroslav Barčík, milieu de terrain de Žilina à l’époque, les compliments fusent une nouvelle fois. Des compliments qui tournent toujours sur la même thématique, la vision du jeu, les passes lumineuses et la capacité de Kozák à créer le danger grâce à celles-ci.

Une année 2005 pleine, un titre de champion historique avec son club, le joueur fut logiquement présent dans le XI de l’année en Slovaquie avec notamment son coéquipier de l’époque et meilleur buteur du championnat cette année là, Filip Šebo, et, enfin, pour couronner le tout, un nouvel admirateur. Son nom ? Bryan Robson.

Good morning England, Good bye Petržalka

« Jan est habile, capable de créer et marquer des buts. Espérons qu’il apportera ses qualités au club. » C’est avec ces mots que Robson, alors entraîneur de West Bromwich Albion, présentait sa nouvelle recrue slovaque arrivée en prêt de Petržalka. Un retour en terre anglaise pour le fils de l’actuel entraîneur de la sélection slovaque, lui qui avait eu l’occasion de réaliser un match à Liverpool en 1998, alors qu’il commençait tout juste sa carrière, face au Liverpool de Roy Evans et de Gerard Houllier lors d’un match de coupe de l’UEFA. Un match qui s’était soldé par une cinglante défaite 5-0 pour les Slovaques.

À vrai dire, ce retour en Angleterre ne se terminera pas vraiment mieux que ce match face aux Reds. Avant-dernier de Premier League, éliminé par Reading en FA Cup lors du troisième tour ainsi qu’en quatrième tour de League Cup par Manchester United, Kozák n’aura jamais vraiment eu l’occasion de se montrer avec seulement six petits matchs. Pourtant, Robson soutiendra le joueur en déclarant qu’ »il avait bien joué depuis qu’il était ici« , allant jusqu’à vouloir finaliser son prêt en transfert définitif. Cependant, avec la relégation du club et un début de saison timide en Championship, Bryan Robson se retrouva démis de ses fonctions mi-septembre tandis que Kozák ne portera plus jamais le maillot des Baggies. Des terres anglaises qu’il n’aura jamais su apprivoiser, la faute à un manque cruel de physique et une vitesse de pointe proche du néant tandis que quelques admirateurs anglais auront toujours en tête le souvenir d’un joueur à la technique douce et aux passes flamboyantes.

Si son retour en Slovaquie se fit dans les meilleurs augures à titre personnel avec un nouveau titre de champion et une coupe en 2008 ainsi que de magnifiques prestations sous le maillot slovaque en étant meilleur passeur de la phase de qualification de l’Euro 2008 devant Pirlo (avec 7 passes décisives), l’Artmedia, quant à lui, connaîtra sa chute dans le même temps.

Cette superbe saison de 2008 fut aussi la pire. Tandis que Vladimir Weiss quitta son poste pour le Saturn, Ivan Kmotrik, le propriétaire du club, quitta dans le même temps l’Artmedia pour un autre club de la capitale, le plus grand même, le Slovan Bratislava. En même temps qu’il plomba les finances du club avec ce départ, l’homme d’affaires slovaque prit également le soin d’emmener avec lui les meilleurs éléments du club en deux ans. Les habitants des HLM de Petržalka voient alors 5 joueurs partir au Slovan dès 2008 dont Radek Dossoudil, Juraj Halenar ou encore Branislav Obzera. Un an plus, c’est au tour de 5 autres joueurs de venir aliment les rangs du Slovan, dont Kornel Salata, Karim Guédé, mais aussi l’homme qui nous intéresse aujourd’hui, Ján Kozák jr.

D’une fin de saison douloureuse au footgolf

Une dernière bonne saison en Slovaquie avec un titre de champion en prime et puis plus rien. Voilà comment s’est malheureusement terminée la carrière d’un joueur oublié de beaucoup de mémoires. Car, après cette seule saison au Slovan, il rejoindra la Roumanie et le Politehnica Timişoara rejoindre ses coéquipiers Miloš Brezinský et Marián pour une expérience qui tournera vite au vinaigre. Malgré une belle deuxième place obtenue en championnat, le club se retrouvera finalement relégué, la faute à un Marian Iancu, président du club, magouilleur et au refus de la fédération d’accorder une licence au motif du non-paiement d’une dette de 1,2 millions d’euros à l’Etat et au club portugais de Benfica. Après la Roumanie, un très court passage en Grèce avec Larissa puis en Ouzbékistan avec Bunyodkor, Ján Kozák jr. a fait parler de lui ces derniers mois pour son retour dans le milieu du football avec un nouveau costume… celui de joueur de FootGolf.

Loin des terrains, Ján Kozák continue de prendre du plaisir balle aux pieds sur les greens avec en point d’orgue les Championnats du Monde 2016 de FootGolf ayant eu lieu à Buenos Aires il y a quelques semaines.

© profutbal.sk

Une nouvelle aventure qui a commencé par l’intermédiaire de Juraj Gubáni et Tomáš Dittinger qui lui avaient alors demandé s’il n’était pas intéressé de promouvoir ce sport en revêtant la tunique de la sélection slovaque. Comme il l’explique au site Aktualne, « le principe du FootGolf est identique à celui du golf traditionnel, on se retrouve sur un green, les trous ont un périmètre de 50-53 cm et une profondeur de 30-40cm. L’objectif est de mettre une balle d’une circonférence de 68-70 cm dans les trous avec le moins de coups de pied possible. Il faut donc être capable de savoir jouer de longs ballons, être bon de l’extérieur comme de l’intérieur du pied, du gauche comme du droit. » Le sport parfait pour un manieur de ballons comme l’a toujours été Ján Kozák jr.

Et pour cause. Champion de Slovaquie en 2015, l’ancien joueur de l’Artmedia vient tout juste d’accrocher une belle troisième place à la dernière Coupe du Monde de FootGolf en Argentine. Une troisième place synonyme pour lui de meilleur joueur européen dans la compétition et d’un nouveau trophée pour cet esthète du football. Un football qui semble l’habiter et ce qu’importe le terrain.

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La « suspension » du Népszabadság jugée illégale

HU-LALA (Hongrie) - Fri, 06/01/2017 - 09:47
Mediaworks Zrt. vient d’être condamnée par la justice, suite à la suspension brutale du Népszabadság en octobre dernier. La cour a qualifié la suspension de licenciement déguisé et a estimé que la méthode employée par le groupe de presse n’avait pas respecté le cadre prévu par la loi.

Troisième round dans l’affaire du Népszabadság, le quotidien de gauche brutalement « suspendu » le 8 octobre dernier, selon les termes de son propriétaire Mediaworks Zrt. Sans prévenir la rédaction, le groupe de presse avait décidé de procéder à la fermeture des locaux et de mettre les salariés en chômage technique dans l’attente de l’élaboration d’une nouvelle formule. La nouvelle avait créé l’émoi en Hongrie, où plusieurs manifestations avaient été organisées en soutien à la liberté de la presse.

Hongrie : des journalistes dénoncent un «putsch» à Népszabadság

C’est précisément le terme de « suspension » qui n’a pas convaincu la Cour de Budapest, selon laquelle Mediaworks Zrt. n’a pas respecté le cadre et les délais prévus dans une procédure de licenciement. Le jugement rendu, suite à plainte déposée par Anna Danó de « non respect du droit du travail », estime ainsi que les propriétaires auraient du prévenir le comité d’entreprise, au moins quinze jours à l’avance, de leur décision. Il s’ajoute à une première condamnation de Mediaworks Zrt. en novembre dernier pour ne pas avoir demandé l’avis des représentants des salariés quant à la fermeture du journal.

Le groupe de presse propriétaire s’est défendu en mettant en cause la légitimité du comité d’entreprise ainsi qu’en plaidant ne pas avoir pu suivre la procédure légale « pour des raisons conjoncturelles ». Mediaworks Zrt. a également rejeté sans surprise la requalification de la suspension en licenciement déguisé, sans convaincre la Cour.

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2017 pourrait vraiment être « l’année de la rébellion »

HU-LALA (Hongrie) - Thu, 05/01/2017 - 18:23
Viktor Orbán a déclaré dans un entretien paru avant Noël que « 2017 sera l’année de la rébellion ». Cela signifie pour lui qu’il n’hésitera pas à mobiliser toute la puissance de l’État pour combattre les institutions indépendantes qui résistent encore à son omnipotence. Il a notamment dit vouloir faire le ménage du côté de la société civile. Tribune publiée le 3 janvier 2017 dans Kettős Mérce. Traduite du hongrois par Ludovic Lepeltier-Kutasi.

Dans une analyse similaire à celle-ci, faite il y a un an, j’avais dit que 2016 serait l’année de l’augmentation des salaires. C’est peu ou prou ce qui est arrivé. Effectivement, la fin de l’année écoulée s’est traduite par une hausse des revenus, bien que le problème des bas-revenus, savamment entretenu par le Fidesz lui-même – ce qu’Orbán ne dément pas -, n’ait pas été complètement réglé. Si l’on regarde les pays voisins, les salaires y restent plus élevés qu’en Hongrie, tandis que les revenus médians y valent deux fois celui d’ici. Nous comparons ici la Hongrie avec des pays qui sont partis de la même ligne de départ.

C’est précisément cet élément, l’augmentation des salaires à la fin de l’année, qui remet en question mes prédictions pour 2017.

Car si l’on regarde les différentes enquêtes, nous pouvons nous rendre compte que 55-62% de la population estime ne peut pas être satisfaite de la politique menée par le gouvernement et plus généralement par l’évolution de la situation du pays. Ce taux reste en-deçà, mais de peu, du pire score enregistré par le gouvernement Gyurcsány en 2008, lorsque le niveau d’insatisfaction avait atteint 72%.

Il est vrai que l’on peut se demander si cette insatisfaction persistera après les cadeaux de fin d’année du gouvernement, le saupoudrage des fonds européens pour ces prochaines années ou encore la relance de l’économie juste avant les élections législatives.

La différence entre 2006-2008 et la période actuelle est saisissante. Il y a dix ans, un responsable politique (Viktor Orbán, ndlr) avait su capter le mécontentement et même souffler sur les braises pour en bénéficier davantage. Aujourd’hui, il n’y a personne en face du Fidesz qui pourrait en profiter de la même façon, et encore moins l’attiser.

« Si l’on sent bien la colère affleurer en surface, la question de 2017 est précisément de savoir l’intensité qu’elle prendra la prochaine fois qu’elle se montrera. »

Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de gronde en 2017, dans la mesure où les deux grands sujets qui inquiètent la population – la corruption et l’état du système de santé – ne seront vraisemblablement pas réglés d’ici là. Si l’on sent bien la colère affleurer en surface, la question de 2017 est précisément de savoir l’intensité qu’elle prendra la prochaine fois qu’elle se montrera.

Si cette question agite 2017, elle agitera aussi sans doute 2018. Car s’il y a cette année des manifestations qui sauront porter durablement le mécontentement, 2018 sera une année très inconfortable pour le Fidesz. Si celles-ci n’ont pas lieu, alors le parti gouvernemental pourra rempiler sans sourciller pour une majorité des deux-tiers.

Mais nous avons pu constater l’année dernière ce qu’il en était lorsque cette contestation rencontrait dans la rue des inquiétudes sectorielles, lesquelles portaient alors sur les questions d’éducation. Le mouvement « Tanítanék » (« J’aimerais enseigner », ndt) a ainsi su mobiliser des dizaines, parfois des centaines de milliers de personnes durant plusieurs mois, faisant plonger la popularité du Fidesz de 34% fin 2015 à 26%. Si entre temps la campagne référendaire a permis une remontée à 32%, son taux d’opinions favorable a de nouveau reflué à 30% à la fin de l’année.

S’il advient en 2017 un ou deux sujets qui touchent l’ensemble de la société – je ne parle pas ici de thèmes politiques secondaires -, lesquels déboucheraient sur un mouvement puissant, alors 2017 sera effectivement l’année de la rébellion.

« Comme nous l’avons constaté l’année dernière et en dépit de ce qui est dit parfois, les gens descendent volontiers dans la rue pour manifester leur opposition. »

Or des sujets comme ça, il y en a déjà plein. La liste est sans fin : la corruption, la situation du système de soin, la liberté de la presse, l’état de l’éducation, l’attitude du gouvernement ! Par ailleurs, comme nous l’avons constaté l’année dernière et en dépit de ce qui est dit parfois, les gens descendent volontiers dans la rue pour manifester leur opposition. L’organisation d’une manifestation rassemblant plusieurs milliers de personnes pour le Népszabadság, en moins de cinq heures, en est un bel exemple ! Autre enseignement : celui selon lequel l’organisation de manifestations ou la structuration de collectifs (comme Tanítanék) peuvent avoir un impact.

De ce point de vue, plusieurs interrogations surviennent quant à 2017 : est-ce qu’il y a ou est-ce qu’il y aura pareils sujets de mobilisation ? A mon avis, oui. Est-ce que ceux qui porteront ces contestations sauront construire des mouvements durables ? Est-ce qu’ils réussiront de la même façon à conserver le soutien populaire sur un temps aussi long ? Pourquoi pas ? Par le passé, plusieurs mouvements ont en partie réussi ce pari.

En fait, la véritable question c’est si nous sommes prêts à  dépasser notre mécontentement pour de nouveau faire confiance en un nouveau mouvement politique ?

Si tel est le cas, alors 2017 sera véritablement l’année de la rébellion, ce qui aura une incidence sur 2018 également.

Si d’aventure l’on répondait par la négative à toutes ces questions, alors l’obtention d’un troisième mandat sera à la fois une promenade de santé pour Viktor Orbán et sonnera comme la légitimation des terribles choses qu’il a faites ces quatre dernières années.

Viktor Orbán : « Quelque chose de similaire est en cours en France »

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En Hongrie, la « société civile » veut un des siens à la tête de l’État

HU-LALA (Hongrie) - Thu, 05/01/2017 - 12:59
Une pétition vient d’être lancée pour que l’Assemblée hongroise examine la candidature de László Majtényi, juriste issu de la « société civile », à l’élection présidentielle hongroise. L’objectif est de désigner un successeur non-Fidesz à János Áder, dont le mandat sera remis en jeu au printemps prochain.

L’élection présidentielle hongroise aura sans doute lieu à peu près à la même période que l’élection présidentielle française. En Hongrie, l’exercice démocratique se confine à l’enceinte du Parlement, car le chef de l’État y est désigné par les députés. Pour éviter de laisser la majorité « sans frein car sans contre-pouvoir », Sándor Székely a lancé une pétition populaire pour soutenir une candidature indépendante en la personne de László Majtényi, un juriste longtemps conseiller de l’ombre de plusieurs dirigeants politiques.

Pour Sándor Székely, élu indépendant de l’opposition à Budapest, le problème avec le président de la République actuel est qu’il « n’a pas suivi le style empathique et humaniste d’Árpád Göncz ni le soucis d’équilibre de László Solyom ». János Áder, élu en 2012 « pour consolider la nouvelle Constitution », n’a effectivement jamais réussi à se départir de son image d’homme-lige de Viktor Orbán, dans un pays marqué par des présidents au-dessus de la mêlée, avec des profils d’intellectuels. Loyal et dévoué à son parti Fidesz, il a été désigné en décembre dernier candidat à sa succession.

L’initiative de la « société civile » a peu de chance d’aboutir, en raison de l’hégémonie institutionnelle du Fidesz au Parlement, mais également de la politisation de la candidature de László Majtényi par les différents partis de gauche. Elle bénéficie néanmoins du soutien de nombreuses personnalités engagées dans le débat public, tels les écrivains László Bitó et Lajos Parti-Nagy, le compositeur János Bródy, la philosophe Ágnes Heller, le politiste László Kéri ou encore l’ancienne ministre socialiste des affaires étrangères et fille du premier Président de la Hongrie post-communiste : Kinga Göncz.

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Ryszard Kapuściński, l’artiste du reportage écrit

HU-LALA (Hongrie) - Thu, 05/01/2017 - 10:55
Kapuściński. Un nom mythique parmi les reporters et les lecteurs. Un homme qui aura su narrer la deuxième moitié du XXe siècle comme très peu l’ont fait. Un écrivain encensé par ses pairs tels Luis Sepúlveda et un journaliste respecté. L’histoire d’un jeune Polonais, parti loin de sa patrie pour couvrir coups d’états et révolutions sur divers continents, sans jamais oublier sa Pologne. Article publié le 1er août 2016 dans Hajde Le narrateur d’un temps révolu

Kapuściński, c’est avant tout l’histoire d’une époque révolue. Celle où le mot et l’écrit jouissaient d’un prestige sans pareil. Celle où le journal du matin était attendu par de nombreux citoyens aux quatre coins du monde pour s’informer et comprendre les événements dans leur pays et au-delà. Une époque où les faits mettaient plusieurs jours à traverser mers, montagnes et milliers de kilomètres.

Le Polonais était un artisan de cette époque. Ayant travaillé sur tous les continents, il a surtout laissé son empreinte en Afrique – même si ce serait une grande injustice de taire son travail en Iran ou en Amérique Latine. Dans les années 1960 et 1970, Kapuściński faisait partie de cette petite dizaine de correspondants envoyés par leurs agences de presses nationales pour couvrir la vie très agitée d’un continent en pleine décolonisation.

De coups d’état en guerres civiles

Seul correspondant pour l’Agence de Presse Polonaise, Kapuściński fut en quelque sorte les yeux, le nez et les oreilles de tout Polonais souhaitant savoir ce qui se passe sur le continent noir. Chaque événement, chaque nouvelle, chaque fait passaient par le filtre du journaliste polonais et les lecteurs polonais comprenaient les évolutions en Afrique à travers ce prisme singulier. Un honneur certes pour un journaliste mais aussi une grande responsabilité.

Le journaliste devenu écrivain

Cependant, le récit journalistique a rapidement montré ses limites pour Kapuściński. Des limites de formes surtout et parfois de fonds. Dans un extrait du reportage Poet on the Frontline, Kapuściński explique parfaitement son dilemme : « Sur une page manuscrite, je devais décrire toute une révolution. C’est très concis et cela ne dit rien sur la situation réelle. Cela ne dit rien sur les couleurs, les odeurs, la température, cela ne dit rien sur l’agitation de la foule. J’ai ressenti qu’étant le seul sur place je devais écrire quelque chose de plus. Et j’ai commencé à écrire mes livres. »

Cette citation donne de nombreuses indications sur le caractère de Kapuściński et sa manière d’entrevoir les événements. Au contraire de certains de ses confrères, le Polonais était bien plus qu’un narrateur de faits. Le fait n’était pour lui que la porte d’entrée pour explorer un environnement, une culture et surtout une population.

L’explorateur et l’écrivain

Il faut sans doute contempler son parcours personnel pour mieux comprendre la dynamique intellectuelle de Kapuściński. Né en 1932 à Pinsk dans ce qui était alors une ville polonaise puis est devenue une ville biélorusse, le Polonais a vécu très jeune une situation de guerre. A 7 ans, il était déjà bercé par les conflits, les déportations et les privations.

Ainsi, en Afrique, sur un continent où les guerres civiles succédaient aux coups d’état, Kapuściński avait certainement cette faculté à se détacher des faits pour se concentrer sur ce qui l’intéressait avant tout : l’autre. Celui qui subit la guerre civile mais aussi celui qui la mène ou tout simplement ceux qui doivent vivre avec.  Car au fond, plus que des faits journalistiques, Kapuściński aimait surtout raconter voire magnifier des visions et des sensations.

Les différents visages de Kapuściński vus de Pologne

Les années 2000 ont vu naître de nombreuses polémiques concernant les écrits du Polonais. Certains journalistes ont ainsi démontré que Kapuściński s’était à diverses reprises éloigné des faits avérés pour le besoin de ses récits. Une critique compréhensible d’un point de vue journalistique orthodoxe mais qui n’enlève cependant rien à la puissance d’évocation de ses récits qui restent malgré tout fortement imprégnés d’une véracité historique.

Une autre polémique est née sur son rapport à la Pologne. Dans le documentaire A Poet on the Frontline, un de ses confrères évoque la manière dont les écrits de Kapuściński étaient reçus dans les années 1970 en Pologne : « Nous lisions à cette époque Ryszard comme quelqu’un ayant volontairement choisi d’émigrer de Pologne en Afrique mais qui écrivait malgré tout sur la Pologne. Ainsi le Négus (livre sur Haile Selassie) était lu en Pologne comme un livre sur Edward Gierek, le leader du parti communiste polonais dans les années 1970. » Dans les années 1980, Kapuściński écrivit également abondamment sur le mouvement Solidarność avec une réelle bienveillance, alors qu’il était retourné vivre en Pologne. Cependant, un livre intitulé Kapuściński Non Fiction paru en 2010 démontra les rapports étroits entre le régime communiste et le reporter, l’accusant d’être un informateur du régime en place – ne fournissant cependant que des informations anodines et sans conséquence négative pour qui que ce soit. Dur de percer a posteriori le mystère Kapuściński sur ce point.

Quoi qu’il en soit, il reste aujourd’hui de très nombreux livres du Polonais à lire ou relire. Des témoignages uniques sur l’évolution de l’Afrique pendant une trentaine d’années, sur l’Iran, l’Union Soviétique ou l’Amérique Latine. Des livres qui permettent de découvrir des territoires, des événements, des sensations à travers le prisme Kapuściński. Un prisme qui s’est peut-être parfois éloigné de la réalité mais sans doute avant tout pour la magnifier. Pour le plus grand plaisir du lecteur curieux.

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Vienne et Budapest, si proches, si lointaines

HU-LALA (Hongrie) - Wed, 04/01/2017 - 15:36
La veille d’un match Autriche-Hongrie, une vieille dame demande à ses petits enfants: « Mais contre qui jouent-ils donc ? ». L’anecdote est là pour nous rappeler le bon vieux temps de la double monarchie, alors que Vienne et Budapest étaient des villes sœurs.

Deux sœurs qui, aujourd’hui, sembleraient plutôt se tourner le dos, quand elles ne se boudent pas. Et pourtant, comme elles se complètent ! Bien différentes, certes : Vienne, la blonde sage et prude ; Budapest la brune effrontée et sauvageonne. Mais à croquer toutes deux à pleines dents pour notre plus grand plaisir.

Paradoxalement, c’est avant la chute du mur, dans les années quatre-vingts, que les deux semblèrent le plus proches alors que, les visas étant supprimés entre les deux pays, les familles hongroises se précipitaient en masse de l’autre côté de la frontière. Non tant, il est vrai,  pour faire du tourisme que pour faire le plein de consommables « occidentaux » dans les grands magasins de la Mariahilferstraße. Une mode qui disparut très vite avec l’arrivée des grandes surfaces en Hongrie dans les années quatre-vingt dix.

La Mariahilferstraße en 1983, à Vienne.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Pour qui déambule dans les rues de Vienne, le contraste est flagrant. Certes, mais on ne peut s’empêcher de ressentir en même temps une forte parenté. Pour peu qu’il pratique l’allemand, le Budapestois s’y sentira chez soi.

Pour ce qui est des contrastes, l’exercice est facile. Il peut-être résumé par ma réaction – résident de Pest – et celle d’un ami français résidant à Vienne lorsque nous échangions nos domiciles le temps d’un week-end. Alors que je m’exclamais, à peine arrivé à Vienne « Enfin une ville soignée et propre ! », lui de répliquer en débarquant dans la capitale hongroise « Enfin une ville où l’on ne s’ennuie pas ! ». Et les deux avaient raison ! C’était il y a vingt ans et depuis, la situation a évolué, notamment à Pest, devenue plus propre. Mais le contraste demeure.

Panorama sur le Danube à Budapest.

Première différence, et de taille : le Danube. Les Viennois ont beau chanter leur cher « schöne blaue Donau » (soit dit en passant, pas plus bleu que mes cheveux sont verts), celui-ci ne traverse pas la ville, il ne fait que l’effleurer sur son flanc, de plus, dans un site ingrat. Alors qu’à Budapest, le fleuve s’étale sur toute sa largeur, digne et majestueux au beau milieu de la ville. Et avec quel effet ! A l’image du fleuve, les monuments, bien que de styles proches, ne revêtent pas la même dimension. Comme si, encouragés par le Compromis de 1867, les bâtisseurs de la jeune capitale hongroise, libérés de tout complexe, s’étaient défoulés, voulant se montrer encore plus forts que leur vieille voisine en donnant dans le mégalo. Il suffit pour s’en convaincre de voir le Parlement ou, par exemple, le musée ethnographique qui lui fait face. Une exception, le Jugendstil viennois, sorte d’Art nouveau que l’on retrouve dans plusieurs immeubles ou bâtiments publics de Budapest, ces derniers avec une touche d’exotisme en plus, fort bien venue.

La caisse d’épargne de la Poste royale, style Sécession hongroise sur Hold utca, à Budapest.

Au-delà des édifices publics, les immeubles d’habitation prennent eux-mêmes un autre dimension avec, côté Pest, leurs trois étages répartis sur au moins quatre mètres de plafond et ces impressionnants atlantes qui en gardent parfois l’entrée (mais on les retrouve aussi dans les palais viennois). Sans parler de cette foison de fresques, mosaïques et bas reliefs qui en ornent les façades. Bon, comparons ce qui est comparable. Tel le Paris d’Haussmann, la ville de Pest s’est édifiée en quelques décennies (1870-1910), alors que son aînée viennoise – telle que nous la voyons aujourd’hui – a pratiquement cent ans d’avance. Même remarque pour les artères qui sillonnent la ville de Pest, auxquelles seul le Ring peut être comparé. (Envers de la médaille: ces façades noires, quasiment en ruine qui déparent certaines rues de Budapest, faute de moyens de la part de leurs occupants pour les entretenir.)

En bref, Budapest donne une impression d’espace face à une ville de Vienne un peu recroquevillée sur elle-même (du moins pour le centre). Avec en prime, face au sage classicisme viennois, ce côté un peu « porte de l’Orient » que lui confère l’exubérance de certains de ses édifices.

Le Hofburg et la Michaelerplatz depuis le Kohlmarkt, à Vienne.

Mais pour le reste : comme nous aimerions voir à Budapest ces beaux jardins à la française avec leurs parterres fleuris, leurs fontaines, leurs haies taillées, leurs kiosques et leurs statues qui rappellent un peu nos Tuileries. Et puis, cette patine ! A commencer par la Hofburg et sa coupole qui domine la Michaelerplatz face à l’église du même nom. Mais là encore, ne comparons que ce qui est comparable et ne cherchons pas à transposer. Comment rivaliser avec celle qui fut si longtemps la capitale du plus grand empire d’Europe, inspira artistes, peintres, architectes et attira les plus grands compositeurs ? Alors que, occupée 160 ans durant par les Turcs, Budapest ne devint vraiment elle-même que sur la fin du XIXème siècle.

Au-delà du paysage urbain, c’est probablement dans l’atmosphère que le contraste se fait le mieux sentir. Face à un public viennois (rue, salons de thé, magasins) fort avenant et courtois, mais un tantinet conservateur, à la limite presque un peu vieux jeu, l’animation des rues de Budapest, avec leur foule peut-être moins distinguée, plus mélangée, mais plus vivante, donnerait presque le vertige.

Budapest, ses bars et ses toits.

De Vienne et Budapest, ce sont tout compte fait les deux qui sont à prendre ensemble, car se complétant admirablement. A rester trop longtemps auprès de l’une, l’autre finirait par nous manquer.  Et c’est tant mieux. Après tout, qui nous interdit d’en aimer deux à la fois? D’autant que la distance (250 km) en rend l’accès facile. Un  seul regret: que les trains – soi disant rapides – mettent encore tant de temps (3 heures) pour relier ces deux joyaux.

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