(B2) La Suisse développe une industrie de l’armement à l’export, veut se rapprocher de l’OTAN mais interdit toute réexportation d’armes vers l’Ukraine. Au nom de sa neutralité. Les Européens devront en tirer des conséquences. Acheter à l’industrie suisse est aujourd’hui risqué pour l’autonomie stratégique. Il faudra s’en passer. Suspendre aussi l’arrangement avec l’agence européenne de défense est une option à étudier.
Le cyber, un des domaines où la Suisse voudrait se rapprocher de l’OTAN (Photo : Armée suisse – prise de commandement du bataillon cyber 42 – Archives B2)Que veut la Suisse ? Berne entend se rapprocher de l’OTAN comme de l’Union européenne. C’est une volonté exprimée clairement dans un document publié par la Confédération en septembre dernier. La Suisse qui participe déjà à la plateforme d’interopérabilité de l’OTAN espère aussi obtenir le statut de partenaire privilégié, dit « nouvelles opportunités » (alias EOP), réservé à quelques happy few (Australie, Géorgie, Ukraine). La ministre suisse de la Défense, Viola Amherd, était mercredi au siège de l’OTAN pour tenter de convaincre ses interlocuteurs. Sans vraiment réussir.
La neutralité suisse, un problème ? À priori non, du moins selon l’OTAN. Le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, l’a dit expressément mercredi : « la neutralité » helvétique n’est « nullement un obstacle à leur collaboration ».
Ce qui bloque ? Berne refuse toujours de voir les équipements et matériels qu’elle a vendus aux autres pays européens — par exemple les véhicules cédés au Danemark ou les munitions pour le Guépard allemand — réexportés vers l’Ukraine pour le besoin des forces ukrainiennes engagées pour défendre leur territoire face à la Russie. C’est la loi sur le matériel de guerre qui interdit l’exportation d’armements suisses vers des pays en guerre civile ou en conflit armé avec un autre État. Le gouvernement suisse a bien tenté d’assouplir la loi. Rien n’y a fait : le parlement suisse a refusé, tout récemment encore (le 8 mars).
Commentaire : l’hypocrisie suisse faite Reine
Les Européens doivent dire leur fait aux Suisses : on ne peut pas se proclamer neutre, user de cette neutralité quand cela arrange, la recouvrir d’un mouchoir les autres moments, et manquer à la solidarité minimale ensuite.
Se rapprocher de l’Alliance, c’est renoncer à la neutralité
S’intégrer davantage dans l’Alliance atlantique, c’est choisir aujourd’hui clairement son camp. C’est-à-dire assumer de ne plus être neutre. L’OTAN n’est plus du tout l’organisation des années 2000 avec des relations sinon cordiales avec la Russie, du moins animée d’un certain esprit de coopération. Alliés et occidentaux sont aujourd’hui engagés fortement dans un soutien militaire massif à l’Ukraine, considérant la Russie non seulement comme un adversaire, mais comme un ennemi qu’il faut “neutraliser”. On peut parler donc de guerre, par proxy interposé.
Vendre à l’export, c’est prendre le risque
Du côté de l’industrie de l’armement, on nage en pleine hypocrisie. On ne peut pas exporter des munitions, un des points principaux productions nationales, et en interdire leur utilisation. Les seules exportations suisses ont représenté en 2022 près d’un milliard CHF (idem en €). Un chiffre en hausse de 212 millions par rapport à 2021. Des exportations orientées en grande partie vers les pays de l’Alliance (Allemagne, Danemark, Allemagne, etc.), mais aussi vers deux pays qui ne sont pas vraiment des modèles démocratiques : le Qatar (1ère destination à l’export) et l’Arabie saoudite (4e position). Exporter des armements létaux vers l’Arabie saoudite en guerre au Yémen est donc possible, mais pas la réexportation des armements européens vers l’Ukraine ?
La meilleure des solutions pour les Européens : ne plus acheter suisse
Les Européens devront en tirer des leçons pour demain. Premièrement, il est très risqué en terme d’autonomie stratégique européenne de s’équiper auprès de fabricants suisses. Il est plus sûr de se passer d’acheter aux entreprises suisses à l’avenir.
Deuxièmement, il faudra revoir sans doute l’arrangement administratif qu’a la Suisse avec l’agence européenne de défense. Ou au moins le suspendre. Il n’est pas souhaitable que la Suisse puisse jouer sur les deux tableaux : participer à l’effort européen, bénéficier de ses efforts d’innovation, mais ne pas assurer la solidarité minimale ensuite.
(Nicolas Gros-Verheyde)
NB : B2 a cherché à avoir la position de la ministre de la Défense après la réunion à l’OTAN. L’accès à la mission suisse où se tenait la conférence de presse a été refusé. « Interdit aux correspondants européens », dixit le service de presse de l’ambassade.
Cet article [Editorial] La Suisse : le beurre, l’argent du beurre et la comtesse en prime est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.
Selon le ministère de l'Intérieur, un gendarme de l'antenne locale du Groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale a perdu la vie lors d'une opération de lutte contre le trafic d'or et l'extraction illégale. Il a été tué par balle vendredi.
En Guyane, deux soldats du 9e RIMa ont perdu la vie et deux gendarmes ont été grièvement blessés en juin 2012 lors d’une opération conjointe contre des chercheurs d’or clandestins.
Ce décès porte à dix le nombre de militaires morts dans le cadre des opérations Harpie et Anaconda.
Jeudi, le porte-parole de l'armée de l'Air, Yurii Ihnat, a déclaré que les étrangers qui ont des compétences dans l'aéronautique (pilotes, maintenanciers etc) peuvent postuler pour rejoindre les forces ukrainiennes. Ihnat a précisé que pour le moment les besoins en personnels n'étaient pas encore très importants mais, qu'à partir du moment où l'AA d'Ukraine percevrait des avions de conception américaines, françaises ou autres, un recrutement d'étrangers pourrait devenir nécessaire.
Effectivement, en cas de feu vert américain, des livraisons d'avions de combat pourraient être plus rapides que le temps de formation des pilotes et techniciens ukrainiens. D'où cet appel à des contractors/mercenaires étrangers pour piloter et entretenir les avions en attendant que des personnels nationaux soient aptes à les utiliser.
Le porte-parole ukrainien a rappelé que depuis le début de l'invasion russe, il y a un an, des milliers de personnes ont contacté l'armée de l'Air. "Beaucoup de monde offert son aide pour défendre l'Ukraine. Il y avait beaucoup de personnes liées à l'aviation. Parmi eux des Ukrainiens qui travaillent à l'étranger sur divers types d'équipements aéronautiques, et des citoyens d'autres pays".
Le porte-parole a rappelé que les forces armées ont déjà intégré des volontaires étrangers dans la Légion internationale qui lutte contre l'agression russe aux côtés de l'Ukraine.
Jeudi encore, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a averti que les préventions sur la fourniture de missiles à longue portée et d'avions de combat risquaient de prolonger la guerre.
(B2) La guerre en Ukraine a été un signal d’alarme, salvateur pour nombre d’États. Ils ont enclenché la modernisation de leur armée… En bénéficiant de la solidarité européenne. Un retour sur investissement, à un moment donné, pourra être nécessaire. Le débat est ouvert.
Un geste de solidarité
Depuis février 2022, et le début de la deuxième intervention russe en Ukraine (la première étant en 2014), plusieurs pays, surtout à l’Est du continent, ont très vite envoyé à l’Ukraine leurs matériels d’origine soviétique. Un geste sous-tendu par une volonté politique réelle et un principe d’efficacité. Autant en effet équiper les Ukrainiens avec du matériel robuste, testé et immédiatement employable, plutôt qu’avec du matériel certes plus moderne, mais qui nécessite une certaine appropriation au niveau humain comme technologique (1).
Une belle opportunité pour certains
Pour nombre d’armées de l’Est, dotées d’un vieux matériel vieillissant et, en partie, obsolète, ces « dons » ont aussi été une excellente opportunité pour se débarrasser de certains vieux matériels (sans même avoir à se poser la question de leur recyclage) et renouveler les équipements nationaux. Avec un enjeu vital : moderniser leur armée et adopter un nouveau standard plus otanien de leurs équipements.
Ceux qui financent
Une démarche d’autant plus facile à accomplir que — outre d’être dicté par les circonstances —, une bonne partie de cet effort est financé par d’autres : Américains notamment, mais aussi Européens, en particulier par les plus gros contributeurs de l’Union européenne.
Le « quatuor » de l’UE (Allemagne, France, Italie, Espagne) fournit ainsi deux tiers du financement (64%) de la facilité européenne pour la paix, l’instrument privilégié de financement européen du soutien militaire (2). Soit 2,3 milliards d’euros, sur l’effort déjà engagé et près de 3,6 milliards au total si les projets actuels sont approuvés (3).
Tandis que les pays baltes participent de façon minime à cet effort de solidarité européen. À eux trois, Estonie, Lituanie, Lettonie contribuent pour 0,6% de l’effort global. Soit à peine 28 millions d’euros de contribution (sur les 3,6 milliards déjà engagés) ! Moins que la Grèce, par exemple (45 millions €).
Ceux qui bénéficient
La Pologne qui a entamé un rééquipement à vitesse Grand V avec du matériel hors UE en partie (chars Abrams US, chars sud-coréens K2 et obusiers K-9, avions F-35, etc.) est un des pays qui a fourni le plus d’assistance militaire (avec l’Allemagne, environ 2,43 milliards d’euros selon l’Institut Kiel) et sera le plus gros bénéficiaire de ce financement européen : ± 900 millions €, selon une première évaluation. Mais Varsovie tait soigneusement le chiffre
La Lituanie qui a fourni, en ratio de son PIB, un énorme effort de soutien à l’Ukraine — plus de 400 millions € selon le chiffre officiel — verra pris en charge une petite moitié de cet effort par les autres Européens. Le tout pour une contribution minime à l’effort général, une petite dizaine de millions d’euros. Si on met en relation la contribution mise au pot et le retour attendu : Vilnius reçoit environ vingt fois plus de la solidarité européenne !
La Slovaquie, de l’aveu de son premier ministre (lire : Pologne et Slovaquie équipent les forces ukrainiennes avec des Mig-29), doit recevoir environ 700 millions $ de compensation made in US et 900 millions € au total (soit environ 250 millions d’euros). C’est près de la moitié de son budget de défense pour 2022 ! (4).
Derrière les grands mots, des intérêts nationaux bien compris
La facilité européenne pour la paix — avec ses remboursements de vieux matériels (pris en charge en moyenne à 50-60% de la valeur déclarée) — est ainsi devenue un instrument clé de la modernisation des armées européennes. Ce sans aucune condition de préférence européenne.
Il n’est pas donc pas tout à fait anormal — comme le demandent la France, mais aussi la Belgique, la Grèce et d’autres pays —, que soient mises dans la balance certaines conditions de “retour sur investissement” pour l’industrie européenne. Ce que débattent depuis quelques jours les ambassadeurs afin de favoriser l’achat en commun de munitions (lire : [Confidentiel] Où en est le débat sur les munitions ? La discussion continue entre ambassadeurs). L’Allemagne et la France en particulier ne peuvent pas continuer à financer, sans conditions, la modernisation des armées sans retour.
Certains pays (Baltes et Polonais en particulier) souhaiteraient, en revanche, que le robinet de financement continue de couler sans conditions. Une question urgente, de vie et de mort pour l’Ukraine face à la Russie arguent-ils, avec force (5). Mais, ce qu’oublient de dire Vilnius, Tallinn ou Varsovie, c’est que le soutien militaire européen est devenu vital aussi pour leur propre budget militaire et leur politique de modernisation de l’armée.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Cet article [Analyse] Sur fond de guerre en Ukraine, la solidarité européenne joue à plein. Les intérêts nationaux aussi ! est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.
(B2) Les Alliés ont franchi le pas. Ils vont livrer des avions de chasse afin de permettre à l’Ukraine de reconstituer sa force aérienne détruite en partie au début de la guerre. Ce très rapidement.
Un Mig 29 aux couleurs slovaques (Photo : MOD Slovaquie / Archives B2)13 chasseurs Mig 29 slovaques
Bratislava livrera treize chasseurs MiG-29 de conception soviétique à l’Ukraine, a ainsi déclaré vendredi (17 mars) le Premier ministre, Eduard Heger. Une démarche “pleinement coordonnée avec la Pologne et l’Ukraine” a-t-il ajouté. Bratislava va aussi livrer à Kiev deux systèmes de défense anti-aérienne de type Koub.
D’ici quelques semaines
Le transport des avions “prendra quelques semaines”, a précisé, de son côté, le ministre de la Défense Jaroslav Nad. “Au moins trois appareils seront utilisés pour fournir des pièces détachées”, a ajouté le chef d’état-major des forces armées slovaques, le général Daniel Zmeko. Ces chasseurs ont été modernisés pour la dernière fois en 1996 et ne sont plus utilisés actuellement dans la chasse slovaque.
Quatre Mig 29 polonais également
La Pologne a annoncé jeudi (16 mars) livrer un premier lot de quatre chasseurs-bombardiers MiG-29 à l’Ukraine. “Dans les jours à venir, nous allons d’abord transférer (…) quatre avions entièrement opérationnels à l’Ukraine”, a ainsi déclaré le président polonais Andrzej Duda à la presse. D’autres appareils devraient suivre. ‘Ils sont actuellement remis en condition et seront probablement transférés successivement” a-t-il indiqué.
Une demande de Kiev
Cela répond à une demande récurrente de l’Ukraine qui a subi des pertes importantes dans son aviation, notamment dans les premiers jours de l’offensive russe en février 2022. Kiev a demandé à plusieurs reprises aux alliés de l’OTAN de lui envoyer des avions. En particulier des F-16.
Pas de livraison de F-16 prévus
Du côté américain, il n’y pas de livraison prévue. “Ce n’est pas sur la table”, a indiqué John Kirby, le porte-parole de la Maison blanche à des journalistes, rappelant que le président Joe Biden s’était opposé publiquement à la livraison d’avions de combat à l’Ukraine. Mais cette livraison semble bien avoir été totalement concertée et avoir reçu le feu vert de la Maison Blanche.
Une compensation US et européenne
Bratislava a ainsi annoncé recevoir une « compensation » américaine pour la livraison à l’Ukraine d’équipements militaires spécifiques, d’une valeur d’environ 700 millions$ qui « s’ajoute à la compensation au titre de la facilité européenne pour la paix ». Au total, l’indemnisation atteint ainsi « environ 900 millions € ».
D’autres fournisseurs d’ici 2024 ou 2025 ?
La France n’a pas exclu la livraison d’avions de chasse de type Mirage. La décision de passer au “Tout Rafale” de manière accélérée libère ainsi un certain nombre d’avions opérationnels. Le Royaume-Uni a commencé à former les pilotes ukrainiens. La Finlande, par la voie de sa première ministre Sanna Marin en visite à Kiev, la semaine dernière, avait indiqué qu’il fallait « réfléchir » à la livraison d’avions finlandais de type F-18 Hornet. Ceux-ci doivent commencer à être retirés du service dans les années 2025, pour être remplacés par des F-35.
(Nicolas Gros-Verheyde avec AFP)
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(B2) L’Europe est-elle en train de perdre la main ? A-t-elle encore un rôle à jouer, notamment en Afrique ou au Moyen-Orient ? Pourquoi une partie du Sud se détache ?
© NGV / B2Plusieurs pays dans le monde semblent préférer les Russes ou Chinois. L’Europe s’en étonne, s’en offusque, accusant l’entrisme des mercenaires de Wagner ou le cynisme chinois. Mais faut-il en être surpris ? Ce détachement de l’Europe d’une bonne partie des pays africains ou asiatiques trouve sans doute des racines dans l’histoire des non alignés (cf. encadré). Il s’explique par des raisons structurelles. Mais il tient aussi en bonne partie à la politique européenne, balançant entre repli sur soi, tentation du vide et double standard.
Des causes structurelles
La montée en puissance économique et démographique, de la Chine comme de plusieurs puissances régionales, aboutit mécaniquement à une moindre influence européenne (et même occidentale).
Il existe dans des pays du Sud une dynamique que les Européens n’ont pas voulu prendre en compte. Disposant d’une élite formée, d’une force économique humaine, et souvent de ressources notables (pétrole, gaz, minerais, matériaux rares), ils ne sont pas hostiles en soi, mais considèrent que leurs intérêts passent par la diversification des alliances, à la fois pour affirmer une certaine autonomie et se protéger de toute velléité d’intervention. La case Europe n’est plus le passage obligé de leur coopération internationale.
L’effacement lent et inéluctable de l’Europe tient aussi à une inflexion de la politique européenne. L’Europe a délaissé sa position de médiateur ou négociateur dans plusieurs conflits : Syrie, Israël-Palestine, Arabie Saoudite-Yémen, Libye, Soudan, Afghanistan, Soudan… Et en dernier lieu l’Ukraine. Les Émirats arabes unis, le Qatar, voire la Turquie et la Chine se sont engouffrés dans cette brèche. La réconciliation inédite entre les deux frères ennemis du Moyen-Orient, l’Arabie Saoudite et l’Iran, sous l’égide de la Chine, est un signe notable.
Plusieurs erreurs notables
L’Europe a multiplié les erreurs ces dernières années.
L’intervention en Libye, en 2011, a laissé une trace ineffable (surtout en Afrique). C’est la résurgence d’une volonté colonialiste qu’on disait passée, d’aboutir à un changement de pouvoir par la force. Elle est d’autant plus forte en Afrique que la Libye, même autoritaire, aidait nombre de pays africains et que l’Europe a effacé cet épisode de se mémoire collective, refusant de se livrer à un « retour d’expérience ».
L’enfermement européen, refusant les flux migratoires, à partir de la crise migratoire de 2015, a été perçu par une bonne part du continent comme un refus de l’Europe d’assumer la part de la solidarité qu’elle demande à l’Afrique. Le tournant anti-migrations pris dans toute l’Europe depuis 2020, comme à l’inverse l’accueil massif des Ukrainiens confirment ce sentiment d’une position qui confine au racisme.
L’intervention française au Mali, demandée au départ par les Maliens, s’est transformée en une vaste opération anti-terroriste aux contours flous (1). Prolongée au-delà du strict nécessaire, elle a peu à peu été perçue comme une ingérence étrangère. Les propos français, et européens, pour la junte civilo-militaire au pouvoir ont rajouté à l’ire nationale (lire aussi : Libye, Mali, Algérie… les fâcheries s’accumulent. Barkhane s’enrhume). Bamako, soutenu par Moscou, a fini par obtenir le départ sans délai de l’opération Barkhane et de son avatar européen, la task force Takuba (2). Dans ce qui ressemble à une déroute politique qui laissera des traces.
Un double standard mal perçu
La volonté européenne de promouvoir ses valeurs se heurte aujourd’hui à la realpolitik. Ce qui produit un déséquilibre flagrant. Silence quasi complet sur les violations des droits de l’Homme dans les monarchies du Golfe (3) ou en Égypte, mansuétude sur le coup d’état au Tchad, faible dénonciation des violences israéliennes sur les palestiniens, etc. Mais les coups d’État au Mali ou au Burkina Faso sont en revanche dénoncés clairement. Vu du côté du Sud, ces positions sont incompréhensibles (4).
Même en Afrique centrale, où l’Europe a souvent été présente, sa lenteur et timidité à condamner l’action du Rwanda à l’Est du Congo n’est pas passée inaperçue. Dans ce pays pourtant classé dans un camp occidental, cette faiblesse est mise en regard avec la vigueur européenne pour dénoncer d’autres agressions, notamment de la Russie et l’Ukraine. Les échanges entre un Félix Tshisekedi et un Emmanuel Macron, le 4 mars dernier, pour avoir été sans doute surjoués (lire : Carnet 07.03.2023) , tiennent aussi d’une réalité existante dont il faudrait prendre conscience.
La politique de sanctions européenne, justifiable par certains points de vue en Europe, passe de plus en plus mal dans les pays du Sud. Elle est perçue comme la persistance de son arrogance et de la volonté d’imposer ses valeurs, de façon très orientée : aucune sanction sur Israël, l’Arabie saoudite, la Turquie, la Chine… Selon le bon vieux principe qu’il faut mieux être puissant que faible.
Le soutien massif, militaire et financier, apporté à l’Ukraine, sans aucune contrepartie, ni contrôle, n’a pas vraiment été compris, notamment en Afrique. Il souligne que si l’Europe veut, elle peut. Mais uniquement face à des « blancs, chrétiens » (5).
(Nicolas Gros-Verheyde)
Le retour des non alignés. On assiste ainsi à la résurgence d'un bloc des Non alignés des années 1960-70. Même s'il n'en a pas la morphologie idéologique, spécifique à la guerre froide, il en partage certains atouts. L'attitude aux Nations unies en est un signe. Malgré tous les efforts européens, le rapport de forces n'a pas vraiment évolué en un an de guerre. Un bon quart des pays préférant s'abstenir ou s'absenter, un quart représentant tout de même plus de la moitié de la population mondiale (lire : [Actualité] L’assemblée générale de l’ONU vote pour la paix pour l’Ukraine. Le Sud s’abstient). Une position qui n'a rien d'extraordinaire si on regarde des votes sur d'autres sujets. [Analyse] Au Conseil de sécurité de l’ONU, l’Afrique se détache de l’EuropeA suivre sur B2 Pro : le lent effacement européen de la négociation mondiale
Cet article [Analyse] Le Global South se détache peu à peu. L’Europe déstabilisée ? est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.
(B2) Parmi les enseignements tirés du conflit (artillerie, drones, effet de masse…), peu s’attardent sur l’organisation des armées. Or, c’est un point qui explique, aussi, la bonne résistance ukrainienne face à l’armada russe.
Démonstration de l’utilisation d’un drone tactique (Photo : MOD Ukraine)Une logistique largement décentralisée
Pour autant qu’on puisse le savoir, le fonctionnement des forces ukrainiennes est plutôt décentralisé. La logistique d’une unité des forces armées ukrainiennes est en partie assurée sur le terrain par les gouverneurs de province (ou les municipalités). Ce sont eux qui fournissent la logistique “vie” nécessaire : hébergement, nourriture, jusqu’aux services de soins. Cela permet à l’armée d’avoir un fonctionnement central plutôt léger, concentré sur le commandement opérationnel. À l’inverse du dispositif russe, plus lourd, moins mobile, plus centralisé.
Une logique de mouvement partisan
L’ organisation ukrainienne associe d’un côté une logique d’armée centralisée, avec un commandement du haut vers le bas, et une logique de la guerre de partisans issue de la Seconde guerre mondiale, avec une large autonomie des forces sur place. Une tactique qui est aussi issue d’une histoire plus récente. Au début de la guerre en 2014, l’inorganisation de l’armée ukrainienne face aux troupes séparatistes et russes aboutit à la création de bataillons de volontaires. Des bataillons — soutenus par la population qui les ravitaillait, leur envoyait des vêtements, ou leur achetait des équipements (1).
Une maintenance et technologie confiée aux civils
Idem du côté de la maintenance ou de l’innovation technologique. On fait appel aux structures civiles. Des centaines d’ateliers se sont développés dans tout le pays pour transformer les drones avec l’aide de volontaires (2). L’entretien primaire des canons Caesar français — ce que les militaires appellent le « MCO terrain » — est ainsi assuré par des entreprises agricoles. « Car quand on fait de l’hydraulique agricole, on peut faire de la maintenance Caesar » comme le confirme à B2 un responsable militaire français.
Du renseignement humain puisé dans la population
Quant au renseignement, s’il dispose de capteurs modernes type drones, du renseignement satellite et de l’analyse fournis par les Alliés de l’OTAN, il puise aussi ses ressorts dans un système à l’ancienne : le réseau des “babas”, ces grands-mères ou papis inoffensifs, qui peuvent renseigner l’armée ukrainienne sur tous les mouvements. Une technique héritée là encore de l’histoire de l’Ukraine.
Assez peu mis en valeur
Tous ces enseignements ne se trouvent souvent peu mis en avant par les états-majors, du moins publiquement. Le récent rapport du Sénat sur les enseignements à tirer du conflit en Ukraine (3), en témoigne. Documenté, mais décevant dans son approche, il concentre son analyse sur quelques points assez conformistes : la haute intensité, l’effet de masse, la dissuasion nucléaire, les drones, etc. Un point de vue davantage destiné semble-t-il à justifier des inflexions déjà prises dans les états-majors qu’à vraiment envisager l’avenir.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Cet article [Réflexion] Une autre leçon du conflit en Ukraine pour les armées européennes est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.
(B2) Un total de 1087,5 kg de différents stupéfiants ont été saisis sur deux boutres, qui n’arboraient aucun pavillon national.
L’équipe de visite du Dixmude perquisitionne un boutre suspect (Photo : Etat-major des armées)Cette première opération anti-stupéfiants de l’opération européenne EUNAVFOR Atalanta en 2023, a été menée en deux actions distinctes : la première par la frégate La Fayette (F-710) et, peu après, la seconde par le porte-hélicoptères Dixmude (L-9015).
Au total, « 573 kg de résine de cannabis, 305 kg d’héroïne et 210 kg de méthamphétamine » ont été saisis, signale l’opération maritime de l’UE. La valeur marchande de ces saisies est estimée à 36,8 millions d’euros. Ces deux actions font suite aux huit menées en 2022 qui ont permis de saisir « plus de 12,7 tonnes de stupéfiants au total ».
Les deux bâtiments français, qui font partie de la mission « Jeanne d’Arc 23 » ont été mis à disposition le temps du passage dans la zone d’opération de l’opération européenne : ce qu’on appelle le soutien direct.
L’opération Atalanta est actuellement commandée par le captain (capitaine de vaisseau) Juan María Ibáñez Martín. Elle dispose de deux navires : la frégate espagnole Reina Sofia (F-84), qui sert de navire-amiral, et la frégate italienne Carlo Bergamini (F-590).
(NGV)
Cet article [En bref] Une patrouille d’Atalanta saisit une tonne de stupéfiants dans l’Océan indien est apparu en premier sur B2 Le Blog de l'Europe géopolitique.
Dotée initialement de 5,7 milliards d’euros pour la période 2021-27, la Facilité européenne pour la paix [FEP] est un « instrument extrabudgétaire qui a pour objectifs d’améliorer la capacité de l’Union à prévenir les conflits, à consolider la paix et à renforcer la sécurité internationale, en permettant le financement d’actions opérationnelles relevant de la politique étrangère...
Cet article L’Union européenne veut fournir 250000 obus de 155 mm à l’Ukraine pour un milliard d’euros est apparu en premier sur Zone Militaire.
La guerre en Ukraine souligne l’importance de l’artillerie, et notamment la capacité à frapper l’ennemi dans la profondeur. D’où, d’ailleurs, des rapports plaidant pour renforcer les capacités françaises dans ce domaine, comme celui publié en octobre dernier par le député François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis sur les crédits de l’armée de Terre. « Les personnes auditionnées...
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Basé sur une cellule de B-737, l’avion radar E-7 Wedgetail avait d’abord été mis au point par Boeing pour répondre aux besoins de la Royal Australian Air Force [RAAF]. Puis il fut choisi par la Corée du Sud, la Turquie et, plus récemment, par le Royaume-Uni, où il remplacera l’E-3 Sentry de la Royal Air...
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En mars 2022, et au nom de la Direction générale de l’armement [DGA] française et de la Dirección General de Armamento y Material [DGAM] espagnole, l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement [OCCAr] notifia à Airbus Helicopters le contrat visant à porter l’hélicoptère d’attaque Tigre au standard Mk3 [ce qui correspond à sa modernisation à...
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