Le programme de travail de Eulogos pour l’année qui vient est de présenter de façon plus juste, d’analyser de façon plus pertinente, les discours eurosceptiques, europhobes et populistes : entendre, comprendre et répondre ! C’est le mot d’ordre que lance Eulogos pour combattre ce type de discours. C’est parce qu’on ne dit rien que les autres se permettent tout. Il faut hausser le son ! démonter cette rhétorique.
Mais, avant toute chose, il faut présenter une vision de l’Europe mobilisatrice, comme vient de le faire de façon si talentueuse, pour son pays, Angela Merkel, le 14 décembre, devant le Congrès de son parti, l’Union chrétienne-démocrate (CDU). Il n’est pas nécessaire de la paraphraser, simplement rapporter ses propos : elle souhaite un pays « ouvert, curieux, tolérant, passionnant, possédant une forte identité (…) qui voie aussi le monde avec les yeux des autres, qui aide les personnes en situation de détresse qui, confiant en ses capacités, apporte sa contribution à la sécurité, à la paix et qui contribue à ce que la mondialisation puisse être gérée de façon juste ». Que l’Europe puisse montrer que, sous sa gouverne, elle est capable de relever ce défi comme elle a su le faire pour renaître des décombres de 1945.
La force des eurosceptiques et europhobes est d’adosser leurs propositions sur une conception du monde, fausse mais cohérente. La façon dont le débat sur l’Europe est mené contribue à donner l’impression que tous les Européens parlent comme les europhobes et les eurosceptiques : ces derniers ont d’abord imposé leur vocabulaire, leur thématique car les pro-européens ont cessé de se battre sur les mots et pour les mots.
À ce stade, nous n’avons pas d’autre ambition que d’engager le débat et d’y faire participer le plus grand nombre des personnes. L’analyse de la rhétorique antieuropéenne prend tout son sens et c’est à cela qu’appelle Eulogos. Les bons scores des eurosceptiques, europhobes et populistes marquent d’abord l’échec des stratégies de diabolisation et de dénigrement, qui restent sans effet : chômage, ras-le-bol fiscal, bouleversements géopolitiques aux portes de l’Europe et attentats islamistes n’expliquent pas tout. Plus grave, le doute s’est installé sur la capacité des forces politiques, sociales culturelles, religieuses… traditionnelles à entendre les citoyens. On inquiète sans réellement informer.
C’est à ce stade qu’intervient notre volonté de jouer sur cette rhétorique qui varie d’un pays à l’autre, d’un parti à un autre, d’un groupe à un autre. Il faut commencer par analyser ces rhétoriques pour pouvoir ensuite y faire face : « entendre, comprendre répondre », c’est le triptyque imaginé par une jeune universitaire, Amélie Ancelle, qui a étudié le phénomène pour la France et pour deux cas, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon. Son travail universitaire constitue le point de départ de notre réflexion et l’embryon d’une méthodologie à mettre en œuvre après son approfondissement .
« La rhétorique, nous dit-elle, est un élément majeur dans la vie politique d’aujourd’hui, malgré la connotation péjorative qu’elle revêt. C’est la parole qui crée le lien entre le politique et le citoyen, instaure la confiance et laisse parfois place à la manipulation. L’Union européenne n’échappe pas à la règle. Les résultats des élections de mai 2014 ont vu nombre de partis eurosceptiques tenir le haut du pavé, la France en tête. Les deux candidats français qui regroupent les qualificatifs d’eurosceptiques et de rhéteurs sont les deux extrêmes de l’échiquier politique : Marine Le Pen au Front National, Jean-Luc Mélenchon au Front de Gauche. Ils manient les mots avec précision, savent se mettre en scène et parviennent à retourner les valeurs européennes contre l’UE elle-même.
Avant d’étudier les discours comme constructions politiques, c’est leur étude en tant que constructions et performances rhétoriques qui permet de mettre en exergue les caractéristiques du discours eurosceptique. Le travail de l’image, de la personnalité et de la construction d’un système de valeurs en creux par rapport à l’UE sont autant de moyens de créer du lien avec la foule, un sentiment de proximité face à l’austérité institutionnelle. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon dépassent le cadre politique pour se diriger vers la sphère émotionnelle. Dès lors, la réflexion purement politique et rationnelle n’est plus – elle devient hybride. Ce n’est plus à la logique qu’il est fait appel, mais à des sentiments : la peur et le ressentiment pour le Front National, l’indignation pour le Front de Gauche. Si la volonté de montrer l’UE comme porteuse de valeurs incompatibles avec les idéaux universels se retrouve chez les deux candidats, leurs effets produits sur l’auditoire sont radicalement différents : l’une fait régner la prostration, l’autre l’incitation à l’action. Au vu des résultats des élections et de la crise politique que traverse depuis lors l’Union, déceler les ressorts de l’Euroscepticisme pour lui opposer plus efficacement une réponse s’avère crucial.
Autant qu’il peut être une menace, le langage peut tout autant être une source de réconfort, d’espoir et de bataille face à une tendance qui prend de l’ampleur, en France comme ailleurs. C’est pourquoi se donner les armes pour l’étudier, c’est se donner la capacité de mieux comprendre un phénomène et de mieux y répondre. Comment cela peut-il prendre forme du point de vue de la réponse politique ?
Bien sûr, la réponse qui vient immédiatement à l’esprit, c’est la réponse éducative. La République forme ses citoyens à la culture commune ; aujourd’hui, celle-ci dépasse les frontières françaises. C’est la première mesure politique qui puisse être prise rapidement et impacter directement la population et les futurs citoyens. Sensibiliser la jeunesse à l’Europe, c’est lui montrer que l’UE, c’est certes Erasmus, mais plus encore ; c’est regarder vers le futur. Les interventions dans les écoles devraient se multiplier : professionnels, intellectuels, même fonctionnaires européens doivent venir incarner cette réalité, et pas seulement dans les écoles d’élites. Organiser si possible des visites des institutions, ou au moins dédier une partie du programme à l’Union européenne en tant que réalité, en tant que construction politique inédite et pleine de possibilités – voilà comment éveiller les consciences. Simplement mentionner des dates, privées de toute incarnation dans un contexte global, c’est conforter les esprits dans l’idée que l’UE n’est qu’une construction abstraite qui se résume à des signatures de traités et à la possibilité de passer un an à l’étranger.
Les politiques doivent donc travailler à une réponse complexe face aux attaques eurosceptiques, et cela implique leur attitude même. Aussi étrange que cela puisse paraître c’est peut-être d’abord une réponse humaine qu’il leur faut apporter. Les sentiments créés par les Eurosceptiques ne peuvent être ignorés, et font parfois une impression bien plus forte qu’un discours raisonné. Cette réponse humaine ne doit cependant pas être teintée d’arguments politiques. L’honnêteté intellectuelle oblige à mélanger le moins possible les registres : l’émotion reste l’émotion, l’argumentaire politique reste l’argumentaire politique. Au ressentiment, il faut opposer les grands moments de communion de l’Union européenne, qui passe malheureusement bien plus souvent dans les moments de drames et de deuils. Il faut opposer la force de l’union à l’isolement du prostré. La première réponse aux maux inquiétants et inquiets des eurosceptiques, ce sont les mots rassurants et motivés des porteurs de l’Europe.
Maintenant, les mots ne suffisent pas pour convaincre en politique ; des actions totalement incarnées dans la sphère de la chose publique peuvent tout à fait créer, implicitement, des sentiments positifs chez les citoyens. La première découle directement du besoin de réponse humaine : mêler sentiments et politique européenne ne fait pas bon ménage. Il faut, certes, rassurer les citoyens en s’octroyant des temps de communion sur un socle de valeurs et d’idéaux européens communs. Mais il faut surtout se dégager de la tendance à faire de l’Union européenne le parfait bouc émissaire ; les Eurosceptiques ne sont pas les seuls à blâmer dans ce cas. En effet, accuser l’Europe dès qu’un élément de la politique nationale ne fonctionne pas permet peut-être de se dédouaner et de retrouver un certain crédit auprès des électeurs, mais c’est surtout faire le jeu des détracteurs de l’Europe. En effet, comment comprendre que l’on souhaite s’investir de plus en plus dans une Europe qui semble pourtant être la cause des problèmes économiques, financiers, politiques et migratoires de l’État ? Les dirigeants politiques doivent commencer à penser ensemble, globalement, et pas uniquement à l’intérieur de leurs frontières. Il faut écarter l’image de menace que représente l’UE dans beaucoup trop d’esprits, y compris parfois même dans ceux des dirigeants. Sans quoi ces derniers fourniront sans cesse du grain à moudre aux Eurosceptiques, et continueront à se saborder.
À l’attitude des dirigeants s’ajoute le besoin de dépasser une certaine pudeur dans la représentation officielle de l’Europe au sein du gouvernement. Pour lors, le Secrétaire d’État aux Affaires européennes, Monsieur Harlem Désir, n’a qu’une moindre visibilité, autant auprès de ses collègues qu’auprès des citoyens. Dans l’ombre du ministre des Affaires étrangères, il est relégué au second rang. Comme si l’Union ne faisait certes pas partie de l’étranger, mais surtout comme si les relations qui unissaient le gouvernement à l’Europe étaient moindres, comparées à ce qu’offre le reste du monde. Pour preuve, le Secrétaire d’État n’est presque jamais cité dans les discours de Madame Le Pen ou de Monsieur Mélenchon, excepté pour souligner son absence et le manque de visibilité de résultats et d’activité. Encore une fois, c’est donner là des arguments aux Eurosceptiques qui n’ont même pas besoin de les fabriquer : « regardez, même au sein du gouvernement, l’Europe occupe une place mineure, effacée. Pourquoi nous embarrasser à y rester, l’État pourrait faire là des économies ». Or, c’est précisément en donnant un rôle plus important à la personne en charge des affaires européennes que non seulement le sens et l’intérêt du projet européen vont se faire plus grand, mais c’est aussi la crédibilité de cette implication et de ces investissements qui vont en ressortir. Et la crédibilité permet, entre autres, de combattre le doute et le ressentiment.
Le discours eurosceptique français n’a rien inventé. Les procédés rhétoriques sont vieux de plus de deux mille ans, leurs arguments sont presque tous des détournements d’attitudes de personnalités politiques impliquées dans l’Europe. Là où réside la difficulté, c’est dans la manière de combattre ce discours : le combat rhétorique nécessite une éternelle réinvention, appelle une dynamique créatrice. Sortir de sa zone de confort, c’est prendre par surprise les Eurosceptiques, et fragiliser leur argumentaire qui repose sur des idées et valeurs ancrées dans les esprits. Cela doit nécessairement passer par le changement de paradigme et la prise de décisions originales. Prendre à la légère les discours eurosceptiques et ne leur opposer que moquerie et dénigrement, ce n’est pas s’attaquer au fond du problème. C’est un combat permanent, qui nécessite prise de conscience et courage. Sans quoi la vague anti-Europe risque de faire chavirer plus d’un navire qui se croit insubmersible. ».
Voilà les premiers éléments que nous fournit Amélie Ancelle pour notre réflexion. Ils doivent être approfondis, complétés, diversifiés. Les exemples concrets doivent être multipliés. C’est ce à quoi nous vous invitons. Mais ce travail de recensement et d’analyse ne se suffit pas à lui-même ; il doit être suivi d’un travail de réplique, de contestation, de réfutation, et cela au jour le jour. C’est un travail de grande ampleur, permanent, exigeant. Personne n’a le monopole de l’entreprise et encore moins sa propriété, mais il faut bien que quelqu’un commence et donne le coup d’envoi.
Réagissez, proposez. Coalisons nos efforts, mutualisons nos moyens. La patrie européenne est en danger !
N’hésitez pas à demander le travail de recherche de Amélie Ancelle (Amelie.Ancelle@gmail.com)
Le projet de loi constitutionnelle qui modifie la Constitution. de protection de la nation prévoit la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français pour les auteurs de crimes les plus graves. Cette mesure du projet de loi constitutionnelle suscite un vif débat. Il relance aussi le débat de l’apatride, qui est un véritable fléau au plan mondial : Nations Unies et plus particulièrement le HCR ont lancé une campagne pour éradiquer le phénomène. Eulogos a publié un article sur le phénomène (http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3337&nea=10&lang=fra&lst=0) « invisibles du berceau à la tombe : les apatrides »
Qu’en est-il du droit en vigueur concernant l’acquisition de la nationalité et sa déchéance? Il est utile de le rappeler pour clarifier le débat
Le droit de la nationalité actuellement en vigueur prévoit que l’acquisition de la nationalité française peut s’opérer selon deux modes principaux :
par attribution en vertu du droit du sang ou par l’effet du double droit du sol. Le droit du sang est établi par l’article 18 du code civil : « est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français ». Le double droit du sol est prévu par l’article 19-3 du code civil : « est français l’enfant né en France lorsque l’un de ses parents au moins y est lui-même né ». Dans des cas exceptionnels (enfant né de parents inconnus ou apatrides), un droit du sol pur permet d’attribuer la nationalité française sans autre condition que la naissance sur le sol français.
Jusqu’ici, l’article 25 du Code civil qui concerne la déchéance de nationalité est ainsi rédigé : « L’individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’État, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :
s’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme,
Dans le droit actuel, la déchéance de nationalité ne peut concerner que les personnes qui ont acquis la nationalité française et qui ont une double nationalité (la déchéance étant exclue si elle a pour résultat de rendre apatride). Elle ne peut être prononcée que si les faits reprochés se sont produits avant l’acquisition de la nationalité française ou dans un délai de dix ou quinze ans à compter de la date de cette acquisition.
La double nationalité ou binationalité fait aussi régulièrement l’objet de débats et des personnalités politiques ont demandé son interdiction au motif que la double nationalité serait une double allégeance susceptible de miner « les fondements de l’action de l’État ».
Depuis 1973, l’acquisition de la nationalité française n’est plus subordonnée à la renonciation à la nationalité étrangère. En effet, certains États, comme le Maroc ou Israël par exemple, n’autorisent pas la renonciation à cette nationalité et mette une condition exclusive à l’acquisition de la nationalité française revient à se soumettre à la loi d’un État étranger. Considérant que la nationalité est d’abord une question de souveraineté, la France accepte traditionnellement la binationalité afin que sa décision d’accorder la nationalité à quelqu’un ne soit pas suspendue à la loi d’un autre pays.
Pour en savoir Plus :
-. «Invisibles du berceau à la tombe : les apatrides » http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3337&nea=10&lang=fra&lst=0
-. Projet de Loi de protection de la Nation : de quoi s’agit-il ? où en est-on ? http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-constitutionnelle-protection-nation.html?xtor=EPR-56
Sans travail, marginalisés ou déprimés, les jeunes européens d’aujourd’hui risquent de finir dans le collimateur de recruteurs de Daesh. Quelles réponses de la part de l’Union ? Quel est l’avis des experts ?
« Les Etats membres se sont engagés à intensifier leurs efforts pour favoriser la participation et l’inclusion de tous les jeunes dans la société. […] Ces efforts complètent le travail entrepris par le réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RSR), […] qui insiste sur le rôle préventif de l’éducation à la pensée critique et de l’enseignements des valeurs démocratiques dans la lutte contre la radicalisation ».
Le passage reporté ci-dessus est tiré du projet de rapport conjoint de 2015 du Conseil et de la Commission sur la mise en oeuvre du cadre renouvelé pour la coopération européenne dans le domaine de la jeunesse (2010-2018). Lors de cette réunion du Conseil « jeunesse », les ministres compétents ont invité les gouvernements de la zone euro à implémenter des politiques aptes à favoriser l’inclusion des jeunes dans la société civile et le marché du travail. La crise économique débutée en 2007 a fort frappé les jeunes travailleurs et ses répercussions prolongées ont impacté les attitudes de tous ceux qui ont, d’une manière ou d’un autre, terminé leurs parcours de formation. Nonobstant le travail mené jusqu’ici par l’Union et les Etats membres pour sortir de l’impasse, la situation des jeunes européens entre 15 et 29 ans demeure toujours précaire.
Ainsi, les données récoltées pour la réunion du 23 novembre affichent une « génération de jeunes mieux formée que toutes les générations précédentes » confrontée à une augmentation du chômage et du taux de pauvreté. Les jeunes s’engagent plus souvent dans de différentes formes de participation à la vie politique en primant l’usage des médias sociaux. Cependant, ils ont tendance à moins voter que leurs ainées. Le nombre de jeunes NEET (Not in Education, Employment, or Training) atteint désormais le chiffre inquiétant de presque 14 millions et le chômage chez les jeunes d’origine immigrée nés dans le pays est normalement de 50 % supérieur à la moyenne européenne. Logiquement les jeunes les plus défavorisés sont ceux qui ont reçu moins d’éducation et qui, par conséquent, vont voter moins et participent rarement aux activités de volontariat ou à des activités culturelles.
De nos jours l’emploi est un volet d’inclusion social crucial mais il n’est pourtant pas le seul. La formation et l’éducation s’avèrent être fondamentales pour que les jeunes s’investissent davantage dans la vie sociétale et obtiennent les compétences nécessaires à améliorer leur condition. A ce propos, les ministres du conseil jeunesse ont décidé de promouvoir à grande échelle certains programmes de soutien économique, tels que Erasmus + et le Fond Social Européen, pour faciliter l’épanouissement des jeunes et pour leur intégration dans la vie active contre la menace de la radicalisation conduisant au terrorisme.
D’après les informations de la Commission, les jeunes sont toujours désireux de participer à la vie citoyenne pourvu que les moyens évoluent en phase avec leurs propensions. Erasmus +, dont le budget est augmenté de 80 % par rapport au programme précèdent, permettrait à quelques quatre millions d’européens de jouir d’un soutien financier pour la mobilité. Plus de jeunes peuvent maintenant entamer un projet individualisé dans le but d’étudier, de se former, d’acquérir une expérience professionnelle ou de travailler comme bénévole à l’étranger. Néanmoins, comme le met en exergue le rapport aussi, cet effort à lui seul ne serait pas suffire et les Etats membres sont appelés à mettre en place un ensemble de dispositifs adéquats visant à intégrer notamment ceux qui disposent de moins de ressources et d’une faible représentation dans les débats politiques. Outre un dialogue poussé avec les jeunes en question, les institutions devraient considérer le problème comme une instance multidimensionnelle, un problème à appréhender par toutes ses facettes.
La potentielle radicalisation des jeunes est un enjeu récent, mais non pas nouveau, auquel l’Union se trouve à faire face. Le 9 septembre 2011, la Commission Européenne a lancé le Réseau de sensibilisation à la radicalisation (RSR) pour mettre à profit les connaissances des praticiens, des chercheurs et des ONG. Un tel dispositif facilite la tâche de l’échange des bonnes pratiques et offre une assistance aux acteurs locaux impliqués dans la prévention de la radicalisation conduisant à l’extrémisme violent. En effet, le RSR a revêtu un rôle de premier plan dans la stratégie européenne révisée en matière de prévention de la radicalisation et le recrutement, une initiative fortement sollicitée pour gérer la problématique complexe des foreign fighters. Les recommandations du Réseau ont notamment porté sur la sensibilisation des administrations locales et l’appui aux familles des jeunes ciblés, ainsi que sur la réintégration des anciens combattants.
Ces constats semblent trouver un écho dans la Déclaration sur la promotion de l’éducation à la citoyenneté et aux valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination des ministres européens de l’éducation, réunis à Paris le 17 mars 2015. Soucieux de garantir le respect de la liberté d’expression au lendemain des attentats de Paris et Copenhague, de protéger le pluralisme et de sauvegarder l’esprit de tolérance européen, ils se sont engagés à intensifier leurs actions dans le domaine de l’éducation en vue d’encourager, entre autres, la coopération entre les acteurs, d’un côté, et les familles et les structures associatives, de l’autre. Les jeunes marginalisés sont plus susceptibles de devenir victimes de la rhétorique guerrière et sanguinaire des recruteurs puisqu’ils sont à la recherche d’un sens à donner à leur exclusion de la société.
La marginalisation, ainsi que l’inégalité, l’exclusion sociale et la difficulté d’accès à un enseignement de qualité, figure parmi les facteurs qui contribuent le plus à la radicalisation et au recrutement des jeunes selon la Commission de la Culture et de l’éducation du Parlement européen. Les suggestions de cette commission, formulées vis-à-vis du projet de rapport sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens terroristes par des organisations terroristes, mieux connu comme Rapport Dati, sont assez critiques. L’Europe resterait en effet incapable de réagir aux défis posé par la radicalisation car elle ne s’attaque pas efficacement aux causes culturelles, économiques, sociales et politiques qui font de certains milieux un terrain idéal pour la propagande djihadiste. Encore une fois l’accent est mis sur la vulnérabilité des sujets isolés et des jeunes sans emploi exposés aux risques du prosélytisme salafiste. La réintégration des jeunes radicalisé est une priorité tandis que internet est pointé du doigt comme un moyen puissant de diffusion du matériel de propagande .
Or certaines études montrent que internet ne représente pas forcément le moyen de contact privilégié avec la doctrine de Daech. Le rapport de RAND Corporation Radicalisation in the digital area, axé sur l’emploi d’internet dans plusieurs cas de terrorisme et extrémisme, présente des résultats intéressants d’un point de vue sociologique. Certes, l’outil internet crée des opportunités pour les gens de devenir radicalisés et amplifie l’« écho » des croyances véhiculées par les extrémistes, mais les données ne confirment pas les hypothèses sur sa capacité d’intensifier le processus de radicalisation ou d’induire les gens à se radicaliser sans aucun contact direct avec les recruteurs.
Ces conclusions semblent donc redéfinir la place de la toile dans le mécanisme de radicalisation où les contacts directs s’avèrent être l’élément déclencheur. En d’autres mots, pour que le sujet commence son parcours d’initiation aux préceptes du djihad une rencontre apparaît nécessaire. D’ailleurs, comme l’explique le politologue Benjamin Ducol « malgré le raffinement extrêmement abouti dans la maîtrise des réseaux sociaux et des contenus médias de la part de l’Etat islamique (EI), il est peu réaliste de croire qu’un individu lambda peut être embrigadé par le biais d’Internet ».
Si les chercheurs recommandent à maintes reprises de donner aux familles et aux institutions chargées de l’éducation les moyens d’aider les sujets à risque, c’est parce que le phénomène de la radicalisation se superpose à d’autres problèmes structurels. Plusieurs psychiatres commencent à traiter la radicalisation conduisant à l’extrémisme violent comme un problème de santé publique pour lequel un travail de prévention et détection des victimes possibles est requis ; souvent la parution de comportements déviants précède la radicalisation. La religion joue un rôle clé, tout de même une attention excessive et obstinée pourrait s’avérer contreproductive. Dans de nombreux de pays les citoyens musulmans sont la cible d’attentats et ailleurs ils s’investissent considérablement dans la lutte contre une violence susceptible d’entraîner dans la spirale leurs enfants aussi.
« Certains adolescents perçoivent le terrorisme comme un remède aux problèmes qu’il gardent secrets », a confié au Monde le psychiatre Kamaldeep Bhui suite à l’analyse d’une population vivant dans l’est de Londres et à Bradford. Il a ainsi exhorté les dirigeants politiques à s’occuper de tous les jeunes vulnérables et à fournir les moyens aux services de prévention. Serge Hefez, psychiatre et collaborateur du Centre de prévention contre les dérives sectaires, a, quant à lui, remarqué une similitude substantielle entre ses jeunes patients et les adolescents déprimés ayant entrepris un parcours de radicalisation. Il se peut que les apprentis djihadistes rêvent du martyre comme un moyen de donner un sens à leur existence à cause des incitations de recruteurs professionnels. Cet aspect complexifie le cadre car la radicalisation peut s’apparenter à une revendication identitaire séduisante pour les jeunes adolescents à la recherche d’une réponse à caractère ontologique/eschatologique à leurs questions existentielles.
Nous assistons peut-être à la fameuse « islamisation de la radicalité » dont parle le politologue Olivier Roy. « Rejoindre Daech c’est la certitude de terroriser », la seule chose qui intéresse les extrémistes de familles musulmanes intégrées étant une espèce de violence narcissique. Un constat appuyé par plusieurs spécialistes en la matière mais peut-être quelque peu prématuré pour comprendre un phénomène à l’origine toute récente. Quoi qu’il en soit, les jeunes d’aujourd’hui ont parfois du mal à trouver leur place dans l’univers et les dérives sectaires ont l’avantage de fournir une réponse facile à toute question. Les institutions européennes semblent avoir compris la portée de la « guerre » en place mais les « batailles » ont lieu au niveau local et la victoire passe nécessairement par un fort soutien stratégique.
Samuele Masucci
Pour en savoir Plus :
-. Projet de rapport conjoint 2015 du Conseil et de la Commission sur la mise en oeuvre du Cadre renouvelé pour la coopération européenne dans le domaine de la jeunesse (2010-2018) (FR) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52015DC0429&from=EN
(EN) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:52015DC0429&from=EN
-. Page internet de la Commission Européenne sur les possibilités offertes dans le cadre de Erasmus + http://ec.europa.eu/youth/programme/index_fr.htm
-. Déclaration sur la promotion de l’éducation à la citoyenneté et aux valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination http://cache.media.education.gouv.fr/file/03_-_mars/66/9/2015_mobilisation_declaration_FR_401669.pdf
-. Avis de la Commission de la culture et de l’éducation sur le projet de rapport sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens terroristes par des organisations terroristes
(FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=COMPARL&reference=PE-557.258&format=PDF&language=FR&secondRef=02(EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fNONSGML%2bCOMPARL%2bPE-557.258%2b02%2bDOC%2bPDF%2bV0%2f%2fEN
-. RAND Corporation Report : Radicalisation in the digital aera
(EN) tp://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/research_reports/RR400/RR453/RAND_RR453.pdf
-. Sur l’Islamisation de la radicalité http://www.franceculture.fr/emission-le-journal-des-idees-l-islamisation-de-la-radicalite-2015-11-25
-. Article de Euronews sur les jeunes et la radicalisation http://fr.euronews.com/2015/10/19/prevenir-la-radicalisation-des-jeunes-europeens/
-. Article du Monde sur internet et les trajectoires de radicalisation http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/12/01/internet-est-loin-d-avoir-le-role-qu-on-lui-attribue-dans-les-trajectoires-de-radicalisation-violente_4821634_4408996.html
C’était il y a 50 ans. En 1965, une première Convention internationale était conclue dans l’enceinte des Nations Unies. Elle traduisait les grands principes issus de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Les États s’y engageaient à mettre en œuvre par tous les moyens et sans tarder une politique visant à lutter contre le racisme et la discrimination raciale. C’est une promesse forte qui est prise par la communauté des nations, vingt ans après le génocide de la seconde guerre mondiale, en pleine période de décolonisation et en plein apartheid. On espérerait qu’elle ait vieilli un peu, qu’elle ne soit plus d’actualité… Et pourtant. Cependant c’est désormais de lutte contre les discriminations sous toutes ses formes dont il faudrait parler, tant le racisme se fait insidieux, multiforme et se déguise pour se manifester.
Où en est-on aujourd’hui? À Genève, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, qui veille à l’application de la Convention, a publié des rapports régulièrement…
Depuis 1965, les choses ont évolué mais pas tant qu’espéré. L’étranger n’est plus tant celui venu d’ailleurs mais plutôt le « culturellement différent ». Le plus paradoxal est que, dans un même mouvement où nous réduisons le groupe minoritaire à son origine, sa culture ou ses croyances, nous entravons aussi ses aspirations à témoigner de manière visible de cette culture et de ces croyances. Nombreux sont ceux dans nos pays européens qui cultivent encore l’idée qu’une société devrait être culturellement homogène. Or, comme l’écrit très justement Edwy Plenel dans son ouvrage « Pour les musulmans », l’obligation d’assimilation est souvent un euphémisme signifiant en réalité une obligation de disparaître. Si l’on demandait à chaque minorité de s’assimiler, cela équivaudrait à lui demander rien moins que de ne plus exister, de ne plus s’estimer, de ne plus se nommer, de ne plus s’exprimer et par là de ne plus prendre ses responsabilités. Nos droits et libertés constitutionnelles – dont nous sommes fiers – sont ceux de chaque habitant de ce pays : personne ne doit les « mériter ». Selon Edwy Plenel, nous ne sommes toujours pas prêts à embrasser l’universel et l’individuel, la solidarité et la diversité, l’unité et la multiplicité. En France l’approche des élections pour la présidence de la République a fait resurgir le débat entre intégration et assimilation, parfois au sein du même parti, comme par exemple le parti des Républicains.
Le cadre législatif interdisant la discrimination existe, mais il nous manque une évaluation sérieuse de ces dispositions ainsi que les mesures et les contrôles de bonne application. Témoin involontaire de cette situation, l’Union européenne n’a toujours pas adopté sa directive horizontale contre les discriminations qui date de 2008. Un chantier à l’arrêt, nous le verrons en examinant sa communication de janvier 2014.
Une disproportion dans la participation à l’emploi, à l’enseignement, au logement, …, n’est pas seulement le signe d’une discrimination. C’est aussi le symptôme d’une société dans laquelle les « vieilles opinions », les « vieux schémas » entravent encore tout changement et toute participation égale et inclusive.
Quelle que soit l’approche choisie, il faut en mesurer les résultats. S’il faut s’attaquer aux discriminations structurelles, qui sont le résultat d’un rapport de forces dans la société et d’un mode d’organisation reproduisant les inégalités, il faut aussi faire un travail sur soi-même. Nous partageons tous, sans exception, des stéréotypes, dont il faut prendre conscience pour qu’ils ne basculent pas vers des préjugés négatifs, puis de proche en proche vers des discours de haine, puis des actes de haine et de la discrimination pure et dure.
Nous attendons de nos dirigeants des actes mais aussi des mots. Leurs prises de position, toujours trop rares, doivent refléter leur engagement pour les libertés et les droits constitutionnels qui sont ceux de chaque habitant, tous égaux en droits et en dignité. Nous attendons aussi qu’ils dénoncent les propos en contradiction avec ce socle de droits fondamentaux. Et ceci avant de pouvoir parler d’un « socle de valeurs », qui reste lui à construire, ensemble, de manière inclusive. Ils doivent pour cela s’engager pleinement dans le débat sur la direction que notre société doit prendre, y impliquer et responsabiliser chacun sans exclusion. Le débat sur l’Etat de droit dans lequel le Parlement européen semble vouloir s’engager en est un signe tangible. Comment va évoluer le problème polonais ?Le résultat sera hautement ignificatif.
Comment la Convention est-elle mise en œuvre
Les principes d’égalité et de non-discrimination font partie intégrante du droit international moderne, y compris de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Charte des Nations Unies et aussi bien évidemment de la Charte européenne des droits fondamentaux. Ces principes sont repris tout au long des deux principaux Pactes internationaux sur les droits de l’homme – celui relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et celui relatif aux droits civils et politiques – ainsi que des dizaines de conventions, traités, déclarations et autres instruments juridiques internationaux majeurs.
La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale est l’instrument le plus complet en matière de lutte contre la discrimination raciale. Elle fut adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 21 décembre 1965 et entra en vigueur le 4 janvier 1969. En août 2008, 173 Etats avaient ratifié la Convention.
La Convention énumère les mesures que les Etats doivent prendre pour éliminer la discrimination raciale que l’Article premier définit comme : « toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique ».
La mise en application de la Convention est contrôlée par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD). Le Comité est composé de 18 experts indépendants, élus en leur capacité personnelle par les Etats parties à la Convention pour une durée de quatre ans avec un souci de répartition géographique équilibrée.
Le CERD est chargé de contrôler les progrès réalisés par les Etats pour se conformer aux obligations juridiques définies par la Convention et, pour ce faire, examine les rapports que les pays se doivent de soumettre tous les deux ans. L’examen se fait en présence d’une délégation du pays qui répond aux nombreuses questions des experts. Pour évaluer la mise en pratique de la Convention au niveau national, le Comité prend aussi en compte les informations fournies par d’autres sources, y compris les ONG nationales et internationales.
Après l’audition des délégations gouvernementales le Comité adopte ses remarques finales qui reflètent les points de discussion les plus importants et indiquent les préoccupations du Comité et les questions qui requièrent un suivi de la part de l’Etat concerné. Les observations finales, qui sont rendues publiques, indiquent les aspects positifs ainsi que les sujets de préoccupation et fait des suggestions et des recommandations concrètes en vue d’une action future. Ces remarques sont ensuite transmises au gouvernement de l’état dont le rapport a été examiné et sont aussi remises à l’Assemblée générale.En plus du CERD et des sept autres comités chargés de surveiller la situation en matière de droits humains, il existe d’autres mécanismes de surveillance des Nations Unies y compris le Conseil des droits de l’homme et les procédures spéciales.(cf. Pour en savoir plus).L’expression procédures spéciales désigne les rapporteurs spéciaux, experts indépendants et groupes de travail mis en place par la Commission des droits de l’homme et endossés par son successeur, le Conseil des droits de l’homme, pour répondre à la situation propre d’un pays ou à des questions thématiques au niveau mondial.
Plusieurs des 30 mandats thématiques se concentrent sur des questions liées au racisme, en particulier le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, qui entreprend des missions fréquentes pour obtenir des informations sur la situation propre à un pays et rencontrer un éventail d’interlocuteurs dont les autorités gouvernementales et la société civile. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) soutien le travail des titulaires de mandats au titre des procédures spéciales. Ils communiquent leurs conclusions et recommandations au Conseil des droits de l’homme et beaucoup d’entre eux présentent également leurs rapports à l’Assemblée générale.
Le système des Nations unies et les autres instruments onusiens spécifiquement conçus pour protéger de la discrimination sont :
-. la Convention sur l’égalité de la rémunération (1951) et la Convention concernant la • discrimination (emploi et profession) (1958), qui furent toutes deux adoptées par la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail (OIT);
-. la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de • l’enseignement (1960) et la Déclaration sur la race et les préjugés raciaux (1978) qui furent adoptées par la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ;
-. la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de • discrimination fondées sur la religion ou la conviction proclamée par l’Assemblée générale en 1981.
Les efforts pour lutter contre la discrimination se sont renforcés ces dernières années. En septembre 2007, l’Assemblée générale a adopté la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, et en mai 2008 la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son protocole optionnel entrèrent en vigueur. Un nouvel organe de traité sera bientôt mis en place pour surveiller la manière dont les Etats partie se conforment à cette Convention.
Enfin, la Conférence de révision de Durban a donné en 2009 un nouvel élan à la mise en application de la Déclaration et programme d’action de Durban adoptée en 2001 à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.
A propos du HCDH
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), une composante du Secrétariat des Nations Unies, a reçu un mandat unique pour promouvoir et protéger tous les droits de l’homme. Avec son siège à Genève, le Haut-Commissariat est également présent dans quelque 40 pays. Avec à sa tête le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, une fonction établie par l’Assemblée générale en 1993 pour être le fer de lance des efforts des Nations Unies en matière des droits de l’homme, le HCDH entreprend des actions basées sur le mandat unique qui lui a été donné par la communauté internationale de protéger et de défendre la législation internationale des droits de l’homme. Pour plus d’information, veuillez consulter le site: www.ohchr.org.(cf. Pour en savoir plus)
Et l’Union européenne ?
Elle travaille à la protection de tous ses citoyens contre toute discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique (Directive2000/43/CE), la religion, les croyance ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle et le sexe.(Directive 2000/78/CE)Elle assure la protection des citoyens dans certains aspects essentiels de leur vie :l’emploi et le formation professionnelle (l’une et l’autre directive) ; l’éducation, la sécurité sociale et les soins de santé ainsi que l’accès aux biens et services, y compris en matière de logement, d’énergie et leur fourniture(Directive 2000/43/CE) ;interdisent diverses formes de discrimination : discrimination directe et indirecte, harcèlement, injonction de discrimination et rétorsions. Enfin les directives obligent les Etats membres à prévoir des sanctions et des voies de recors effectives.
L’UE lutte contre la discrimination
La Commission européenne prend des mesures visant à:
droits et obligations, mais aussi aux avantages de la diversité;
En plus des deux directives (directive sur l’égalité raciale et directive-cadre sur l’emploi), la Commission a adopté en juillet 2008 une communication qui présente une démarche globale visant à renforcer la lutte contre la discrimination et à promouvoir l’égalité des chances, ainsi qu’une décision instituant un groupe d’experts gouvernementaux sur la non-discrimination ainsi qu’une proposition de Directive
La Commission européenne défend également l’égalité de traitement des Roms, la minorité ethnique la plus importante d’Europe. Vous trouverez dans « Pour en savoir Plus les dernières évolutions relatives à la politique en faveur des Roms.
Quels sont les résultats ?
Ils transparaissent difficilement dans le rapport de la Commission du 17 janvier 2014 sur l’application des deux directives, malgré tout le soin apporté à sa rédaction. La difficulté nait de la nature même de l’objectif poursuivi fait remarquer la Commission
Un premier constat, les deux directives ont été transposée en droit interne mais l’examen des situations nationales révèle que leur mise en œuvre et leur application sont encore source de difficultés Les deux directives soulignent l’importance de la diffusion de l’information de façon à ce que les personnes concernées sachent quels sont leurs droits en matière d’égalité de traitement. Tous les européens et pas seulement les populations minoritaire ont généralement une mauvaise connaissance de leurs droits : par exemple que la discrimination dans l’emploi est interdite dès le stade de la demande de l’emploi.
Autre constat : pénurie de données sur l’égalité de traitement, car les directives n’obligent pas à recueillir les données. La rareté des données ethniques dans la plupart des Etats membres est un obstacle pour le suivi de l’application de la législation. Rareté des signalements : 82% des personnes ayant subi une discrimination n’ont pas signalé leur cas : l’accès aux mécanismes de plaintes et à l’accès à la justice n’ont pas été améliorés. Les juridictions nationales ont tendance semblent avoir tendance à appliquer le barème des sanctions légales le moins strict et à avoir la main légère en ce qui concerne le montant des compensations. La jurisprudence en matière de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, le handicap et la race ou l’origine ethnique est moins développée étant donné le nombre plus restreint d’affaires portées devant la Cour européenne de Justice. La Cour n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la discrimination fondée sur la religion ou les convictions.
La situation dans les Etats membres est fort variable. Dans certains Etats les directives ont donné lieu à une importante jurisprudence et des affaires sont régulièrement envoyées à CJUE.D’autres Etas signalent un petit nombre d’affaires.
La notion de discrimination indirecte est désormais consacrée par le droit, »mais sa mise en œuvre reste une gageure, écrit la Commission européenne.
Les directives ne contiennent aucune disposition spécifique concernant les discriminations multiples même si elles font référence au fait que les femmes que les femmes sont souvent victimes de discriminations multiples et les directives permettent d’aborder une combinaison de plusieurs motifs. Des problèmes pourraient découler du fait que les directives offrent des niveaux de protection différent. La Commission s’est efforcé de réduire l’écart avec sa proposition de 2008 en vue d’une nouvelle directive.
Un aspect très important est à signaler : l’interdiction de la discrimination bénéficie à tous dans l’Union et pas seulement aux citoyens de l’UE. Les ressortissants de pays tiers y compris les apatrides sont souvent exposés aux discriminations en raison de leur situation.
Pourtant reconnait la Commission européenne certains problèmes ne résultent pas directement de la législation, mais de la manière dont elle est appliquée sur le terrain et donc la législation doit être également combinée à des interventions et mesures financières adaptées et c’est pour quoi plusieurs Etats membres décrivent leurs politiques d’intégration à l’égard des migrants et des ressortissants de pays tiers comme des actions de prévention contre la discrimination.
Aspects propres à la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique
Remarquons d’abord que la directive ne définit pas les notions de race et d’origine ethnique, il appartient aux Etats membres de décider si ces notions seront définies par le droit national sur ce plan certaines législations nationales sont muettes. Ce sont là des sources de confusion, désordre ne pouvant donner que des résultats médiocres, tant le vécu historique, les traditions, la sensibilité différent fortement entre les Etats membres. A cet égard deux aspects prennent une place particulièrement importante : le rôle des organismes de promotion de l’égalité et la protection des Roms. La directive impose de désigner les organismes chargés d’aider les victimes, or le fait est qu’il existe des différences importantes, trop importantes entre les Etats membres : rôle de conseil, rôle de promotion pour d’autres compétences quasi juridictionnelles
Quant aux Roms c’est un groupe qui est incontestablement particulièrement important sur le plan quantitatif et aussi très exposé. De longue date la Commission s’est attachée à combattre la source des problèmes, notamment lorsqu’il s’agissait de mesures nationales, mais la Commission a dû admettre que la législation à elle seul n’apporte pas de solution suffisante à l’exclusion sociale et aux préjugés. Un élément clé de l’offensive a été l’adoption d’un cadre pour les stratégies nationales d’intégration des Roms allant jusqu’en 2020. La Commission a ensuite procédé au suivi annuel des stratégies nationales élaborées par les Etats membres, en retenant les quatre domaines prioritaires: éducation, emploi, soins de santé et logement. Parallèlement elle a continué à étoffer la protection juridique des Roms dans le cadre de recommandations adoptées par le Conseil en insistant sur la garantie d’une mise en pratique effective sur le terrain. Les Etats membres étant par ailleurs invités à s’assurer que leurs règlementations nationales, régionales, locales ne sont pas discriminatoires et n’entraînent pas de la ségrégation. Le dossier Rom est emblématique, faut-il le souligner ! Aussi longtemps qu’il ne sera pas réglé, aussi longtemps la crédibilité de l’Union européenne restera entachée.
Aspects propre en matière d’emploi : l’âge, l’emploi, l’orientation sexuelle
A l’époque où la directive a été adoptée, la discrimination liée à l’âge était inconnue dans de nombreux Etats membres. La discrimination à l’égard des travailleurs les plus âgés revêt in intérêt croissant compte tenu de l’évolution démographique à l’origine de la plupart des législations récentes relatives à l’âge : suppression ou prorogation de l’obligatoire de départ à la retraite, mesures dissuasives de départ anticipé, autres mesures visant à maintenir les travailleurs les plus âgés sur le marché dub travail. Les dérogations laissent aux Etats membres une marge de manœuvre considérable et donc a donné lieu à un grand nombre de décisions importantes rendues par la Cour de Justice de l’Union et les juridictions nationales qui ont permis de clarifier les critères d’admissibilité d’un traitement différencié.
Quant au handicap, la Cour de Justice a rendu un certain nombre d’arrêts marquants, elle a défini la notion de handicap et jugée que la maladie ne relevait pas en soi de cette définition mais elle a néanmoins précisé que la notion de handicap pouvait dans certaines circonstances inclure un état pathologique causé par une maladie incurable ou une maladie curable de longue durée. La Cour de Justice a également intégré à son interprétation la notion de handicap telle qu’elle figure dans la convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées.
L’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle était nouvelle pour presque tous les Etats membres à l’époque de la transposition et la Commission a dû engager des procédures d’infraction à l’encontre de plusieurs Etats membres. Toutes ces affaires sont maintenant clôturées et tous les Etas membres assurent la protection requise. Des difficultés subsistent et une vigilance constante doit demeurer ;
La directive interdit la discrimination fondée sur la religion ou les convictions dans le domaine de l’emploi. Toutefois une dérogation est prévue pour les églises et autres organisation dont l’éthique est fondée sur la religion ou les convictions et en position d’employeurs. Ces organisations sont autorisées sous certaines conditions à imposer à imposer des exigences spécifiques. Ces « exigences professionnelles » fondées sur la religion doivent être essentielles légitimes et justifiées au regard de l’éthique de l’organisation et ne doivent pas reposer sur d’autres critères. La dérogation doit être interprétée de façon restrictive. Les procédures d’infraction engagées sont actuellement clôturées ;
Conclusions et perspectives
Les Etats membres ont pris les mesures nécessaires pour assurer la transposition dans leur ordre juridique interne ; ils ont mis en place les procédures et organismes requis. Mais l’essentiel n’est peut être pas là : le principal défi est de sensibiliser davantage le public aux discriminations. La législation ne peut à elle seule suffire à assurer une pleine égalité qui doit aller de pair avec une grande variété d’interventions. Des activités de formation et de sensibilisation existent mais elles doivent être amplifiées et diversifiées. Sur ce plan l’Union européenne se comporte trop souvent comme un déserteur sans toujours bien mesurer l’ampleur des dégâts occasionnés : les discriminations déchirent le tissu social, rendent difficile la cohabitation entre les différentes composantes de la société. Il ne se passe pas de jour sans que les médias, face aux crises multiples, diverses, aiguës, ne dissertent sur le « mieux vivre ensemble ». Combattre les discriminations est au cœur de cette recherche du mieux vivre ensemble. Cela va faire huit ans que la proposition de directive de la Commission est sur la table du Conseil…
Pour en savoir Plus :
-. Texte de la Convention internationale http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CERD.aspx
-. Les Nations Unies et la lutte contre le racisme et les discriminations http://www.un.org/fr/rights/overview/themes/racism.shtml
-. Tout savoir sur le Conseil des droits de l’Homme (FR) http://www.ohchr.org/FR/HRBodies/HRC/Pages/HRCIndex.aspx (EN) http://www.ohchr.org/EN/Pages/Home.aspx
-. Index des documents de la Commission européenne consacrés aux discriminations http://ec.europa.eu/justice/discrimination/document/index_en.htm
-. Lutte contre la discrimination : liens utiles http://ec.europa.eu/justice/discrimination/link/index_fr.htm
-. Portail de la Commission européenne consacré à la lutte contre la discrimination http://ec.europa.eu/justice/discrimination/index_fr.htm
-. Rapport de la Commission sur la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement
entre les personnes (17.1 2014 )Com(2014) 2 final(FR) http://ec.europa.eu/justice/discrimination/files/com_2014_2_fr.pdf (EN) http://ec.europa.eu/justice/discrimination/files/com_2014_2_en.pdf
-. Communication de la Commission(FR) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=URISERV:dh0001 (EN) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/ALL/?uri=URISERV:dh0001
-.Proposition de Directive (FR) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:em0008 (EN) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=uriserv:em0008
-. Les organismes de promotion de l’égalité
Ils peuvent contribuer de manière essentielle à la promotion de l’égalité et rendre plus efficace la mise en œuvre et l’application des directives. Renforcer leur efficacité pourrait rendre plus rapide et moins coûteuse que le recours juridictionnel. Ces organismes font l’objet de consultations régulières outre les organismes nationaux de promotion de légalité, citons :
-le Réseau européen de l’égalité EQUINET ;
-l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
-les partenaires sociaux : le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général (CEEP) ;la Confédération européenne des syndicats (CES) ;ERUROCADRES e- et l’Union européenne de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises (UAPME) ;
-le Lobby européen des femmes ;
-la Plate-forme des ONG européennes du secteur social (la Plate forme sociale) ;
-le Réseau européen en matière de Religion et de Croyances ( (ENORB) ;
-le Réseau européen contre le Racisme (ENAR) ;
-Ilga-Europe ;
– AGE Plateforme-Europe ;
-le Forum européen des personnes handicapées (FEPH) ;
-Open Society ;
-Amnesty International ;
-le Centre européen es droits des Roms ;
-plate forme Pour la coopération internationale sur les sans-papiers (PICUM);
-Forum européen des femmes musulmanes ;
-Réseau européen des experts juridiques en matière de législation ant-discriminatoire.